RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 2 SEPTEMBRE 2022
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/04818 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5NIB
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 16/01621EV
APPELANT
Monsieur [S] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Cédric POISVERT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0909 substitué par Me Stéphanie HAYAT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Pascal PEDRON, Président de chambre
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 1 juillet 2022 et prorogé au 2 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par M. [S] [Y] d'un jugement rendu le 13 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige l'opposant à la CPAM de l'Essonne (la caisse)
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits de la cause ayant été correctement rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que suite à un contrôle de l'activité de M. [Y], médecin généraliste, la caisse lui a adressé une notification de griefs puis lui a notifié au titre de l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale un indu d'un montant de 111 888 euros correspondant à des actes facturés (mandatement en 2014) ayant fait l'objet du modificateur M en méconnaissance des règles de facturation ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable, M. [Y] a le 17 novembre 2016 porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry, lequel par jugement du 13 mars 2018 a déclaré son recours recevable mais mal fondé, l'a débouté de ses demandes et condamné à payer à la caisse la somme de 111 888 euros au motif essentiel que les actes dont il a été demandé majoration par le médecin n'ont pas été réalisés en son cabinet, mais au sein d'une structure de soins, dans un lien de dépendance avec la clinique, alors qu'il s'agit non pas de la compensation de consultations ou d'actes d'urgence pour la patientèle du médecin, mais d'une activité régulière et dédiée à cette activité urgentiste.
M. [Y] a interjeté appel de ce jugement le 04 avril 2018.
Par les conclusions écrites déposées à l'audience par son avocat qui les a oralement développées, M. [Y] demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :
-le déclarer recevable,
-constater que l'activité de soins d'urgence réalisée par les Drs [B] et [Y] répond aux critères permettant l'application du modificateur « M »,
En conséquence,
annuler la décision de la commission de recours amiable du 02 septembre 2016,
-déclarer que la créance invoquée par la caisse n'est pas fondée et donc pas due,
-débouter la caisse de ses demandes et condamner celle-ci à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.
M. [Y] fait valoir pour l'essentiel que :
-les Drs [B] et [Y], médecins généralistes installés à titre libéral, dans des locaux mis à leur disposition par l'intermédiaire d'un contrat d'exercice libéral par la Clinique de l'[Localité 7], assurent en toute indépendance la prise en charge des patients en situation d'urgence.
-ils sont en droit de faire application du code modificateur « M » dans le cadre de leur activité d'urgence à caractère libéral exercée en toute indépendance, laquelle activité d'urgence n'est pas soumise à autorisation et dont l'organisation est décidée par eux.
-l'application du modificateur avait été réalisée sur la base d'une position du médecin conseil de la CPAM de 2005 réitérée en 2011.
-leur activité permet un désengorgement des services d'urgences, notamment de [Localité 6] et de [Localité 5], puisqu'ils prennent en charge environ 22 000 patients par an de façon continue.
-le fait que des moyens matériels leur soient fournis par l'intermédiaire d'une clinique, qui n'intervient pas dans l'organisation de l'activité, n'est pas de nature à exclure en l'espèce la constatation de leur exercice au sein d'un cabinet libéral et indépendant, pour des actes réalisés sous leur responsabilité et facturés directement par eux, la clinique n'étant que fournisseur de moyens.
-la prise en charge de patients en urgence entraîne un temps de consultation et de réalisation d'actes de soins plus long que pour des patients hors contexte d'urgence.
-il ne peut être valablement considéré qu'il existe un service d'urgence organisé par la Clinique de l'[Localité 7], laquelle n'est pas titulaire des autorisations administratives nécessaires délivrées par l'ARS pour disposer d'un service d'urgence ; l'existence, l'organisation et le fonctionnement de la prise en charge des urgences relèvent de leur seule responsabilité, assurant exclusivement, sans intervention de la clinique, la permanence des soins grâce à un planning établi uniquement entre ces deux professionnels
-ils n'interviennent pas dans le cadre de la permanence médicale du centre SOS mains de la Clinique.
-la Clinique ne perçoit aucune rémunération pour leur activité, les moyens matériels nécessités par celle-ci leur étant facturés par la Clinique.
Par les conclusions écrites déposées à l'audience par son avocat qui les a oralement développées, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement déféré, et de condamner à titre reconventionnel M. [Y] à lui payer la somme de 111 888 euros, faisant valoir en substance que :
-le contrôle a révélé une cotation de la majoration « M » pour 98% des actes techniques médicaux et 70 % des actes de chirurgie.
-la cotation « M » est réservée aux soins d'urgence réalisés au cabinet de ville par le médecin généraliste ou le pédiatre, alors que le Dr [Y] dispose d'un cabinet au rez de chaussée de la Clinique et reçoit les patients en consultations externes dans le cadre d'une permanence d'accueil d'urgence ouverte 24h/24 et 7 J/7.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 13 mai 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE, LA COUR
Selon l'article III, 2, du Livre III de la classification commune des actes médicaux, le modificateur M s'applique à la majoration pour soins d'urgence faits au cabinet du médecin généraliste ou du pédiatre, après examen en urgence du patient,
En l'espèce, le contrôle médical a permis d'établir une cotation de la majoration « M» pratiquée par M. [Y] pour 98% des actes techniques médicaux et 70 % des actes de chirurgie. Le Dr [P], médecin-conseil , a relevé (pièce n°8b de l'appelant) que « le service d'urgence est bien organisé par la clinique : publicité internet sur le site de la clinique, petit matériel acheté par la pharmacie de la clinique, entrée non séparée pour la clinique et le service d'urgence, ordonnance au nom de la clinique de l'[Localité 7] ».
Dans son courrier du 20 juillet 2015 (sa pièce n°12b) , M. [Y] ne contestait pas les constatations de Dr [P] relatives aux mentions portées sur le site internet de la Clinique en matière d' « urgences », à l'utilisation du matériel de la clinique nécessaire pour les actes de traumatologie et de petite chirurgie, de signalétique des locaux, et d'utilisation d'ordonnances à l'entête de la clinique, M. [Y] ayant d'ailleurs établi son précédent et premier courrier de réponse à la caisse (sa pièce n°4b) sur papier à entête de la Clinique.
Le contrat professionnel de médecin conclu par M. [Y] avec la Clinique de l'[Localité 7] (pièce n°1b de l'appelant) prévoit notamment :
- « un aménagement de l'exercice de la profession libérale du Dr [Y] et de l'activité de soins de la clinique » dans le cadre de la réorganisation du « service de réception des patients sans rendez vous se présentant à la Clinique » conduisant à « la création d '« un cabinet de Médecins dits « Urgentistes » »,
-le Dr [Y] « chargé de la réception et éventuellement du traitement des patients se présentant en urgence à la Clinique » bénéficiant « conjointement avec les Docteurs conjoints (') du droit d'exercice préférentiel de la Médecine d'urgence », et devant « assurer les consultations, gardes permanence, de telle façon que le fonctionnement normal de la Clinique puisse être assuré (') et que la continuité des soins aux malades soit assurée en permanence »,
-le Dr [Y] « s'engage ici à ne recevoir que des patients arrivant sans rendez-vous à la Clinique » et « s'oblige ici à ne pas créer une clientèle personnelle dans le cadre de son exercice à la Clinique ».
-la Clinique met à disposition du Dr [Y] un bureau de consultation dont elle assure l'entretien complet.
M. [Y] se prévalait notamment à l'occasion de la saisine de la commission de recours amiable du fait que son cabinet assurait une permanence médicale 24 heures/24 , 365 jours par an représentant « 22 000 passages par an »
Il résulte ainsi des conditions de création du cabinet de médecins urgentistes destiné à recevoir les patients sans rendez vous se présentant à la Clinique dans le cadre de l'activité de soins de cette dernière et de façon que le fonctionnement normal de celle-ci puisse être assuré, retranscrites au contrat conclu entre M. [Y] et la Clinique, puis des conditions de fonctionnement de ce cabinet, dans le cadre duquel d'une part la publicité internet était réalisée sur le site de la clinique, d'autre part M. [Y] prescrivait sur ordonnance à l'entête de la Clinique que M. [Y] exerçait son activité dans le cadre de la Clinique, établissement de soins, qu'il participait à un service organisé en collaboration avec celle-ci.
M. [Y] intégré dans un service organisé par la structure de soins, exerçait donc son activité lors des dispensation puis facturation des soins litigieux au sein d'un établissement de santé, et non d'un cabinet au sens des dispositions susvisées, de sorte que ceux-ci ne pouvaient faire l'objet du modificateur M ;
Il importe peu en la matière que :
-la clinique ait été ou non autorisée à exercer une activité de soins d'urgence dans le cadre d'une structure spécialement dédiée à cette activité et bénéficie ou non d'un financement à ce titre ;
-M. [Y] versait à la clinique une redevance forfaitaire pour la mise à disposition des locaux, de leur mobilier, et du matériel utilisé.
-M. [Y] avance que l'application du modificateur avait été réalisée sur la base d'une position du médecin conseil de la CPAM de 2005 réitérée en 2011, dès lors d'une part qu'il n'en justifie pas par ses productions , d'autre part que la présente procédure concerne les soins objet du contrôle, mandatés en 2014, dans le cadre de modalités de réalisation et de volume qui pouvaient différer.
-son activité activité permettait un « désengorgement » des services d'urgences alentours ;
-il ait pu ne pas intervenir dans le cadre de la permanence médicale distincte et spécifique du centre SOS mains de la Clinique.
Par ailleurs, M. [Y] ne critique pas par ses conclusions le montant de l'indu réclamé, établi par les pièces n° III et IV de la caisse.
Le jugement ayant débouté M. [Y] de ses demandes et l'ayant condamné à payer à la caisse la somme de 111 888 euros sera donc confirmé.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DECLARE M. [Y] recevable en son appel ;
CONFIRME le jugement déféré ;
DEBOUTE M. [Y] de sa demande en frais irrépétibles ;
CONDAMNE M. [Y] aux dépens d'appel.
La greffièreLe président