RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 2 SEPTEMBRE 2022
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/13994 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4PK7
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Septembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 16/01675
APPELANTE
CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [T] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, non assisté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 25 mars 2022, prorogé au 13 mai 2022 puis au 3 juin 2022, au 17 juin 2022 et enfin au 2 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine Saint Denis (la caisse) d'un jugement rendu le 28 septembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à Monsieur [T] [Z].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [Z], technicien avion, a été victime le 4 juillet 2012 d'un accident qui a été pris en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle, ayant ressenti une douleur à l'épaule droite après avoir manipulé des bagages. Le certificat médical initial du 5 juillet 2012 constatait une "scapulalgie droite secondaire à effort avec douleur trapèze droit à la palpation et abduction".
La caisse a notifié à M. [Z] la consolidation de son état de santé à la date du 3 septembre 2015. L'expertise technique réalisée par le docteur [H] a confirmé cette date de consolidation.Après vaine saisine de la commission de recours amiable, M. [Z] a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny le 6 août 2016.
Par jugement du 28 septembre 2017 le tribunal a :
- déclaré recevable l'action de M. [Z],
- ordonné avant dire droit une expertise confiée au docteur [K],
- condamné la caisse à verser une provision de 600 euros à l'expert dans les 15 jours au plus tard de la notification du jugement.
Ce jugement a été notifié à la caisse le 19 octobre 2017, qui en a interjeté appel le 20 novembre 2017.
Le docteur [K] a été remplacé ensuite par le docteur [R], mais l'expertise n'a pas été effectuée, et par jugement en date du 18 septembre 2018 le tribunal a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour de céans, et ordonné le retrait du rôle de l'affaire.
La cour, par arrêt du 22 octobre 2021, a ordonné la réouverture des débats, constatant que si M. [Z] avait bien reçu la citation délivrée par la caisse, celle-ci comportait une erreur sur l'heure de l'audience qui avait amené l'assuré à se présenter l'après-midi alors que l'audience avait eu lieu le matin.
A l'audience du 4 février 2022 les deux parties ont comparu.
Par conclusions écrites visées à l'audience et déposées par son avocat, la caisse reprend oralement ses prétentions et demande à la cour :
- de déclarer recevable son appel, soutenant que celui-ci est recevable, le jugement entrepris ordonnant une expertise de droit commun à l'occasion d'une contestation pouvant donner lieu à une expertise technique et touchant donc au fond du litige;
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné une expertise judiciaire alors qu'il ne pouvait ordonner qu'une expertise technique, que les honoraires de l'expert technique sont déterminés par une cotation et qu'elle ne pouvait pas être condamnée à verser à l'expert une provision, qui plus est directement en violation de l'article 269 du code de procédure civile, que le docteur [R] ne pouvait pas être désigné en ce qu'il ne figure pas sur la liste F-09 correspondant aux experts en matière de sécurité sociale,
- de statuer à nouveau et,
à titre principal de débouter M. [Z] de toutes ses demandes,
à titre subsidiaire d'ordonner une expertise technique.
M. [Z] a comparu en personne et fait viser des conclusions écrites qu'il a oralement développées. Il demande à la cour d'ordonner une nouvelle expertise et produit des pièces en ce sens.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel
La décision d'un tribunal qui ordonne une expertise de droit commun sur une contestation d'ordre médical susceptible de donner lieu à une expertise technique touche au fond du litige, elle est par conséquent susceptible d'appel immédiat.
L'appel interjeté par la caisse est recevable.
Sur le fond
En application de l'article R.142-24-1 du code de la sécurité sociale applicable à l'époque des faits, devenu l'article R.142-17-1 du même code, lorsque le différend porte sur une décision prise après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale prévue à l'article L.141-1, le tribunal peut ordonner une nouvelle expertise si une partie en fait la demande, et les règles prévues aux articles R.141-1 à R.141-10 s'appliquent. Il est de jurisprudence constante que cette expertise est technique et non pas judiciaire.
En application de l'article R.141-7 du même code, les honoraires dus au médecin expert à l'occasion des examens prévus à l'article R.141-1 ainsi que ses frais de déplacement sont réglés d'après le tarif fixé par un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre du budget, et l'arrêté applicable est celui du 29 mai 2015.
En l'espèce le tribunal a ignoré ces dispositions. Il a de surcroît confié l'expertise à un médecin non spécialisé en matière de sécurité sociale et condamné la caisse à verser directement à l'expert une provision en violation de l'article 269 du code de procédure civile.
Le jugement déféré doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.
En ce qui concerne la demande d'expertise formée par M. [Z], le tribunal a estimé qu'il devait y être donné droit au motif que la caisse ne justifiait pas avoir transmis au médecin traitant de l'assuré le protocole visé à l'article R.141-3 du code de la sécurité sociale, alors que ce texte vise la transmission au médecin expert.
Ce raisonnement procède d'une confusion et n'est pas de nature à lui seul à justifier que soit ordonnée par justice une expertise technique. Il appartient à l'assuré de produire des pièces de nature à faire apparaître une difficulté d'ordre médical.
Le docteur [H], expert technique, a conclu dans son rapport du 15 février 2016:
" Douleurs d'épaule droite après manipulation de bagages avec une parfaite négativité des explorations fines réalisées, en particulier aucune atteinte, rupture partielle ou totale de la coiffe.
Trois ans et demi après on retrouve un sus-épineux légèrement hétérogène à l'imagerie sans aucun signe de rupture, les autres tendons étant parfaits.
Il se plaint de douleurs de cette épaule avec d'évidentes distorsions sémiologiques, les éléments objectifs s'inscrivant en réalité en faveur d'un freinage discret et d'une amplitude tout à fait satisfaisante des mouvements.
L'état au jour de l'expertise est comparable à celui noté par le médecin conseil, ce qui atteste de sa stabilité, et correspond à la définition même de la consolidation bien acquise au 03 09 2015".
M. [Z] produit un certificat médical du docteur [X] en date du 11 janvier 2017 qui évoque des IRM réalisées les 13 juillet 2012 et 17 septembre 2015, mais ces éléments ont été pris en considération par l'expert technique. Il produit également un certificat du 12 juin 2021 émanant du même médecin qui évoque à nouveau l'imagerie réalisée le 17 septembre 2015 et considère que cette IRM "objective des éléments inflammatoires, témoins d'une persistance évolutive au niveau de cette épaule à la date de l'examen qui objective une situation majeure incompatible avec la notion de consolidation à la date du 3 septembre 2015".
Cependant la consolidation n'est pas la guérison, et la persistance de douleurs et de séquelles n'est pas incompatible avec la stabilisation de l'état de santé de l'assuré. L'expert technique a relevé au niveau de l'épaule droite l'absence d'épanchement, de rupture dont l'évolution ne permettrait pas de retenir une consolidation. Le docteur [H] a aussi constaté lors de l'examen la parfaite mobilité de l'épaule en rotation interne comme en rétropulsion. Les conclusions du médecin expert technique sont claires, précises et sans ambiguïté.
Il n'existe donc pas de difficulté d'ordre médical qui justifierait d'ordonner une nouvelle expertise technique, et M. [Z] sera débouté de sa demande en ce sens.
M. [Z] qui succombe sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 septembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny,
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE Monsieur [T] [Z] de sa demande d'expertise technique,
CONDAMNE Monsieur [T] [Z] aux dépens d'appel.
La greffièreLa présidente