RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 02 Septembre 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/11841 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4ELY
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Février 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 15/00290
APPELANTE
CPAM 94 - VAL DE MARNE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [T] [F]
Pharmacie [F]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, non assisté
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique et en double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre, et Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Madame Joanna FABBY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre, et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la CPAM du Val de Marne (la caisse) d'un jugement rendu le 01er février 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l'opposant à M. [T] [F].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le service médical de la caisse, dans le cadre d'un contrôle des facturations établies du 1er janvier 2012 au 30 juin 2013 par la Pharmacie du [5] (94), a détecté des anomalies de facturations de produits délivrés à plusieurs assurés sociaux, constatant des:
-chevauchements de délivrances de deux ordonnances prescrites le même jour par le même praticien,
-délivrances de médicaments déjà délivrés par une autre officine,
-facturations de renouvellement non prescrits ou non justifiés,
-facturations de renouvellement pendant hospitalisations de l'assuré,
-délivrances fictives,
-surfacturations,
-doubles facturations.
Le 19 septembre 2013, la caisse a notifié à la Pharmacie du [5]-M. [F] les anomalies retenues et l'indu en résultant d'un montant total de 21.632,08 €.
M.[F], titulaire de la Pharmacie du [5] a saisi la commission de recours amiable qui a ramené le montant de l'indu à la somme de 15.314,27 €, dont 11 233,88 € au titre de l'assurée [C].
M. [F] a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil , lequel par jugement du 1er février 2017, a :
-déclaré le recours formé par M. [F], gérant de la Pharmacie du [5] à Saint Mandé, recevable en la forme et partiellement fondé;
-dit que la facturation journalière des « masques pédiatriques» pour les enfants [P] et [R] [C] est justifiée et que l'indu doit être ramené à la somme de 10.245,71 € ;
-accueilli la demande reconventionnelle de la caisse en paiement de l'indu ramené à la somme de 10.245,71€.
Le 26 septembre 2017, la caisse a interjeté appel limité (au fait que l'indu ait été ramené à la somme de 10.245,71 €) de ce jugement qui lui avait été notifié le 09 septembre 2017.
Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son avocat qui les a développées oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :
-infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la facturation journalière des « masques pédiatriques » est justifiée et en ce qu'il a limité le montant de l'indu à la somme de 10.245,71 €,
-le confirmer pour le surplus,
En conséquence
-débouter M. [F], représentant la Pharmacie du [5] de l'ensemble de ses demandes,
-la déclarer bien fondée en ses demandes,
-condamner M. [F], représentant la Pharmacie du [5], à lui rembourser la somme de 15.314,27 €,
-condamner M. [F], représentant la Pharmacie du [5] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-si la Cour devait juger que l'officine était fondée à facturer un masque par jour et minorer le montant de l'indu concernant les enfants [C], limiter cette minoration à la somme de 2.723 €,
-condamner M. [F], représentant la Pharmacie du [5] aux dépens.
La caisse fait valoir en substance que :
-le tribunal a mal apprécié la situation en retenant que l'état des enfants présentant un asthme sévère nécessitait par mesure d'hygiène l'utilisation quotidienne d'un masque à usage unique comme pour les cas de mucoviscidoses ou de dilation des bronches.
-les modalités de remboursement des appareils générateurs d'aérosol pour le traitement des affections respiratoires et matériels y afférents sont définies au titre 1, chapitre 1, section 1, sous-section 1, de la liste des produits et prestations remboursables (LPP). Ainsi, l'achat du nébuliseur et masque est repris sous le code 101C03-13 dont la base de remboursement est de 12,93 € tandis que le seul renouvellement du masque, repris sous le code 101 C03.14 est remboursé à hauteur de 2,62 €. Il apparait donc clairement que la LPP distingue d'une part l'achat du nébuliseur + 1 masque et d'autre part le renouvellement du masque, étant précisé qu'il s'agit d'un masque stérilisable et réutilisable, les masques à usage unique n'étant pas remboursés par l'assurance maladie. En outre, la LPP prévoit un tarif de location hebdomadaire de 2,74 € pour le traitement de longue durée au-delà de la 65ème semaine de traitement. Les enfants [C] se sont vu prescrire une location hebdomadaire pour longue durée au-delà de la 65ème semaine. Or, la Pharmacie a appliqué un tarif hebdomadaire de 9,30 € (correspondant au tarif applicable aux traitements de courte durée) pour la location de l'appareil et 12,93 € pour l'achat du nébuliseur et du masque par jour de traitement.
-le remboursement est limité aux dispositions de la LPP qui prévoit la prise en charge d'un nébuliseur et d'un masque réutilisable pour une période de 4 semaines, fréquence de renouvellement et de prise en charge confirmée par l'avis rendu le 10 janvier 2007 sur les conditions de prise en charge des systèmes de nébulisation pour aérosolthérapie par la Commission d'évaluation des produits et prestations de la Haute Autorité de Santé (HAS) ; les seuls cas où il est préconisé l'utilisation d'un masque à usage unique sont les cas de mucoviscidoses ou de dilatation des bronches, ce qui n'est pas le cas des patients concernés.
Les premiers juges ont effectué en tout état de cause un calcul erroné.
M. [F], comparant en personne, demande oralement à la cour de confirmer le jugement déféré et de débouter la caisse de ses demandes, sollicitant subsidiairement un « échéancier de réglement » en cas de condamnation, se référant à son écrit en date du 19 mai 2022 visé par le greffe à l'audience, faisant valoir pour l'essentiel que :
-il a fait l'objet d'un signalement par des personnes malveillantes d'un Ehpad à l'origine du contrôle opéré.
-il a respecté et délivré des ordonnances mensuelles de spécialistes hospitaliers pendant des années, ordonnances renouvelées tous les 6 mois par ces professionnels, dans un seul but médical et dans le respect de son serment d'Hippocrate pour la santé et le bien être de ces jeunes malades.
-au bout de nombreux mois et années sans intervention, ni retour négatif de la CPAM 94, il a considéré inconsciemment, peut être à tort, que la répétition des délivrances mensuelles étaient d'usage.
-intervenant dans le cadre d'une officine de quartier, il n'y a eu aucune volonté de fraude ou de surfacturation de sa part
-il est donc victime de dénonciation et d'un manque de réactivité du service de contrôle médical de la caisse.
-il a respecté les recommandations de l'HAS concernant les consommables à usage unique qui doivent pouvoir être accordés aux patients nécessitant des séances quotidiennes.
SUR CE, LA COUR
Le litige est circonscrit, suite à l'appel limité de la caisse, à l'indu de facturation lié à l'utilisation des appareils générateurs d'aérosol pour le traitement des affections respiratoires et matériels y afférents pour les enfants [P] et [R] [C] de mars 2012 à avril 2013.
Selon l'article R165-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version alors applicable, « Les produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 ne peuvent être remboursés par l'assurance maladie, sur prescription médicale (') que s'ils figurent sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé après avis de la commission spécialisée de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 165-1 du présent code (') L'inscription sur la liste précise, le cas échéant, les spécifications techniques, les seules indications thérapeutiques ou diagnostiques et les conditions particulières de prescription ou d'utilisation du produit ou de la prestation ouvrant droit à la prise en charge. »
Les modalités de remboursement des appareils générateurs d'aérosol pour le traitement des affections respiratoires et matériels y afférents sont définies au titre 1, chapitre 1, section 1, sous-section 1, de la liste des produits et prestations remboursables (LPP) -pièce n°6 de la caisse-.
Les enfants [C] se sont vu prescrire une location hebdomadaire de nébulisateurs et masques pédiatriques au moins depuis janvier 2009 ; cette location hebdomadaire correspond donc à une location pour longue durée, à savoir au-delà de la 65ème semaine.
Selon la LPP, la location hebdomadaire pour la longue durée, au delà de la 65e semaine est tarifée (base de remboursement) à 2,74 € ; l'achat du nébuliseur et masque est tarifé à 12,93 € ; le renouvellement du masque est tarifé à 2,62 €.
Dans son avis du 10 janvier 2007 (pièce n°7 de la caisse), la commission spécialisée de la Haute Autorité de santé a :
-retenu que le forfait hebdomadaire longue durée (générateur et consommable) devait être pris en compte sur des périodes de 04 semaines ;
-a préconisé la prise en charge de consommable dit réutilisable pour un même patient, avec « la possibilité de recourir à du consommable à usage unique devant pouvoir être accordée aux patients nécessitant des séances quotidiennes multiples (mucoviscidose ou dilatation des bronches) dans la mesure ou le matériel à usage unique peut contribuer à favoriser l'observance et le respect des règles d'hygiène chez ces patients et correspond ainsi à un besoin réel », le rythme de renouvellement du consommable devant être envisagé par périodes de 4 semaines.
Ainsi par patient, la base de remboursement pour une durée de traitement de 4 semaines est de :
-2,74 € X 4 = 10 ,96 € au titre de la location hebdomadaire de l'appareil,
-à laquelle s'ajoute 12,93 € au titre de l'achat du nébulisateur et du masque (réutilisable) pour 4 semaines
-outre, dans les cas ouvrant droit à une utilisation quotidienne du masque, 2,62 € X 24= 73,36 €
En l'espèce, la pharmacie a facturé par enfant à la caisse, de mars 2012 à avril 2013 , une somme de 425,10 € pour une durée de traitement de 4 semaines (pièce n°5 de la caisse).
M. [F] renvoie à la nécessité de séances quotidiennes multiples et le tribunal a retenu un asthme sévère nécessitant l'utilisation quotidienne d'un masque à usage unique « comme pour les cas de mucoviscidoses ou de dilatation des bronches ». Cependant, les seules indications thérapeutiques ou diagnostiques ouvrant droit à la prise en charge, précisées par l'avis du 10 janvier 2007 au titre de l'inscription sur la liste concernent strictement la mucoviscidose ou dilatation des bronches, indications non établies au cas d'espèce, étant précisé que M. [F] ne justifie pas, ni même n'articule, d'un différend d'ordre médical en la matière.
Dans ces conditions, la base de remboursement par patient pour une durée de traitement de 4 semaines est de 23,89 € (10 ,96 +12,93 ) et non de 425,10 € facturés par la pharmacie à la caisse.
Il sera donc fait droit, par voie d'infirmation du jugement, à la demande de la caisse au titre de l'indu, tant dans son principe que dans son montant résultant du détail des sommes figurant à sa pièce n°5, peu important en la matière la bonne foi avancée par M. [F], l'origine du contrôle opéré par la caisse, à l'encontre de laquelle ne peut être opposé le manque de réactivité et le silence dès lors que la facturation par le praticien s'exerce dans le cadre d'un régime déclaratif soumis à la possibilité de contrôle a postériori de la caisse.
La pharmacie ne saurait prospérer en sa demande d'échéancier de paiement, dont les modalités ne sont d'ailleurs pas précisées, dès lors qu'une telle demande n'a pas été préalablement soumise par celle-ci à la commission de recours amiable.
M. [F], représentant la Pharmacie du [5] sera condamné à payer à la caisse une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que la facturation journalière des « masques pédiatriques » est justifiée et en ce qu'il a limité le montant de l'indu à la somme de 10.245,71 € ;
ET STATUANT à nouveau des chefs infirmés ;
CONDAMNE M. [F], représentant la Pharmacie du [5], à rembourser à la CPAM du Val de Marne la somme de 15.314,27 € au titre de l'indu de facturation ;
DÉBOUTE M. [F] de ses demandes ;
CONDAMNE M. [F], représentant la Pharmacie du [5] à payer à la CPAM du Val de Marne la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [F], représentant la Pharmacie du [5], aux dépens d'appel.
La greffièreLe président