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01/09/2022 | FRANCE | N°22/00353

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 01 septembre 2022, 22/00353


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00353 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE5QQ



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Novembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/59951





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 5], prise en la personne de Madame la Maire d

e [Localité 5], Mme [D] [K], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée et assistée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASS...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00353 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE5QQ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Novembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/59951

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 5], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 5], Mme [D] [K], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée et assistée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

INTIMES

M. [Z] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Mme [N] [V] épouse [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentés par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistés par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 juin 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, et Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par assignation délivrée le 4 novembre 2019, la Ville de [Localité 5], prise en la personne de Mme la Maire de [Localité 5], a fait assigner M. et Mme [M] devant le tribunal judiciaire de Paris, saisi selon la procédure en la forme des référés, aux fins de les voir condamner in solidum au paiement d'amendes civiles sur le fondement des articles L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et L.324-1-1 du code de tourisme, concernant l'appartement dont ils sont propriétaires situé [Adresse 2] à [Localité 6].

Par ordonnance du 25 février 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 5] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3ème, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

La Cour de justice de l'Union européenne a statué par un arrêt du 22 septembre 2020 par lequel elle considère la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 sept. 2020, Cali Apartments, affaires joints C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 5] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 11 octobre 2021.

La Ville de [Localité 5] a demandé au tribunal de :

- constater l'infraction commise par les époux [M] ;

- condamner M. et Mme [M] au paiement d'une amende civile de 50.000 euros sur le fondement de l'article L 631-7 et L 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, sis [Adresse 2] à [Localité 6]), sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- condamner M. et Mme [M] à payer une amende civile de 5.000 euros sur le fondement de l'article L 324-1-1 du code de tourisme ;

- les condamner à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire du 15 novembre 2021, le juge des référés, a :

- rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L 63 1 -7 et L.65 l-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- rejeté la demande portant sur le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 2] à [Localité 6] ;

- condamné in solidum M. et Mme [M] à payer une amende civile de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 5] ;

- condamné in solidum M. et Mme [M] à payer à la Ville de [Localité 5] la somme de mille 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. et Mme [M] aux dépens.

Par déclaration du 27 décembre 2021, la Ville de [Localité 5] a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :

- rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L 63 1 -7 et L.65 l-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- rejeté la demande portant sur le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 2] à [Localité 6] ;

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 mars 2022, la Ville de [Localité 5] demande à la cour de :

- infirmer la décision entreprise seulement en ce qu'elle a rejeté les demandes tendant à voir les consorts [M] condamnés à une amende civile d'un montant de 50.000 euros et faire retour du bien objet du litige à l'habitation sous astreinte et la confirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les seuls chefs d'infirmation,

- condamner in solidum M. et Mme [M] à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende lui sera intégralement versé conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement situé bâtiment A, rez-de-chaussée, lot 6, [Adresse 2] à [Localité 6], sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer ;

- condamner in solidum M. et Mme [M] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvert par Me Mathieu, avocat ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 30 mars 2022, M. et Mme [M] demandent à la cour, de :

À titre principal :

- confirmer le jugement rendu du 15 novembre 2021 en ce qu'il a débouté la ville de [Localité 5] de l'intégralité de ses demandes portant sur l'application d'une amende pouvant atteindre 50.000 euros pour défaut de base légale ;

En conséquence :

- débouter la ville de [Localité 5] de l'intégralité de ses demandes portant sur l'application d'une amende pouvant atteindre 50.000 euros pour défaut de base légale ;

- infirmer la disposition du jugement rendu du 15 novembre 2021 selon laquelle ils sont condamnés à payer une amende civile de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 du code du tourisme ;

- juger que leur défaut d'enregistrement n'a causé aucun préjudice financier pour la ville de [Localité 5] ;

En conséquence :

- débouter la ville de [Localité 5] de l'intégralité de ses demandes ou réduire l'amende pour défaut d'enregistrement à un montant plus mesuré ne dépassant pas 2.000 euros ;

À titre subsidiaire, si par extraordinaire l'infraction présumée au changement d'usage devait être caractérisée,

- juger que compte tenu de la bonne foi, des diligences et de la coopération, ils sont fondés à n'être condamnés qu'à une amende symbolique ;

En conséquence :

- condamner le montant de l'amende civile à la somme symbolique de 1 euro ;

À titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de paris ne trouvait justifiée la demande de condamnation à la somme symbolique de 1 euro :

- confirmer que le montant de 50.000 euros au titre de l'amende civile est manifestement disproportionné et injustifié ;

- fixer, le cas échéant, le montant de l'amende civile à la somme maximale de 3.000 euros ;

En tout état de cause :

- confirmer le jugement rendu du 15 novembre 2021 en ce qu'il a débouté la Ville de [Localité 5] de sa demande de retour à l'habitation des locaux sous astreinte ;

- infirmer la disposition selon laquelle ils sont condamnés à payer à la Ville de [Localité 5] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- juger que l'équité ne commande pas qu'ils soient condamnés au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner que les parties conservent la charge de leurs frais de procédure et leurs dépens.

Pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L 631-7 et L 651-2 du code de la construction et de l'habitation

Sur le rappel des textes applicables, il convient de se référer à la décision de première instance qui en a fait un exposé exhaustif, la cour rappelant simplement qu'en application de ces textes et conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à la Ville de [Localité 5] d'établir :

' l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

' un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

En l'espèce, le premier juge a considéré que la preuve n'était pas faite par la Ville de [Localité 5] de l'usage d'habitation du bien en cause au 1er janvier 1970, première condition pour caractériser l'infraction.

L'appelante estime pour sa part que cette preuve est faite en se fondant :

- sur la fiche de révision foncière modèle H2, déposée le 28 septembre 1970, ajoutant que le propriétaire de l'époque a précisé avoir acquis le bien suivant un acte du 4 juin 1969 et l'occuper à titre d'habitation ;

- sur les articles 38, 39 et 40 du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 en vertu desquels les déclarations établies entre le 1er janvier et le 15 octobre 1970 emporteraient présomption d'usage d'habitation au 1er janvier 1970.

Force est toutefois de constater :

- que la fiche H2 date du 24 septembre 1970,

- que cette fiche mentionne que le local est occupé par le propriétaire, mention qui comme l'a justement relevé le premier juge ne permet pas d'établir l'usage du bien au 1er janvier 1970 ;

- que cette fiche ni aucun autre document produit par l'appelante ne contient l'indication alléguée par la Ville de [Localité 5] selon laquelle le propriétaire de l'époque aurait précisé avoir acquis le bien suivant un acte du 4 juin 1969 et l'occuper à titre d'habitation ;

- qu'il n'est pas fait mention dans la fiche H2 de la perception d'un loyer au 1er janvier 1970, qui permettrait d'établir un usage d'habitation à cette date ;

- que si la Ville de [Localité 5] soutient que la déclaration H2 impliquerait nécessairement un usage d'habitation, les dispositions du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l'administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l'article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l'évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété [...] la date limite d'envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants) ne permettent pas une telle déduction, la présomption d'usage d'habitation au 1er janvier 1970 telle qu'alléguée ne résultant ni de ces textes, ni par ailleurs d'aucun autre texte.

Aucun autre élément probant n'est produit en cause d'appel s'agissant de l'usage d'habitation.

Aussi, n'est-il pas possible d'affirmer, au vu de l'ensemble de ces éléments de preuve, que la local dont il s'agit avait bien un usage d'habitation au 1er janvier 1970.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a dit que le manquement aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation n'est pas caractérisé et a conséquence débouté la Ville de [Localité 5] de ses demandes, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les autres moyens.

Sur la demande en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L 324-1-1 du code de tourisme

Sur le rappel du texte applicable, il convient de se référer à la décision de première instance qui en a fait un exposé exhaustif.

C'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour approuve, que le premier juge a considéré, au vu des éléments de la cause, que le manquement à l'obligation de déclaration préalable du meublé de tourisme offert à la location aux fins d'enregistrement, est bien caractérisé en l'espèce.

Les intimés font seulement valoir que la Ville de [Localité 5] n'a pas subi de préjudice financier dès lors que dans le cadre de la location Airbnb la taxe de séjour est directement prélevée sur les revenus perçus au titre de la mise en location du bien et versée à la Ville.

Or, l'existence ou non d'un préjudice pour la Ville est indifférente à la caractérisation de l'infraction.

Les intimés font en outre valoir qu'ils ont rétabli le bien à la location de longue durée.

Le montant maximal de 5.000 euros de l'amende peut en effet être modéré en tenant compte, comme l'a exactement relevé le premier juge, de la durée des manquements commis, de la situation financière des époux [M] et de leur éventuelle bonne foi.

En l'espèce, le premier juge a justement pris en compte ces éléments en fixant l'amende à 3.500 euros, et aucun élément nouveau n'est produit en cause d'appel qui justifierait de remettre en cause son analyse.

Ainsi, en définitive, l'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile dont il a été fait une exacte et équitable appréciation.

Perdant en appel, la Ville de [Localité 5] sera condamnée aux entiers dépens de cette instance et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne la Ville de [Localité 5] aux entiers dépens de l'instance d'appel,

La déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/00353
Date de la décision : 01/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-01;22.00353 ?
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