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01/09/2022 | FRANCE | N°21/22453

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 01 septembre 2022, 21/22453


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22453 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4IC



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Novembre 2021 -Président du TC de BOBIGNY - RG n° R202100360





APPELANTE



S.A.S. BOBAY GESTION IMMOBILIERE (RCS Bobigny n°893 653 287)>


[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée par Me Virginie RIGAL, avocat au bar...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22453 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4IC

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Novembre 2021 -Président du TC de BOBIGNY - RG n° R202100360

APPELANTE

S.A.S. BOBAY GESTION IMMOBILIERE (RCS Bobigny n°893 653 287)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée par Me Virginie RIGAL, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. ORFILA DE GESTION IMMOBILIERE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée par Me Hubert MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : K8

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 juin 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, et Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport dont elle a donné lecture.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La Société Orfila de Gestion Immobilière, ou Sogi, est une société d'administration de biens au sein de laquelle M. [W] a travaillé depuis le mois d'octobre 2015 jusqu'en janvier 2021, date à laquelle il a régularisé avec son employeur une rupture conventionnelle de son contrat de travail, et quitté la société Sogi. La fin de son contrat de travail était fixée au 12 mars 2021.

Il a créé la société Bobay gestion immobilière en février 2021.

Au mois d'avril 2021, la société Sogi a été saisie de demandes émanant des copropriétés gérées anciennement par M.[W] en vue de faire désigner la société Bobay gestion immobilière en qualité de syndic.

Par requête du 6 mai 2021, la société Sogi a sollicité une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, aux fins d'établir et de conserver la preuve d'agissements déloyaux et anti-concurrentiels de la société Bobay gestion immobilière.

Par ordonnance du 17 mai 2021 le président du tribunal de commerce de Bobigny a fait droit à la requête, et les opérations de constat se sont déroulées le 10 juin 2021.

Par exploit du 12 juillet 2021, la société Bobay gestion immobilière a fait assigner la société Orfila de gestion immobilière devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny aux fins de :

A titre principal,

- dire l'absence de contradictoire injustifiée ;

- rétracter l'ordonnance rendue le 17 mai 2021 par le président près le tribunal de commerce de Bobigny à la requête de la société Sogi ;

- ordonner la restitution des pièces saisies par l'huissier de justice à M. [W] et à la société Bobay gestion immobilière ;

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond ;

En conséquence,

- condamner la société Sogi à verser à la société Bobay gestion immobilière une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire du 12 novembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny, a :

- débouté la société Bobay gestion immobilière de toutes ses demandes fins et conclusions ;

- ordonné la mainlevée totale des pièces placées sous le séquestre de Me [Z], huissier de justice ayant procédé aux opérations de constat le 10 juin 2021 ;

- ordonné la comparution et la remise par Me [Z], huissier de justice ayant procédé à la mesure d'instruction, et de M. [D], expert informaticien, aux fins de procéder à la levée de séquestre des pièces et informations de toute nature recueillies au siège de la société Bobay gestion immobilière lors des opérations de constat effectuées le 10 juin 2021 ;

- condamné la société Bobay gestion immobilière à payer à la société Orfila de gestion immobilière 1a somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboutons du surplus de sa demande ;

- débouté les parties de toutes leurs prétentions incompatibles avec la motivation ci-dessus retenue ou le présent dispositif ;

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit ;

- condamné la société Bobay gestion immobilière aux dépens ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 41,98 euros TTC dont 7 euros de TVA.

Par déclaration du 20 décembre 2021, la société Bobay gestion immobilière a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 mai 2022, la société Bobay gestion immobilière demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la société en son appel,

Y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

A titre principal,

- débouter la société Sogi de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- dire que l'absence de contradictoire est injustifiée ;

- rétracter l'ordonnance rendue le 17 mai 2021 par le président près le tribunal de commerce de Bobigny la requête de la société Sogi ;

- ordonner la restitution des pièces saisies par l'huissier de justice à M. [W] et à la société Bobay gestion immobilière ;

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire l'ordonnance n'était pas rétractée,

- ordonner la restitution des documents saisis avec les mots clés « changement de syndic » et « nouveau syndic » à la société Bobay gestion immobilière ;

- ordonner la restitution des documents saisis sur la période du 1er janvier 2021 au 15 mars 2021 à la société Bobay gestion immobilière ;

A titre très subsidiaire,

- ordonner la restitution des documents saisis avec les seuls mots clés « changement de syndic » et « nouveau syndic » à la société Bobay gestion immobilière ;

En tout état de cause,

- condamner la société Sogi à verser la société Bobay gestion immobilière une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La société Bobay gestion immobilière soutient que :

- la dérogation au principe du contradictoire n'est pas justifiée, n'est étayée d'aucun fait concret ou précis ; la mauvaise foi de M. [W] et de la société Bobay ou leur intérêt à la destruction de pièces ne sont pas démontrés, alors qu'au contraire la société Bobay gestion immobilière n'a aucun intérêt à faire disparaître les outils informatiques sans lesquels elle ne peut fonctionner ;

- les motivations développées par la société Sogi dans ses dernières conclusions ne sauraient être retenues pour justifier a posteriori une dérogation au principe du contradictoire, alors qu'elles auraient dû être exposées dans la requête ;

- aucune pratique de concurrence déloyale n'est démontrée ; par nature, en effet, l'activité du syndic de copropriété revêt un caractère intuitu personae, étant précisé que M. [W] exerce cette profession depuis de nombreuses années ce qui explique que les copropriétaires satisfaits de ses services l'ont suivi au sein de sa nouvelle structure ;

- la société Sogi ne démontre aucun abus dans l'exercice par M. [W] de sa liberté d'entreprendre, aucune clause de non concurrence ne figurant au surplus dans son contrat de travail ; par ailleurs, la société Bobay Gestion Immobilière a bien débuté son exploitation en mars 2021, soit après que les relations contractuelles entre la société Sogi et M. [W] ont pris fin ;

- la mise en concurrence des syndics de gestion est par ailleurs obligatoire, en vertu de l'article 21 de la loi du 10 juillet 1965, et ainsi, seule l'assemblée générale des copropriétaires est habilitée à désigner son syndic, ce qui exclue tout détournement de clientèle par la société Bobay Gestion Immobilière elle-même ;

- contrairement à ce qui est allégué par la société Sogi, aucun démarchage massif n'a eu lieu, le simple fait que les copropriétés aient changé de syndic ne suffisant pas à établir que la société Bobay gestion immobilière ait déployé des efforts pour ce faire ;

- aucune pratique anticoncurrentielle tarifaire n'est démontrée, les tarifs peu élevés de la société Bobay gestion immobilière s'expliquant en effet par le fait que la structure nécessite peu de frais fixes,

- concernant la copropriété du [Adresse 1], M. [W] en a la gestion depuis plus de 12 ans, soit bien avant son arrivée au sein de la société Sogi,

- aucun dénigrement n'a pu être relevé à l'encontre de la société Sogi ; le courrier auquel la société Sogi fait référence a été en réalité adressé par la société Bobay gestion immobiliere aux destinataires d'un courrier de pur dénigrement adressé par la société Sogi elle-même à des copropriétaires ;

- certains mots-clés retenus par l'ordonnance rendue sont trop généraux, et permettront à la société Sogi de connaître l'ensemble des copropriétés gérées par la société Bobay, alors que les mesures demandées sont disproportionnées et nécessitent un débat contradictoire ;

- si l'ordonnance devait être confirmée, les termes "changement de syndic" et "nouveau syndic" devront être supprimés et remplacés par d'autres plus spécifiques ;

- la période retenue devra elle aussi être réduite, en effet les mesures ne peuvent être ordonnées pour les échanges commençant au 1er janvier 2021, dans la mesure où, à cette date, la société Bobay gestion immobilière n'existait pas encore.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 mai 2022, la société Sogi demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance de refus de rétractation du 12 novembre 2021 dans toutes ses dispositions,

- débouter la société Bobay gestion immobilière de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- ordonner la mainlevée des pièces placées sous le séquestre de Me [Z], huissier de justice, ayant procédé aux opérations de constat le 10 juin 2021,

- ordonner la comparution et la remise par Me [Z], huissier de justice ayant procédé à la mesure d'instruction, et de M. [D], expert informaticien, aux fins de procéder à la levée de séquestre des pièces et informations de toute nature recueillies au siège de la société Bobay gestion immobilière lors des opérations de constat effectuées le 10 juin 2021,

- condamner la société Bobay gestion immobilière à payer à la société Sogi la somme en principal de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Bobay gestion immobilière aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Sogi soutient notamment que :

- la société Bobay gestion immobilière s'est livrée à un démarchage massif, puisque moins d'un mois après la fin du contrat de travail de M. [W], elle a été saisie de demandes de changements de syndic émanant de plusieurs copropriétés, par des lettres rédigées en des termes identiques, émanant vraisemblablement d'un auteur unique ;

- l'intuitu personae qui préside à la désignation du syndic n'autorise pas le démarchage systématique, et ne justifie pas les agissements de la société Bobay gestion immobilière ;

- considérant le nombre de copropriétés qui ont fait le choix de rejoindre la société Bobay gestion immobilière , et le fait que M. [W] travaillait seul, il est évident qu'il disposait de tous les éléments lui permettant de proposer ses services aux clients de la société Sogi, ce que la mesure d'instruction sollicitée permettrait de démontrer ;

- la société Sogi ne s'est en outre jamais prévalue de la mise en oeuvre d'une clause de non concurrence, cette clause faisant défaut ;

- la société Bobay gestion immobilière a toujours proposé des tarifs inférieurs à ceux pratiqués par la société Sogi ;

- les différences de tarifs avec ceux pratiqués par la société Sogi sont de l'ordre de 15 à 25 % moins chers, ce que ne sauraient justifier les faibles coûts de structure ;

- la société Bobay gestion immobilière fait valoir sur son site internet qu'elle se spécialise dans la gestion des biens de l'Est parisien, alors que les copropriétés gérées par la société Sogi sont toutes dans l'Ouest parisien ;

- M. [W] a, sans y être invité, proposé ses services à une copropriété qui était gérée par la société Sogi, et sans être titulaire d'aucun mandat ; ainsi cette intervention chez un client sous mandat démontre bien son intention de s'approprier par tous moyens la clientèle de la société Sogi ;

- la société Bobay gestion immobilière a publié une lettre ouverte qui s'apparente à un acte de dénigrement de la société Sogi, tant en ce qui concerne sa taille, que le nombre de ses collaborateurs ;

- si la société Bobay gestion immobilière avait été informée des mesures d'instruction pratiquées à son encontre, elle aurait dissimulé les éléments recherchés par la Sogi ; le risque de dissimulation est d'ailleurs d'autant plus grand que les preuves recherchées ont trait à des faits de concurrence déloyale ;

- la requête du 6 mai 2021 était suffisamment détaillée, et caractérisait bien les circonstances justifiant la dérogation au contradictoire ;

- la société Bobay gestion immobilière se garde de produire la totalité des courriers adressés aux clients de la société Sogi, ce qui atteste de sa mauvaise foi, et établit de plus fort la nécessité de déroger au contradictoire ;

- il n'est en outre pas exclu que, sans aller jusqu'à la perte et la suppression des documents, certains outils puissent disparaître au cours d'une mesure d'instruction, justifiant encore plus la nécessité de dérogation au principe du contradictoire ;

- la société Sogi a limité la recherche aux seuls clients dont M. [W] avait la charge lorsqu'il y travaillait, la combinaison des mots clés ayant été uniquement appliquée aux noms et adresses mails de trois membres du personnel de la Sogi ;

- la période se déroulant à compter du 1er janvier 2021 est également concernée par cette recherche, puisqu'elle comprend la période préparatoire à la création de la société Bobay gestion immobilière.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de rétractation

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L'article 493 du même code prévoit que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli.

Cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui. Il doit à cet égard constater qu'il existe un procès en germe possible et non manifestement voué à l'échec au regard des moyens soulevés, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu'il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond, et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, celle-ci ne devant pas porter une atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d'autrui. Il doit encore rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.

En l'espèce, l'appelante fait état à l'appui de sa demande d'infirmation de l'ordonnance entreprise de ce que :

- la dérogation au principe du contradictoire n'était pas justifiée,

- le motif légitime n'est pas établi,

- les mesures ordonnées sont disproportionnées et excèdent le cadre légal admissible.

Sur la dérogation au principe du contradictoire

Il résulte de l'examen de l'ordonnance le 17 mai 2021 dont il est sollicité la rétractation que le juge des requêtes a motivé la nécessité de déroger au principe du contradictoire comme suit :

"L'effet de surprise est nécessaire pour la conservation des preuves des agissements allégués (...) Une procédure contradictoire si elle était instaurée avant la mesure d'instruction pourrait avoir pour effet la disparition des preuves recherchées".

La requête soumise le 6 mai 2022 pour sa part reprend in extenso ces deux phrases.

Le juge doit rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.

La requête ne contient pas d'autres explications, justifiant de déroger au principe du contradictoire, que des affirmations de principe selon lesquelles il "pourrait" exister un risque de dépérissement de preuves, l'effet de surprise étant nécessaire.

L'ordonnance rendue sur requête vise elle-même la nécessité de préserver cet effet de surprise afin d'éviter l'éventuelle disparition de preuves.

En l'état de ces motifs qui sont très généraux, tout d'abord, la requête ne caractérise pas formellement et, in concreto, les circonstances susceptibles de justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction. L'ordonnance pour sa part se borne à viser la requête et les pièces jointes sans faire état de circonstances autres justifiant la dérogation au principe de la contradiction.

C'est donc à tort sur le risque de dépérissement que la société Sogi se contente d'affirmer que le risque de dépérissement est caractérisé eu égard à la seule nature informatique de certains éléments, cette nature informatique étant insuffisante à caractériser les circonstances propres au litige.

De surcroît, la société Sogi a joint à la requête déposée :

- un tableau des copropriétés anciennement gérées par M. [W] au sein de Sogi,

- un tableau de l'ensemble des copropriétés gérées par la société Sogi,

- plusieurs contrats de syndic dont certains régularisés avec la société Bobay gestion immobilière au mois d'avril 2021,

- neuf lettres émanant de syndicats de copropriété demandant l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale d'une solution visant à faire désigner la société Bobay gestion immobilière aux lieux et place de la société Sogi,

- le contrat de travail de M. [W], qui incluait une obligation de discrétion et de loyauté à sa charge,

- un échange écrit en date du 17 avril 2021 entre M. [W] et Mme [K], présidente du conseil syndical d'une copropriété rédigé en ces termes "Mme [K], si vous le souhaitez je viens sur l'immeuble avec un plombier pour établir un premier devis pour le remplacement de la colonne. Pour info, le "30 Eglise" me rejoindra aussi au mois de juin",

- une lettre type de M. [W] aux syndics des copropriétés rédigée ainsi: "Pour ce qui est de l'aspect structuré du cabinet Sogi, c'est une évidence avec plus de 300 immeubles à gérer et 25 collaborateurs. Je ne suis pas au même niveau et je ne souhaiterai surtout l'être car nous connaissons tous les défaillances des syndics actuels en raison de leur taille et du turn over important (...) Cette pratique est de plus en plus courante car encore une fois il existe un sérieux problème dans la profession en raison du turn over et de la pénurie de personnel qualifié".

De la sorte, il est établi que la société Sogi avait à sa disposition d'autres voies procédurales pour des faits similaires à ceux invoqués dans la requête, ce qui prive de pertinence l'argument tiré de la nécessité de préserver un effet de surprise d'une mesure d'instruction.

Les prescriptions de l'article 493 du code de procédure civile n'ont, dès lors, pas été respectées, de sorte que l'ordonnance sur requête du 17 mai 2021 encourt la rétractation.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, l'ordonnance rendue sera infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance rendue ainsi qu'en toutes ses autres dispositions.

Compte tenu du sens de cet arrêt, il y a lieu d'ordonner la levée du séquestre.

Compte tenu aussi du sens de cet arrêt, la décision rendue sera infirmée quant au sort des dépens et des frais irrépétibles.

L'intimée qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Bobay gestion immobilière une somme au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance rendue,

Statuant à nouveau,

Ordonne la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 17 mai 2021,

Ordonne la levée du séquestre des pièces saisies,

Ordonne aux huissiers instrumentaires de restituer à la société Bobay gestion immobilière tous les documents saisis lors du constat réalisé et de procéder à la destruction de toute copie en leur possession,

Rejette toutes les autres demandes,

Condamne la société Orfila de Gestion Immobilière aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Orfila de Gestion Immobilière à payer à la société Bobay gestion immobilière la somme de 2.000 euros en première instance et 6.000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/22453
Date de la décision : 01/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-01;21.22453 ?
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