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01/09/2022 | FRANCE | N°21/162117

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 01 septembre 2022, 21/162117


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 01 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16211 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEKN4

Décision déférée à la cour :
Jugement du 02 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81040

APPELANTE

S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, toque : D

1329

INTIMÉE

S.A.R.L. CLOS ET MILLESIME
[Adresse 5]
[Localité 2]

Représentée par Me Alexandre BARBELANE de la SELARL BFB Avocats, avocat ...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 01 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16211 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEKN4

Décision déférée à la cour :
Jugement du 02 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81040

APPELANTE

S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1329

INTIMÉE

S.A.R.L. CLOS ET MILLESIME
[Adresse 5]
[Localité 2]

Représentée par Me Alexandre BARBELANE de la SELARL BFB Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : G169

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 8 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Par acte notarié du 14 février 2008, la société BNP Paribas a consenti à la société Clos et Millésime un prêt de 715 000 euros remboursable sur onze ans, au taux de 5,34 %, ramené à 4,84 % par avenant du 2 avril 2011.

Par arrêt du 13 janvier 2021, la Cour d'appel de Paris a notamment condamné la société BNP Paribas à payer à la société Clos et Millésime la somme de 40 000 euros, outre 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Le 19 avril 2021, la Sarl Clos et Millésime a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la banque de France et au préjudice de la SA BNP Paribas, pour avoir paiement de la somme de 45 084,71 euros. Cette saisie a été dénoncée à la débitrice le 22 avril 2021.

Par acte d'huissier du 21 mai 2021, la société BNP Paribas a assigné la société Clos et Millésime devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris pour voir ordonner la mainlevée de la saisie-attribution et condamner la défenderesse à lui payer la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure.

A l'audience du 28 juin 2021, la société BNP Paribas a demandé au juge de l'exécution de constater la compensation de plein droit des dettes connexes auxquelles elle même et la société Clos et Millésime sont tenues ; subsidiairement, prononcer la compensation judiciaire des dettes connexes au 21 janvier 2021 ; ordonner en tout état de cause la mainlevée de la mesure de saisie-attribution.

Par jugement du 2 septembre 2021, le juge de l'exécution a :
- déclaré la contestation de la saisie-attribution recevable,
- rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution diligentée le 19 avril 2021 entre les mains de la banque de France et au préjudice de la BNP Paribas,
- condamné la Sa BNP Paribas aux dépens,
- condamné la Sa BNP Paribas à payer à la Sarl Clos et Millésime la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 3 septembre 2021, la société BNP Paribas a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 20 janvier 2022, elle fait valoir que :
- l'assignation du 21 mai 2021 est régulière, puisqu'elle comporte bien les éléments permettant d'identifier l'avocat constitué, et le défaut d'indication du délai pour constituer avocat n'a pas causé de grief à l'intimée,
- la contestation formée dans cette assignation est recevable, les diligences d'information prévues à l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution ont été accomplies, la contestation de la saisie-attribution ayant été dénoncée par lettre recommandée avec accusé de réception à l'huissier instrumentaire le 21 mai 2021, et par lettre simple à la banque de France en qualité de tiers saisi,
- la contestation est bien fondée, ses créances et celles de l'intimée s'étant compensées de plein droit au 13 janvier 2021, date d'exigibilité de la première d'entre elles à concurrence de la plus faible des deux sommes, ce qui a ramené à zéro la créance de la société Clos et Millésime,
- c'est à tort que le premier juge a considéré qu'elle n'avait pas de titre exécutoire, puisque le crédit résulte d'un acte notarié du 14 février 2008 ; de plus, un tel titre n'est pas requis pour la compensation de dettes connexes.

Par conséquent, elle demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
A titre principal,
- constater la compensation de plein droit des dettes connexes auxquelles elle est réciproquement tenue avec la société Clos et Millésime,
subsidiairement,

- prononcer la compensation judiciaire des dettes connexes auxquelles elle est réciproquement tenue avec la société Clos et Millésime au 21 janvier 2021,
en tout état de cause,
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution régularisée sur la demande de la société Clos et Millésime en vertu d'un arrêt du 13 janvier 2021, pour 45 084,71 euros sur son compte ouvert dans les livres de la banque de France,
- condamner la société Clos et Millésime à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 12 novembre 2021, la société Clos et Millésime soutient que :
- l'assignation du 21 mai 2021 est nulle, puisqu'elle ne comporte ni la mention relative à la constitution d'avocat du demandeur, ni celle relative au délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer lui-même avocat,
- la saisine du juge de l'exécution est irrégulière, la société BNP Paribas n'ayant pas constitué avocat,
- à titre subsidiaire, la contestation est irrecevable, la société appelante ne justifiant pas avoir procédé à la dénonciation de l'assignation dans le délai imparti par l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution à l'huissier instrumentaire et au tiers saisi,
- à titre infiniment subsidiaire, le seul fait que la BNP Paribas ait procédé à la déclaration de sa créance à hauteur de l'entier capital restant dû au titre du prêt ne prouve pas que sa créance était antérieure au jugement, et aucune compensation ne peut intervenir avec des créances d'intérêts et de mensualités non échues,
- à titre très infiniment subsidiaire, la créance contractuelle et la créance au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ne peuvent pas être connexes, de sorte que la saisie-attribution doit être validée à hauteur de 5 084,71 euros.

Par conséquent, elle demande à la Cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré la contestation de la saisie-attribution recevable,
- prononcer la nullité de l'assignation qui lui a été signifiée le 21 mai 2021,
- débouter la BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes,
- valider la saisie-attribution pour la somme de 45 084,71 euros,
à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré la contestation de la saisie recevable, et la déclarer irrecevable,
- débouter la BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes,
- valider la saisie-attribution pour la somme de 45 084,71 euros,
à titre infiniment subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré la contestation de la saisie recevable,
- débouter la BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes,
- valider la saisie-attribution pour la somme de 45 084,71 euros ;
- très subsidiairement, la valider pour une somme de 5 084,71 euros ;
- en tout état de cause, lui allouer une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant ordonnance en date du 1er décembre 2021, le magistrat délégataire du premier président de cette Cour a ordonné le sursis à exécution du jugement dont appel.

MOTIFS

Selon les dispositions de l'article R 121-5 du code des procédures civiles d'exécution, sauf dispositions contraires, les dispositions communes du livre Ier du code de procédure civile sont applicables, devant le juge de l'exécution, aux procédures civiles d'exécution à l'exclusion des articles 481-1 et 484 à 492. Or, les articles 760 et 761 du code de procédure civile relatifs à l'obligation faite aux parties de constituer avocat, qui prennent place dans le livre II du code de procédure civile, ne s'appliquent pas devant le juge de l'exécution.

Il en résulte que la demanderesse n'était nullement tenue de constituer avocat dans l'assignation qu'elle a délivrée à la défenderesse, non plus que de lui indiquer que celle-ci devait elle-même le faire dans un délai de quinze jours. La demande d'annulation de l'assignation du 21 mai 2021 ne saurait donc prospérer.

En application de l'article R 211-11 du Code des procédures civiles d'exécution, l'assignation devant le Juge de l'exécution en contestation d'une saisie-attribution doit, sous peine d'être déclarée irrecevable, être délivrée dans un délai d'un mois à dater de la dénonciation de cette saisie au débiteur et dénoncée le jour même ou le premier jour ouvrable suivant à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci , au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.

Il s'avère que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 mai 2021, soit du même jour que l'assignation, Maître [N], huissier de justice à [Localité 4], a informé la SCP [G], huissier de justice à [Localité 3] qui avait régularisé la saisie-attribution, de la contestation de cette mesure d'exécution ; en outre, la Banque de France, tiers saisi, a été également informée de la contestation le même jour par lettre simple. Ladite contestation est dès lors recevable.

Conformément à l'article 1347-1 du code civil, sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

Sont fongibles les obligations de somme d'argent, même en différentes devises, pourvu qu'elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre.

Contrairement à ce qu'a estimé le juge de l'exécution, il n'est pas nécessaire, pour que la compensation joue, que la créance que le débiteur invoque à l'encontre de son propre créancier soit fixée par un titre exécutoire d'origine judiciaire. En outre, le fait que l'une des dettes ne soit pas échue ne constitue pas un obstacle à la compensation. En effet, l'article 1348-1 alinéa 1er du code civil prévoit que la demande de compensation judiciaire ne peut être rejetée au motif que l'une des deux dettes n'est pas encore exigible.

En l'espèce, il est constant que la SA BNP Paribas détient diverses créances à l'encontre de la société Clos et Millésime au titre de plusieurs prêts, lesquelles ont été dûment déclarées au passif du redressement judiciaire de ladite société le 8 février 2019, et admises par le juge-commissaire du Tribunal de commerce de [Localité 4], à savoir :
- au titre d'un prêt de 715 000 euros en capital : 422 979,99 euros avec intérêts au taux de 4,84 % ;
- au titre d'un prêt de 160 000 euros en capital : 40 674,93 euros avec intérêts au taux de 4,30 % ;
- au titre d'un prêt de 48 000 euros en capital : 18 157,32 euros avec intérêts au taux de 4,90 %.

En outre, selon l'article L 622-7 alinéa 1er du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes, et les diverses créances de l'appelante doivent recevoir cette qualification, car la condamnation prononcée par la Cour d'appel de Paris à son encontre, fondant la saisie-attribution querellée, correspond aux sommes dues par le prêteur en remboursement des intérêts dont il a été déchu au titre de l'un des prêts, celui de 715 000 euros en capital.

Les sommes dues par la société Clos et Millésime étant d'un montant très supérieur à celles dues par la SA BNP Paribas, tant en principal qu'au titre des frais qui suivent le sort du principal, en raison de la compensation, l'intimée ne détient pas de créance et il sera ordonnée, par infirmation du jugement, la mainlevée de la saisie-attribution.

La société Clos et Millésime, qui succombe, sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- REJETTE l'exception de nullité de l'assignation délivrée par la SA BNP Paribas à la société Clos et Millésime le 21 mai 2021 ;

- INFIRME le jugement en date du 2 septembre 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré la contestation de la saisie-attribution en date du 19 avril 2021 recevable ;

et statuant à nouveau :

- ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution en date du 19 avril 2021 ;

- CONDAMNE la société Clos et Millésime à payer à la SA BNP Paribas la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société Clos et Millésime aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/162117
Date de la décision : 01/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-01;21.162117 ?
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