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31/08/2022 | FRANCE | N°19/04444

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 31 août 2022, 19/04444


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 31 AOÛT 2022

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04444 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7WRZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/00377





APPELANTE



SARL PAJGAN

[Adresse 1]

[Localité 3]

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Représentée par Me Jean-Yves CHABANNE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0679







INTIMÉ



Monsieur [W] [Y] [N] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Sylvain ROUMIER, av...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 31 AOÛT 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04444 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7WRZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/00377

APPELANTE

SARL PAJGAN

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Yves CHABANNE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0679

INTIMÉ

Monsieur [W] [Y] [N] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Sylvain ROUMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2081

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022 , en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise SALOMON, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise SALOMON, présidente et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat du 10 septembre 2015, la société Pajgan a engagé M. [Y] [N] [T] en qualité de cuisinier.

La société emploie moins de 10 salariés et applique la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997.

Le 17 mars 2016, l'employeur a notifié un avertissement au salarié.

Convoqué le 23 avril 2016 à un entretien préalable fixé au 4 mai, ce dernier a été licencié pour faute grave par lettre du 13 mai suivant.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, il a saisi la juridiction prud'homale le 20 juillet 2016.

Par jugement du 11 janvier 2019, le conseil de prud'hommes de Paris a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur au paiement des sommes de :

- 986,40 euros de rappel d'heures supplémentaires et 98,64 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 777,44 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 177,74 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 555,88 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a rejeté le surplus des demandes.

Le 3 avril 2019, l'employeur a interjeté appel de cette décision, qui lui avait été notifiée le 11 mars.

Par conclusions transmises par voie électronique le 3 juillet 2019, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de débouter l'intimé de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 avril 2022, l'intimé sollicite l'infirmation du jugement sur le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes d'annulation de la sanction notifiée le 17 mars 2016 et de dommages-intérêts formée à ce titre ainsi que de ses demandes de dommages-intérêts pour non-respect de la protection de sa santé, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d'indemnité pour travail dissimulé et, statuant à nouveau, de prononcer l'annulation de la sanction notifiée le 17 mars 2016 et de condamner la société appelante au paiement de :

- 5 332,32 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de cette sanction injustifiée,

- 21 329,28 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 332,32 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la protection de la santé,

- 10 664,64 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 10 664,64 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande en outre à la cour d'ordonner la remise des documents de fin de contrat, sous astreinte de 200 euros par document et par jour de retard, de condamner l'appelante à régulariser sa situation au titre du préavis auprès des organismes sociaux et à en justifier, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte.

La clôture de l'instruction est intervenue le 12 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 mai.

La cour a relevé d'office le moyen tiré de la violation de l'article 562 du code de procédure civile et a invité les parties par RPVA à déposer une note en délibéré sur ce moyen.

L'appelant et l'intimé ont déposé des notes en délibéré, respectivement les 31 mai et 7 juin.

MOTIFS

Sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Seul l'acte d'appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

En l'espèce, la déclaration d'appel mentionne 'Appel sur l'ensemble des dispositions'.

Il en résulte que cet appel ne tend pas à l'annulation du jugement, contrairement à ce que soutient l'appelant dans sa note en délibéré, ni ne mentionne aucun chef de jugement expressément critiqué de sorte que l'effet dévolutif de l'appel n'a pu opérer.

La cour constate qu'aucune déclaration d'appel n'est venue régulariser la déclaration susvisée dans le délai de trois mois qui l'a suivie.

Elle rappelle, par ailleurs, que le dépôt de conclusions ultérieures par l'appelant n'a pu pallier l'absence d'effet dévolutif.

Ces règles encadrant les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures dans lesquelles l'appelant est représenté par un professionnel du droit, sont dépourvues d'ambiguïté et concourent à une bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique de cette procédure. Elles ne portent donc pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d'accès au juge d'appel.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de l'appelant.

La cour est saisie en revanche par l'appel incident du salarié.

Sur l'appel incident

Sur la demande d'annulation de l'avertissement notifié le 17 mars 2016

Il résulte de l'article L.1333-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, l'employeur a reproché au salarié dans cet avertissement :

'Je me permets de vous adresser ce courrier afin d'attirer votre attention sur un point qui fragilise la vie du restaurant.

En effet, je vous rappelle que le poste que vous occupez en tant que Cuisinier depuis le 10 septembre 2015 nécessite une spécialisation dans la cuisine traditionnelle française. Or depuis votre embauche, vous n'avez jamais pu sortir un plat de cuisine traditionnelle française. Il y a eu d'ailleurs plusieurs mécontentements des clients.

Je vous remercie de faire le nécessaire pour résoudre ce problème.'

La lettre de sanction ne vise que l'absence de réalisation de cuisine traditionnelle française et non un manque de qualité. Le contrat de travail ne comporte aucune stipulation relative à la cuisine traditionnelle française. Dès lors, la cour retient que ce manquement, à le supposer établi, ne revêt pas de caractère fautif et annule l'avertissement.

Le salarié ne justifiant pas d'un préjudice résultant du prononcé de cette sanction, la cour le déboute de sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre, par confirmation du jugement.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié soutient avoir subi un grave préjudice financier et avoir retrouvé un travail en juillet 2016 pour un salaire bien inférieur, lequel s'est terminé en juin 2017. Il précise être au chômage.

Compte tenu de la faible ancienneté du salarié (7 mois) et de l'absence de justification de ses recherches d'emploi, la cour confirme le jugement en ce qu'il lui a alloué 3 555,88 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages-intérêt pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité

Le salarié reproche à l'employeur de ne pas avoir procédé à la visite médicale d'embauche et des conditions de travail dégradées, bien que signalées à l'employeur.

L'employeur ne conclut pas sur ce point.

Tenu d'une obligation de sécurité, l'employeur doit en assurer l'effectivité en prenant les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas son obligation en la matière lorsqu'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

En l'occurrence, l'employeur ne justifie pas du respect de ses obligations. La cour, par infirmation du jugement, alloue au salarié 100 euros de dommages-intérêts à ce titre.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié soutient que l'employeur lui a imposé une modification de son contrat de travail, malgré son refus de signer l'avenant à son contrat de travail.

Dans ses conclusions, l'employeur reconnaît que les horaires de travail du salarié ont été modifiés et affirme que l'intéressé a signé l'avenant à son contrat de travail.

L'avenant soumis au salarié prévoit qu'à compter du 7 mars 2016, ses horaires seront de 15 heures à 22 heures 30, au lieu de 7 heures 30 à 15 heures. La convention collective applicable définit le travail de nuit comme tout travail accompli entre 22 heures et 7 heures. Dès lors, le passage d'un horaire de journée en un horaire partiellement de nuit requérait l'accord du salarié. L'employeur soutient que le salarié aurait signé cet avenant mais il n'en justifie pas, alors que le salarié le conteste. Il résulte des déclarations des parties que cet avenant a toutefois été mis en oeuvre.

Dès lors, la cour, par infirmation du jugement, retient que ce manquement est établi et condamne l'employeur à payer 500 euros de dommages et intérêts.

Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Conformément à l'article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause, est constitutif de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Les témoignages produits par le salarié ne respectent pas le formalisme de l'article 202 du code de procédure civile. La cour retient que les éléments versés aux débats ne suffisent pas à caractériser la volonté de dissimulation de l'employeur et confirme le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les autres demandes

Les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, et les créances indemnitaires à compter du jugement pour celle qui est confirmée et du présent arrêt pour le surplus.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Il y a lieu d'enjoindre à l'employeur de remettre au salarié le bulletin de salaire du mois de mai 2016, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés, et de régulariser la situation du salarié au titre du préavis auprès des organismes sociaux, sans qu'il apparaisse nécessaire d'assortir ces décisions d'une mesure d'astreinte.

L'équité commande d'allouer au salarié la somme supplémentaire de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

L'employeur, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de la société Pajgan en l'absence d'effet dévolutif de l'appel ;

Statuant sur l'appel incident de M. [Y] [N] [T] :

- Confirme le jugement en ce qu'il a alloué à M. [Y] [N] [T] la somme de 3 555,88 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour avertissement nul et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- L'infirme en ce qu'il a débouté M. [Y] [N] [T] de ses demandes de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

- Condamne la société Pajgan à payer à M. [Y] [N] [T] les sommes de :

- 100 euros de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de sécurité ;

- 500 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception, par la société Pajgan, de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter du jugement pour celle qui est confirmée et du présent arrêt pour le surplus ;

- Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- Enjoint à la société Pajgan de remettre à M. [Y] [N] [T] son bulletin de salaire du mois de mai 2016, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés, et de régulariser la situation du salarié au titre du préavis auprès des organismes sociaux ;

- Rejette la demande d'astreinte ;

- Condamne la société Pajgan à verser à M. [Y] [N] [T] 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société Pajgan aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/04444
Date de la décision : 31/08/2022
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-31;19.04444 ?
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