Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 25 AOÛT 2022
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11649 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAMR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 16/00710
APPELANTE
Madame [Z] [L] [K] épouse [D]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Maryline LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
INTIMEE
SARL RUBI FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés
en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.
Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Le Groupe Germans Boada, également dénommé Groupe Rubi, de nationalité espagnol, est spécialisé dans la fabrication d'outils de coupe et de pose de carreaux de céramique. Il possède plusieurs filiales dont une en France, la société Rubi France, qui commercialise les produits fabriqués en Espagne.
Selon contrat à durée indéterminée du 1er février 1999, Mme [D] a été engagée en qualité d'assistante commerciale et s'est mariée en juillet 2013 avec M. [R] [D], directeur de la fililale. La relation contractuelle était soumise à la convention collective nationale des commerces de gros.
Par courrier du 11 mai 2016, la société Rubi France a notifié à M. [D] un avertissement pour des faits de harcèlement moral à l'encontre des salariés.
Par courrier du 6 juin 2016, la société Rubi France a proposé à Mme [D] la rupture de son contrat de travail moyennant le versement d'une majoration de 25 % de l'indemnité légale de licenciement, l'octroi de la totalité de son bonus annuel, la prise en charge d'un outplacement et une période de transition de six mois pour lui permettre de retrouver un emploi.
Du 15 au 30 juin 2016, Mme [D] a été en arrêt de travail et a dénoncé par courriel les pressions exercées à son égard.
Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 8 juillet 2016 au motif de défaillance dans l'accomplissement de sa mission, celle-ci se traduisant par un désinvestissement de sa part.
Le même jour, M. [D] a été licencié pour motif disciplinaire avec dispense de préavis compte tenu de son comportement à l'égard des salariés et de ses propos inadmissibles.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau le 1er août 2016 pour obtenir paiement de diverses sommes.
Par jugement avant dire droit rectifié du 5 septembre 2018, le conseil de prud'hommes a jugé irrecevables les enregistrements audio, objets des pièces n°3-1, 5-1, 9-3 et 13-1, les transcriptions de ces enregistrements (pièces adverses n°4-2, 5-2, 9-1 et 13-2).
Par jugement en date du 16 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a :
- fixé le montant de son salaire mensuel moyen brut à 3 094 euros ;
- dit que le licenciement de Mme [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Rubi France à payer à Mme [D] les sommes suivantes :
- 18 564 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Pour allouer des dommages et intérêts pour exécution fautive, le conseil a jugé que la proposition de rupture conventionnelle était très déstabilisante et de nature a générer un préjudice psychologique puisque l'obligeant à choisir entre sa relation conjugale et son contrat de travail.
Le 25 novembre 2016, Mme [D] a interjeté appel de ce jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Selon ses écritures notifiées le 29 juillet 2020, Mme [D] demande à la cour, in limine litis de rejeter la demande de la société Rubi France tendant à voir écarter la pièce n°20 correspondant à l'attestation de M. [D] et conclut au rejet des prétentions de la société Rubi France et à sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :
- 74.000 euros nets de cotisations sociales et de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 15.000 euros nets de cotisations sociales et de CSG-CRDS de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou, à défaut, exécution fautive du contrat de travail ;
- 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance en appel.
Selon ses écritures notifiées le 7 mai 2020, la société Rubi France, formant appel incident, demande à la cour, de :
- vu les article 9 du code civil et 6 § 1 de la CEDH, confirmer le jugement et la décision avant-dire-droit du 5 septembre 2018 rectifiée par la décision du 7 novembre 2018 en ce qu'ils ont jugé irrecevables les enregistrements audios, soit les pièces adverses
anciennement numérotées : 4-1, 5-1, 9-3 et 13-1, les transcriptions de ces enregistrements, soit les pièces adverses anciennement numérotées : 4-2, 5-2, 9-1 et 13-2, ordonné que ces pièces soient écartées des débats et débouté Mme [D] de sa demande d'accueil de serment supplétoire ;
- infirmer le jugement et la décision avant-dire-droit du 5 septembre 2018 rectifiée par la décision du 7 novembre 2018, en ce qu'ils ont jugé recevable la pièce n°9-4 (désormais n°20), intitulée ' synthèse de l'entretien préalable de convocation', et ordonné que cette pièce soit maintenue dans les débats ;
Et, statuant à nouveau,
- juger irrecevable la pièce adverse anciennement numérotée 9-2 ' enregistrement audio des entretiens préalables de M. et Mme [D] du 1 er juillet 2016 ' ;
- juger que la pièce adverse n°20 (ex 9-4) n'est pas une véritable attestation mais constitue une reproduction des pièces adverses anciennement numérotées 9-1 et 9-3, transcriptions d'un enregistrement audio obtenu de façon déloyale, dire qu'elle est irrecevable et ordonner qu'elle soit écartée des débats ;
Au fond,
A titre principal,
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et ce qu'elle a été condamnée à payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat et des frais irrépétibles ;
Et statuant à nouveau,
- juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter Mme [D] de toutes ses demandes,
- subsidiairement, confirmer le jugement et juger que Mme [D] n'établit ni la réalité, ni l'étendue de son préjudice et la débouter de ses demandes complémentaires;
En toutes hypothèses,
- condamner Mme [D] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions notifiées par RPVA.
L'instruction a été déclarée close le 13 avril 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande tendant à voir écarter certaines pièces produites par Mme [D]
La société Rubi France précise que sa demande concerne des enregistrements sonores réalisés clandestinement et leur retranscription, ces pièces ayant été exclues en première instance, et elle demande à la cour d'écarter le témoignage de M. [D] qui n'est que la transcription de l'enregistrement audio contesté et effectué durant l'entretien préalable.
Mme [D] rétorque qu'en appel, elle n'a pas produit ces pièces de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande et que s'agissant du témoignage de M. [D], celui-ci a assisté à l'entretien préalable et a vocation à rédiger un compte-rendu de celui-ci.
La pièce n°20 produite par Mme [D] est la retranscription de l'entretien préalable auquel M. [D] l'a assistée en sa qualité de salarié de l'entreprise. Par conséquent, cette pièce ne saurait être écartée des débats, l'assistance du salarié étant prévue par le code du travail.
Les autres pièces évoquées par la société intimée n'ont pas été produites en appel par la salariée.
Sur le licenciement
La société Rubi France fait valoir que le conseil de prud'hommes en a tenu compte des pièces litigieuses écartées des débats. Elle précise que Mme [D] était responsable de l'administration des ventes, et qu'elle a fait preuve d'insubordination en refusant d'exécuter certaines tâches telles que les réclamations des clients. Elle souligne qu'elle s'absentait sans motif et de manière répétée, et qu'elle a adopté un comportement inadmissible avec les salariés, leur donnant des instructions en hurlant alors qu'elle n'était pas leur supérieur hiérarchique.
S'agissant du préjudice, elle fait valoir que Mme [D] et son mari ont créé leur propre société de conseil en novembre 2016 et ont accepté une mission de direction commerciale au sein de la société Covepro, que toutefois, la salariée n'a pas communiqué d'information concernant ses revenus.
Mme [D] fait valoir que lorsqu'elle a été licenciée, elle n'exerçait plus les fonctions d'assistante commerciale de sorte que le premier motif de licenciement ne peut être retenu. Elle conteste avoir failli dans l'exercice de ses missions, n'ayant pas reçu de demandes répétées de la part du gérant de la société Rubi France ni été remplacée par d'autres salariés, et relève que Mme [F] a quitté l'entreprise en novembre 2014 de sorte que les faits allégués par cette dernière sont prescrits faute d'avoir fait l'objet d'une procédure disciplinaire dans les deux mois. Elle nie avoir adopté un comportement inapproprié, aucun événement précis n'étant cité. Elle relate le contexte dans lequel elle a été amenée à rédiger le courriel du 18 juin 2016, à savoir les pressions exercées à son encontre afin qu'elle quitte l'entreprise au seul motif qu'elle était l'épouse de M. [D].
S'agissant du préjudice résultant du licenciement, elle précise avoir recherché activement un emploi mais en vain, ce qui l'a amené à créer avec M. [D] une société leur ayant permis de prendre la direction commerciale de la société Covepro sans toutefois retrouver leur niveau de rémunération antérieur. Or, elle met en exergue sa grande ancienneté et son âge, soit 47 ans, lors de son licenciement pour solliciter une augmentation de la somme allouée en première instance au titre des dommages et intérêts.
L'article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire reposer sur des faits objectifs et vérifiables, les événements étant appréciés concrètement selon leur ampleur, leurs conséquences sur la bonne marche de l'entreprise et le comportement du salarié au sein de l'entreprise.
L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, qu'il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties.
Par courrier du 8 juillet 2016, la société Rubi France, après avoir rappelé que Mme [D] avait été engagée en qualité d'assistante commerciale, lui a notifié son licenciement au motif qu'étant chargée du traitement des réclamations des clients liées aux prestations de transport des produits, elle avait failli dans l'accomplissement de sa mission malgré ses demandes répétées, celles-ci ayant été exécutées à plusieurs reprises par d'autres salariés au sein de la société mère, que cette défaillance s'inscrit dans un désinvestissement progressif de sa part dans la mesure où elle ne saisit pas les commandes de manière régulière et n'informe pas son employeur des réclamations des clients, provoquant ainsi un afflux de réclamations généralement en fin de mois. Elle évoque également sa désinvolture et son absence de motivation, s'étant absentée à plusieurs reprises au cours des dernières semaines sans prévenir ses collègues, ce qui a désorganisé l'entreprise. Elle déplore également ses comportements et propos inappropriés envers certains salariés, leur ayant donné des instructions alors qu'il lui revenait de rapporter toute difficulté afin que l'entreprise intervienne. Elle précise que son courriel mensonger du 18 juin 2016 sur les pressions psychologiques exercées sur son couple est grave et qu'elle instrumentalise sa relation de couple avec M. [D] afin de faire pression sur la société. Elle en déduit que son attitude est incompatible avec l'exercice de ses fonctions.
Préalablement à l'examen des motifs de la lettre de licenciement, il y a lieu de rappeler les fonctions qui étaient celles de Mme [D]. Initialement embauchée en qualité d'assistante commerciale, la société Rubi France précise que ses fonctions avaient évolué vers celles d'assistante de direction. Mme [D] soutient qu'elle n'était plus assistante commerciale mais assistante de direction depuis mars 2006. Les parties sont donc d'accord sur les fonctions effectivement exercées par la salariée, à savoir celles d'assistante de direction.
L'avenant du 31 mars 2006 mentionne des fonctions d'assistante de direction et précise qu'en complément, elle assume la responsabilité du département de l'administration des ventes, ayant pour mission principale de veiller à la bonne organisation du service composé de deux salariés et du standard téléphonique. Une rémunération complémentaire de 800 euros bruts est prévue en plus d'un bonus lié d'une part à l'organisation du secrétariat et d'autre part à la bonne organisation et à l'encadrement du département des ventes.
Il s'en déduit qu'en plus de ses fonctions d'assistante de direction, Mme [D] assumait la responsabilité du département de l'administration des ventes depuis 2006.
La société Rubi France produit essentiellement des attestations concernant les agissements de M. [D] et quelques unes seulement concernant l'appelante.
M. [W], comptable et contrôleur de gestion, évoque le comportement inapproprié de Mme [D] à l'égard de ses collaboratrices, notamment Mme [H] à laquelle elle a demandé un matin de cesser immédiatement le classement pour reprendre la saisie des commandes. Il indique que Mme [H] a expliqué à Mme [D] que sa demande s'apparentait à une forme de pression puisqu'elle ne lui laissait pas faire normalement son travail et que l'intimée a rétorqué devant le personnel présent dans les bureaux de la manière suivante : 'tu crois que tu as la pression là' Je vais te la mettre la pression et tu vas comprendre ce que c'est'. Il évoque également l'abstention de toute intervention de la part de Mme [D] lors d'une crise de colère de M. [D] en janvier 2015 alors qu'elle était chargée des ressources humaines.
Mme [X], salariée d'octobre 2014 à mai 2015, précise que Mme [D] n'a pas transmis ses arrêts de travail à la caisse primaire d'assurance maladie et qu'elle n'a pas perçu les indemnités journalières pendant deux mois.
Mme [C], assistante commerciale depuis février 2015, indique qu'en novembre 2015, à la suite de propos violents de la part de M. [D] le 18 novembre 2015, elle a souhaité que Mme [D] assiste à l'entretien sollicité par celui-ci mais qu'elle avait quitté les locaux de l'entreprise pendant 30 minutes.
L'attestation de Mme [F], laquelle a quitté l'entreprise en novembre 2014, concernent uniquement M. [D].
Il en résulte que la société Rubi France de démontre pas l'insubordination de Mme [D], aucune pièce n'attestant de son refus d'exécuter ses tâches dont notamment les réclamations des clients. Les absences répétées et injustifiées de la salariée ne sont pas plus établies, sa seule absence pendant une demi heure étant insuffisante à rapporter la preuve du grief allégué.
Mme [D] relève à juste titre que les propos qu'elle aurait tenus à l'encontre de Mme [H] ne sont pas datés de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier s'ils sont antérieurs ou non de plus de deux mois par rapport à l'engagement de la procédure de licenciement. Eu égard au délai de deux mois prescrit par l'article L. 1332-4 du code du travail pour l'engagement de poursuites disciplinaires par l'employeur à compter du jour où il en a eu connaissance, ce fait ne peut pas être retenu comme étant prescrit.
Par ailleurs, l'attestation de M. [W] n'est pas précise ni circonstanciée concernant le caractère inapproprié du comportement de Mme [D] à l'égard de ses collaboratrices, aucune date n'étant indiquée concernant ses propos adressés à Mme [H].
Enfin, l'examen du courriel du 18 juin 2016 adressé par la salariée à la société Rubi France s'inscrit dans un contexte particulier, à savoir la dénonciation par l'entreprise de faits de maltraitance de la part de M. [D] à l'encontre du personnel dans un courriel du 11 mai 2016 et la proposition de transaction adressée à Mme [D] le 6 juin 2016 afin qu'elle quitte l'entreprise au plus tard à la fin de l'année en contrepartie du versement des indemnités légales, de sa rémunération majorée de 25% jusqu'au 31 décembre 2016, de la totalité de son bonus et du bénéfice d'un outplacement. Mme [D] a seulement exprimé son émoi et le désarroi ressenti, estimant que la volonté de la société Rubi France de se séparer d'elle était liée à sa situation d'épouse de M. [D] et que des pressions psychologiques avaient été exercées envers elle et son époux. Dès lors, il ne peut pas lui être reproché d'avoir adressé ce courriel à son employeur.
Il s'en déduit que les griefs allégués ne sont pas établis ou sont prescrits. Le licenciement de Mme [D] est donc dénué de cause réelle et sérieuse.
La société ne discute pas qu'elle dispose d'un effectif au moins égal à onze salariés, l'attestation destinée à Pôle emploi mentionnant l'emploi de treize salariés.
Dans ces conditions, Mme [D], compte tenu de son ancienneté, a droit au paiement d'une indemnité qui en application de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Au regard de la perte d'une ancienneté de 17 ans, de son âge à la date de son licenciement, soit 48 ans, et de l'absence d'élément concernant les revenus tirés de la création d'une société avec son époux, l'indemnisation accordée par le premier juge est justifiée et sera confirmée. La majoration sollicitée devant la cour n'est pas justifiée en l'absence de production de pièces.
Sur la demande de qualification des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en nets
S'agissant d'une somme à caractère indemnitaire, la somme allouée à l'appelante au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse n'a pas à être qualifiée de nette ou de brute sous réserve, concernant cette dernière, de l'application de l'article L. 242-1 alinéa 10 du code de la sécurité sociale qui précise qu'est exclue de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond de sécurité sociale, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail. Pour l'application du présent alinéa, il est fait masse des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et de celles liées à la cessation forcée des fonctions.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sans CGS CRDS
L'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale précise qu'a été instituée une contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement à laquelle sont assujettis les personnes physiques domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu. Cette contribution n'est donc pas à la charge de l'employeur. Toutefois, les dommages et intérêts sont exonérés de CSG et de CRDS dans la limite du montant minimum prévu par la loi pour l'indemnité concernée ou du montant exonéré de cotisations s'il est inférieur. Ainsi, le montant des dommages et intérêts est au minimum égal à six mois de salaire en application de l'article L. 1234-9 du code du travail. En conséquence, si le montant alloué à la salariée est supérieur, la partie excédentaire sera soumise à la CCG et la CRDS.
Sur le remboursement indemnités à Pôle emploi
Conformément aux dispositions de l'article L1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la société Rubi France est tenue de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Mme [D] dans la limite de deux mois à compter de son licenciement.
Sur les faits de harcèlement moral et à défaut l'exécution fautive du contrat de travail
Mme [D] invoque la pression psychologique exercée de manière injustifiée par la société Rubi France dans le but de la déstabiliser pour l'amener à quitter l'entreprise et l'arrêt maladie qui lui a été prescrit, indiquant que son seul tort était celui d'être l'épouse du directeur de la filiale. Elle estime que la somme allouée par le conseil de prud'hommes est insuffisante au regard du préjudice psychologique subi l'obligeant à choisir entre sa relation conjugale et son contrat de travail, évoquant à cet effet l'existence de faits de harcèlement moral à titre principal et à défaut l'exécution fautive du contrat de travail.
La société Rubi France soutient que la formulation d'une proposition de rupture conventionnelle est sans lien avec le préjudice allégué par Mme [D], lequel ne diffère pas de celui résultant de la rupture.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 de ce même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [D] invoque la proposition de rupture amiable de son contrat de travail en l'absence de tout reproche et au seul motif qu'elle était l'épouse du directeur de la filiale, ainsi que le préjudice psychologique en résultant.
Elle produit la proposition de rupture amiable déjà exposée ci-dessus et l'arrêt de travail prescrit dans le même temps.
Or, ce seul fait, à savoir la proposition de rupture amiable du contrat de travail, ne répond pas à la définition juridique du harcèlement moral exigeant des agissements répétés de sorte que l'appelante n'établit pas l'existence de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. La demande d'indemnisation ne peut donc prospérer sur ce fondement.
Par ailleurs, la proposition de rupture amiable, si elle ne comporte aucune référence à l'époux de M. [D], est néanmoins intervenue à la suite des critiques exprimées par la société Rubi France au sujet de la gestion du personnel par ce dernier et en l'absence de tout grief exprimé au sujet du travail réalisé par Mme [D]. Dès lors, Mme [D] a pu à juste titre être déstabilisée par cette proposition et subir un préjudice psychologique qu'il convient d'indemniser à concurrence de la somme allouée en première instance. Il n'y a pas lieu de préciser que ceux-ci ne sont pas soumis à CSG ni CRDS ni qu'ils sont en nets ou en bruts s'agissant d'une somme à caractère indemnitaire.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement sauf à préciser que les dommages et intérêts alloués ne sont ni en nets ni en bruts et qu'il n'y a pas lieu de préciser qu'ils ne sont pas soumis à CGS ni CRDS, et en ce qu'il a omis de prévoir le remboursement par l'employeur des indemnités versées à Pôle emploi;
Et statuant à nouveau,
ORDONNE à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de deux mois d'indemnités ;
DIT que chacune des parties garde à sa charge les frais qu'elle a engagés en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les dépens d'appel à la charge de Mme [L] [K] épouse [D].
LA GREFFI'RE LA PR''SIDENTE