Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 25 AOÛT 2022
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08522 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANYS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/07206
APPELANT
Monsieur [V] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Virginie RIBEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1066
INTIMEE
SAS AIR TRANSFERT
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Alexandra JONGIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0802
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats, entendus en leur rapport, ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.
Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé jusqu'à ce jour,
- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES
M. [V] [U] a été engagé par la société Air Transfert en qualité de chauffeur par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein prenant effet le 9 septembre 2016.
La société Air Transfert est une entreprise de transport privé et de taxis d'affaires.
Par courrier du 17 juillet 2018, M. [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par courrier du même jour, la société Air Transfert a convoqué M. [U] à un entretien préalable fixé le 25 juillet 2018 en vue d'un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 1er août 2018 pour faute grave (abandon de poste).
Sollicitant que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 26 septembre 2018 aux fins d'obtenir la condamnation de la société Air Transfert au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 21 janvier 2019, le conseil de prud'hommes a débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné aux dépens et a débouté la société Air Transfert de sa demande reconventionnelle.
Le 26 juillet 2019, M. [U] a interjeté appel de ce jugement.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 25 janvier 2022, il demande à la cour de :
Infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société Air Transfert de ses demandes reconventionnelles formulées au titre de remboursement de l'indemnité de licenciement et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté la société Air Transfert de ses demandes reconventionnelles formulées au titre de remboursement de l'indemnité de licenciement et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre principal,
Prononcer le bien-fondé de la prise d'acte en date du 17 juillet 2018 aux torts exclusifs de l'employeur suite aux manquements renouvelés du contrat de travail par ce dernier,
Requalifier la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire,
Dire et juger que son licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse,
Requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
Condamner la société Air Transfert à lui verser les sommes suivantes :
- Indemnité compensatrice de préavis : 1.622 euros,
- Indemnité de congés payés y afférents : 162,20 euros,
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1.622 euros,
- Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 9.732 euros,
- Dommages et intérêts en raison de l'absence de visite médicale d'embauche : 1.622 euros,
- Dommages et intérêts pour absence de mutuelle : 1.622 euros,
- Rappel d'heures supplémentaires pour la période de septembre 2016 à juillet 2018 : 31.162,05 euros,
- Congés payés y afférents : 3.116,21 euros,
- Rappel de la prime du treizième mois pour l'année 2017 et 2018 : 2 973,66 euros,
- Congés payés y afférents : 297,36 euros,
Prononcer la condamnation des sommes aux intérêts légaux à compter de la demande introductive d'instance,
Dire que les intérêts des capitaux échus pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
Condamner la société Air Transfert à lui payer la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant de la procédure devant le conseil de prud'hommes, ainsi que la somme de 3.000 euros sur le même fondement concernant cette fois-ci la présente instance pendante devant la cour d'appel,
Condamner, enfin, la société Air Transfert aux entiers dépens.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 15 janvier 2020, la société Air Transfert demande à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de rappel de salaire au titre de la prime de 13e mois et les congés payés afférents et débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,
Infirmer en ce qu'il l'a déboutée des demandes suivantes et statuer à nouveau,
Condamner M. [U] au paiement de la somme de 1.622 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et au remboursement de la somme de 817,56 euros perçue indûment par le salarié au titre de l'indemnité légale de licenciement,
A titre subsidiaire,
Se déclarer incompétent pour connaître des demandes liées à la contestation du licenciement de M. [U] notifié par courrier du 1er août 2018,
Renvoyer M. [U] à mieux se pourvoir,
En tout état de cause,
Condamner M. [U] aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L'instruction a été déclarée close le 16 mars 2022.
MOTIFS :
Sur les heures supplémentaires :
De manière générale, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, M. [U] expose que si le planning des tournées qu'il devait accomplir lui était communiqué la veille par l'employeur, il faisait toujours l'objet d'une ou plusieurs modifications de la part de ce dernier le jour même, l'obligeant ainsi à rester toute la journée à la disposition de la société pour recevoir ses directives et respecter les nouveaux horaires de prise en charge des clients. Il soutient ainsi que sa durée journalière de travail est déterminée par l'intervalle de temps séparant le moment à partir duquel il quitte son domicile pour se rendre à sa première course du moment à partir duquel il rentre à son domicile au terme de sa dernière course.
Sur cette base, le salarié produit deux décomptes, l'un sur la période du 12 septembre 2016 au 2 juillet 2017 et l'autre sur la période du 3 juillet 2017 au 8 juillet 2018, mentionnant tous deux journalièrement l'heure de départ de son domicile pour réaliser sa première course, l'heure d'arrivée à son domicile au terme de la dernière course, la durée de travail, le nombre d'heures supplémentaires allégué et la majoration qui leur est applicable. Il produit également des plannings sur la base desquels les décomptes ont été réalisés.
M. [U] déduit de l'ensemble de ces éléments que :
- sur la période de septembre 2016 à juin 2017, il a accompli 1.889 heures supplémentaires et 55 minutes, dont 312 heures devant être majorées à 25% et 1.577 heures et 55 minutes devant être majorées à 50%. Déduction faite des heures supplémentaires qui lui ont été réglées et qui sont mentionnées sur ses bulletins de paye, il sollicite ainsi un rappel de salaire d'un montant de 25.464,78 euros,
- sur la période de juillet 2017 à juillet 2018, il a accompli 501 heures supplémentaires dont 234,1 heures devant être majorées à 25% et 266,9 heures devant être majorées à 50%. Déduction faite des heures supplémentaires qui lui ont été réglées et qui sont mentionnées sur ses bulletins de paye, il sollicite ainsi un rappel de salaire d'un montant de 5.697,27 euros.
Ainsi, M. [U] sollicite la somme de 31.162,05 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période de septembre 2016 à juillet 2018, outre 3.116,21 euros de congés payés afférents.
M. [U] présente, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement. Dès lors, il incombe à la société Air Transfert, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de formuler ses observations, laquelle ne peut se borner à critiquer les éléments produits par le salarié et doit verser aux débats des documents objectifs sur les temps effectivement travaillés.
En défense, la société Air Transfert reproche au salarié de ne pas lui avoir demandé le paiement des heures supplémentaires avant de saisir le conseil de prud'hommes à cette fin. Elle conteste en outre la réalisation des heures supplémentaires invoquées par M. [U], considérant que les décomptes produits sont erronés dans la mesure où, d'une part, ils incluent les temps de trajet entre le domicile et le lieu de prise en charge du client et, d'autre part, ils ne prennent pas en compte les temps de pause.
La société produit des tableaux mentionnant journalièrement le nombre de courses effectuées par le salarié, le temps de travail effectif déterminé forfaitairement eu égard à la nature de la course et les heures de prise en charge des différents clients. Elle produit également un décompte des heures supplémentaires réalisées mensuellement par M. [U] établi sur la base de ces tableaux et soutient que ces heures ont été payées au salarié en se référant aux bulletins de paye versés aux débats.
En premier lieu, il est indifférent que M. [U] n'ait pas demandé à l'employeur le paiement des heures supplémentaires sollicitées avant de saisir le conseil de prud'hommes à cette fin.
En deuxième lieu, selon l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie sous forme de repos, soit financière.
Il s'en déduit que le salarié ne pouvait inclure dans ses décomptes ses temps de trajet entre le lieu d'exécution du contrat de travail et son domicile. Ils doivent donc être déduits de ceux-ci.
En troisième et dernier lieu, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
L'employeur soutient que lorsqu'entre deux courses, il s'écoule moins de trois heures, ces heures non travaillées sont considérées comme du temps de travail effectif. Par contre, lorsque cette durée excède trois heures, il considère qu'il s'agit d'une pause au cours de laquelle le salarié peut vaquer à ses occupations.
Or, M. [U] justifie que l'employeur a fréquemment modifié le jour même son planning en lui adressant un courriel ou un SMS à des heures variables et notamment pendant son temps de pause (pièce 28). Ainsi, par exemple, la société a modifié le planning du salarié pendant son temps de pause les 7 octobre 2016 et 3 mai 2017.
Le changement de planning pouvait également intervenir peu de temps avant la course à effectuer. Ainsi, par exemple, il est produit un courriel par lequel l'employeur a informé à 15h50 le salarié qu'une course devant avoir lieu à 18h05 était remplacée par une course le jour même à 19h05 (pièce 24).
Le planning pouvait être également modifié plusieurs fois par jour comme en attestent par exemple les courriels du 26 juin 2017 adressés par l'employeur au salarié à 9h44, 17h08 et 18h06 (pièce 22).
Il résulte de ce qui précède qu'à plusieurs reprises entre sa première et sa dernière course, le salarié a dû rester à la disposition de l'employeur pour recevoir ses nouvelles directives et exécuter le jour même les courses qui lui étaient confiées. Il s'en déduit que cet intervalle de temps a alors constitué du temps de travail effectif devant être pris en compte au titre des heures supplémentaires.
Au vu de l'ensemble des éléments ainsi soumis à la cour par chacune des parties, il apparaît que le salarié a bien accompli des heures supplémentaires au-delà de la durée contractuelle convenue de 35 heures hebdomadaires, mais toutefois dans une proportion bien moindre que ce qu'il soutient eu égard aux temps de pause non pris en compte par les décomptes produits et déduction faite des temps de trajet entre le domicile et le lieu d'exécution du contrat de travail.
Eu égard également au taux horaire applicable et au taux de majoration des heures supplémentaires, la créance résultant des heures supplémentaires accomplies entre septembre 2016 et juillet 2018 doit être arrêtée à la somme de 10.000 euros bruts, outre 1.000 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur le travail dissimulé :
Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales
Ainsi, la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
M. [U] fait valoir qu'il a travaillé pour la société un nombre important d'heures supplémentaires qui ne sont pas mentionnées sur ses bulletins de paye. Il sollicite ainsi la somme de 9.732 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé.
Toutefois, le seul fait de ne pas mentionner sur les fiches de paye toutes les heures travaillées ou de ne pas avoir payé toutes ces heures est insuffisant à caractériser l'intention de dissimulation de l'employeur.
Il en découle que l'intention de dissimuler n'est pas établie et que la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé doit être rejetée. Le jugement sera confirmé en conséquence.
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat :
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur qui empêchent la poursuite du contrat. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Enfin, lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul selon les circonstances, si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire.
M. [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 17 juillet 2018 dans laquelle il reprochait à son employeur le non-paiement de ses heures supplémentaires, le non-respect des 35 heures hebdomadaires, du droit au repos hebdomadaire et du droit au repos quotidien.
La société conteste ces faits et considère que la prise d'acte de M. [U] doit entraîner les effets d'une démission.
* Sur le bien fondé de la prise d'acte :
Ainsi qu'il a été vu ci-dessus, l'employeur n'a pas versé au salarié les heures supplémentaires qui lui étaient dues entre septembre 2016 et juillet 2018. Ce manquement ayant pour effet de porter atteinte à la rémunération du salarié caractérise un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat. La prise d'acte de la rupture est dès lors justifiée et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
* Sur les indemnités liées à la rupture du contrat :
Le salarié dont la rupture du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse a droit aux indemnités de rupture.
M. [U] sollicite, d'une part, la somme de 1.622 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 162,20 euros de congés payés afférents et, d'autre part, la somme de 1.622 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au préalable, le salarié avait au moment de la prise d'acte une ancienneté de 1 an, 10 mois et 8 jours. Sa rémunération mensuelle brute, déterminée à partir des bulletins de paye produits et incluant les sommes allouées par la cour au titre des heures supplémentaires effectuées entre 2016 et 2018, est fixée, conformément aux écritures de l'appelant, à la somme de 1.620 euros bruts. De même, la société employait à titre habituel moins de 11 salariés.
En premier lieu, l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, dispose que lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l'article.
En l'occurence, pour une ancienneté de 1 an, l'indemnité minimale s'élève à 0,5 mois de salaire brut et l'indemnité maximale est de 2 mois.
Au regard de l'ancienneté de M. [U], de son âge lors de la rupture (28 ans), de ce qu'il n'est versé aux débats aucun élément relatif à sa situation personnelle postérieure à la rupture et du montant mensuel de son salaire brut, il y a lieu de lui accorder la somme de 900 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En second lieu, en application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, le salarié est en droit d'obtenir la somme de 1.622 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis d'un mois, outre 162,20 euros bruts de congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
* Sur les demandes reconventionnelles de la société Air Transfert :
Analysant la prise d'acte de rupture du contrat de travail comme une démission, la société Air Transfert sollicite la condamnation du salarié à lui verser la somme de 1.622 euros pour le préavis d'un mois non exécuté et la somme de 817,56 euros versée par erreur à titre d'indemnité de licenciement.
La cour ayant jugé que la prise d'acte de la rupture est justifiée et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société Air Transfert sera déboutée de ses demandes pécuniaires et le jugement sera confirmé en conséquence.
Sur le préjudice résultant de l'absence de visite médical d'embauche :
Selon l'article R. 4624-10 du code du travail, dans sa version antérieure au décret n°2016-1906 du 27 décembre 2016 applicable à la date d'embauche de M. [U] le 9 septembre 2016, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.
Ces examens concourent à la protection de la santé et de la sécurité des salariés et l'abstention de l'employeur, qui en la matière est tenu par une obligation de sécurité de moyen renforcée, doit en assurer l'effectivité. Toutefois, M. [U] n'invoque aucun préjudice résultant de l'absence de visite médicale d'embauche et il ne verse aux débats aucune pièce de sorte que sa demande tendant à l'obtention de la somme de 1.622 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre doit être rejetée.
Le jugement sera confirmé en conséquence.
Sur le préjudice résultant de l'absence de mutuelle :
Mme [U], qui réclame une somme de 1.622 euros à titre de dommages-intérêts, soutient que l'employeur ne lui a pas fait bénéficier d'une complémentaire santé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 911-7-1 du code de la sécurité sociale. Il conteste le fait que la société lui a adressé des documents aux fins de souscription à son profit d'une mutuelle.
L'employeur conclut au débouté en exposant que M. [U] n'a pu bénéficier de la mutuelle dans la mesure où ce dernier ne lui a pas renvoyé les documents relatifs à la souscription d'une complémentaire santé à son profit.
En premier lieu, l'employeur ne démontre pas qu'il a communiqué au salarié qui le conteste le bulletin d'affiliation à la complémentaire Carcept Prev produit (pièce 19), qui est non daté et non signé.
En second lieu, M. [U] ne précise pas le préjudice résultant de l'absence de mutuelle, se contentant d'invoquer un préjudice nécessaire et le fait qu'il a dû souscrire une complémentaire santé ce qui ne se déduit d'aucune pièce versée aux débats. Il ne justifie dès lors d'aucun préjudice. Sa demande d'indemnisation est donc rejetée. Le jugement sera confirmé en conséquence.
Sur le rappel de salaire au titre de la prime de 13ème mois :
* Sur la recevabilité de la demande :
L'employeur expose que la demande du salarié au titre de la prime de 13ème mois n'était pas contenue dans la requête introductive d'instance déposée par ce dernier devant le conseil de prud'hommes le 26 septembre 2018 mais dans ses conclusions en défense. Le décret n°2016-660 du 20 mai 2016 ayant abrogé pour les instances introduites à compter du 1er août 2016, les règles spécifiques à la procédure prud'homale relative à l'unicité de l'instance et à la recevabilité des demandes nouvelles, la société soutient que la demande du salarié au titre de la prime de 13ème mois s'analyse en une demande additionnelle et qu'elle est irrecevable dans la mesure où elle ne présente pas un lien suffisant avec ses prétentions originaires consistant à faire juger par la juridiction prud'homale le bien-fondé de sa prise d'acte de rupture du contrat de travail.
Le salarié ne produit aucun argumentaire sur ce point.
Aux termes de l'article 65 du code de procédure civile, constitue une demande additionnelle la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures.
L'article 70 du code de procédure civile prévoit que les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Dans sa requête introductive M. [U] a notamment sollicité le versement par l'employeur de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires. La demande additionnelle du salarié au titre de la prime de 13ème mois concernant également un élément de sa rémunération présente dès lors un lien suffisant avec ses prétentions originaires.
Aussi, la demande additionnelle du salarié est recevable, le lien de rattachement avec les prétentions originaires étant suffisant.
Sur le bien fondé de sa demande :
Aux termes de l'article 26 de l'accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport : 'Dans les entreprises de transport routier de voyageurs, il est garanti à tous les salariés visés par le présent article un taux horaire conventionnel. Celui-ci inclut les éventuelles indemnités différentielles instituées dans le cadre des lois sur la réduction du temps de travail.
Par ailleurs, il est créé, pour les salariés ayant au moins 1 an d'ancienneté dans l'entreprise au 31 décembre de chaque année, un 13e mois conventionnel.
Ce 13e mois est calculé pro rata temporis pour les bénéficiaires ne justifiant pas d'une année civile complète de travail effectif, tel qu'il est défini par les dispositions légales.
Il s'entend sur la base de 35 heures de travail hebdomadaires dans le cadre d'une activité à temps complet et pro rata temporis dans les autres cas. Le taux horaire pris en compte est celui du mois de novembre de l'année considérée (...)'.
M. [U] soutient que cet accord lui est applicable dans la mesure où son contrat de travail et ses bulletins de paye font mention de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport. Il sollicite ainsi la somme de 2.973,66 euros à titre de rappel de salaires au titre de la prime de 13ème mois pour les années 2017 et 2018, outre la somme de 297,36 euros de congés payés afférents.
La société soutient au contraire que la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport n'est pas applicable dans la mesure où son activité ne relève pas du champ d'application de cette convention. Elle conclut ainsi au débouté de la demande du salarié.
En l'espèce, s'il est vrai que l'activité de la société Air transfert n'entre pas dans le champ d'application de la convention nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport tel que défini par son article 1er, la volonté claire et non équivoque de l'employeur d'appliquer cette convention collective résulte de la mention de cette convention collective dans le contrat de travail et sur les bulletins de paye de M. [U]. Dans la mesure où l'accord du 18 avril 2002 précité est annexé à cette convention et antérieur à la conclusion du contrat de travail, la cour considère qu'elle est applicable au salarié.
L'employeur ne contestant pas le montant du rappel de salaire au titre de la prime de 13ème mois et des congés afférents, il sera fait droit à la demande de M. [U], précision faite que les sommes seront allouées en brut. Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur les demandes accessoires :
Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne. Les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
La société Air Transfert qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens de première instance et d'appel et être condamnée à payer à M. [U] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et d'appel. La société sera en revanche déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a :
- débouté M. [V] [U] de ses demandes indemnitaires au titre du travail dissimulé, de l'absence de visite médicale et de l'absence de mutuelle,
- débouté la société Air Transfert de ses demandes reconventionnelles ;
Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Air Transfert au titre de la prime de 13ème mois ;
DIT que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est bien fondée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société Air Transfert à verser à M. [V] [U] les sommes suivantes:
- 10.000 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées de septembre 2016 à juillet 2018,
- 1.000 euros bruts de congés payés afférents,
- 2.973,66 euros bruts de rappel de salaire au titre de la prime de 13ème mois pour les années 2017 et 2018,
- 297,36 euros bruts de congés payés afférents,
- 1.622 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis,
- 162,20 euros bruts de congés payés afférents,
- 900 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la présente décision ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dûs pour une année entière ;
DEBOUTE la société Air Transfert de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Air Transfert aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFI'RE LA PR''SIDENTE