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07/07/2022 | FRANCE | N°21/20087

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 07 juillet 2022, 21/20087


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 07 JUILLET 2022



(n° , 21 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20087 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEV4U



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 19/59541





APPELANT



M. [L] [I]



[Adresse 4]

[Local

ité 1]



Représenté et assisté par Me Mélody OLIBÉ, avocat au barreau de PARIS







INTIMEE



LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Mme [P] ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 07 JUILLET 2022

(n° , 21 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20087 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEV4U

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 19/59541

APPELANT

M. [L] [I]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté et assisté par Me Mélody OLIBÉ, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Mme [P] [T], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport dont il a donné lecture, et Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par exploit d'huissier de justice délivré le 13 septembre 2019, la Ville de [Localité 6] prise en la personne de Mme la Maire de [Localité 6], a attrait M. [I] devant le président du tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire de Paris, saisi en la forme des référés, aux fins de voir le défendeur condamné à lui payer des amendes civiles de 50.000 euros et 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et de l'article L.324-2-1 du code du tourisme, concernant l'appartement situé au quatrième étage de l'immeuble du [Adresse 2], lot n°31.

Par ordonnance du 24 janvier 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 6] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Le 22 septembre 2020, la. Cour de justice de l'Union européenne a rendu son arrêt, par lequel elle considère la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/ 123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 6] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie.

Par ordonnance contradictoire du 29 septembre 2021, le juge des référés, a :

- condamné M. [I] à payer une amende civile de 40.000 euros sur le fondement de l'article L.63l-7 du code de la construction et de l'habitation, dont le montant sera versé à la Ville de [Localité 6] ;

- ordonné sous astreinte provsoire de 150 euros par jour de retard le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 2], lot n°31,

- condamné M. [I] à payer une amende civile de 5.000 euros sur le fondement de l'article L.324-1-1 du code du tourisme, dont le montant sera versé à la Ville de [Localité 6] ;

- condamné M. [I] aux dépens ;

- condamné M. [I] à payer à la Ville de [Localité 6] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 Code de procédure civile.

Par déclaration du 19 novembre 2021, M. [I] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 5 avril 2022, M. [I] demande à la cour de :

À titre in limine litis :

- renvoyer pour interprétation à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :

Sur la procédure d'enregistrement

1) Les dispositions de l'article L.324-1-1 titre III et L 324-2-1 titres I et II du code du tourisme autorisant qu'une délibération du Conseil municipal soumette à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme sont-elles conformes au Droit de l'Union européenne et notamment à l'article 15 paragraphe 2 sous d) et paragraphe 3 sous a) de la Directive 2006/123/CE, en ce qu'elles opèrent une discrimination entre les prestataires particuliers et les prestataires professionnels gestionnaires de la location de meublés touristiques '

Plus précisément, l'article 15 paragraphe 2 sous d) et paragraphe 3 sous a), b), c) de la Directive doit-il être interprété en ce sens qu'il autorise un Etat Membre à permettre à une commune de soumettre à une procédure d'enregistrement préalable toute location d'un meublé de tourisme discriminant les prestataires particuliers au détriment des prestataires professionnels gestionnaires de locations touristiques '

2) L'article L 324-2-1 titre II du code du tourisme, qui permet à la commune de ne solliciter la communication du nombre de nuitées uniquement réservées par l'intermédiaire des plates- formes numériques, est-il conforme à l'article 56 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne et au Considérant 54 de la Directive Services n°2006/123/CE, dans la mesure où il opère une discrimination entre les prestataires particuliers et les prestataires professionnels gestionnaires de la location de meublés touristiques '

Aussi, l'article 56 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne et le Considérant 54 de la Directive Services n°2006/123/CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils autorisent un Etat Membre à permettre à une commune de ne solliciter la communication du nombre de nuitées uniquement réservée par l'intermédiaire de la personne définie au titre I de l'article 324-2-1 du Code du tourisme, sans répertorier ou lister l'ensemble de ces personnes '

3) Les principes de non-discrimination, de nécessité et de proportionnalité posés par l'article 15 paragraphe 3 sous a) b) et c) imposent-t-ils de répertorier puis de soumettre les prestataires de services professionnels gestionnaires de location touristiques à une procédure d'enregistrement spécifique distincte de celles appliquées aux particuliers, au nom de l'objectif d'intérêt général de lutte contre la pénurie de logement et de lutte contre la professionnalisation '

L'absence d'une procédure d'enregistrement distincte entre les professionnels gestionnaires de location et les particuliers est-elle discriminatoire au sens de l'article 15 paragraphe 2 sous d) et paragraphe 3 de la Directive 2006/123/CE, plus spécifiquement, envers les particuliers ayant loué un logement plus de 120 jours sans effectuer de changement d'usage et les particuliers propriétaires de plusieurs logements '

Sur la procédure de changement d'usage avec compensation

1) Les articles 631-7 et 631-7-1 du code de la construction et les dispositions des articles 2 et 3 du Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6] en découlant, instituant un régime d'autorisation préalable avec compensation, sont-ils conformes à l'article 9 paragraphe 1, a) de la Directive 2006/123/CE '

Les articles 631-7 et 631-7-1 du Code de la construction et de l'habitation présentent-ils un caractère discriminatoire dans la mesure où seuls les locaux à usage d'habitation sont soumis au régime d'autorisation préalable, alors même que locaux à usage commercial sont soumis à un simple changement de destination gratuit ou à obtention d'un permis de construire, tel que prévu par les articles R 421-17 et R421-14 du code de la construction et de l'habitation '

2) En cas de réponse positive à la question précédente, la discrimination vise-t-elle les particuliers et les acteurs du commerce collaboratif, dans la mesure où ces derniers utilisent également leurs logements pour se loger eux-mêmes, alors que l'acquisition et la transformation d'un local commercial en meublé de tourisme est une démarche professionnelle, eu égard au critère d'accès à l'activité de location touristique à [Localité 6] reposant sur la commercialité '

3) Le régime d'autorisation préalable avec compensation, prévu par l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation et par les articles 2 et 3 du Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6] en découlant, sont-ils conformés à l'article 9 paragraphe 1 sous a) de la Directive 2006/123/CE, dans la mesure où les meublés de tourismes sont seuls soumis au régime d'autorisation préalable, et non les locations bénéficiant du 'bail mobilité' issu de l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation, alors même que les deux types de locations visent une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, et que les meublés de tourisme peuvent, au même titre que le 'bail mobilité', prévoit une location au mois '

4) En cas de réponse positive à la question précédente, le Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6] est-il proportionné au sens de l'article 9 paragraphe 1 sous c) de la Directive 2006/123/CE, dans la mesure où le régime d'autorisation préalable permet des locations touristiques de courtes durées qui sont la cause de nombreuses nuisances et d'une concurrence déloyale aux hôtels, caractérisant l'absence de motivation du dispositif par des objectifs de mixité sociale et de nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements '

5) A [Localité 6], la compensation par achat des droits de commercialité, est-elle conforme aux articles 9 paragraphe 1, b) et 10 b), c), et g) de la Directive Services 2006/123/CE, dans la mesure où ce mécanisme entraîne une perte nette de logements disponibles, que le critère de sélection des opérateurs est uniquement financier, et que le coût de la compensation dans les quartiers centraux fausse la qualité et les conditions d'offres des services à la dispositions des utilisateurs '

6) Compte tenu des caractéristiques du marché parisien de l'immobilier commercial dans les quartiers centraux, à savoir des rendements annoncés de 8% à 12% des meublés touristiques créés à partir de locaux commerciaux, une bulle spéculative constatée par des spécialistes de l'immobilier commercial caractérisée par une hausse des prix, et une autorisation de changement d'usage en local commercial attachée au local et non à l'exploitant ; est-il souhaitable de limiter la durée des autorisations, conformément aux article 11 paragraphe 1 sous c) et de l'article 12 de la Directive 2006/123/CE '

7) Dans la mesure où 1501 autorisations de changement d'usage ont été accordées fin 2020 pour tout le territoire parisien, concentrées dans les quartiers centraux, et qu'il ressort de l'analyse que le dispositif favorise la concentration du marché entre de gros opérateurs, entraînant incontestablement un effet de rareté aboutissant au renforcement spéculatif, les locaux d'habitation et les locaux commerciaux dans le centre de [Localité 6] peuvent-il être assimilés à une ressource rare ou à des capacités techniques limitées, limitant de nombre d'autorisations, justifiant d'appliquer les dispositions de l'article 12 de la Directive Services 2006/123/CE ' En particulier, le régime d'autorisation de changement d'usage avec compensation prévu aux articles 631-7 et 631-7-1 du code de la construction et des dispositions des articles 2 et 3 du Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6] en découlant, est-il conforme au paragraphe 2 de l'article 12 Directive Service 2006/123/CE limitant la durée des autorisations, dans le sens où cette autorisation avec compensation n'est pas limitée en durée, ce qui génère une rente pour quelques opérateurs seulement '

8) En cas de réponse positive à la question précédente, l'article 12 paragraphe 2 et de Considérant 62 de la Directive Services 2006/123/CE, justifient-ils de convertir les autorisations déjà octroyées sans limitation de durées en autorisations temporaires d'une durée suffisante pour « assurer l'amortissement des investissements et une rémunération équitable des capitaux investis » '

9) En cas de réponse positive à la 5ème et à la 6ème question : à [Localité 6], la conversion de locaux commerciaux en logements peut-il être considéré comme un objectif de politique sociale au sens du paragraphe 3 de l'article 12 de la Directive Services 2006/123/CE, et comme une raison impérieuse d'intérêt général au sens de l'article 11 de la Directive Services 2006/123/CE, justifiant l'attribution d'autorisations afin de créer et d'exploiter des meublés de tourisme, uniquement en nombre et durées limités, aux fins d'encourager les propriétaires de ces locaux à effectuer la conversion en logements de plus faible rentabilité '

10) En cas de réponse positive à la 5ème et à la 6ème question : le maintien à [Localité 6] de classes moyennes précarisées peut-il être considéré comme un objectif de politique sociale au sens du paragraphe 3 de l'article 12 de la Directive Services 2006/123/CE, justifiant une attribution prioritaire d'autorisations temporaires et personnelles à certains particuliers sur présentation de justificatifs pour louer plus de 120 jours '

11) Le régime de compensation tel que défini par les articles 631-7 et 631-7-1 du code de la construction et des dispositions des articles 2 et 3 du Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6] en découlant, prenant en compte l'équilibre entre habitat et emploi, et plus précisément le ratio emplois salariés/actifs résidents dans les zones de compensation, est-il conforme à l'article 10 de la Directive Services 2006/123/CE, paragraphe 2, c), d), f) et g), dans la mesure où ce ratio n'est pas disponible sur le site de l'INSEE, organisme en charge de son calcul, et que les dernières données disponibles à cet égard datent de 2009 '

12) La capacité de l'hôte à faire respecter les règles de l'immeuble par le locataire peut-elle être un critère de qualité au sens des articles 22 et 26 de la Directive Services 2006/123/CE, dans la mesure où, conformément à ces articles, il appartient à l'Etat et non aux plates-formes de location d'accompagner les prestataires et d'encourager la création d'ordres professionnels pour définir et mettre en 'uvre des codes de bonne conduite, et qu'à ce jour, les seuls critères de qualité admis dépendent de l'appréciation du locataire, et qu'une grande partie des prestataires ne sont soumis à aucune réglementation visant à éviter des dégradations et nuisances '

Le critère de la capacité de l'hôte à faire respecter les règles de l'immeuble par le locataire peut-il être un critère de qualité et donc de sélection au sens de l'article 12 et du Considérant 62 pour l'attribution ou le renouvellement d'autorisations temporaires personnelles pour opérer des locations touristiques '

Sur le fond et à titre principal :

- infirmer l'ordonnance en date du 29 septembre 2021 en ce qu'elle a :

condamné au paiement d'une amende civile de 40.000 euros sur le fondement de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, dont le montant sera versé à la Ville de [Localité 6],

condamné à payer une amende civile de 5.000 euros sur le fondement de l'article L.324-1-1 du code du tourisme, dont le montant sera versé à la Ville de [Localité 6],

condamné au paiement des dépens,

condamné au paiement de la somme de 1.500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

rappelé que l'ordonnance bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit ;

En conséquence :

- juger que la réglementation nationale porte une atteinte manifestement excessive au droit de propriété de M. [I] ;

- condamner la Ville de [Localité 6] prise en la personne de Mme la maire, [P] [T] au paiement de la somme de 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Ville de [Localité 6] prise en la personne de Mme la Maire, [P] [T] aux dépens ;

Sur le fond et à titre subsidiaire :

- infirmer l'ordonnance en date du 29 septembre 2021 en ce qu'elle a :

condamné au paiement d'une amende civile de 40.000 euros sur le fondement de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, dont le montant sera versé à la Ville de [Localité 6],

condamné à payer une amende civile de 5.000 euros sur le fondement de l'article L.324-1-1 du code du tourisme, dont le montant sera versé à la Ville de [Localité 6],

condamné au paiement des dépens,

condamné au paiement de la somme de 1.500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence :

- juger que les amende civiles seront réduites à de plus juste proportions ;

- juger que compte tenu de la situation financière de M. [I], il ne sera pas condamné au paiement d'une quelconque somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- juger que compte tenu de la situation financière de M. [I], chaque partie supporte les dépens.

En substance, M. [I] expose que ne parvenant pas à gagner sa vie dans le domaine de la musique, il a trouvé un emploi d'agent d'accueil à la [7] en 2005, mais seulement à temps partiel (n'étant embauché à plein temps qu'en 2019) et qu'afin de compléter ses revenus et après une expérience très enrichissante de couchsurfing (accueil gratuit à domicile de voyageurs) il a à l'âge de 35 ans entrepris d'investir dans des appartements situés dans le secteur de la [7] au moyen d'emprunts immobiliers, pour se livrer à une activité de location touristique via Airbnb en embauchant deux salariés, cela avant que n'entre en vigueur la loi Alur du 24 mars 2014 qui est venue réglementer cette activité par rapport au changement d'usage ; qu'après le contrôle de la Ville de [Localité 6] en septembre 2013, il n'a pu mettre fin immédiatement à son activité dans la mesure où son investissement ne peut être rentabilisé que par de la location saisonnière et que son activité devient déficitaire en concluant des baux de longue durée.

Il soutient qu'il ressort de l'analyse des dispositions de la Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, que la réglementation nationale applicable à la location de meublés touristiques n'est pas conforme aux dispositions du droit de l'Union européenne et nécessite le renvoi de plusieurs questions préjudicielles devant la Cour de justice de l'Union européenne, dans la mesure où :

- la procédure d'enregistrement, en visant les 'loueurs' de locations touristiques, opère à l'encontre des particuliers effectuant de la location de courte durée une discrimination par rapport aux prestataires professionnels se livrant à la même activité ;

- la procédure de changement d'usage avec compensation crée au détriment des propriétaires de logements en location de courte durée une discrimination par rapport aux professionnels de logements à usage commercial (ces derniers bénéficiant d'une réglementation plus souple et gratuite relativement à la location et l'acquisition de locaux à usage commercial), et par rapport aussi aux propriétaires bénéficiant d'un bail mobilité (ces derniers n'étant pas soumis au régime d'autorisation avec compensation alors même que les logements en bail mobilité contribuent également à la pénurie de logements et que les deux visent une clientèle similaire de passage qui n'y élit pas domicile).

En outre, la réglementation nationale et municipale française relative au changement d'usage par compensation ne permet pas de garantir des conditions d'offre et une qualité d'offre de services objective aux utilisateurs dans la mesure où ces conditions et critères de qualité ne sont pas définis par un cadre légal, qui omet totalement les nuisances générées par des locations touristiques de courtes durées.

Sur le fond, M. [I] fait valoir que la réglementation et l'amende qui en découle portent une atteinte disproportionnée à son droit de propriété dans la mesure où l'obligation qui lui est imposée de louer ses appartements en longue durée ou de régler une compensation ne lui permet pas d'amortir son investissement, rend son activité déficitaire et l'oblige ainsi à vendre ses appartements, ce qui revient à l'exproprier.

Il fait également valoir sa bonne foi, en indiquant qu'il a commencé son activité avant les dispositions de la loi Alur et qu'il n'a pu la stopper immédiatement compte tenu de ses charges d'emprunts et de travaux et de la situation des deux salariés qu'il avait embauchés, alors en outre qu'une question préjudicielle était en cours auprès de la CJUE dont le dispositif pouvait transformer le contentieux en cours ; qu'il a dû ainsi patienter le plus longtemps possible avant de licencier ses salariés entre juin et août 2020 et remettre tous ses appartements en baux de longue durée, ce qui rend son activité déficitaire et l'oblige à vendre son bien.

A titre reconventionnel, il estime qu'une juste indemnité de 46.000 euros doit lui revenir pour lui permettre d'effectuer le remboursement de son emprunt immobilier afin de diminuer par deux sa mensualité de remboursement, ce qui lui permettrait ensuite de louer en longue durée sans être déficitaire.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 9 avril 2022, la Ville de [Localité 6] demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de M. [I],

- juger la Ville de [Localité 6], prise en la personne de Mme la Maire de [Localité 6], recevable en ses conclusions et l'y en juger bien fondé ;

- juger irrecevables et, en tout état de cause, mal fondées les questions préjudicielles de M. [I] ;

- en conséquence, refuser de les transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne ;

- confirmer l'ensemble des dispositions du jugement rendu en la forme des référés le 29 septembre 2021 en ce que le tribunal a :

condamné M. [I] à payer une amende civile de 40.000 euros sur le fondement de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, dont le montant sera versé à la Ville de [Localité 6] ;

condamné M. [I] à payer une amende civile de 5.000 euros sur le fondement de l'article L.324-1-1 du code du tourisme, dont le montant sera versé à la Ville de [Localité 6] ;

condamné M. [I] aux dépens ;

condamné M. [I] à payer à la Ville de [Localité 6] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 code de procédure civile ;

Et statuant de nouveau,

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [I] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Ville de [Localité 6] ;

- condamner M. [I] aux entiers dépens d'appel.

En substance, la Ville de [Localité 6] fait valoir que les questions préjudicielles doivent être rejetées en ce qu'elles tendent toutes in fine à apprécier la conformité au droit de l'Union européenne de dispositions du droit national relatives à la procédure d'enregistrement et à la procédure de changement d'usage d'habitation par compensation, alors que la CJUE n'a pas compétence pour interpréter ou apprécier la validité de dispositions du droit national ou de la réglementation locale, et en ce que les questions ne sont pas sérieuses, ni claires ni utiles à la solution du litige ou encore pas nouvelles.

Sur le fond, la Ville de [Localité 6] expose essentiellement :

- que l'infraction est constituée, l'appartement litigieux n'étant pas la résidence principale de M. [I], l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 étant établi par les pièces produites de même que l'activité de location de courte durée à une clientèle de passage ;

- que le montant de l'amende de 40.000 euros qui a été prononcée par le premier juge doit être confirmé eu égard aux gains réalisés par M. [I], qui a pu générer un revenu de 1,5 millions d'euros sur les dix années d'exploitation de ses cinq biens immobiliers, et au montant de la compensation nécessaire pour obtenir un changement d'usage de chaque bien (46.000 à 48.000 euros) ;

- que la mauvaise foi de M. [I] est caractérisée, celui-ci ayant reçu le 4 septembre 2013 une lettre de la Ville de [Localité 6] l'informant de l'interdiction de mettre ses appartements de résidence secondaire en location de courte durée, n'ayant pas régularisé la situation malgré son engagement et le 18 mars 2021, soit près de deux ans après l'introduction la procédure judiciaire, l'agent assermenté de la Ville ayant constaté que l'annonce proposant le bien visé était toujours active sur la plate-forme Airbnb, comptant désormais 523 commentaires contre 409 en mai 2019 ;

- que M. [I] ne saurait se décharger de sa responsabilité sur autrui en arguant de la non rentabilité de son activité par des baux de longue durée, alors que la loi n'admet aucune dérogation à son application immédiate ; qu'il invoque une situation financière difficile mais ne produit pas ses avis d'imposition ;

- que l'atteinte manifestement excessive à son droit de propriété dont il se prévaut procède d'un raisonnement erroné qui ne repose sur aucune base juridique et/ou factuelle, M. [I] n'ayant jamais présenté de demande de compensation et omettant de tenir compte de ce que la réglementation nationale découlant des articles L 631-7 et L 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation a été jugée conforme à la Directive dite 'Services' et que la Cour de cassation a définitivement validé la conformité de cette Directive, non seulement du système d'autorisation de changement d'usage prévu par les articles L 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation mais encore du règlement municipal parisien de changement d'usage qui soumet l'autorisation à compensation ;

- que la demande d'indemnisation de M. [I] ne repose sur aucun fondement juridique et en consistant à demander l'indemnisation de l'arrêt d'une activité illicite, elle prouve uniquement sa parfaite mauvaise foi.

La Ville de [Localité 6] ajoute que les conditions de paiement de l'amende prévue par l'article L 324-1-1 III du code du tourisme pour défaut d'enregistrement sont bien réunies et que M. [I] est mal fondé à invoquer le caractère discriminatoire de cette procédure d'enregistrement alors qu'en vertu du texte l'obligation d'enregistrement pèse sur 'toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme'.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité de l'appel

Dans ses dernières conclusions, la Ville de [Localité 6] ne sollicite plus la radiation de l'appel pour défaut de paiement par l'appelant des amendes prononcées en première instance. La cour n'est donc plus saisie de ce chef si bien que sont inutiles les développements de l'appelant sur ce point dans ses dernières écritures. L'appel sera déclaré recevable, sa recevabilité n'étant plus discutée.

Sur les questions préjudicielles

L'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose :

« La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel:

a) sur l'interprétation des traités,

b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette

juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son

jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction

nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. ».

Cet article donne compétence à la Cour de justice de l'Union européenne pour statuer, à titre préjudiciel, sur l'interprétation du traité et sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions de l'Union européenne. Par contre, la Cour de justice n'a pas compétence pour interpréter ou apprécier la validité de dispositions du droit national ou de la réglementation locale.

En outre, le juge ne peut recourir à la question préjudicielle que si elle est à la fois juridiquement utile et pratiquement nécessaire : la réponse à la question préjudicielle doit être utile à la solution du litige ou, en d'autres termes, la réponse à la question doit être susceptible d'avoir une incidence sur la solution du litige.

La question doit aussi être claire : il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de renvoi pour question préjudicielle dès lors que l'imprécision de l'argumentation développée ne met pas le juge en mesure d'apprécier l'utilité de la question préjudicielle sollicitée.

Par ailleurs, le juge n'est tenu de recourir à la question préjudicielle que s'il est confronté à une difficulté réelle de nature à faire naître un doute dans un esprit éclairé : si le sens, la portée et la légalité d'un acte sont clairs, une question préjudicielle ne saurait être admise dès lors qu'elle n'aurait d'autre effet - sinon même d'autre objet - que d'allonger inutilement la procédure et d'en augmenter tout aussi inutilement le coût.

Enfin, il n'y a pas non plus recours à la question préjudicielle lorsque le sens ou la validité d'une disposition de droit européen ressort de l'interprétation donnée de ladite disposition par la CJUE à l'occasion d'une précédente instance.

En l'espèce, il apparaît que les questions posées ne remplissent pas ces critères, pour les motifs ci-après exposés :

* Questions portant sur la procédure d'enregistrement :

Question 1 : « Les dispositions de l'article L.324-1-1 titre III et L 324-2-1 titres I et II du code du tourisme autorisant qu'une délibération du Conseil municipal soumette à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme sont-elles conformes au Droit de l'Union européenne et notamment à l'article 15 paragraphe 2 sous d) et paragraphe 3 sous a) de la Directive 2006/123/CE, en ce qu'elles opèrent une discrimination entre les prestataires particuliers et les prestataires professionnels gestionnaires de la location de meublés touristiques ' ».

« Plus précisément, l'article 15 paragraphe 2 sous d) et paragraphe 3 sous a), b), c) de la Directive doit-il être interprété en ce sens qu'il autorise un Etat Membre à permettre à une commune de soumettre à une procédure d'enregistrement préalable toute location d'un meublé de tourisme discriminant les prestataires particuliers au détriment des prestataires professionnels gestionnaires de locations touristiques ' ».

La question n'est pas recevable car elle tend à apprécier la validité de dispositions du droit national (« Les dispositions de l'article L.324-1-1 titre III et L 324-2-1 titres I et II du Code du tourisme (') sont-elles conformes au Droit de l'Union européenne (') ' »).

En outre, la réponse à cette question n'apparaît pas utile à la solution du litige car, d'une part, l'article L324-2-1 du code du tourisme n'est pas applicable à la procédure et ne fonde pas les poursuites engagées par la Ville de [Localité 6] contre M. [I], d'autre part, la réponse à la question de savoir s'il existe une discrimination entre les prestataires particuliers et les prestataires professionnels gestionnaires de la location de meublés touristiques n'aura aucune influence sur l'issue de la présente procédure.

Enfin, il y a lieu de relever que l'article 15 paragraphe 3 sous a) ne vise qu'un type de non-discrimination : en fonction de la nationalité ou, pour les sociétés, de l'emplacement de leur siège statutaire. Cette disposition n'interdit pas de distinguer des situations qui peuvent l'être objectivement, telle que la situation de celui qui propose son meublé de tourisme en location et en tire une partie de ses revenus, et l'intermédiaire qui met en contact celui qui propose son meublé de tourisme en location et un tiers, ces deux personnes n'étant pas placées dans des conditions similaires.

Question 2: « L'article L 324-2-1 titre II du code du tourisme, qui permet à la commune de ne solliciter la communication du nombre de nuitées uniquement réservées par l'intermédiaire des plates-formes numériques, est-il conforme à l'article 56 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne et au considérant 54 de la Directive Services n°2006/123/CE, dans la mesure où il opère une discrimination entre les prestataires particuliers et les prestataires professionnels gestionnaires de la location de meublés touristiques '

Aussi, l'article 56 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne et le considérant 54 de la Directive Services n°2006/123/CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils autorisent un Etat Membre à permettre à une commune de ne solliciter la communication du nombre de nuitées uniquement réservée par l'intermédiaire de la personne définie au titre I de l'article 324-2-1 du code du tourisme, sans répertorier ou lister l'ensemble de ces personnes ' ».

La question n'est pas recevable car elle tend à apprécier la validité de dispositions du droit national (« L'article L 324-2-1 titre II du Code du tourisme (') est-il conforme à l'article 56 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne et au considérant 54 de la Directive Services n°2006/123/CE (') ').

En outre, la réponse à cette question n'est pas utile à la solution du litige. En effet, l'article L324-2-1 du code du tourisme ne fonde pas les poursuites engagées contre M. [I], et la réponse à la question de savoir si un « Etat Membre est autorisé à permettre à une commune de ne solliciter la communication du nombre de nuitées uniquement réservée par l'intermédiaire de la personne définie au titre I de l'article 324-2-1 du code du tourisme, sans répertorier ou lister l'ensemble de ces personnes » n'aura aucune influence sur l'issue de la procédure.

Enfin, la question n'est pas sérieuse, car:

- d'une part, l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui dispose :

' Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.

Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent étendre le bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissants d'un État tiers et établis à l'intérieur de l'Union. », prohibe la discrimination en fonction du lieu d'établissement.

Or, la réglementation nationale contestée par M. [I] ne fait pas référence au lieu d'établissement.

- d'autre part, le considérant 54 de la directive 2006/123 porte sur les articles 9 et 10 de la directive qui ont déjà été interprétés et validées par la CJUE (Cf. arrêt du 22 septembre 2020 Cali Apartments SCI et HX contre le Procureur Général près la cour d'appel de Paris et la Ville de [Localité 6] (C-724/18)).

Question 3: « Les principes de non-discrimination, de nécessité et de proportionnalité posés par l'article 15 paragraphe 3 sous a) b) et c) imposent-t-ils de répertorier puis de soumettre les prestataires de services professionnels gestionnaires de locations touristiques à une procédure d'enregistrement spécifique distincte de celles appliquées au particuliers, au nom de l'objectif d'intérêt général de lutte contre la pénurie de logement et de lutte contre la professionnalisation '

L'absence d'une procédure d'enregistrement distincte entre les professionnels gestionnaires de location et les particuliers est-elle discriminatoire au sens de l'article 15 paragraphe 2 sous d) et paragraphe 3 de la Directive 2006/123/CE, plus spécifiquement, envers les particuliers ayant loué un logement plus de 120 jours sans effectuer de changement d'usage et les particuliers propriétaires de plusieurs logements ' ».

La question n'est pas utile à la solution du litige car :

- d'une part, elle est inopérante en l'espèce. En effet, il est reproché à M. [I] un changement d'usage sans autorisation qui est établi dès la mise à disposition du bien pour de courtes durées à une clientèle de passage ; il ne lui est pas reproché d'avoir loué sa résidence principale plus de 120 jours par an ;

- d'autre part, la réponse à la question posée relative à la différence de régime entre « les professionnels gestionnaires de location et les particuliers » n'aura aucune influence sur

l'issue de la présente procédure.

Enfin, comme précédemment indiqué sous la question1, la question n'est pas sérieuse car le droit européen ne prohibe pas de traiter de manière différente des situations qui le sont aussi.

* Questions portant sur la procédure de changement d'usage avec compensation :

Question 4: « Les articles 631-7 et 631-7-1 du code de la construction et les dispositions des articles 2 et 3 du Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6] en découlant, instituant un régime d'autorisation préalable avec compensation, sont-ils conformes à l'article 9 paragraphe 1, a) de la Directive 2006/123/CE ' ».

« Les articles 631-7 et 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation présentent-ils un caractère discriminatoire dans la mesure où seuls les locaux à usage d'habitation sont soumis au régime d'autorisation préalable, alors même que locaux à usage commercial sont soumis à un simple changement de destination gratuit ou à obtention d'un permis de construire, tel que prévu par les articles R 421-17 et R421-14 du code de la construction et de l'habitation ' ».

La question n'est pas recevable car elle tend à apprécier la validité de dispositions du droit national et de la réglementation locale.

En outre la question n'est pas claire, car on ne comprend pas en quoi les articles L. 631-7 et L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation comporteraient en leur sein une discrimination envers les locaux commerciaux alors même que les locaux commerciaux ne sont pas soumis à la réglementation du changement d'usage, dont le seul fondement est la lutte contre la pénurie de logements.

La question n'est pas non plus nouvelle car la CJUE et la Cour de cassation ont déjà donné le sens et la portée des articles 9 et 10 de la directive 2006/123 (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments SCI 11 et HX contre le Procureur Général près la cour d'appel de Paris et la Ville de [Localité 6] (C-724/18) ; Cass. civ 3, 18/02/2021, pourvoi n°19-13191).

Au surplus, il est inexact de dire que la transformation de locaux commerciaux en meublés de tourisme n'est soumise qu'à un simple changement de destination ou d'obtention d'un permis de construire. En effet, l'article L. 324-1-1 IV bis du code de tourisme autorise les communes à soumettre à autorisation la location d'un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme, dispositif mis en place par la Ville de [Localité 6] par sa délibération n° 2021 DLH 460.

Question 5: « En cas de réponse positive à la question précédente, la discrimination vise-t-elle les particuliers et les acteurs du commerce collaboratif, dans la mesure où ces derniers utilisent également leurs logements pour se loger eux-mêmes, alors que l'acquisition et la transformation d'un local commercial en meublé de tourisme est une démarche professionnelle, eu égard au critère d'accès à l'activité de location touristique à [Localité 6] reposant sur la commercialité ' ».

Comme la précédente, la question n'est pas recevable car elle tend à apprécier la validité de dispositions du droit national.

En outre, dans le cas d'une pluralité de questions 'gigognes', l'inutilité de la réponse à une question peut résulter de la ou des réponses apportées à une ou plusieurs des autres questions posées dans le cadre d'une même affaire : la question n°6 étant rejetée, la question n°7 doit l'être également.

Au surplus, la réponse à la question n'est pas utile à la solution du litige car le fait de savoir s'il existe ou non une différence de régime entre les particuliers et les acteurs du commerce collaboratif n'aura aucune conséquence sur l'issue du litige.

Enfin, la question n'est pas sérieuse car M. [I] n'est pas lui-même un « acteur du commerce collaboratif », ayant acquis l'appartement pour réaliser des bénéfices et non pour se loger lui-même.

Question 6: « Le régime d'autorisation préalable avec compensation, prévu par l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation et par les articles 2 et 3 du Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6] en découlant, sont-ils conformes à l'article 9 paragraphe 1 sous a) de la Directive 2006/123/CE, dans la mesure où les meublés de tourismes sont seuls soumis au régime d'autorisation préalable, et non les locations bénéficiant du 'bail mobilité' issu de l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation, alors même que les deux types de locations visent une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, et que les meublés de tourisme peuvent, au même titre que le 'bail mobilité', prévoit une location au mois ' ».

La question n'est pas recevable car elle tend à apprécier la validité de dispositions du droit national et de la réglementation locale.

La question n'est pas non plus nouvelle car la Cour de cassation a déjà jugé que la réglementation nationale était conforme au droit de l'Union européenne (Cass. civ 3, 18/02/2021, pourvoi n°19-13191) :

« 10. Il en résulte qu'hormis les cas d'une location consentie à un étudiant pour une durée d'au moins neuf mois, de la conclusion, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, d'un bail mobilité d'une durée de un à dix mois et de la location du local à usage d'habitation constituant la résidence principale du loueur pour une durée maximale de quatre mois, le fait de louer, à plus d'une reprise au cours d'une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu'une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n'y fixe pas sa résidence principale au sens de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 constitue un changement d'usage d'un local destiné à l'habitation et, par conséquent, est soumis à autorisation préalable.

11. Il s'ensuit que l'article L. 631-7, alinéa 6, du code de la construction et de l'habitation répond aux exigences de clarté, d'objectivité et de non-ambiguïté de l'article 10, paragraphe 2, sous d) et e), de la directive 2006/123. ».

Au surplus, la réponse à la question n'est pas utile à la solution du litige car M. [I] n'allègue pas avoir lui-même loué son bien dans le cadre d'un bail mobilité.

Enfin, cette question n'est pas sérieuse car le bail mobilité répond à des conditions objectives qui le distinguent des locations meublées de courte durée à une clientèle de passage.

En effet, le locataire d'un bail mobilité doit obligatoirement se trouver dans l'une des situations suivantes (article 25-12 de la loi du 6 juillet 1989) : formation professionnelle, études supérieures, contrat d'apprentissage, stage, engagement volontaire dans le cadre d'un service civique, mutation professionnelle, mission temporaire dans le cadre de l'activité professionnelle.

Le bail mobilité ne s'adresse donc pas aux touristes. En outre, il est conclu pour une durée d'un mois minimum et ne peut être utilisé pour des locations « à la nuitée ».

Question 7: « En cas de réponse positive à la question précédente, le Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6] est-il proportionné au sens de l'article 9 paragraphe 1 sous c) de la Directive 2006/123/CE, dans la mesure où le régime d'autorisation préalable permet des locations touristiques de courtes durées qui sont la cause de nombreuses nuisances et d'une concurrence déloyale aux hôtels, caractérisant l'absence de motivation du dispositif par des objectifs de mixité sociale et de nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ' ».

Dans le cas d'une pluralité de questions 'gigognes', l'inutilité de la réponse à une question peut résulter de la ou des réponses apportées à une ou plusieurs des autres questions posées dans le cadre d'une même affaire : la question n°6 étant rejetée, la question n°7 doit l'être également.

En outre, la question n'est pas recevable car elle tend à apprécier la validité de dispositions d'une réglementation locale.

Question 8: « A [Localité 6], la compensation par achat des droits de commercialité, est-elle conforme aux articles 9 paragraphe 1, b) et 10 b), c), et g) de la Directive Services 2006/123/CE, dans la mesure où ce mécanisme entraîne une perte nette de logements disponibles, que le critère de sélection des opérateurs est uniquement financier, et que le coût de la compensation dans les quartiers centraux fausse la qualité et les conditions d'offres des services à la dispositions des utilisateurs ' ».

La question n'est pas recevable car elle tend à apprécier la validité de dispositions du droit national (le régime de la « compensation par achat des droits de commercialité »).

En outre, la question n'est pas claire car M. [I] vise le régime de la « compensation par achat des droits de commercialité » sans préciser le texte auquel il est fait référence.

La question n'est pas non plus utile à la solution du litige car il est contant que M. [I] n'a pas sollicité de compensation de changement d'usage par achat de droit de commercialité.

Enfin, la Cour de cassation a validé le régime de compensation par achat des droits de commercialité (Cass. civ 3, 18/02/2021, pourvoi n°19-13191) :

13. S'agissant de l'exigence de proportionnalité des conditions d'octroi de l'autorisation de changement d'usage à l'objectif poursuivi, prévue par l'article 10, paragraphe 2, sous c), de la directive, il convient de relever : (')

2°/ que la réglementation locale de la Ville de [Localité 6], en ce qu'elle instaure une obligation de compensation, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif recherché puisqu'il résulte des pièces produites que cette obligation répond effectivement à une pénurie de logements, la demande de logements destinés à l'habitation à des conditions économiques acceptables peinant, dans l'ensemble de cette commune, à y être satisfaite et le développement de la location de locaux meublés destinés à l'habitation à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, au préjudice de l'offre de location de locaux à usage d'habitation, entraînant une raréfaction du marché locatif traditionnel et contraignant les habitants à s'éloigner pour trouver un logement ;

3°/ que l'obligation de compensation prévue par la réglementation de la Ville de [Localité 6], dans son règlement municipal adopté en décembre 2008, modifié les 17, 18 et 19 novembre 2014, comme dans celui adopté en décembre 2018, est proportionnée à l'objectif poursuivi, en ce que le quantum de cette obligation, qui porte sur des locaux de surface équivalente, sauf dans les secteurs dits de « compensation renforcée » où les locaux proposés en compensation doivent représenter une surface double de celle faisant l'objet de la demande de changement d'usage, secteurs qui correspondent à des zones dans lesquelles la Ville de [Localité 6] fait de la protection de l'habitat un objectif prioritaire, apparaît adapté à la situation tendue du marché locatif dans l'ensemble de la commune et à l'objectif de développer l'offre de locaux d'habitation dans certaines zones où l'habitat est plus particulièrement protégé, en favorisant l'objectif de mixité sociale ; en effet, le quantum de la compensation porte, dans le secteur de « compensation renforcée », sur des locaux de surface équivalente si ces locaux sont transformés en logements locatifs sociaux ; ce dispositif est compatible avec le maintien d'une activité de location de locaux meublés à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile dès lors que, même dans les secteurs de compensation renforcée, il ne fait pas obstacle à l'exercice de cette activité eu égard à la rentabilité accrue de ce type de location par rapport aux baux à usage d'habitation et à la possibilité de satisfaire à l'obligation de compensation, non seulement par la transformation en habitation d'autres locaux détenus par la personne concernée et ayant un autre usage, mais également par d'autres mécanismes, tel l'achat de droits dits de « commercialité » auprès de propriétaires souhaitant affecter à un usage d'habitation des locaux destinés à un autre usage, contribuant ainsi au maintien à un niveau stable du parc de logement de longue durée.

Question 9: « Compte tenu des caractéristiques du marché parisien de l'immobilier commercial dans les quartiers centraux, à savoir des rendements annoncés de 8% à 12% des meublés touristiques créés à partir de locaux commerciaux, une bulle spéculative constatée par des spécialistes de l'immobilier commercial caractérisée par une hausse des prix, et une autorisation de changement d'usage en local commercial attachée au local et non à l'exploitant ; est-il souhaitable de limiter la durée des autorisations, conformément aux article 11 paragraphe 1 sous c) et de l'article 12 de la Directive 2006/123/CE ' ».

La question n'est pas recevable car elle tend à apprécier la validité de dispositions du droit national (le régime de la « durée des autorisations »).

En outre, la question n'est pas claire car il est visé le régime de la « durée des autorisations » sans précision du texte auquel il est fait référence.

Enfin, la question n'est pas utile à la solution du litige car M. [I] n'a obtenu aucune autorisation de changement d'usage.

Question 10: « Dans la mesure où 1501 autorisations de changement d'usage ont été accordées fin 2020 pour tout le territoire parisien, concentrées dans les quartiers centraux, et qu'il ressort de l'analyse que le dispositif favorise la concentration du marché entre de gros opérateurs, entraînant incontestablement un effet de rareté aboutissant au renforcement spéculatif, les locaux d'habitation et les locaux commerciaux dans le centre de [Localité 6] peuvent-il être assimilés à une ressource rare ou à des capacités techniques limitées, limitant de nombre d'autorisations, justifiant d'appliquer les dispositions de l'article 12 de la Directive Services 2006/123/CE '

En particulier, le régime d'autorisation de changement d'usage avec compensation prévu aux articles 631-7 et 631-7-1 du code de la construction et des dispositions des articles 2 et 3 du Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6] en découlant, est-il conforme au paragraphe 2 de l'article 12 Directive Service 2006/123/CE limitant la durée des autorisations, dans le sens cette autorisation avec compensation n'est pas limitée en durée, ce qui génère une rente pour quelques opérateurs seulement ' ».

La question n'est pas recevable car elle tend à apprécier la validité de dispositions du droit national et de la réglementation locale (« articles 631-7 et 631-7-1 du code de la construction et des dispositions des articles 2 et 3 du Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6] »).

En outre, la réponse à la question n'est pas utile à la solution du litige car M. [I] n'a obtenu aucune autorisation de changement d'usage. Par ailleurs, les appartements qu'il met en location sont situés dans le [Localité 1], qui ne fait pas partie des quartiers centraux.

Question 11: « En cas de réponse positive à la question précédente, l'article 12 paragraphe 2 et de Considérant 62 de la Directive Services 2006/123/CE, justifient-ils de convertir les autorisations déjà octroyées sans limitation de durées en autorisations temporaires d'une durée suffisante pour « assurer l'amortissement des investissements et une rémunération équitable des capitaux investis » ' ».

Dans le cas d'une pluralité de questions "gigognes", l'inutilité de la réponse à une question peut résulter de la ou des réponses apportées à une ou plusieurs des autres questions posées dans le cadre d'une même affaire : la question n°10 étant rejetée, la question n°11 doit l'être aussi.

En outre, la réponse à la question n'est pas utile à la solution du litige, M. [I] n'ayant obtenu aucune autorisation de changement d'usage.

Question 12: « En cas de réponse positive à la 5ème et à la 6ème question : à [Localité 6], la conversion de locaux commerciaux en logements peut-il être considéré comme un objectif de politique sociale au sens du paragraphe 3 de l'article 12 de la Directive Services 2006/123/CE, et comme une raison impérieuse d'intérêt général au sens de l'article 11 de la Directive Services 2006/123/CE, justifiant l'attribution d'autorisations afin de créer et d'exploiter des meublés de tourisme, uniquement en nombre et durées limités, aux fins d'encourager les propriétaires de ces locaux à effectuer la conversion en logements de plus faible rentabilité ' ».

Dans le cas d'une pluralité de questions "gigognes", l'inutilité de la réponse à une question peut résulter de la ou des réponses apportées à une ou plusieurs des autres questions posées dans le cadre d'une même affaire : les questions n°5 et 6 étant rejetées, la question n°12 doit l'être aussi.

En outre, la réponse à la question n'est pas utile à la solution du litige car il n'est pas reproché à M. [I] d'avoir converti des locaux commerciaux en logement.

Question 13: « En cas de réponse positive à la 5ème et à la 6ème question : le maintien à [Localité 6] de classes moyennes précarisées peut-il être considéré comme un objectif de politique sociale au sens du paragraphe 3 de l'article 12 de la Directive Services 2006/123/CE, justifiant une attribution prioritaire d'autorisations temporaires et personnelles à certains particuliers sur présentation de justificatifs pour louer plus de 120 jours ' ».

Dans le cas d'une pluralité de questions "gigognes", l'inutilité de la réponse à une question peut résulter de la ou des réponses apportées à une ou plusieurs des autres questions posées dans le cadre d'une même affaire : les questions n°5 et 6 étant rejetées, la question n°13 doit l'être aussi.

En outre, la réponse à la question n'est pas utile à la solution du litige car il n'est pas reproché à M. [I] d'avoir loué sa résidence principale plus de 120 jours.

Question 14: « Le régime de compensation tel que défini par les articles 631-7 et 631-7-1 du code de la construction et des dispositions des articles 2 et 3 du Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6] en découlant, prenant en compte l'équilibre entre habitat et emploi, et plus précisément le ratio emplois salariés/actifs résidents dans les zones de compensation, est-il conforme à l'article 10 de la Directive Services 2006/123/CE, paragraphe 2, c), d), f) et g), dans la mesure où ce ratio n'est pas disponible sur le site de l'INSEE, organisme en charge de son calcul, et que les dernières données disponibles à cet égard datent de 2009 ' ».

La question n'est pas recevable car elle tend à apprécier la validité de dispositions du droit national et de la réglementation locale (articles 631-7 et 631-7-1 du code de la construction et dispositions des articles 2 et 3 du Règlement Municipal de la Ville de [Localité 6]).

En outre, la réponse à la question n'est pas utile à la solution du litige car M. [I] n'a pas sollicité de compensation.

Enfin, la Cour de cassation a déjà jugé que le régime de compensation à [Localité 6] est conforme à l'article 10 de la directive 2006/123/CE (Cass. civ 3, 18/02/2021, pourvoi n°19-13191).

Question 15: « La capacité de l'hôte à faire respecter les règles de l'immeuble par le locataire peut-elle être un critère de qualité au sens des articles 22 et 26 de la Directive Services 2006/123/CE, dans la mesure où, conformément à ces articles, il appartient à l'Etat et non aux plate formes de location d'accompagner les prestataires et d'encourager la création d'ordres professionnels pour définir et mettre en 'uvre des codes de bonne conduite, et qu'à ce jour, les seuls critères de qualité admis dépendent de l'appréciation du locataire, et qu'une grande partie des prestataires ne sont soumis à aucune réglementation visant à éviter des dégradations et nuisances ' »

« Le critère de la capacité de l'hôte à faire respecter les règles de l'immeuble par le locataire peut-il être un critère de qualité et donc de sélection au sens de l'article 12 et du considérant 62 pour l'attribution ou le renouvellement d'autorisations temporaires personnelles pour opérer des locations touristiques ' ».

La question n'est pas claire et ne présente pas d'utilité pour la solution du litige, les dispositions visées étant sans lien avec la procédure engagée contre M. [I].

En effet, l'article 22 de la Directive porte sur les informations qui doivent être mises par les prestataires à la disposition des destinataires des services ; l'article 26 porte sur les mesures d'accompagnement prises par les Etats membres pour encourager les prestataires à garantir la qualité des services et le Considérant n°62 porte sur une activité limitée « en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques ».

En outre, il est évoqué dans la question des critères de sélection des prestataires qui n'existent pas dans la loi applicable à l'espèce.

Les quinze questions seront donc rejetées.

Sur le fond du litige

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, tel qu'issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que 'toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires.

Il résulte en outre de l'article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.'

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H1 rempli à cette époque permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n'excédant pas 120 jours par an, la location d'un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d'un meublé dans le cadre d'un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 6] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation qui n'apparaît pas avoir été respectée dans le cadre de la présente procédure.

Par ailleurs, l'article L.324-1-1 du code de tourisme dispose :

'I.-Pour l'application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.

II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986.

III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.

La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

Un téléservice permet d'effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.

Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d'un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.

Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l'enregistrement.

IV.-Dans les communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration.

IV bis.-Sur le territoire des communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement prévue au III, une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d'un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme.

Cette autorisation est délivrée au regard des objectifs de protection de l'environnement urbain et d'équilibre entre emploi, habitat, commerces et services, par le maire de la commune dans laquelle est situé le local.

Lorsque la demande porte sur des locaux soumis à autorisation préalable au titre d'un changement de destination relevant du code de l'urbanisme, l'autorisation prévue au premier alinéa tient lieu de l'autorisation précitée dès lors que les conditions prévues par le code de l'urbanisme sont respectées.

Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent IV bis.

V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5 000 €.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 €.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV bis est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 25 000 €.

Ces amendes sont prononcées par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur demande de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme. Le produit de l'amende est versé à la commune. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le meublé de tourisme.'

En l'espèce, il n'est pas discuté que le bien immobilier en cause ne constitue pas la résidence principale de M. [I] et que l'usage d'habitation du bien au 1er janvier 1970 est établi par les pièces produites par la Ville de [Localité 6], dont le premier juge a fait le rappel ainsi qu'une juste analyse dans sa décision.

Le changement illicite sans autorisation de l'usage n'est pas non plus contesté par M. [I] qui reconnaît pleinement son activité de location meublée touristique à une clientèle de passage, voire même la revendique pour chacun des cinq biens immobiliers dont il est propriétaires à [Localité 6], dont le bien ici concerné situé [Adresse 2].

M. [I] ne conteste en réalité que le principe et le montant des amendes prononcées, qu'il entend subsidiairement voir réduites à un montant symbolique, se fondant, d'une part sur une atteinte disproportionnée portée à son droit de propriété par la réglementation, d'autre part sur sa bonne foi.

M. [I] est toutefois mal fondé à se prévaloir d'une atteinte disproportionnée à son droit de propriété dans le fait d'être contraint de vendre un ou plusieurs de ses biens afin de mettre son activité de loueur en conformité avec la réglementation applicable, soit en réglant les compensations exigibles pour pouvoir poursuivre la location touristique soit en passant des baux d'habitation de longue durée, cette situation n'étant que la conséquence de l'application d'une réglementation qui a été jugée par la Cour de cassation pleinement conforme au droit de l'Union européenne.

Il est indifférent à cet égard que M. [I] ait pu commencer cette activité alors qu'elle n'était pas prohibée alors que la loi nouvelle s'impose à tous et qu'elle n'admet aucune dérogation à son application immédiate.

Quant à la bonne foi alléguée par M. [I], elle n'est pas caractérisée alors que l'intéressé a reçu une lettre de la Ville de [Localité 6] le 4 septembre 2013 l'informant de l'interdiction de mettre son appartement en location de courte durée, que par lettre en réponse du 5 octobre 2013 il s'est engagé à effectuer le changement d'usage ; qu'il résulte cependant d'un constat complémentaire opéré le 6 avril 2021 par l'agent assermenté de la Ville de [Localité 6] que l'annonce proposant le bien concerné était toujours active sur la plate-forme Airbnb et que l'annonce comptait 607 commentaires alors qu'elle en comptait 499 au mois de juin 2019 ; que si M. [I] a produit en première instance un bail de longue durée signé le 16 novembre 2020, il n'apparaît pas certain, au vu du constat complémentaire du 6 avril 2021, que cette location de longue durée soit effective et aucun élément n'est produit en cause d'appel sur ce point ; qu'en outre M. [I] ne justifie pas de sa situation financière, ne produisant aucun bulletin de salaire récent pas plus que ses avis d'imposition, si bien qu'il ne peut être vérifié quels sont les revenus qu'il a tirés de son activité de location illicite.

Aussi, en l'absence d'éléments nouveaux en appel et compte tenu de la juste appréciation que le premier juge a fait du montant de l'amende, au vu des éléments de la cause qu'il a exactement analysés aux termes d'une motivation que la cour approuve, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé à l'encontre de M. [I] une amende de 40.000 euros.

Au vu des éléments qui précèdent, la décision de première instance sera également confirmée en ce qu'elle a fixé à 5000 euros le montant de l'amende encourue pour défaut de déclaration sur le fondement des dispositions de l'article L324-1-1 du code de tourisme, alors qu'il n'est pas discuté que les conditions d'application de ce texte sont réunies comme l'a exactement vérifié le premier juge, et que M. [I] est mal fondé à soutenir en appel que la procédure d'enregistrement est discriminatoire en ce sens que seuls les particuliers y sont assujettis à la différence des prestataires professionnels, alors que comme le souligne justement la Ville de [Localité 6], le texte n'instaure pas de discrimination en prévoyant que l'obligation d'enregistrement pèse sur 'toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme'.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Sur la demande indemnitaire de M. [I]

Si elle ne s'appuie sur aucun fondement juridique, la demande de M. [I] en paiement d'une juste indemnité par la Ville de [Localité 6], destinée à compenser le préjudice dont il se plaint en raison de l'obligation dans laquelle il se trouve de régulariser son activité dans des conditions pour lui financièrement préjudiciables, ne peut qu'être fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil aux termes desquelles 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

La Ville de [Localité 6] n'ayant commis aucune faute en agissant judiciairement à l'encontre M. [I] pour voir mettre fin à une activité illicite de location de meublés touristiques pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, l'action en responsabilité formée contre elle par M. [I] est nécessairement mal fondée.

L'appelant sera débouté de sa demande indemnitaire.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Partie perdante, M. [I] sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à l'intimée la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel, cette indemnité, fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, venant s'ajouter à celle de 1.500 euros qui a été justement allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'appel de M. [I],

Rejette les questions préjudicielles,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Déboute M. [I] de sa demande indemnitaire,

Condamne M. [I] aux entiers dépens de l'instance d'appel,

Le condamne à payer à la Ville de [Localité 6] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/20087
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;21.20087 ?
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