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07/07/2022 | FRANCE | N°21/17967

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 07 juillet 2022, 21/17967


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 07 JUILLET 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17967 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPMZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris / France - RG n° 20/53344





APPELANTE



LA VILLE DE PARIS, prise en la personne d

e Madame la Maire de Paris, Mme [S] [N], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 9]

[Localité 4]



Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 07 JUILLET 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17967 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPMZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris / France - RG n° 20/53344

APPELANTE

LA VILLE DE PARIS, prise en la personne de Madame la Maire de Paris, Mme [S] [N], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

INTIMES

Mme [O] [H] [V]

[Adresse 7]

[Localité 5] (ESPAGNE)

M. [X] [V]

[Adresse 8]

[Localité 5] (ESPAGNE)

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 mai 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par exploit d'huissier délivré le 26 février 2020, la Ville de Paris prise en la personne de Mme la Maire de Paris a attrait M. et Mme [V] devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond , aux fins de voir prononcer une amende civile de 50.000 euros pour avoir commis l'infraction prévue à l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 2].

Par ordonnance du 2 juillet 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de Paris dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3ème, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

La Cour de justice de l'Union européenne a statué par un arrêt du 22 septembre 2020 par lequel elle considère la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 sept. 2020, Cali Apartments, affaires joints C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de Paris sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du tribunal du 4 juin 2021.

La Ville de Paris représentée par son conseil a déposé des conclusions développées oralement à l'audience, sollicitant de :

' condamner Mme et M. [V] in solidum à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de Paris conformément aux dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation,

' ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation de l'appartement situé dans le [Adresse 6] de l'immeuble du [Adresse 1]) (constituant le lot n°108), sous astreinte de 2.237 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer,

' se réserver la liquidation de l'astreinte,

' condamner Mme et M. [V] à payer in solidum une amende civile de 5.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de Paris conformément aux dispositions de l'article L. 324-1-1 V du code de tourisme et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de Paris,

' condamner Mme et M. [V] à payer in solidum une amende civile de 10.000 euros de l'article 324-1-1 V du code de tourisme et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de Paris,

' condamner Mme et M. [V] au paiement in solidum de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Ville de Paris ainsi qu'aux entiers dépens.

En réplique, les défendeurs ont en substance fait valoir que la preuve de locations de courte durée à une clientèle de passage n'était pas rapportée.

Par jugement contradictoire du 29 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris statuant selon la procédure accélérée au fond a :

- débouté la Ville de Paris de sa demande visant à voir condamner M. et Mme [V] in solidum à une amende civile de 50.000 euros et à ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de Paris conformément aux dispositions de l'article L. 651-2 du code la construction et de l'habitation ;

- débouté la Ville de Paris de sa demande visant à voir ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement situé dans le [Adresse 6] de l'immeuble du [Adresse 1]) (constituant le lot n°108) sous astreinte de 2.237 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira de fixer;

- condamné M. et Mme [V] à une amende civile de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 324-1-1 III et V du code du tourisme ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné M. et Mme [V] à verser à la Ville de Paris la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. et Mme [V] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 14 octobre 2021, la Ville de Paris a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :

- débouté la Ville de Paris de sa demande visant à voir condamner M. et Mme [V] in solidum à une amende civile de 50.000 euros et à ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de Paris conformément aux dispositions de l'article L. 651-2 du code la construction et de l'habitation ;

- débouté la Ville de Paris de sa demande visant à voir ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement situé dans le [Adresse 6] de l'immeuble du [Adresse 1]) (constituant le lot n°108) sous astreinte de 2.237 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira de fixer ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Dans ses conclusions remises le 15 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de Paris demande à la cour, au visa de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, de l'article 492-1 du code de procédure civile, de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation modifiée par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, des articles L. 324-1-1 et suivants du code du tourisme, de :

- juger celle-ci représentée par Mme la Maire de [Localité 10] recevable et bien fondée en son appel ;

- confirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond en date du 29 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, en ce que le tribunal a condamné M. et Mme [V] à une amende civile de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 324-1-1 II et V du code du tourisme ;

- infirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond en date du 29 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, en ce que le tribunal a :

' débouté celle-ci de sa demande visant à voir condamner M. et Mme [V] in solidum à une amende civile de 50.000 euros et à ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

' débouté celle-ci de sa demande visant à voir ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement situé dans le [Adresse 6] de l'immeuble du [Adresse 1]) (constituant le lot n°108) sous astreinte de 2.237 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira de fixer ;

' débouté celle-ci du surplus de ses demandes,

Statuant de nouveau,

- juger que M. et Mme [V] ont enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation en louant pour de courte durée l'appartement situé dans le [Adresse 6] de l'immeuble du [Adresse 1]) (constituant le lot n°108) ;

- condamner in solidum M. et Mme [V] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement situé dans la [Adresse 6] de l'immeuble du [Adresse 1]) (constituant le lot n°108), sous astreinte de 2.237 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- juger que Mme et M. [V] a enfreint les dispositions de l'article L. 324-1-1 IV du code de tourisme en ne transmettant le nombre de jours au cours desquels l'appartement a été loué dans le mois qui a suivi la demande ;

- condamner M. et Mme [V] à payer in solidum une amende civile de 10.000 euros de l'article L. 324-1-1 V du code de tourisme et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé ;

En tout état de cause,

- débouter M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner in solidum M. et Mme [V] à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum M. et Mme [V] aux entiers dépens.

La Ville de Paris soutient en substance que :

- c'est à tort que le tribunal impose à la Ville de Paris de rapporter une preuve de l'occupation du logement au 1er janvier 1970 alors que l'article L. 631-7 alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation fait uniquement référence à l'usage du bien ;

- l'examen de la déclaration produite aux débats en date du 15 octobre 1970 par la Ville de Paris prouve qu'elle a été remplie par les propriétaires successifs du bien et que ces derniers ont indiqué que le bien était à usage exclusif d'habitation pour l'année fiscale 1970 ;

- le fait que la déclaration a été remplie postérieurement ne saurait justifier de la priver de sa valeur probante de l'usage de ce bien au 1er janvier 1970 alors qu'elle a pour objet de décrire l'usage dudit bien à cette date en tout cas pour l'année fiscale en cours (1970) ;

- le local litigieux était bien à usage d'habitation au 1er janvier 1970 au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

- le bien litigieux n'est pas la résidence principale du loueur puisque M. et Mme [V] ont leur résidence principale à [Localité 5] en Espagne ;

- il y a bien eu changement illicite d'usage dans la mesure où M. et Mme [V] mettent leur bien en locations de courtes durées via des annonces consultables en ligne ;

- cette activité illicite a généré d'importants revenus, le logement étant loué en moyenne 1.118,50 euros par nuit soit un gain de 1.481.346,00 euros depuis novembre 2013 ;

- M. et Mme [V] n'ont pas répondu à la demande de la Ville de Paris de transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué et qu'il n'a pas été donné suite à cette demande ;

- la condamnation à une amende civile de 5.000 euros sur le fondement de l'article L. 324-1-1 III et V du code du tourisme sera confirmée, étant relevé l'attitude peu coopérative de M. et Mme [V] et le revenu généré par les locations de l'appartement pendant de courtes durées.

Dans leurs conclusions remises le 4 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. et Mme [V] demandent à la cour, au visa de l'article 9 du code de procédure civile, des articles L. 631-7, L. 632-1 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, des articles 38, 39 et 40 du décret n° 69-1076 du 28 novembre 1969 et des articles L. 324-1-1, L. 324-2 et L. 324-2-1 du code de tourisme, de :

- les recevoir en leurs demandes, fins et conclusions, les déclarer bien fondées et y faire droit ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 29 septembre 2021 en ce qu'il a débouté la Ville de Paris de ses demandes visant à :

' les voir condamner in solidum à une amende civile de 50.000 euros et à voir ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation,

' voir ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement situé [Adresse 3], sous astreinte,

' condamner ceux-ci à une amende civile de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 324-1-1 IV et V du code de tourisme ;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 29 septembre 2021 en ce qu'il les a condamné à :

' une amende civile de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 324-1-1 III et V du code de tourisme ;

' la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens d'instance ;

Statuant à nouveau,

- débouter la Ville de Paris de l'ensemble des demandes, fins et conclusions et prétentions ;

En toute hypothèse,

- condamner la Ville de Paris à leur régler la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Ville de Paris aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par la société Lexavoué Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. et Mme [V] soutiennent en substance que :

- ils occupent régulièrement leur appartement parisien, lors de leurs déplacements à [Localité 10] de nature personnelle ou professionnelle, y compris avec leurs proches ;

- c'est à bon droit que le jugement a considéré que le fiche H2 et la fiche modèle R n'établissaient pas l'affectation du bien à un usage d'habitation au 1er janvier 1970 ;

- la Ville de Paris soutient à tort que le jugement lui aurait imposé de rapporter la preuve de l'occupation du logement au 1er janvier 1970 en lieu et place de l'usage du bien puisque l'ordonnance vise expressément l'absence de preuve de l'usage d'habitation du bien et non pas l'occupation du bien ;

- l'usage d'habitation doit être démontré par la commune et ne peut pas être présumé ;

- le bien litigieux n'a pas fait l'objet de changement illicite, sans autorisation préalable de l'usage d'habitation ;

- rien ne permet d'affirmer que ce seraient eux qui auraient offert leur appartement à la location pour de courtes durées à une clientèle de passage ;

- le témoignage du voisin sur lequel se fonde le jugement pour établir l'activité litigieuse n'a aucun caractère probant ;

- la Ville de Paris ne prouve pas que l'appartement proposé en location sur internet est bien l'appartement des intimés ;

- leur attitude peu coopérative ne peut être établi par le simple fait de refuser un rendez-vous puisqu'ils étaient absents de leur domicile à la période de l'année où le courrier recommandé a été délivré ;

- la Ville de Paris n'apporte pas la preuve qu''ils auraient perçu des revenus.

SUR CE LA COUR

Sur l'infraction aux dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, tel qu'issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires.

Il résulte en outre de l'article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n'excédant pas 120 jours par an, la location d'un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d'un meublé dans le cadre d'un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de Paris a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation qui n'apparaît pas voir été respectée dans le cadre de la présente procédure.

En l'espèce, les parties s'opposent sur les éléments de preuve à apporter par la ville de ce que le local dont il s'agit est bien un local à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, étant rappelé qu'un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d'une affectation de fait à l'usage d'habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

Il revient ainsi à la Ville de Paris, pour caractériser l'infraction dénoncée de changement d'usage illicite, de démontrer avant tout que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l'usage d'habitation.

La Ville de Paris se prévaut ici de la fiche H2 et de la déclaration modèle R pour chercher à établir l'usage d'habitation (sa pièce 3).

Force est toutefois de constater :

- que la fiche H2 produite date du 15 octobre 1970 ;

- que cette fiche mentionne que le local est occupé par le propriétaire à la date du 15 octobre 1970, sans que cette mention puisse donc établir l'usage du bien au 1er janvier 1970, nonobstant les mentions relatives à l'habitation qu'elle comporte ;

- qu'il n'est pas fait mention dans ce document de la perception d'un loyer au 1er janvier 1970 qui permettrait d'établir un usage d'habitation à cette date ;

- que si la Ville de Paris indique que la déclaration H2 impliquerait nécessairement un usage d'habitation, les dispositions du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l'administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l'article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l'évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété [...] la date limite d'envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants) ne permettent pas une telle déduction, la présomption d'usage d'habitation au 1er janvier 1970 telle qu'alléguée ne résultant ni de ces textes, ni par ailleurs d'aucun autre texte ;

- que la fiche récapitulative modèle R date elle du 28 décembre 1970, ne pouvant dès lors non plus servir à établir un usage d'habitation au 1er janvier 1970 faute de toute mention sur l'entrée dans les lieux ou de mention d'un loyer au 1er janvier 1970, étant observé que s'il est indiqué par l'appelante que la fiche R emporterait présomption d'habitation dès qu'elle a été établie au plus tard le 31 décembre 1970, aucun élément du droit applicable ne vient justifier cette affirmation.

Si la ville estime qu'il conviendrait d'apprécier la preuve à apporter de manière "raisonnable", en se fondant sur des circonstances "vraisemblables", elle ne peut s'affranchir des dispositions légales applicables, selon lesquelles un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, ce d'autant que cette législation a pour effet le prononcé d'amendes civiles, de sorte qu'elle doit s'apprécier strictement.

Aucun autre élément probant n'est produit s'agissant de l'usage d'habitation.

Aussi, n'est-il pas possible d'affirmer, au vu de l'ensemble de ces éléments de preuve, que la local dont il s'agit avait bien un usage d'habitation au 1er janvier 1970.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a dit que le manquement aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation n'est pas caractérisé et a conséquence débouté la Ville de Paris de ses demandes, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les autres moyens.

Sur les infractions aux dispositions de l'article L. 324-1-1 III et IV du code du tourisme

L'article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose que :

I.-Pour l'application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.

II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.

La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

IV.-Dans les communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration.

V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.

En l'espèce, concernant d'abord l'infraction aux dispositions de l'article L. 321-1-1 III du code du tourisme, il faut rappeler que le conseil de [Localité 10] a décidé de mettre en oeuvre le dispositif prévu, par délibérations des 3, 4 et 5 juillet 2017, soumettant ainsi à déclaration préalable toute location pour de courtes durées d'un local meublé, à destination d'une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, peu important que le logement en cause constitue ou non la résidence principale du loueur.

Le constat d'infraction de la Ville de [Localité 10] du 7 octobre 2019 (pièce 1 appelante) établit que, lors d'un contrôle du 4 octobre 2019, l'appartement mis en location sur internet a été reconnu par le voisinage qui a confirmé la présence régulière pour de courtes durées de touristes venant louer l'appartement en cause.

Il importe ici peu que le constat de l'agent assermenté vise un témoignage anonyme, alors que le procès-verbal est particulièrement circonstancié, le simple courriel produit par les intimés, qui viendrait d'une voisine (pièce 4) qui indique ne pas être à l'origine de la dénonciation, ne venant d'ailleurs pas invalider les mentions de l'agent de la ville.

Les sites Airbnb, Vrbo et Tripadvisor montrent en outre que ce bien est proposé à la location de courte durée, la cour relevant, comme le premier juge, qu'ont été relevés cumulativement 109 commentaires de touristes.

Les intimés, face à ces éléments, ne peuvent d'ailleurs se limiter à dire qu'il n'est pas démontré qu'il s'agirait de leur appartement, alors que les constatations du procès-verbal sont précises et que M. et Mme [V] n'apportent aucun élément pour dire qu'il y aurait eu une confusion sur ce point, la charge de la preuve n'étant pas été renversée par ces développements.

M. et Mme [V] n'ont en outre pas procédé à la déclaration préalable de l'article L. 321-1-1 III du code du tourisme.

Il s'en déduit que l'infraction aux dispositions de cet article est parfaitement caractérisé.

Le premier juge a en outre exactement fixé le montant de l'amende à la somme de 5.000 euros, eu égard à l'objet d'intérêt général de la législation et du profit tiré, étant rappelé que les simulations opérées par le contrôleur font apparaître que le logement est loué en moyenne 1.118,50 euros par nuit, soit, pour un mois, en prenant en compte un taux d'occupation de 75 %, un revenu de 25.166,25 euros, alors que le loyer de référence est de 4.592 euros.

S'agissant enfin de l'infraction aux dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme, à savoir le défaut de transmission relative au nombre de jours loués, il sera relevé que l'obligation de transmission de l'article L.324-1-1 IV alinéa 2 du code du tourisme ne peut concerner que les locations visés à l'article L.324-1-1 IV alinéa premier, à savoir les locations d'un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale, étant rappelé à nouveau que les textes relatifs à une infraction civile, pouvant conduire au prononcé d'une amende, doivent s'interpréter strictement.

C'est ainsi en vain que la ville estime ainsi que l'alinéa 2 ne s'appliquerait pas qu'aux résidences principales, alors qu'il doit s'interpréter nécessairement par rapport à l'alinéa premier, peu important que ne soit pas reprise dans l'alinéa 2 l'expression "meublé de tourisme déclaré comme résidence principale".

Le logement en cause n'est pas ici la résidence principale des intimés, ceux-ci étant domiciliés en Espagne.

Les conditions pour prononcer une amende en application de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme ne sont donc pas remplies.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour confirmera la décision entreprise en tous ses éléments, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.

Ce qui est jugé en cause d'appel commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, chacune des parties conservant en outre la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/17967
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;21.17967 ?
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