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07/07/2022 | FRANCE | N°21/01063

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 07 juillet 2022, 21/01063


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 07 JUILLET 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01063

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6AB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Novembre 2020 -TJ de Paris - RG n° 19/09603

APPELANT



Monsieur [F] [X]

Né le [Date naissance 4] 1980 au Kosovo

De nationalité Ko

sovare

[Adresse 3]

[Adresse 11]

[Localité 9]

représenté et assisté par Me Matisse BELUSA, avocat au barreau de PARIS, toque : R013



INTIMEES



MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCAN...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 07 JUILLET 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01063

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6AB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Novembre 2020 -TJ de Paris - RG n° 19/09603

APPELANT

Monsieur [F] [X]

Né le [Date naissance 4] 1980 au Kosovo

De nationalité Kosovare

[Adresse 3]

[Adresse 11]

[Localité 9]

représenté et assisté par Me Matisse BELUSA, avocat au barreau de PARIS, toque : R013

INTIMEES

MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIES DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE (MACIF)

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

ayant pour avocat plaidant Me Yves AMBLARD, avocat au barreau de PARIS

CPAM DU VAL D'OISE

[Adresse 2]

[Adresse 10]

[Localité 8]

N'a pas constitué avocat

Association PRO BTP ILE DE FRANCE

[Adresse 5]

[Localité 6]

N'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, Présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 19 juin 2013 à [Localité 6], M. [F] [X] a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. [R] [Y] et assuré auprès de la société Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France (la société MACIF).

Une expertise médicale amiable a été réalisée par les Docteurs [P] [N] et [S] [E] dont le rapport a été déposé le 20 novembre 2014.

Par ordonnance du 10 décembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [L] [D].

L'expert a établi son rapport le 6 mai 2019.

Par actes des 2, 6 et 8 août 2019, M. [X] a fait assigner la société MACIF, la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise (la CPAM) et la société Pro BTP Ile de France (la société Pro BTP) devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir reconnaître son droit à indemnisation et de faire liquider ses préjudices.

Par jugement du 30 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- dit que le droit à indemnisation de M. [X] des suites de l'accident de la circulation survenu le 19 juin 2013 est entier et que la société MACIF sera tenue d'indemniser les conséquences de cet accident,

- condamné la société MACIF à payer à M. [X] les sommes suivantes à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites :

- tierce personne temporaire : 882 euros

- pertes de gains professionnels actuels : 1 765,48 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 1 177,25 euros

- souffrances endurées : 6 000 euros

- préjudices esthétique temporaire : 500 euros

- déficit fonctionnel permanent : 3 950,90 euros

- ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- dit qu'il convient de déduire les provisions versées à hauteur de 22 000 euros,

- constaté que l'incidence professionnelle est entièrement absorbée par l'imputation de la créance du tiers payeur,

- débouté M. [X] de sa demande au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- déclaré le jugement commun à la CPAM et à la société Pro BTP,

- condamné la société MACIF à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MACIF aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 13 janvier 2021, M. [X] a interjeté appel de cette décision en ses dispositions relatives à la perte de gains professionnels futurs, à l'incidence professionnelle et au déficit fonctionnel permanent.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [X], notifiées le 11 février 2022, aux termes desquelles il demande à la cour, de :

Vu la loi n°85-677 du 5 juillet 1985

- infirmer le jugement du 30 novembre 2020 en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande au titre des pertes de gains professionnels futurs et en conséquence,

- fixer le préjudice de pertes de gains professionnels futurs à la somme totale de 123 299,90 euros, composé pour 103 299,90 euros des arrérages échus de perte de gains professionnels futurs arrêtés au 30 avril 2021 et pour 20 000 euros par le préjudice de retraite, et imputer sur ce montant total le solde des indemnités journalières et de la rente accident du travail non imputés par ailleurs,

et en conséquence,

- confirmer le jugement du 30 novembre 2020 en ce qu'il a évalué le préjudice d'incidence professionnelle à la somme de 40 000 euros, mais infirmer ce jugement en ce qu'il a estimé ce montant 'entièrement absorbé par l'imputation de la créance tiers payeur',

- confirmer le jugement du 30 novembre 2020 en ce qu'il a évalué le préjudice de déficit fonctionnel permanent à la somme de 14 800 euros, mais infirmer ce jugement en ce qu'il a estimé que ce montant devait être limité à la somme de 3 950,90 euros après imputation du solde de la créance des tiers payeurs,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner la société MACIF à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de l'instance,

- débouter la société MACIF de l'intégralité de ses demandes.

Vu les conclusions de la société MACIF, notifiées le 10 mars 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société MACIF à payer à M. [X] les sommes suivantes à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites :

- tierce personne temporaire : 882 euros

- pertes de gains professionnelles actuelles : 1 765,48 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 1 177,25 euros

- souffrances endurées : 6 000 euros

- préjudice estéthique temporaire : 500 euros

- déficit fonctionnel permanent : 3 950,90 euros,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué la somme de 40 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, celle-ci n'étant ni justifiée ni fondée,

- débouter M. [X] de ses demandes d'indemnisation de ses prétendus préjudices professionnels,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à l'appelant une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter l'appelant de sa demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour, et le condamner aux entiers dépens.

La CPAM et la société Pro BTP auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée par actes d'huissier de justice respectivement en date du 1er avril 2021 et du 2 avril 2021, délivrés à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la réparation

L'expert le Docteur [D] a indiqué dans son rapport en date du 13 mars 2019 que M. [X] a présenté à la suite de l'accident du 19 juin 2013 un traumatisme crânien sans perte de connaissance, une contusion de l'épaule droite avec fracture du trochiter et un traumatisme de la hanche droite et qu'il conserve comme séquelles une limitation de la mobilité de l'épaule droite avec douleur en fin de course et une nette altération des abduction et élévation antérieures et des troubles psychologiques.

Il a conclu notamment ainsi qu'il suit :

- arrêt des activités professionnelles du 19 juin 2013 au 31 juillet 2014

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 19 juin 2013 au 30 juillet 2013 et de 10 % du 31 juillet 2013 jusqu'à la consolidation

- consolidation au 31 juillet 2014

- déficit fonctionnel permanent de 8 %

- retentissement professionnelle : difficulté à la profession de peintre en bâtiment : fatigabilité, lenteur d'exécution, maladresse et diminution de force du membre supérieur droit imputables.

- Sur la perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Le tribunal a considéré que compte tenu des séquelles limitées de l'accident donnant lieu à un déficit fonctionnel permanent de 8 % seulement, M. [X] restait apte à l'exercice de son métier de peintre en bâtiment, secteur considéré comme embauchant du personnel au vu du marché du travail dans le secteur de la construction et de la rénovation, même s'il connaissait des difficultés dans l'exercice de son métier, lesquelles seraient prises en compte au titre de l'incidence professionnelle.

Il a estimé que M. [X] ne rapportait pas la preuve d'une perte de retraite qu'il a examinée au titre de l'incidence professionnelle.

M. [X] fait valoir que bien que la société qui l'employait ait été mise en liquidation judiciaire en 2015, le secteur d'activité de peintre en bâtiment ne souffre pas de pénurie d'offre, qu'il a toujours travaillé dans ce domaine, hors quelques jours de chômage entre deux emplois, que depuis l'accident il souffre d'une limitation de la mobilité de l'épaule droite avec des douleurs et une sensibilité lors des variations climatiques, d'une lenteur et d'une maladresse d'utilisation du bras droit et d'une baisse de force de sa main droite et qu'il en résulte que les gestes qu'effectue un peintre habituellement lui sont rendus plus difficiles voire impossibles, ce qui a rendu son retour à l'emploi très difficile après son licenciement.

Il ajoute que c'est son ancien employeur qui finalement l'a réembauché en contrat de travail à durée déterminée à mi-temps à compter du 1er novembre 2018, que ce contrat a été prolongé jusqu'au 31 janvier 2019, qu'à cette date il a signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, qui par avenant du 3 mai 2021 a été transformé en contrat de travail à temps plein par ajout de tâches de petite maçonnerie.

Il sollicite ainsi l'indemnisation de la perte de salaire subie entre la consolidation de son état et le 30 avril 2021 sur la base du différentiel entre le salaire perçu après la consolidation et son salaire antérieur à l'accident et demande une indemnisation de sa perte de retraite.

Il conteste la pertinence de l'enquête officieuse à laquelle la société MACIF a fait procéder aux motifs que l'enquêteur l'a perdu de vue à plusieurs reprises, qu'elle est basée sur des suppositions et qu'elle est subjective, l'enquêteur s'étant focalisé sur des mouvements supposés impossibles pour lui.

La société MACIF conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs en critiquant le rapport d'expertise médicale au motif que l'expert n'a pas constaté les prétendues incapacités invoquées par M. [X] mais s'est borné à recueillir ses allégations et relève que les constatations objectives de cet expert révèlent la parfaite normalité des épaules et des bras de M. [X].

Elle ajoute que l'enquête privée qu'elle a diligentée, dont M. [X] ne conteste pas la recevabilité mais seulement son bien-fondé, démontre sa capacité à accomplir des journées de travail de grande amplitude, sans signe apparent de douleur ou de fatigue, à un rythme au moins comparable à celui suivi par ses compagnons de travail et à réaliser les gestes ou mouvements qu'il a déclaré ne pouvoir effectuer qu'avec difficulté.

Elle estime que la pièce 24 produite par M. [X] est une déclaration de revenus qui par définition est déclarative et ne peut avoir force probante des revenus officiels et non officiels qu'il a perçus et rappelle que M. [X] a perçu des indemnités journalières et des arrérages de la rente accident du travail qui doivent s'imputer, ainsi que le capital constitutif de cette rente sur les postes de perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent de la victime.

Sur ce, l'expert, le Docteur [D] a noté dans son compte-rendu de l'examen médical de M. [X], notamment, que les deux épaules sont symétriques, que leur moignon est identique, qu'il n'est pas retrouvé d'anomalie des articulations sterno-claviculaires et acromio-claviculaires, que les mensurations circonférentielles confirment un usage 'normal' du bras droit, sans amyotrophie, qu'il n'est pas retrouvé de décollement de l'omoplate lors de la manoeuvre d'appui, que les forces musculaires segmentaires des bras et avant-bras sont normales, que les forces de serrage de la main droite sont excellentes, que les avant-bras ont des mobilités normales avec une pronosupination complète.

S'il a relevé que les mouvements d'antépulsion (150 à droite pour 180 à gauche), d'élévation latérale (120 à droite pour 170 à gauche), de rotation interne (T 1, 2 à droite T3 à gauche) et de rotation externe (un peu freinée à droite et nuque à gauche) des épaules étaient limités à droite et allégués douloureux, et noté en page 11 de son rapport qu'une reconversion ou un aménagement de son métier de peintre serait souhaitable, dans la mesure où les mouvements amples des bras, les travaux en élévation de plus de 90°, le port de charges lourdes en hauteur et donc l'installation d'échafaudages était impossible, il a néanmoins conclu son rapport, ainsi que ci-dessus précisé, en retenant une simple difficulté à la profession de peintre en bâtiment.

Les experts amiables avaient d'ailleurs estimé dans leur rapport contradictoire que M. [X] n'était pas atteint d'une incapacité d'exercice de son métier de peintre mais serait confronté à une difficulté pour accomplir les travaux au-dessus du plan de l'horizontale et pour porter des charges lourdes.

Au surplus, le certificat de travail établi le 5 mai 2014 par la SCP Ouizille-de-Keating agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Arnaud peinture, ancien employeur de M. [X], désigné par le tribunal de commerce de Versailles par jugement du 19 mars 2014, mentionne que le contrat de travail de M. [X] ayant duré du 12 octobre 2009 au 17 avril 2014, a été rompu d'un 'commun accord des parties du fait de la conclusion d'un contrat de sécurisation professionnelle' et non en raison d'une quelconque incapacité de travail de M. [X].

En outre, M. [X] qui a de nouveau cherché du travail en qualité de peintre, a conclu avec la société Blanc brillant, pour un emploi de peintre, un contrat de travail à durée déterminée puis un contrat de travail à durée indéterminée, pour un temps partiel porté par avenant du 3 février 2021, à un ' temps plein' les travaux de peinture étant étendus à des 'petits travaux de maçonnerie', sans communiqué l'avis du médecin du travail.

Il doit être relevé en outre que les petits travaux de maçonnerie n'excluent pas le port de charges lourdes ou de travail en élévation des bras au-dessus de l'horizontale.

L'ensemble de ces éléments, corroboré par le contenu de l'enquête privée, comportant plusieurs photographies montrant M. [X] en train d'effectuer des travaux de peinture, notamment au-dessus du plan de l'horizontale et même à la verticale pour les plafonds, démontre d'une part, que la rupture du contrat de travail de M. [X] n'est pas la conséquence de l'accident du 19 juin 2013, mais de la situation économique obérée de son employeur, et d'autre part, que M. [X] n'est pas dans l'impossibilité physique depuis la consolidation de son état d'accomplir son métier de peintre mais seulement qu'il se heurte à une pénibilité accrue dans l'exercice de ce métier.

Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [X] d'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs qui n'est pas imputable à l'accident et par voie de conséquence d'un préjudice de retraite.

- Sur l'incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Le tribunal a évalué à 40 000 euros l'incidence professionnelle subie par M. [X] en conséquence d'une fatigabilité et d'une pénibilité accrue et de sa dévalorisation sur le marché du travail.

Il a imputé à due concurrence la rente accident du travail versée par la CPAM.

Après cette imputation aucun solde n'était disponible pour M. [X].

M. [X] demande à la cour de confirmer le jugement sur l'évaluation de l'incidence professionnelle mais de l'infirmer en ce qu'il a estimé ce montant entièrement absorbé par la créance de la CPAM.

La société MACIF estimant que M. [X] a conservé sa totale intégrité physique conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de la demande d'indemnisation d'une incidence professionnelle.

Sur ce, il résulte des éléments précités indiqués pour la perte de gains professionnels futurs que M. [X] conserve une limitation des mouvements de l'épaule droite avec douleur de nature à entraîner une pénibilité accrue lors de l'élévation des bras au-dessus du plan de l'horizontale et du port de charges lourdes et qu'il va être dévalorisé sur le marché du travail, ensemble d'éléments justifiant une indemnisation de cette incidence professionnelle à hauteur de la somme de 40 000 euros.

Il résulte de l'application combinée des articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 et des articles L.434-1 et L.434-2 du code de la sécurité sociale, que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et d'autre part le déficit fonctionnel permanent ; en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.

Sur l'indemnité de 40 000 euros s'impute ainsi la rente accident du travail versée par la CPAM, soit selon le décompte définitif de cet organisme au 18 mai 2015 la somme de 439,04 euros au titre des arrérages échus au 15 mars 2015 et celle de 41 021,55 euros représentant le capital constitutif de la rente à cette même date, soit une somme totale de 41 460,59 euros.

Après imputation à due concurrence aucun solde n'est disponible pour M. [X].

- Sur le déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Le tribunal a alloué à M. [X] une indemnité de 14 800 euros dont celui-ci demande la confirmation ; il conteste l'imputation faite par le tribunal du solde de la rente accident du travail ; la société MACIF ne formule pas d'observation sur ce poste de dommage.

Eu égard aux séquelles de l'accident consistant en une limitation de la mobilité de l'épaule droite avec douleur et des troubles psychologiques, conduisant à un taux de 8 % et justifiant compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence une indemnité de 14 800 euros pour un homme né le [Date naissance 4] 1980 et âgé de 34 ans à la consolidation du 31 juillet 2014.

Le tribunal a imputé à tort sur le déficit fonctionnel permanent les indemnités journalières versées après la consolidation qui n'ont pas vocation à réparer un tel poste de dommage.

A près imputation du solde de la rente accident du travail d'un montant de 1 460,59 euros (41 460,59 euros - 40 000 euros ) l'indemnité revenant à M. [X] s'élève à 13 339,41 euros (14 800 euros - 1 460,59 euros ).

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société MACIF qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer à M. [X] une indemnité de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel

- Confirme le jugement,

hormis sur l'indemnité revenant à M. [F] [X] au titre de son déficit fonctionnel permanent,

Statuant à nouveau sur le point infirmé et y ajoutant,

- Condamne la société Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France à payer à M. [F] [X] au titre du déficit fonctionnel permanent consécutif à l'accident du 19 juin 2013, la somme de 13 339,41 euros , provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus,

- Condamne la société Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France à payer à M. [F] [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Mutuelle d'assurance des commerçants et industriels de France aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/01063
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;21.01063 ?
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