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07/07/2022 | FRANCE | N°20/15502

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 07 juillet 2022, 20/15502


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 07 JUILLET 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15502

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCR7E



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2020 - TJ de PARIS

RG n° 18/03382



APPELANTS



Monsieur [D] [Y] agissant en qualité de tuteur de Monsieur [Z] [Y]

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[Localité 18]

né le [Date naissance 5] 1935 à [Localité 16] (63)

représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

assist...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 07 JUILLET 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15502

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCR7E

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2020 - TJ de PARIS

RG n° 18/03382

APPELANTS

Monsieur [D] [Y] agissant en qualité de tuteur de Monsieur [Z] [Y]

[Adresse 12]

[Localité 18]

né le [Date naissance 5] 1935 à [Localité 16] (63)

représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

assisté par Me Jean-Louis CHANLANSET, avocat au barreau de PARIS

Madame [V] [C] épouse [Y] agissant en qualité de tuteur de Monsieur [Z] [Y]

[Adresse 12]

[Localité 18]

née le [Date naissance 4] 1938 à [Localité 19] (54)

représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

assistée par Me Jean-Louis CHANLANSET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 6]

[Localité 15]

représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

ayant pour avocat plaidant Me Delphine ABERLEN, avocat au barreau de PARIS

S.A. KONE venant aux droits de la société ASCENSEURS SOULIER

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]

représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

assistée par Me Pierre-Henri LEBRUN, avocat au barreau de PARIS

S.A. ALLIANZ IARD

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 14]

représentée et assistée par Me Patrice GAUD de la SELARL GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 10] représenté par son syndic, le cabinet [N] [G]

[Adresse 3]

[Localité 11]

représenté et assisté par Me Jean-Baptiste SCHROEDER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1323

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, et Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 juin 2000, M. [Z] [Y], alors âgé de 21 ans comme étant né le [Date naissance 9] 1979, a été victime d'un accident survenu dans les parties communes de l'immeuble du [Adresse 10] à [Localité 17] où résidait un de ses amis. Alors qu'il penchait la tête au-dessus de la grille de protection de la gaine d'ascenseur au niveau du 5ème étage pour vérifier si l'ascenseur arrivait, il a été assommé par la cabine qui descendait du 6ème ou du 7ème étage et a eu la tête coincée entre la grille de protection et le socle de la cabine.

A la suite de l'accident, M. [Z] [Y] a présenté un arrêt cardio-respiratoire évalué à 15 minutes et un coma anoxique post-traumatique.

M. [D] [Y], agissant en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire des biens de son fils, M. [Z] [Y], a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] à [Localité 17] (le syndicat des copropriétaires) et l'assureur de ce dernier, la société Gan eurocourtage IARD (la société Gan) aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Allianz IARD (la société Allianz) en responsabilité et indemnisation, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la CPAM) et de la mutuelle SMP Air liquide, tiers payeurs.

Le syndicat des copropriétaires a appelé en garantie la société Agence d'Auteuil, syndic de la copropriété à l'époque des faits ainsi que la société Ascenseurs Soulier, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Koné.

Par jugement 28 octobre 2004, le tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté M. [D] [Y], ès qualités, de l'ensemble de ses demandes,

- «rejeté pour le surplus»,

- condamné M. [D] [Y], ès qualités, aux dépens avec droit de recouvrement conforme à l'article 699 du code de procédure civile.

Par un arrêt infirmatif du 26 février 2007, la cour d'appel de ce siège a :

- déclaré le syndicat des copropriétaires et la société Gan tenus in solidum d'indemniser à hauteur de 80% les conséquences dommageables pour M. [Z] [Y] de l'accident survenu le 16 juin 2000,

- condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et la société Gan à payer à M. [D] [Y], en sa qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire de son fils, M. [Z] [Y], la somme de 45 000 euros à titre de provision sur l'indemnisation de son préjudice, outre celle de 2 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné une expertise judiciaire confiée au Professeur [O] [I],

- sursis à statuer sur les demandes de la CPAM jusqu'à la liquidation définitive du préjudice de M. [Z] [Y],

- dit que la société Gan doit garantir le syndicat des copropriétaires de toutes condamnations prononcées à son encontre, dans la limite du plafond de garantie de sa police, soit 4 600 000 euros,

- condamné la société Ascenseurs Soulier à garantir le syndicat des copropriétaires et la société Gan des condamnations prononcées à leur encontre,

- mis hors de cause la société Agence d'Auteuil.

L'expert a établi son rapport le 4 décembre 2008.

Par un arrêt du 8 mars 2010, la cour d'appel de ce siège a :

- condamné le syndicat des copropriétaires à verser à :

- M. [D] [Y], agissant en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire des biens de son fils, M. [Z] [Y], en réparation du préjudice corporel de ce dernier :

* la somme de 2 228 089,60 euros en capital, en deniers ou quittances, provisions non déduites,

* une rente annuelle viagère d'un montant de 174 168 euros au titre de la tierce personne, payable trimestriellement à compter du 1er janvier 2010 et suspendue en cas de prise en charge en milieu médicalisé à partie du 46ème jour,

* une rente annuelle viagère d'un montant de 28 800 euros au titre de la perte de chance professionnelle, payable trimestriellement à compter du 1er janvier 2010,

dit que ces rentes seront indexées conformément aux dispositions de la loi du juillet 1985,

* la somme complémentaire de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la CPAM :

* la somme de 543 114,83 euros en remboursement des prestations versées à la victime ou pour elle, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

* le remboursement de ses frais futurs au fur et à mesure qu'ils seront exposés, dans la limite de la somme de 335 128 euros,

* la somme complémentaire de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit la société Gan tenue de garantir le syndicat des copropriétaires dans la limite du plafond contractuel de 4 600 000 euros et la société Ascenseurs Soulier tenue de garantir la société Gan et son assuré de l'intégralité des condamnations prononcées,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la société Ascenseurs Soulier aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Saisi par les proches de M. [Z] [Y] d'une demande d'indemnisation de leurs préjudices par ricochet, le tribunal de grande instance de Paris a par jugement du 27 juin 2013 :

- condamné le syndicat des copropriétaires, in solidum avec son assureur, la société Allianz, venant aux droits de la société Gan, à verser les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice dont M. [Z] [Y] a été victime le 16 juin 2000,

- à M. [D] [Y] : 29 000 euros

- à Mme [V] [Y] : 29 000 euros

- à Mme [H] [Y] : 14 600 euros

- à Mme [S] [Y] épouse [P] : 9 600 euros

- à M. [N] [Y] : 9 600 euros

- à M. [K] [Y] : 9 600 euros

- à Mme [W] [A] épouse [Y] : 2 400 euros

- à Mme [T] [M] épouse [Y] : 2 400 euros

-dit que la société Allianz est tenue de garantir le syndicat des copropriétaires, dans la limite du plafond contractuel de 4 600 000 euros, de l'intégralité des condamnations prononcées,

- dit la société Koné, venant aux droits de la société Ascenseurs Soulier, et la société Axa, dans la limite du plafond contractuel de 7 662 450 euros, tenus de garantir la société Allianz et son assuré le syndicat des copropriétaires de l'intégralité des condamnations prononcées.

Par un arrêt du 19 septembre 2016, devenu irrévocable à la suite du rejet du pourvoi formé par le syndicat des copropriétaires (2ème Civ., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-26.937), la cour d'appel de ce siège a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 juin 2013 et, y ajoutant, déclaré irrecevable la demande du syndicat des copropriétaires tendant à voir dire et juger que, pour l'application des plafonds de garantie des sociétés Axa et Allianz, les sommes allouées à titre de rente viagère par l'arrêt du 8 mars 2010 seront prises en compte pour un montant capitalisé de 4 850 326 euros et non pour le montant cumulé des arrérages servis annuellement par ces sociétés à titre de rente.

Par actes d'huissier de justice en date des 7, 8 et 12 mars 2018, M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], agissant en qualité de tuteurs de M. [Z] [Y], ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, la société Malville immobilier, l'assureur de la copropriété, la société Allianz, venant aux droits de la société Gan, la société Koné, venant aux droits de la société Ascenseurs Soulier, ainsi que l'assureur de cette dernière, la société Axa France IARD (la société Axa), afin d'obtenir l'allocation d'une indemnité au titre des frais d'acquisition et d'aménagement d'un logement adapté au handicap de la victime.

Par jugement du 15 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

- débouté M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, aux dépens,

- dit que les dépens pourront être recouvrés par avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 2 novembre 2020, M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [D] [Y] et de Mme [V] [Y], ès qualités, notifiées le 13 janvier 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

- recevoir M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, en leur appel,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement entrepris en qu'il énonce «qu'aucune autorité de la chose jugée ne vient faire échec à la recevabilité de la demande d'indemnisation» et sur la prescription que «la présente action, ayant été introduite par acte d'huissier deS 7, 8 et 12 mars 2018, soit avant l'expiration du délai de dix ans de l'article 2226 du code civil, n'est nullement prescrite»,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, de leur demande d'indemnisation du préjudice de M. [Z] [Y] consécutif à l'acquisition et à l'adaptation du logement,

- condamner le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, la société Malville immobilier, in solidum avec la société Allianz à verser à M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, la somme de 599 716 euros, en réparation du préjudice lié aux frais d'acquisition et d'aménagement du logement,

- condamner le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, la société Malville immobilier, in solidum avec la société Allianz venant aux droits de la société Gan, à verser à M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Koné venant aux droits de la société Ascenseurs Soulier et son assureur, la société Axa à garantir le syndicat des copropriétaires et la société Allianz, venant aux droits de la société Gan, de toutes condamnations prononcées à leur encontre,

- débouter la société Allianz, la société Axa et le syndicat des copropriétaires de toutes leurs demandes envers M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités,

- condamner in solidum la société Koné, venant aux droits de la société Ascenseurs Soulier et la société Axa en tous les dépens, et ce au profit de Maître Vignes, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société Axa, notifiées le 20 janvier 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- juger la société Axa, recherchée en sa qualité d'assureur de la société Koné, recevable et bien fondée en son appel incident,

Vu l'article 480 du code de procédure civile,

Vu l'arrêt rendu le 8 mars 2010 qui a statué définitivement sur la liquidation des préjudices de M. [Z] [Y],

- juger que cet arrêt a désormais autorité de la force jugée,

En conséquence,

- infirmer le jugement en déclarant M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, irrecevables à former une demande au titre des frais d'acquisition et d'aménagement d'un logement pour M. [Z] [Y],

Pour le cas où la cour viendrait à retenir les appelants recevables en leurs demandes,

sur le fond des demandes

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, de leurs demandes indemnitaires s'agissant du remboursement lié aux frais de l'acquisition d'un logement adapté à l'état de M. [Z] [Y] et au titre des travaux d'aménagement rendus nécessaires par l'état de santé de M. [Z] [Y],

- juger qu'il n'est pas démontré l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la superficie réclamée à hauteur de 130 m² et la nécessité de travaux à hauteur de 60 000 euros et l'état de santé de M. [Z] [Y],

En conséquence,

- rejeter les demandes indemnitaires de M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, tout comme leur appel en garantie à l'encontre de la société Koné et de son assureur, la société Axa,

sur les limitations contractuelles

Vu l'article L. 114-1 du code des assurances,

- juger la société Koné irrecevable car prescrite à contester le plafond de garantie de son assureur ayant attendu près de 12 années pour le faire,

- juger la concluante bien fondée à opposer à son assurée la prescription biennale issue de cet article,

Vu l'article L.112-6 du code des assurances,

Vu l'article L.113-5 du code des assurances,

Vu les dispositions de l'article 1231-1 du code civil,

- juger que la société Axa ne saurait être tenue au-delà des limites de son contrat, c'est-à-dire dans la limite du plafond de garantie d'un montant de 7 622 450 euros, qui est opposable à tous,

- juger que la contestation de l'épuisement du plafond de son assureur constitue pour la société Koné une demande nouvelle qui doit être déclarée irrecevable et mal fondée par la cour,

Vu les justificatifs de règlements de la société Axa régulièrement communiqués à hauteur de 5 673 130 euros soit 2 596 158,55 euros, au titre des arrérages versés pour les deux rentes depuis janvier 2010 et les 3 076 971,45 euros en exécution des diverses décisions de justice que ce soit à la victime ou à ses proches, outre les états frais et intérêts,

Vu les règlements à venir au titre des arrérages de la rente,

- juger que le plafond de garantie sera épuisé compte tenu des règlements intervenus de la part de la société Axa au profit «des consorts [Y]» et des règlements à venir au titre des rentes,

En conséquence,

- juger que l'engagement et la garantie de la société Axa prendront définitivement fin à la consommation de ce plafond par la somme des arrérages à venir, des versements en capital et autres sommes versées en exécution des nombreuses décisions de justice intervenues, s'imputant sur le plafond de garantie,

- juger qu'aucune condamnation supérieure ne saurait être mise à la charge de la société Axa qui «va faire le plein de ses garanties»,

- juger que les arrérages futurs en excès de son plafond de garantie seront à la seule charge de la société Koné,

- juger mal fondés les appels en garantie des parties adverses en tant que dirigées à l'encontre de la concluante, compte tenu des règlements déjà intervenus de la part de la concluante,

- prononcer la mise hors de cause de la société Axa,

Subsidiairement sur le quantum,

- juger que les sommes demandées sont contestables dans leur principe et leur montant,

- juger qu'il importe aux appelants de justifier du bien-fondé de leur demande en lien avec l'accident subi,

- en l'état les en débouter,

- débouter les parties adverses de leurs demandes de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- condamner «les consorts [Y]» ou tout autre succombant à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Sylvie Kong Thong, avocat.

Vu les conclusions du syndicat des copropriétaires, notifiées le 11 janvier 2021, aux termes desquelles il demande à la cour de :

A titre principal, sur les fins de non-recevoir,

Vu l'article 480 du code de procédure civile,

- constater que l'arrêt rendu le 8 mars 2010 par la cour d'appel de Paris a désormais autorité de la force jugée,

En conséquence,

- déclarer M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, irrecevables à former une nouvelle demande au titre des frais d'acquisition et d'aménagement d'un logement pour M. [Z] [Y],

Subsidiairement, sur le fond,

Vu les dispositions de l'article 1382 alinéa 1er du code civil, «dans son ancienne rédaction»,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités de leurs demandes indemnitaires au titre de l'acquisition d'un logement adapté à l'état de M. [Z] [Y],

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, de leurs demandes indemnitaires au titre des travaux de rénovation et d'aménagement rendus nécessaires par l'état de M. [Z] [Y],

- débouter M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, de leurs demandes,

A titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause,

- condamner la société Gan (désormais la société Allianz) à relever et garantir le syndicat des copropriétaires de toute condamnation prononcée à son encontre, dans la limite du plafond de garantie de sa police, soit 4 600 000 euros,

- condamner la société Ascenseurs Soulier (désormais la société Koné) et son assureur, la société Axa à relever et garantir le syndicat des copropriétaires et la société Gan (désormais la société Allianz) des condamnations prononcées à leur encontre,

Vu l'article 4 du code de procédure civile,

- déclarer la société Axa irrecevable en sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que son plafond de garantie serait épuisé,

- débouter la société Axa de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que son plafond de garantie serait épuisé,

- condamner in solidum la société Ascenseurs Soulier (désormais la société Koné) et son assureur, la société Axa à payer au syndicat des copropriétaires une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Maître Jean-Baptiste Schroeder, avocat.

Vu les conclusions de la société Koné, notifiées le 29 décembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- recevoir la société Koné, en ses écritures, la disant bien fondée,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, de leurs demandes indemnitaires :

- au titre de l'acquisition d'un logement adapté à l'état de M. [Z] [Y],

- au titre des travaux de rénovation et d'aménagement rendus nécessaires par l'état de M. [Z] [Y],

- rejeter les demandes formées par M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités,

- condamner M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, à payer à la société Koné la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Très subsidiairement,

- dire que la somme allouée à M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, ne saurait excéder 611 264 euros,

- statuer sur ce que de droit quant aux frais et dépens.

Vu les conclusions de la société Allianz, notifiées le 27 avril 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- juger M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, mal fondés en leur appel,

- confirmer le jugement entrepris,

Subsidiairement, si la cour réformait le jugement entrepris et condamnait la société Allianz à payer diverses indemnités à M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités,

- juger que, conformément aux arrêts prononcés les 8 mars 2010, 26 février 2007 et 19 septembre 2016, qui ont condamné la société Gan à relever et garantir le syndicat des copropriétaires dans la limite du plafond contractuel de 4 600 000 euros, les indemnités accordées aux «consorts [Y]» seront avec celles accordées à M. [Z] [Y] ainsi qu'à ses proches selon les arrêts précités, également soumises au plafond contractuel,

- condamner in solidum la société Koné, venant aux droits de la société Ascenseurs Soulier, et la société Axa à relever et garantir la société Allianz venant aux droits et obligations de la société Gan de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

- juger la société Axa mal fondée en son appel incident,

En conséquence,

- débouter la société Axa de sa demande tendant à voir juger que sa garantie est épuisée,

- condamner M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, la société Koné, venant aux droits la société Ascenseurs Soulier, et la société Axa à payer à la société Allianz une indemnité de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SELARL AGMC avocats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée

Le syndicat des copropriétaires et la société Axa font valoir que la demande d'indemnisation du poste de préjudice lié aux frais de logement adapté est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 8 mars 2010.

Le syndicat des copropriétaires relève que s'agissant de ces frais, évoqués dans le rapport d'expertise judiciaire, M. [D] [Y], ès qualités, s'est borné devant la cour à demander que ses droits soient réservés et que par son arrêt du 8 mars 2010, la cour l'a débouté de cette demande, faute pour ce dernier d'avoir présenté une demande chiffrée.

La société Axa soutient que M. [D] [Y], ès qualités, avait bien présenté une demande au titre de ce poste de préjudice, même s'il ne l'avait pas chiffrée, ce qui a conduit la cour, après avoir relevé dans ses motifs «qu'aucune demande chiffrée n'a été formée à ce titre sans qu'il y ait lieu de donner acte de réserves et de demandes futures, ce qui ne conférerait aucun droit aux parties», à débouté les parties de leurs autres demandes, incluant celle relative aux frais de logement adapté.

M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, concluent à la confirmation du jugement qui a rejeté cette fin de non-recevoir.

Sur ce, il résulte des articles 1351, devenu 1355 du code civil, et 480 du code de procédure civile que l'autorité de chose jugée ne peut être opposée à une réclamation qui tendant à la réparation d'un élément de préjudice non inclus dans la demande initiale, a un objet différent de celle ayant donné lieu au précédent arrêt.

Par ailleurs, il résulte de ces mêmes textes que l'arrêt qui dans son dispositif, rejette «toute autre demande des parties» n'a d'autorité de chose jugée que sur les demandes dont il était saisi et qu'il a examinées dans ses motifs.

Dans le cas de l'espèce, il résulte de l'arrêt du 8 mars 2010, qui a récapitulé sous forme d'un tableau les demandes dont la cour était saisie, que M. [D] [Y], ès qualités, a sollicité que les frais d'acquisition et d'aménagement d'un logement adapté pour M. [Z] [Y] soient réservés.

La cour d'appel qui s'est bornée dans ses motifs à «constater qu'aucune demande chiffrée n'a été formée à ces titres, sans qu'il y ait lieu de donner actes de réserves ou de demandes futures, ce qui ne conférerait aucun droits aux parties» ne s'est pas prononcée sur le poste de préjudice lié aux frais de logement adapté dont elle n'était pas saisie mais a seulement rappelé l'absence de portée juridique de la demande de réserve présentée par M. [D] [Y], ès qualités.

Dans ces conditions, l'arrêt du 8 mars 2010 qui dans son dispositif «déboute les parties de leurs autres demandes» n' pas statué sur le poste de préjudice liés aux frais de logement adapté qui n'était pas inclus dans la demande initiale de M. [D] [Y], ès qualités.

L'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt ne fait pas ainsi obstacle à ce que M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], agissant en qualité de tuteurs de M. [Z] [Y], sollicitent l'indemnisation des frais liés à l'acquisition à l'aménagement d'un logement adapté au handicap de leur fils.

Le jugement qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée sera, dès lors, confirmé.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Il n'est pas contesté en cause d'appel que l'action en indemnisation engagée par M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, par actes d'huissier en date des 7, 8 et 12 mars 2018, moins de dix ans après la consolidation des blessures fixée au 27 mars 2008, n'est pas prescrite, étant rappelé qu'aux termes de l'article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, applicable au litige, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation et qu'en cas de dommage corporel, c'est la date de la consolidation qui fait courir le délai de la prescription prévu par ce texte.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Sur les frais de logement adapté

M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, réclament en infirmation du jugement au titre de ce poste de préjudice une indemnité d'un montant de 599 716 euros après application de la réduction de 20 % du droit à indemnisation de M. [Z] [Y].

Ils exposent qu'à sa sortie d'hôpital, leur fils, M. [Z] [Y], est retourné vivre à leur domicile, dans l'appartement dont ils étaient locataires, [Adresse 7] situé au 3ème étage d'un immeuble dépourvu d'ascenseur ; ils ajoutent que le seul fait que ce logement ne soit pas accessible par un ascenseur permet d'établir qu' il n'était pas adapté à la présence d'une victime aussi lourdement handicapée que leur fils qui ne peut être portée avec son fauteuil roulant entre le rez-de-chaussée et le 3ème étage.

Ils exposent que c'est dans ces conditions que suivant acte authentique du 17 novembre 2010, ils ont, avec leur fils, fait l'acquisition, avec l'autorisation du juge des tutelles, de la pleine propriété indivise, à concurrence de 10/13ème pour M. [Z] [Y], d'un appartement de six pièces principales situé au rez-de-chaussée de l'immeuble du [Adresse 13] à [Localité 18] d'une superficie de 240 m² avec accès à une cour intérieure dont ils ont la jouissance exclusive ainsi que d'un garage, moyennant le prix de 1 300 000 euros, hors frais de notaire.

Ils indiquent avoir fait réaliser des travaux de rénovation incluant l'aménagement d'une chambre d'une superficie suffisante pour l'installation du mobilier et du matériel de soins (lit médicalisé, lève personne, table de verticalisation...), l'aménagement d'un espace de vie pour les tierces personnes se relayant auprès de la victime, la réhabilitation du chauffage et de l'électricité afin de permettre à M. [Z] [Y] de bénéficier d'une température constante en raison de ses troubles de thermorégulation.

Ils exposent que le coût des aménagements réalisés au bénéfice de leur fils en raison de son handicap se sont élevés à la somme de 45 565,02 euros ainsi qu'il résulte du chiffrage établi par l'architecte ayant suivi la réalisation des travaux.

Ils expliquent que selon le tableau des surfaces réalisé par cet architecte, la superficie attribuée à M. [Z] [Y] dans l'appartement est de 129,75 m² dont 14,25 m² pour l'entrée, 41,44 m² pour le salon, 24,25 m² pour la chambre, 14,01 m² pour la cuisine, 14,28 m² pour la salle à manger, 14,26 m² pour la chambre de l'auxiliaire de vie et 7,23 m² pour la salle da bains et estiment que cette superficie est parfaitement cohérente avec la circulation dans l'appartement en fauteuil roulant et la présence d'une tierce personne 24 heures sur 24.

Relevant que, selon une jurisprudence établie, les frais d'acquisition d'un logement adapté au handicap de la victime doivent être indemnisés en application du principe de la réparation intégrale lorsque comme en l'espèce cette acquisition a été rendue nécessaire par le fait dommageable, ils demandent la prise en charge d'une quote-part des frais d'acquisition, calculée en fonction de la surface de l'appartement réservée à la victime, soit 130 m² sur une superficie totale de 240 m² et d'un prix au mètre carré de 5 416 euros (1 300 000 euros / 240 m²), soit une somme de 704 080 euros.

M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, évaluent ainsi le poste de préjudice lié aux frais de logement adapté à la somme totale de 749 645,02 euros (704 080 euros + 45 565,02 euros), dont 599 716 euros revenant à M. [Z] [Y] compte tenu de la limitation de son droit à indemnisation.

Les intimés concluent à la confirmation du jugement qui a débouté M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, de leur demande d'indemnisation au titre des frais de logement adapté.

Le syndicat des copropriétaires avance que sous peine d'aboutir à un enrichissement sans cause de la victime, seul peut être imputé au responsable le surcoût lié à l'adaptation du logement rendue nécessaire par le handicap et non les frais d'acquisition de celui-ci alors que sans la survenance de l'accident, la victime aurait probablement acheté un logement au cours de sa vie ou payé un loyer ; il ajoute que ce n'est que dans l'hypothèse où seule l'acquisition d'un nouveau logement peut permettre à la victime de disposer d'un bien adapté que la prise en charge de ce coût peut être mise à la charge du responsable.

Il considère qu'en l'état des pièces versées aux débats, il n'est pas possible de vérifier que l'acquisition d'un nouveau logement était indispensable, aucun document n'étant communiqué concernant l'appartement dont M. [D] [Y] et Mme [V] [Y] étaient précédemment locataires et relève que M. [Z] [Y] a résidé dans ce logement à compter du 12 mai 2002 et jusqu'à la date de son déménagement dans l'appartement situé [Adresse 13] à [Localité 18], après l'acquisition de ce bien intervenue le 17 novembre 2010.

Le syndicat des copropriétaires soutient par ailleurs que M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, n'établissent pas que les travaux de rénovation dont ils demandent le remboursement présentent un rapport de causalité direct et certain avec l'adaptation du cadre de vie de M. [Z] [Y] en raison de l'accident.

Son assureur, la société Allianz; fait valoir en substance :

- que le seul aménagement retenu par l'expert judiciaire consiste dans la nécessité pour la victime de disposer d'une chambre suffisamment grande pour y recevoir les tierces personnes qui assurent les soins et une surveillance permanente de la victime et pour permettre d'installer les matériels médicaux,

- que la demande d'indemnisation au titre du coût correspondant à des surfaces supplémentaires prétendument liées au handicap de M. [Z] [Y] apparaît en contradiction avec les termes du rapport d'expertise,

- que le fait que les représentants de M. [Z] [Y] aient décidé d'acquérir un bien immobilier à un prix correspondant à une valeur du mètre carré de plus de 5 000 euros ne peut s'analyser comme étant une conséquence directe et certaine de l'accident,

- que l'affirmation selon laquelle le coût des aménagements de la chambre et de salle de bains de la victime s'élèvent à la somme de 45 565,02 euros n'est pas démontrée, alors qu'en première instance les appelants l'avait évalué à 60 000 euros.

La société Koné développe des arguments similaires à ses co-intimés

La société Axa ajoute qu'aucun élément n'est versé aux débats permettant de justifier que les besoins de M. [Z] [Y] nécessiteraient que 130 m² lui soient dédiés sur les 240 m² que comptent l'appartement dont il a fait l'acquisition ; elle avance s'agissant des travaux d'aménagement dont l'évaluation est passée de 60 000 euros en première instance à 45 565,02 euros en cause d'appel, que les besoins et contraintes d'aménagement de l'espace de vie de la victime n'ont pas été quantifiés ni décrits par l'expert judiciaire et qu'aucun rapport d'ergothérapeute n'est versé aux débats.

Sur ce, le Professeur [I] indique dans son rapport d'expertise en date du 4 décembre 2018 que l'accident domestique avec écrasement de la tête et arrêt cardio-respiratoire dont M. [Z] [Y] a été victime le 16 juin 2000 a entraîné des lésions cérébrales très sévères par anoxie, des lésions maxillo-faciales très importantes avec fractures mandibulaires complexes et des lésions dentaires.

Cet expert relève que la mobilisation de la famille autour du blessé a permis à M. [Z] [Y] de passer d'un état qualifié de végétatif à un état d'éveil pauci-relationnel et retient que les séquelles qu'il conserve depuis la date de consolidation fixée au 27 mai 2008 justifient un taux de déficit fonctionnel permanent de 97 %.

Il est constant qu'à la date de l'accident, M. [Z] [Y], alors âgé de 21 ans, résidait encore au domicile de ses parents dans un appartement situé [Adresse 7] où il est retourné vivre après sa sortie d'hôpital le 12 mai 2002.

M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, justifient par la production d'avis d'échéances qu'ils étaient locataires et non propriétaires de cet appartement.

Par ailleurs, il ressort du rapport du Professeur [I] que la réunion d'expertise a eu lieu au domicile de la victime, l'expert ayant relevé qu'il s'agissait d'un appartement ancien situé au 3ème étage sans ascenseur.

Mission lui ayant été donnée de se prononcer sur l'aménagement du logement de la victime, le Professeur [I] indique dans une annexe n° 1 à son rapport d'expertise que l'environnement dans lequel vit M. [Z] [Y] doit être accessible, ce qui n'est pas le cas actuellement, que la pièce où il vit et dort doit être très spacieuse pour permettre l'implantation des équipements de réadaptation et l'accueil des intervenants, que des dispositifs pour la toilette, tels qu'un chariot-douche, sont à prévoir et que le fauteuil doit pouvoir circuler librement.

L'expert relève en outre que l'état de santé de la victime nécessite une présence infirmière 24 heures sur 24, outre l'assistance d'une auxiliaire de vie pendant 6 heures par jour pour les repas, la toilette, l'habillage, les transferts du lit au fauteuil, la verticalisation et les déplacements en fauteuil dans le logement et à l'extérieur et l'intervention d'une aide ménagère 3 heures par jour, étant observé que ces besoins d'assistance ont été indemnisés sur la base de l'évaluation de l'expert par la cour d'appel de ce siège dans son arrêt du 8 mars 2010.

Il résulte de ces éléments que le domicile de la victime dans lequel elle est retournée vivre après sa sortie d'hôpital, situé au 3ème étage sans ascenseur d'un immeuble ancien, n'était ni accessible, ce que l'expert a relevé, ni adapté au handicap majeur de la victime nécessitant qu'elle dispose d'espaces suffisants pour circuler en fauteuil roulant et d'une chambre suffisamment spacieuse pour accueillir les différents équipements nécessaires, notamment un lit médicalisé, un chariot-douche et une table de verticalisation.

Dans ces conditions et compte tenu de l'importance des aménagements nécessaires pour adapter le domicile de la victime à son handicap en termes d'accessibilité, de circulation en fauteuil roulant, de superficie de la chambre ne correspondant pas aux standards immobiliers, et d'équipements spécifiques, incompatibles avec le caractère provisoire d'une location, l'accession à la propriété constituait pour M. [D] [Y], alors administrateur légal sous contrôle judiciaire des biens de son fils, non un choix personnel de nature patrimoniale, mais la seule solution pour permettre à M. [Z] [Y] de disposer de manière pérenne d'un lieu de vie adapté à son handicap.

Par acte authentique du 17 novembre 2010, M. [D] [Y] et Mme [V] [Y] ont avec l'autorisation du juge des tutelles, fait l'acquisition en indivision avec leur fils, M. [Z] [Y] d'un appartement en rez-de-chaussée composé de six pièces principales d'une superficie de 240,01 m², outre un garage et la jouissance exclusive d'une cour intérieure moyennant le prix de 1 300 000 euros.

La circonstance que les représentants légaux de M. [Z] [Y] n'aient pu mettre en oeuvre ce projet avant le mois de novembre 2010 s'explique par le fait que le droit à indemnisation de la victime à concurrence de 80% de ses préjudices n'a été reconnu que par l'arrêt du 8 mars 2010 et qu'il n'ont disposé qu'après cette date des fonds nécessaires pour procéder à l'achat d'un appartement en rez-de-chaussée avec jouissance privative d'un espace extérieur permettant à M. [Z] [Y] de ne plus être confiné dans un espace clos.

Il existe ainsi un lien de causalité direct et certain entre l'accident dont a été victime M. [Z] [Y] et l'achat d'un logement en indivision adapté à son handicap, étant observé, d'une part, que la superficie de 129,75 m² qui, selon le tableau des surfaces versé aux débats, lui est attribuée dans cet appartement de 240,01 m² n'est nullement excessive compte tenu de l'espace supplémentaire nécessaire à la circulation d'un fauteuil roulant, à l'aménagement de la chambre et à l'intervention des tierces personnes, d'autre part que la localisation de l'appartement à [Localité 18] où M. [Z] [Y] était domicilié avant l'accident et qui constituait son environnement habituel apparaît justifiée.

La fraction du prix d'achat de cet appartement correspondant à la surface dédiée à M. [Z] [Y] doit ainsi prise en charge par le syndicat des copropriétaires et son assureur, la société Allianz, sans que ces derniers ne soient fondés à opposer l'existence d'un enrichissement sans cause résultant de l'économie réalisée par le non-paiement d'un loyer ou la constitution d'un patrimoine immobilier.

Cet élément du poste de préjudice des frais de logement adapté sera évalué de la manière suivante :

- superficie totale de l'appartement : 240,01 m²

- surface nécessaire à la victime en raison de son handicap : 129,75 m²

- prix du mètre carré (1 300 000 euros / 240,01 m²) = 5 416,44 euros

Soit une indemnité de 702 783,09 euros (129,75 m² x 5 416,44 euros).

S'agissant des travaux d'adaptation de la surface de l'appartement dédiée à M. [Z] [Y], il convient de les évaluer au vu des pièces versées aux débats (plan de l'appartement avant et après travaux, devis, photographies après travaux, état descriptif détaillé des aménagements réalisés au prorata de la surface dédiée) à la somme réclamée de 45 565,02 euros incluant notamment la création d'un «placard douche» dans la chambre de la victime permettant l'installation d'un chariot de douche comme préconisé par l'expert, la création de portes de 90 centimètres de largeur permettant le passage d'un fauteuil roulant, ainsi que divers travaux d'isolation, d'électricité et de chauffage afin d'optimiser le confort thermique de la victime.

Le poste de préjudice lié aux frais de logement adapté s'élève ainsi à la somme globale de 748 348,11 euros (702 783,09 euros + 45 565,02 euros).

Après application de la réduction du droit à indemnisation de 20 %, il revient à M. [Z] [Y] représenté par ses parents et tuteurs, la somme de 598 678,49 euros.

Le jugement sera dès lors infirmé et le syndicat des copropriétaires sera condamné in solidum avec son assureur, la société Allianz, dans la limite de son plafond de garantie de 4 600 000 euros, à payer à M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, la somme de 598 678,49 euros au titre des frais de logement adapté.

Sur la garantie de la société Koné et de la société Axa

Il a été définitivement jugé par l'arrêt du 26 février 2007que la société Ascenseurs Soulier aux droits de laquelle se trouve la société Koné était tenue de garantir le syndicat des copropriétaires et la société Gan aux droits de laquelle vient la société Allianz des condamnations prononcées à leur encontre.

La société Axa, assureur de la société Koné, ne conteste pas le principe de la garantie due à son assurée mais soutient que le plafond contractuellement prévu d'un montant de 50 000 000 francs, soit 7 622 450 euros, sera prochainement épuisé, le montant des sommes versées au titre du sinistre s'élevant selon elle à 5 673 130 euros, dont 2 595 158,55 euros au titre des arrérages échus des rentes allouées à la victime au titre de l'assistance par une tierce personne après consolidation et du préjudice professionnel, et 3 076 971,45 euros versés en exécution des décisions de justice à la victime directe et à ses proches, outre les frais et intérêts.

Elle fait valoir que le solde de son plafond de garantie de 1 949 320 euros sera insuffisant pour couvrir les indemnités éventuellement allouées au titre du poste de préjudice lié aux frais de logement adapté et les arrérages à échoir des deux rentes et fait observer que les capitaux provisionnés pour le versement de ces rentes s'élèvent à la somme de 9 196 671 euros et dépassent d'ores et déjà le plafond de garantie.

Elle demande à la cour dans le dispositif de ses conclusions de juger d'une part, que les arrérages futurs en excès de son plafond de garantie seront à la seule charge de la société Koné, d'autre part de déclarer les appels en garantie dirigés à son encontre mal fondés et de prononcer sa mise hors de cause.

Elle avance que la contestation par son assurée, la société Koné, du plafond de garantie et de son opposabilité serait prescrite comme intervenant après l'expiration du délai de prescription biennale prévu à l'article L. 114-1 du code des assurances ayant commencé à courir à compter du 16 mars 2012, date à laquelle elle a écrit au courtier de la société Koné pour lui rappeler l'application de ce plafond et le risque de dépassement de celui-ci ou à tout le moins à compter de l'année 2014.

Elle soutient également que la contestation émise par la société Koné concernant l'épuisement du plafond de garantie constitue une demande nouvelle, irrecevable en cause d'appel.

Le syndicat des copropriétaires et la société Allianz concluent à l'irrecevabilité de la demande de la société Axa tendant à voir constater l'épuisement de son plafond de garantie, laquelle ne constituerait pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur le fond, ils soutiennent, de même que la société Koné, qu'il n'est pas justifié de l'épuisement du plafond de garantie de la société Axa.

Sur, il convient de relever en premier lieu que la société Axa qui demande dans le dispositif de ses dernières conclusions que les appels en garantie dirigés à son encontre soient déclarés mal fondés et sollicite sa mise hors de cause a saisi la cour de prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Il y a lieu ensuite d'observer que la société Koné, qui ne formule aucune demande de garantie à l'égard de son assureur dans le dispositif de ses conclusions et s'oppose seulement à la demande de la société Axa tendant à voir juger que les arrérages futurs en excès de son plafond de garantie seront à sa seule charge, ne peut se voir opposer la prescription biennale édictée par l'article L. 114-1 du code des assurances qui n'atteint que les actions dérivant du contrat d'assurance et non les moyens de défense opposés à ces actions.

Par ailleurs la demande de la société Koné tendant à voir juger que le plafond de garantie de son assureur n'est pas atteint ne constitue pas une demande nouvelle, irrecevable en cause d'appel, dès lors qu'elle tend conformément aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile à faire écarter les prétentions adverses de la société Axa.

Sur le fond, il convient de relever pour la compréhension du litige que si la société Ascenseurs Soulier a seulement été condamnée par l'arrêt précité du 26 février 2007 puis par l'arrêt du 8 mars 2010 à garantir le syndicat des copropriétaires et la société Gan aux droits de laquelle vient la société Allianz des condamnations prononcées à leur encontre, il résulte des lettres versées aux débats (pièce n° 23 de la société Axa) qu'à la suite de l'arrêt du 8 mars 2010, la société Axa a accepté à la demande de la société Gan de régler directement à la victime les condamnations mises à la charge du syndicat des copropriétaires.

Il ressort des pièces versées aux débats que la police d'assurance souscrite par la société Ascenseurs Soulier prévoit, s'agissant de la garantie responsabilité civile après livraison ou travaux l'application d'un plafond de garantie d'un montant de 50 000 000 francs, soit 7 622 450 euros.

En application des dispositions de l'article L. 112-6 du code des assurances ce plafond de garantie est opposable aux tiers.

Il résulte de la note établie le 17 janvier 2022 par la «directrice technique règlements» de la société Axa que cette dernière a constitué une provision mathématique d'un montant initial de 4 515 023,16 euros correspondant au capital représentatif des deux rentes allouées à M. [Z] [Y] à compter du 1er janvier 2010 au titre de l'assistance permanente par une tierce personne et du préjudice professionnel et que cette provision a été réactualisée à la somme de 6 600 512 euros pour tenir compte du niveau atteint par les rentes indexées et du prix de l'euro de rente le plus récent prenant en considération l'espérance de vie à la date d'actualisation.

Toutefois, cette provision technique actualisée ne constitue pas une indemnité versée au tiers lésé en exécution des garanties souscrites venant épuiser le plafond de garantie.

Par ailleurs, la société Axa admet elle-même dans ses écritures qu'après déduction des arrérages échus des rentes réglées entre les mains des tuteurs de M. [Z] [Y] et des diverses indemnités versées en exécution des décisions de justice à la victime directe et à ses proches, outre les frais et intérêts, le plafond de garantie n'est pas atteint et qu'il subsiste un solde d'un montant de 1 949 320 euros dont la cour relève qu'il permet de couvrir les frais de logement adapté.

Il y a lieu surabondamment d'observer que certains des règlements enregistrés dans le logiciel de gestion interne de la société Axa concernent des frais de procédure inclus dans les dépens et des intérêts moratoires qui échappent au plafonnement de la garantie par l'assureur et sont dus en sus de celui-ci.

Il résulte de ce qui précède que le plafond de garantie de la société Axa n'étant pas à ce jour atteint, il convient de la condamner, conformément à la demande du syndicat des copropriétaires et de la société Allianz, à garantir ces derniers des condamnations prononcées par le présent arrêt.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être infirmées.

Le syndicat des copropriétaires, la société Allianz, la société Koné et la société Axa qui succombent partiellement dans leurs prétentions supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], ès qualités, une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et de rejeter les demandes du syndicat des copropriétaires, de la société Allianz, de la société Koné et de la société Axa formulées au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir tirées de l'autorité de la chose jugée et de la prescription,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] à [Localité 17] in solidum avec la société Allianz IARD, dans la limite de son plafond de garantie de 4 600 000 euros, à payer à M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], pris en leur qualité de tuteurs de M. [Z] [Y], la somme de 598 678,49 euros au titre des frais de logement adapté,

- Rejette les fins de non-recevoir invoquées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] à [Localité 17], la société Allianz IARD et la société Axa France IARD,

- Condamne in solidum la société Koné et la société Axa France IARD, dont le plafond de garantie n'est à pas ce jour atteint, à garantir le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] à [Localité 17] et la société Allianz IARD des condamnations prononcées à leur encontre,

- Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] à [Localité 17] et la société Allianz IARD à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à M. [D] [Y] et Mme [V] [Y], pris en leur qualité de tuteurs de M. [Z] [Y], la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] à [Localité 17], la société Allianz IARD, la société Koné et la société Axa France IARD de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 10] à [Localité 17], la société Allianz IARD, la société Koné et la société Axa France IARD aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/15502
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.15502 ?
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