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07/07/2022 | FRANCE | N°20/13549

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 07 juillet 2022, 20/13549


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 07 JUILLET 2022



(n° /2022 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/13549

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCMLN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juillet 2020 -TJ de Créteil - RG n° 19/02620



APPELANTE



Madame [H] [T] épouse [B]

[Adresse 5]

[Localité 9]

née le [Dat

e naissance 1] 1996 à [Localité 10] (Cameroun)

représentée par Me Nicolas LIGNEUL de la SELARL CABINET LIGNEUL, avocat au barreau de PARIS

assistée de Me Mirande NASAH, avocat au barreau de...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 07 JUILLET 2022

(n° /2022 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/13549

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCMLN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juillet 2020 -TJ de Créteil - RG n° 19/02620

APPELANTE

Madame [H] [T] épouse [B]

[Adresse 5]

[Localité 9]

née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 10] (Cameroun)

représentée par Me Nicolas LIGNEUL de la SELARL CABINET LIGNEUL, avocat au barreau de PARIS

assistée de Me Mirande NASAH, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A.S. MEUBLES IKEA FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Me Fabien GIRAULT de la SELARL GFG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0697

assistée de Me Sandrine HUGONS, avocat au barreau de PARIS

S.A. IF ASSURANCES FRANCE I.A.R.D

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Fabien GIRAULT de la SELARL GFG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0697

assistée de Me Sandrine HUGONS, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901, substituée à l'audience par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et de Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, résidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [H] [T] épouse [B] a soutenu avoir été heurtée le 20 août 2013 par un transpalette à roues dans l'enceinte d'un magasin Ikea situé à [Localité 11] ; la société Meuble Ikea France (la société Ikea France) exploitant ce magasin était assurée auprès de la société If Assurances France IARD (la société If assurances).

La société Aviva, assureur protection juridique de Mme [T] épouse [B] a organisé une expertise contradictoire amiable, diligentée par le docteur [G], qui a établi son rapport le 30 octobre 2014.

Par acte d'huissier de justice en date du 18 janvier 2019, la caisse primaire d'assurances maladie du Val de Marne (la CPAM), subrogée dans les droits de Mme [T] épouse [B], a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Créteil, la société Ikea France et la société If assurances, aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à lui verser le montant des prestations prises en charge pour le compte de son assurée sociale.

Par jugement du 22 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Créteil, a :

- rejeté les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et déclaré irrecevables les conclusions au fond de Mme [T] épouse [B] notifiées le 15 juin 2020,

- débouté la CPAM de toutes ses demandes,

- condamné la CPAM aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration du 25 septembre 2020, Mme [T] épouse [B] a interjeté appel de cette décision en critiquant expressément les dispositions rejetant ses demandes de révocation de l'ordonnance de clôture, déclarant irrecevables ses conclusions au fond notifiées le 15 juin 2020 et rejetant toutes les prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par conclusions d'incident notifiées le 16 novembre 2021, Mme [T] épouse [B] a sollicité la désignation d'un expert technique et à titre subsidiaire, d'un huissier de justice, pour examiner les chariots et transpalettes du magasin Ikea, ainsi qu'un expert médical aux fins d'évaluer ses préjudices.

Par ordonnance du 10 mars 2022, le conseiller de la mise en état, a :

- débouté Mme [T] épouse [B] de ses demandes d'expertises, de constat d'huissier et de communication de pièces sous astreinte,

- reporté la clôture de la procédure au 7 avril 2022 sans modification de la date d'audience fixée au 14 avril 2022,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens au fond.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de Mme [T] épouse [B], notifiées le 4 avril 2022, aux termes desquelles, elle demande à la cour, de :

Vu les articles 780, 781 et 145 du code de procédure civile,

Vu les articles 1240 et 1242 al 1 et 4 du code civil

Vu l'article 1231-1 du code civil,

- recevoir Mme [T] épouse [B] en ses écritures et l'y déclarer bien fondée,

à cet effet

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- rejeté les conclusions tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture

- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

- déclaré les conclusions de Mme [T] épouse [B] en date du 15 juin 2020 irrecevables,

statuant à nouveau

à titre principal

- déclarer que les demandes de Mme [T] épouse [B] sont recevables et bien fondées,

- juger que la société Ikea France était gardienne des chariots et que la garde n'a pas été transférée au client,

- juger que c'est bien un préposé du magasin Ikea [Localité 11] qui man'uvrait le transpalette qui a heurté Mme [T] épouse [B] et qu'à ce titre la responsabilité de la société Ikea France est engagée en tant que commettant,

- juger que la société Ikea France ne saurait s'exonérer en invoquant le fait d'un tiers,

- déclarer que la société Ikea France est responsable de l'accident survenu le 20 août 2013 et du préjudice ainsi causé à Mme [T] épouse [B],

à titre subsidiaire si par extraordinaire le tribunal décidait que la responsabilité de la société Ikea France ne peut être engagée sur le fondement de l'article 1242 al (1) ou al (4) du code civil

- juger qu'en omettant de relever l'identité du tiers ayant piloté le transpalette la société Ikea France a commis une faute sur le fondement de l'article 1240 du code civil, que cette faute a entraîné la perte d'une chance en ce que Mme [T] épouse [B] ne peut plus poursuivre l'auteur présumé du dommage, que cette faute ayant causé l'entier préjudice de Mme [T] épouse [B], la réparation devra être intégrale,

- juger qu'en laissant le transpalette à la portée des clients, la société Ikea France a commis une faute sur le fondement de l'article 1240 du code civil et que celle-ci ouvre droit à la réparation totale du préjudice de Mme [T] épouse [B],

en conséquence,

- condamner solidairement la société Ikea France et la société If assurances à l'entière réparation du préjudice subi par Mme [T] épouse [B] et à lui verser les sommes suivantes :

- dépenses de santé actuelles : 10 114 euros, les allouer à la CPAM subrogée dans ses droits

- perte de gains professionnels : 21 148 euros, les allouer à la CPAM subrogée dans ses droits

- perte de gains professionnels actuels : 22 525 euros

- pertes de gains professionnels futurs jusqu'à la décision à intervenir : 23 6237,85 euros

- gains professionnels futurs après la décision à intervenir : 59 9858,02 euros

- préjudice de retraite : 188 005,81 euros

-incidence professionnelle : 55 440 euros

- tierce personne : 1 600 euros

- ITT : 11 200 euros

- souffrances endurées : 18 000 euros

- déficit de fonctionnement : 27 600 euros

- préjudice esthétique : 11 000 euros

- préjudice d'agrément : 3 000 euros,

dans l'hypothèse où le rapport du docteur [L] [G] ne serait pas accepté par la cour

- désigner un expert médical,

en toute hypothèse

- assortir l'ensemble des condamnations à intervenir des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la date de la mise en demeure du 10 septembre 2013,

- condamner solidairement la société Ikea France et la société Af assurances aux entiers dépens par application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner solidairement le société Ikea France et la société If assurances au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société Ikea France et de la société IF assurances, notifiées le 12 avril 2022, aux termes desquelles, elles demandent à la cour, de :

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu l'article 1242 alinéa 5 du Code civil,

Vu l'article 421-3 du code de la consommation,

Vu les articles 1242 alinéa 1er et 1240 du code civil,

- déclarer Mme [T] épouse [B] recevable en son appel mais mal fondée en ses demandes,

- déclarer la CPAM recevable en son appel incident mais mal fondée en ses demandes,

à titre principal

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Ikea France n'est pas responsable de l'accident subi le 20 août 2013 par Mme [T] épouse [B] et de ses conséquences dommageables,

en conséquence

- prononcer la mise hors de cause de la société Ikea France et de son assureur, la société If assurances,

- débouter Mme [T] épouse [B] et la CPAM de leurs demandes formées à l'encontre de la société Ikea France et de la société If assurances

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour entrait en voie de condamnation à l'encontre de la société Ikea France et de la société If assurances

- juger que Mme [T] épouse [B] ne rapporte pas la preuve de ses préjudices,

et, en conséquence

- la débouter de ses demandes formées à l'encontre de la société Ikea France et de la société If assurances,

sur la demande subsidiaire d'expertise médicale de Mme [T] épouse [B] :

- donner acte à la société Ikea France et à la société If assurances de ce qu'elles forment leurs plus expresses protestations et réserves sur la demande d'expertise médicale formée subsidiairement par Mme [T] épouse [B],

- ordonner que la provision à valoir sur les honoraires de l'expert désigné sera mise à la charge de la demanderesse à l'expertise, Mme [T] épouse [B],

subsidiairement

- limiter les sommes réclamées par Mme [T] épouse [B] à de plus justes proportions et liquider son préjudice tel qu'exposé dans le corps des présentes à la somme de 24 200 euros, ou subsidiairement 43 897,60 euros, soit :

- dépenses de santé actuelles : débouté

- perte de gains professionnels actuels : débouté

- perte de gains professionnels futurs : débouté

- incidence professionnelle : débouté, et subsidiairement 5 000 euros

- préjudice de retraite : débouté

- tierce personne : 1 200 euros

- déficit fonctionnel temporaire : débouté, et subsidiairement 1 447,60 euros

- souffrances endurées : 9 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 12 000 euros, et subsidiairement 24 750 euros

- préjudice esthétique permanent : 2 000 euros

- préjudice d'agrément : débouté, et subsidiairement 500 euros,

- déduire des sommes qui seront allouées à Mme [T] épouse [B] la créance de l'organisme social,

- ordonner que les intérêts au taux légal ne courront qu'à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- débouter la CPAM de ses demandes formées à l'encontre de la société Ikea France et de la société If assurances,

en tout état de cause

- débouter Mme [T] épouse [B] et la CPAM de l'ensemble de leurs demandes, contraires aux présentes,

- condamner Mme [T] épouse [B] et tout succombant, à payer à la société Ikea France et à la société If assurances la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [T] épouse [B] et tout succombant, aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la CPAM, notifiées le 11 janvier 2022, aux termes desquelles, elle demande à la cour, de :

Vu l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale

Vu l'article 1242 du code civil

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

en conséquence

- déclarer la société Ikea France entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu à Mme [T] épouse [B] le 20 août 2013,

- condamner solidairement la société Ikea France et la société If assurances à verser à la CPAM la somme de 30 573,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2018,

- dire que les intérêts seront capitalisés par année entière à compter de la présente,

- réserver les droits de la CPAM quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement,

- condamner solidairement la société Ikea France et la société If assurances à verser à la CPAM l'indemnité forfaitaire de gestion, due de droit en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, soit la somme de 1 114 euros au 1er janvier 2022 sauf à parfaire de son actualisation au montant fixé par arrêté ministériel au moment du règlement,

- condamner solidairement la société Ikea France et la société If assurances à verser à la CPAM la somme de 3 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la société Ikea France et la société If assurances en tous les dépens d'instance et d'appel par application de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les conclusions de première instance de Mme [T] épouse [B]

Mme [T] épouse [B] soutient que le premier juge a refusé à tort de révoquer l'ordonnance de clôture et de prendre en considération ses conclusions déposées et notifiées le 15 juin 2020 alors que celles-ci étaient recevables jusqu'au 15 juillet 2020 eu égard aux dispositions de l'ordonnance n° 2020-306 du 26 mars 2020 ayant prorogé les délais échus pendant la période d'urgence sanitaire.

La société Ikea France et la société If assurances déclarent s'en rapporter à justice sur ce point.

Sur ce, le tribunal a justement relevé que l'assignation ayant été signifiée à l'ensemble des défendeurs dès les 17 décembre 2018, 4 et 18 janvier 2019, il leur appartenait de constituer avocat et de se défendre dès le 2 février 2019, soit bien avant que l'état d'urgence sanitaire soit déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020.

Cette loi n'a pas eu d'incidence sur l'obligation pesant sur Mme [T] épouse [B] de conclure avant l'ordonnance de clôture.

En outre, il ressort du jugement que Mme [T] épouse [B] avait été invitée par le juge de la mise en état le 27 mai 2019 à faire connaître ses observations et avait été avisée, par ordonnance du juge de la mise en état du 5 mars 2020 que l'affaire était renvoyée au 7 mai 2020 pour procéder à la clôture de l'instruction.

Le tribunal a pu ainsi valablement décider que Mme [T] épouse [B] qui avait été mise en mesure de faire connaître ses demandes et moyens ne justifiait pas d'une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture de la procédure et déclarer irrecevables ses conclusions déposées après cette clôture.

Les demande de Mme [T] épouse [B] formulées sur ce point doivent donc être rejetées.

Sur la responsabilité

Le tribunal a rejeté les demandes de la CPAM au motif qu'elle ne démontrait pas l'existence d'un acte dommageable imputable à un préposé de la société Ikea France dans la mesure où les déclarations de Mme [T] épouse [B] étaient clairement contredites par le compte-rendu d'incident établi par la société Ikea France, que l'attestation de Mme [P], établie dans des conditions ne respectant pas l'article 202 du code de procédure civile, était inopérante puisqu'il en résultait que leur auteur n'avait pas assisté aux faits, et qu'aucun élément ne permettait de retenir le 'rôle causal' d'un employé de la société Ikea France dans la survenance du dommage.

Mme [T] épouse [B] soutient en premier lieu que la société Ikea France est responsable de son dommage sur le fondement de l'article 1242 alinéa 5 du code civil, en sa qualité de commettante de l'employé l'ayant blessé avec un transpalette ; elle se fonde sur l'attestation de l'amie qui l'accompagnait, Mme [P] et dénie que le chariot ait été manoeuvré par un client du magasin ; elle affirme sur ce point avoir signé une fiche d'incident vierge alors qu'elle était emportée sur un brancard par les pompiers de sorte qu'elle n'a pu faire siennes les mentions qui y sont portées et qui sont inexactes.

Elle ajoute que les chariots utilisés par les clients ne sont pas susceptibles d'occasionner des blessures à 10 cm de la jambe, telles que celle qu'elle a subie, au contraire des transpalettes qui comportent un bras de fourche situé à cette distance du sol.

Elle avance en second lieu qu'à supposer que le transpalette ait été manipulé par un tiers, la société Ikea France en avait a conservé la garde et est responsable de son dommage en cette qualité sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1 du code civil ; elle soutient que la société Ikea France avait l'usage, le contrôle et la direction de l'engin qu'elle n'a mis à la disposition des clients que dans son intérêt pour qu'ils fassent leurs achats, et dans un cadre limité géographiquement et temporellement et que la preuve d'un transfert de la garde du chariot au profit du client qui l'utilisait n'est pas rapportée.

Mme [T] épouse [B] soutient en troisième lieu que la responsabilité de la société Ikea France est engagée pour faute sur le fondement de l'article 1240 du code civil pour avoir laissé un transpalette à la portée d'un client et pour avoir omis après l'accident de noter l'identité du tiers qui le manipulait lui faisant perdre une chance d'être indemnisée.

La société Ikea France et la société If assurances répondent que la version de Mme [T] épouse [B] selon laquelle l'accident aurait été occasionné par l'un des employés de la société Ikea France est contredite par la fiche d'incident qu'elle a signée, sans qu'elle prouve qu'elle l'ait fait avant qu'elle soit renseignée, qui ne révèle aucune incohérence, l'erreur sur le lien de parenté entre le témoin et la victime étant sans incidence et dont le contenu a été confirmé par Mme [T] épouse [B] devant l'expert.

Elles ajoutent que le témoignage de Mme [P] doit être écarté dans la mesure où elle reconnaît qu'elle n'était pas présente au moment des faits.

Elle précisent par ailleurs que la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que le prêt à usage d'un chariot opère transfert de garde au profit du client utilisateur à partir du moment où il en prend possession jusqu'au moment où il le remet dans un des emplacements spécialement prévus à cet effet, ce qui s'est produit en l'espèce, le chariot à l'origine de l'accident ayant été utilisé librement par un client.

Elles font valoir que Mme [T] épouse [B] ne rapporte pas la preuve qu'elle a été heurtée par un transpalette et qu'ainsi elle ne justifie pas que la société Ikea France aurait fautivement laissé un transpalette à la libre disposition des clients.

Elles relèvent enfin que la société Ikea France n'était pas ne mesure de relever l'identité du tiers qui aurait blessé Mme [T] épouse [B] et qu'en toute hypothèse la perte de chance d'être indemnisée qu'en aurait subie par Mme [T] épouse [B] serait minime et ainsi non indemnisable.

La CPAM estime la responsabilité de la société Ikea France est engagée sur le fondement de l'article 1242 alinéa 5 du code civil au motif que Mme [T] épouse [B] a été blessée par un transpalette manipulé par l'un de ses préposés en relevant que le contenu de la fiche d'incident qui n'a pas fait l'objet d'une lecture attentive par Mme [T] épouse [B] est contredit par les déclarations de celle-ci et du témoin et par le livret de famille de Mme [T] épouse [B] qui révèle qu'elle n'a pas de soeur.

***

Sur ce, il résulte de l'article 1384 alinéa 5 devenu 1242 alinéa 5 du code civil que 'les maîtres et les commettants' son responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

En l'espèce, pour rapporter la preuve que les blessures qu'elle a subies ont été occasionnées par un employé de la société Ikea France manipulant un transpalette, Mme [T] épouse [B] a communiqué une attestation rédigée par Mme [P] le 1er septembre 2013, établie conformément aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, lesquelles en toute hypothèse ne sont pas prescrites à peine de nullité, qui relate les faits suivants 'Le 20 août 2013 vers la fermeture du magasin mon amie a été intéressée par des coussins qu'elle a hésité de prendre ; sur mes conseils et pendant que je progressais vers les caisses elle est retournée pour en prendre possession. C'est alors que quelques temps après je suis appelée par une dame qui m'informe que mon amie est couchée par terre c'et mon amie qui lui avait donné mon nom. Arrivée sur lieu j'ai trouvé mon amie par terre entourée par les agents de sécurité de Ikea. Elle a été accrochée par un chariot poussé par un agent du magasin Ikea'.

Il ressort des termes de cette attestation que Mme [P] n'a pas assisté à l'accident.

Par ailleurs Mme [T] épouse [B] a produit aux débats une fiche d''incident sur site' établie sur un document portant le logo 'Ikea' signée par un employé de la société Ikea France, qui fait état d'un accident survenu le 20 août 2013 à 19h34 et mentionne 'La victime a été heurtée par un chariot que poussait une autre cliente sa cheville c'est retrouvée coincée contre ce chariot'.

Ce document a été signé par Mme [T] épouse [B] qui s'en est ainsi appropriée les mentions et Mme [T] épouse [B] ne rapporte aucune preuve de ce qu'elle aurait signé un document vierge au cours de son évacuation par les pompiers.

La véracité des faits mentionnés dans cette fiche d'incident n'est pas valablement remise en cause par l'indication que Mme [T] épouse [B] était accompagnée par sa soeur alors que son livret de famille démontre qu'elle n'en a pas.

Le contenu de l'attestation de Mme [P] qui n'a pas assisté à l'accident est ainsi contredit par la fiche d'incident signé par Mme [T] épouse [B].

Par ailleurs il est mentionné dans le rapport d'expertise du Docteur [G], intervenu à la demande de l'assureur de Mme [T] épouse [B] au titre de la 'garantie des accidents de la vie', que Mme [T] épouse [B] lui a déclaré avoir 'été heurtée au niveau de la cheville par une cliente qui poussait un chariot', ce qui confirme les termes de la fiche d'incident.

Mme [T] épouse [B] échoue donc à rapporter la preuve d'un fait d'un employé de la société Ikea France de nature à engager la responsabilité de celle-ci sur le fondement du texte précité.

Selon l'article 1384 alinéa 1 devenu 1242 alinéa 1 du code civil 'On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ...'.

Il résulte du contenu de la fiche d'incident et des déclarations de Mme [T] épouse [B] à l'expert officieux [G] la preuve que Mme [T] épouse [B] a été blessée par un chariot qui était manipulé par un client.

Mme [T] épouse [B] ne peut valablement soutenir que la société Ikea France avait conservé la garde du chariot alors que le prêt à usage de cet objet a opéré transfert de sa garde au client utilisateur, qui en avait l'usage, le contrôle et la direction et était seul en mesure de prévenir le dommage qu'il pouvait causer, et ce à partir du moment où il en a pris possession jusqu'à celui où il l'a remis dans un des emplacements spécialement prévus à cet effet, étant précisé qu'il n'est pas démontré ni même prétendu que l'accident se serait produit lors du retrait ou de la remise en place du chariot.

Enfin, il ne peut être reproché à la société Ikea France de ne pas avoir relevé l'identité du client qui manipulait le chariot compte tenu de la situation d'urgence dans laquelle elle se trouvait et ce d'autant qu'il n'est pas prouvé que ce client était sur les lieux lorsque l'agent de la société Ikea France est intervenu.

Il y a lieu pour l'ensemble des motifs qui précèdent de débouter Mme [T] épouse [B] de ses demandes ce qui ne permet pas de faire droit à celles de la CPAM.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens doivent être confirmées.

Mme [T] épouse [B] et la CPAM qui succombent supporteront la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement,

Y ajoutant,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne Mme [H] [T] épouse [B] et la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/13549
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.13549 ?
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