La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2022 | FRANCE | N°19/07670

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 07 juillet 2022, 19/07670


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 07 JUILLET 2022



(n° 2022/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07670 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAJOT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 15/07966





APPELANTE



Madame [L] [D]

[Adresse 3]


[Localité 4]



Représentée par Me Denis DELCOURT POUDENX, avocat au barreau de PARIS, toque : R167



INTIMEES



SA BNP PARIBAS

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Aurélie FOU...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 07 JUILLET 2022

(n° 2022/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07670 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAJOT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 15/07966

APPELANTE

Madame [L] [D]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Denis DELCOURT POUDENX, avocat au barreau de PARIS, toque : R167

INTIMEES

SA BNP PARIBAS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0099

SNC BNP PARIBAS ARBITRAGE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0099

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nelly CAYOT, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Chaïma AFREJ, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [L] [D] a été engagée par la banque Bnp Paribas par un contrat à durée déterminée du 1er juillet 2003 au 29 février 2004 au poste d'économiste junior. Le 6 avril 2004, elle a ensuite été engagée par la banque Bnp Paribas par contrat à durée indéterminée soumis à la convention collective nationale de la banque.

A partir du 1er avril 2006, elle a été mise à disposition de la filiale Bnp Paribas arbitrage et par une convention du 1er mai 2011 elle a été détachée auprès de cette filiale. Le 31 mars 2010, elle a été promue responsable des 'ventes own account france' niveau J de la convention collective. En 2012, Mme [D] a été arrêtée pour un congé maternité, pour maladie de façon continue à compter du 2 avril 2014 et pour un second congé maternité à compter du 28 novembre 2015.

Après une mise en demeure adressée à son employeur le 5 juin 2015, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 29 juin 2015 pour demander la réparation des préjudices qu'elle déclarait avoir subis et la résiliation de son contrat de travail.

Le 3 octobre 2016, le médecin du travail a déclaré Mme [D] inapte à l'issue d'une visite unique de reprise. Le 7 novembre 2016, Bnp Paribas lui a adressé deux propositions de reclassement que la salariée a refusées. Le 6 décembre 2016, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement et le 23 décembre 2016 elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 26 juin 2015 qui, par jugement du 13 juin 2019 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a en sa formation de départage :

- déclaré recevable comme non prescrite la demande de rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires ;

- fixé le salaire de référence à la somme de 41 029,43 euros ;

- condamné solidairement la société Bnp Paribas et la société Bnp Paribas arbitrage à payer à Mme [L] [D] :

* à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement : 94 507,72 euros,

* en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros ;

- dit que ces sommes produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1153, devenu 1231-6 et 1231-7 du code civil, et que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154, devenu 1343-2 du même code ;

- ordonné la remise d'un ultime bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation

destinée à pôle emploi, conformes aux dispositions du présent jugement ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, s'agissant des sommes visées au 2° de l'article R. 1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire ;

- ordonné l'exécution provisoire pour le surplus ;

- débouté Madame [L] [D] du surplus de ses demandes ;

- condamné solidairement la société BNP Paribas et la société BNP Paribas arbitrage aux dépens.

Mme [D] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration du 2 juillet 2019.

Par conclusions transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats dit RPVA le 10 novembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [D] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* dit que les sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage étaient ses co-employeurs et les a condamnées solidairement,

* dit la convention de forfait en jours sur l'année privée d'effet,

* déclaré recevable comme non prescrite la demande de rappel de salaire relatif au heures supplémentaires,

* dit qu'il convenait d'intégrer sa rémunération variable dans son salaire de référence ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée des demandes suivantes :

sur l'exécution du contrat de travail :

* condamner solidairement les sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage à lui verser un rappel de rémunération variable (bonus) :

. au titre de l'année 2012 : 225 000 euros

. au titre de l'année 2013 : 120 000 euros

. au titre de l'année 2014 : 45 000 euros

. à titre des parts Dcs + 2015 restant dues pour 2018, subsidiairement à titre de dommages-intérêts pour perte de chance : 11 320,22 euros,

* condamner solidairement les sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage à lui verser :

. rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires : 145 178 euros

. congés payés y afférents : 14 417,80 euros

. dommages-intérêts pour défaut de contrepartie obligatoire en repos : 35 848,02 euros

. indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 317 941,68 euros

. dommages-intérêts pour violation de l'article L. 3121-46 : 15 000 euros,

* fixer le salaire de référence à 52 805,84 euros,

* constater le harcèlement moral subi et subsidiairement le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,

En conséquence,

* condamner les sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage à lui verser à titre de dommages-intérêts : 50 000 euros,

sur la rupture du contrat de travail :

à titre principal,

* prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail,

à titre subsidiaire,

* dire et juger que le licenciement pour inaptitude est nul, infiniment subsidiairement, dénué de cause réelle et sérieuse,

en conséquence, pour l'une ou l'autre de ces raisons,

* condamner solidairement les sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage à lui verser :

. une indemnité compensatrice de préavis.:158 417,52 euros,

. congés payés y afférents : 15 841,75euros,

. un reliquat d'indemnité légale de licenciement de :

à titre principal, sur la base du salaire de référence revendiqué :

si l'origine professionnelle de l'inaptitude est reconnue:309 407,60euros,

si l'origine professionnelle de l'inaptitude est écartée :142 189,12euros,

à titre subsidiaire, sur la base du salaire de référence effectivement perçu :

si l'origine professionnelle de l'inaptitude est reconnue: 209 794,36 euros,

si l'origine professionnelle de l'inaptitude est écartée :104 897,18 euros,

. une indemnité pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse de : 1 267 340,10 euros,

. dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle emploi : 5 000 euros,

*dommages-intérêts pour remise tardive du certificat de travail : 5 000euros,

En tout état de cause,

* ordonner à la société Bnp Paribas à lui remettre les documents de fin de contrat rectifiés conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document,

* condamner les sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner les sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage aux éventuels dépens,

* dire que les sommes au paiement desquelles les sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage seront condamnées porteront intérêt au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation,

- prononcer la capitalisation desdits intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil et condamner les sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage au paiement desdits intérêts,

- débouter les sociétés intimées de l'ensemble de leurs demandes, y compris reconventionnelles.

Par conclusions transmises et notifiées par le RPVA le 16 novembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, les sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage demandent à la cour de: - prononcer la mise hors de cause de Bnp Paribas arbitrage ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé :

' déclare recevable comme non prescrite la demande de rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires,

Fixe le salaire de référence à la somme de 41 029,43 euros,

Condamne solidairement la société Bnp Paribas et la société Bnp Paribas arbitrage à payer à Mme [L] [D] :

* à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement : 94 507,72 euros

* en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros

Dit que ces sommes produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1153, devenu 1231-6 et 1231-7 du code civil, et que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154, devenu 1343-2 du même code,

Ordonne la remise d'un ultime bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à pôle emploi, conformes aux dispositions du présent jugement,

Condamne solidairement la société Bnp Paribas et la société Bnp Paribas arbitrage aux dépens' ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [D] à verser à Bnp Paribas sa et à Bnp Paribas arbitrage la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [D] aux entiers dépens de l'instance, et autres frais non inclus dans les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 novembre 2021.

MOTIVATION

Sur la situation de co-emploi des sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage

Les deux banques intimées font valoir que la société Bnp Paribas arbitrage n'a jamais été l'employeur de Mme [D] auprès de qui elle était détachée par son employeur la société Bnp Paribas. Elles ajoutent qu'il ne peut y avoir co-emploi dès lors que la situation a été contractuellement fixée par un avenant de détachement qui s'impose aux parties.

Mme [D] soutient que les trois conditions du co-emploi sont réunies, soit la confusion de direction du fait que Bnp Paribas dirige Bnp Arbitrage, la confusion d'activités en ce sens que Bnp Arbitrage gère l'activité de trading pour le compte de Bnp Paribas sur les produits dérivés et qu'elle dispose uniquement des ressources allouées par la société mère, enfin que la confusion d'intérêts est totale puisqu'aucune concurrence n'existe entre les deux sociétés qui agissent de concert.

Hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

Les éléments présentés par Mme [D], et notamment le fait que la direction de la société Bnp Paribas arbitrage soit assurée par la société Bnp Paribas justifient - au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer - une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la société Bnp Paribas arbitrage.

Le jugement qui a retenu le co-emploi des deux sociétés et la solidarité des condamnations est confirmé.

Sur le défaut de paiement de la rémunération variable

Mme [D] fait valoir que la clause de rémunération variable de son contrat ne permet pas une appréciation purement discrétionnaire de l'employeur mais lui impose de se référer à des éléments objectifs et matériellement vérifiables qui lui donnent la nature d'éléments de rémunération obligatoire. Elle précise qu'il est indifférent que la rémunération ait été qualifiée de discrétionnaire par le contrat de travail. Enfin, elle soutient que même qualifiée de discrétionnaire, la société lui doit un rappel de rémunération variable au motif qu'elle ne justifie en rien de la diminution drastique des bonus octroyés et qu'elle ne communique aucun élément permettant une vérification des sommes allouées. Elle fait état de ce que sa demande d'intégration du paiement différé des bonus ne porte pas sur les sommes versées au titre de l'engagement unilatéral de la Bnp Paribas visant à fidéliser les salariés au moyen d'une condition de présence posée au jour de l'acquisition du droit à gratification.

Les sociétés intimées répondent qu'afin d'augmenter le montant de sa rémunération, Mme [D] opère une confusion entre les parts différées et les primes versées au titre des plans Isis et Gsis qui n'ont pas la même nature. Elles font valoir que la salariée ayant quitté la banque et la condition de présence faisant défaut, elle ne pouvait donc prétendre à aucun versement au titre des plans différés. Les deux banques précisent que si la rupture du contrat devait produire les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, Mme [D] ne pourrait prétendre qu'à l'indemnité au titre d'une perte de chance de percevoir les parts différées. Elles font également valoir que Mme [D] ne dispose d'aucun droit acquis au titre du bonus discrétionnaire puisque cette rémunération est déterminée en fonction des résultats du groupe et des performances individuelles du collaborateur et non sur une fixation préalable d'objectifs.

Les conditions de rémunération de la salariée ont été fixées selon les éléments suivants :

- la lettre d'engagement du 23 janvier 2004 qui prévoit que sa rémunération annuelle brute est fixée pour un exercice complet à 39 000 euros et qu'elle percevra outre cette rémunération, une rémunération variable éventuelle qui pourra lui être versée en fonction de l'évolution de l'activité et de la rentabilité de Bnp Paribas et de sa performance ;

- le courrier de mise à disposition du 16 mars 2006 qui prévoit que la salariée continuera à être rémunérée par Bnp Paribas ;

- le courrier du 31 mars 2011 qui explicite le versement du bonus 2010 de 559 000 euros dans le cadre du plan 'deferred compensation scheme 2011 dit DCS 2011' en précisant que le premier versement de 335 400 euros qualifié de Upfront sera réparti pour moitié en mars 2011 et septembre 2011 et que le versement différé de 223 600 euros sera réparti par moitié entre un montant différé en numéraire et un montant différé en parts indexées sur l'action Bnp Paribas payé en numéraire par tiers en 2012, 2013 et 2014 ;

- le bilan social individuel de 2011 avec vue d'ensemble de la rémunération globale qui distingue le salaire annuel à hauteur de 61 662 euros, la prime de spécialité à hauteur de 84 618, les autres rémunérations à titre de primes diverses d'un montant de 2 108 euros et au titre de sa performance et de celle de la société et du groupe une rémunération variable individuelle de 500 000 euros avec des modalités de paiement visées à la lettre d'attribution et au règlement du plan disponible sur le portail DCP, au titre de la participation aux résultats du groupe au titre de 2011 la somme de 4 376 euros et son intéressement à hauteur de 3 990 euros ;

- au titre du bilan 2012, la rémunération variable individuelle a été de 275 000 euros, au titre du bilan 2013 de 380 000 euros et au titre de 2014 le bonus a été ramené à 80 000 euros.

Il est à chaque fois précisé que cette rémunération variable '(..) se fonde sur les résultats effectivement dégagés par l'entité, le métier et le groupe au cours de l'exercice. Le montant individuel est fonction, d'une part, du niveau d'atteinte ou de dépassement des objectifs fixés, d'autre part, des pratiques du marché professionnel dans lequel l'activité est exercée et enfin, de la fraction des résulats que l'entreprise affecte chaque année à la rémunération variable des collaborateurs. Pour les modalités de paiement se référer à la lettre d'attribution et au règlement du plan disponible sur le portail DCP.'

Il est donc établi que cette rémunération est fondée sur des éléments objectifs dont la banque peut justifier et que ce bonus n'est pas une gratification dépendant de la volonté discrétionnaire de l'employeur.

Mme [D] sollicite des compléments de bonus pour les années 2012, 2013 et 2014 sur la base d'un bonus de référence de 500 000 euros aux motifs suivants :

- pour l'année 2012, elle a été absente en raison d'un congé maternité qui ne doit pas la discriminer et elle sollicite la somme de 225 000 euros ;

- en 2013, elle fait valoir que ses objectifs lui ont été communiqués tardivement le 9 janvier 2014 lors de son évaluation soit avec un an de retard en dépit de sa réclamation par message du 12 novembre 2013 et qu'ils lui sont donc inopposables et par ailleurs elle soutient que ses résultats ne justifiaient pas une baisse de sa rémunération variable au regard de sa notation globale conforme aux attentes. Elle sollicite un complément d'un montant de 120 000 euros ;

- en 2014, ayant été placée en arrêt maladie à compter du mois d'avril 2014 à raison des manquements de son employeur, elle doit bénéficier prorata temporis d'un complément de 45 000 euros.

La banque ne produit pas de pièces concernant le calcul du bonus et une adéquation entre une baisse du résultat de l'entreprise et la diminution du bonus à payer à la salariée par rapport aux années antérieures. Les explications fournies par les intimées au sujet de la confusion opérée par la salariée entre le versement différé du bonus et le bénéfice de la participation à des plans destinés à conserver les meilleurs salariés en conditionnant le versement de parts supplémentaires à leur présence selon des critères purement discrétionnaires ne reposent sur aucun document concernant Mme [D].

Les documents sumentionnés démontrent qu'une partie du bonus devait être versée à des périodes différées. Les bulletins de salaire visés par les intimées confirment ce versement avec la mention notamment en mars 2012 de DCS pour 'deferred compensation scheme', de même sur le bulletin de salaire du mois de juin 2012. La référence au différé utilisé par les intimées vient au soutien des arguments et des pièces présentées par la salariée qui produit l'arrêté du 3 novembre 2009 relatif aux rémunérations des personnels dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence sur l'exposition aux risques des établissements de crédit et entreprises d'investissement imposant qu'une fraction importante de la rémunération variable soit versée sous condition de résultat et différée sur plusieurs années avec un rythme de versement qui ne doit pas être plus rapide qu'un prorata temporis. La salariée verse également aux débats les plans de rémunération différée des années 2012, 2013 et 2014 qui reprennent l'obligation légale de fractionner le paiement du bonus et d'en différer une partie. La cour relève que la salariée ne sollicite pas le paiement de parts de 'capital markets incentive plan' dite Cmip ou de 'key contributor incentive plan' dite Kcip dont elle justifie du versement sur les années 2008 et 2009 et qui ne relèvent pas donc pas de l'examen des demandes présentées par Mme [D].

Enfin, la cour rappelle que si l'ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date postérieure de son versement.

Dès lors, il convient de faire droit aux demandes de compléments pour les années 2012, 2013 et pour 2014 de retenir la somme correspondant à du temps travaillé. Mme [D] sollicite également un complément de bonus 2015 payable en 2018 à hauteur de 11 320,22 euros qu'il convient de lui accorder sur la base de la date de son licenciement et des critères objectifs non justifiés sur cette année par la banque.

En conséquence, les sociétés BNP Paribas et BNP Paribas arbitrage seront solidairement condamnées à payer à Mme [D] les sommes suivantes :

- 225 000 euros au titre du bonus 2012 ;

- 120 000 euros au titre du bonus 2013 ;

- 45 000 euros au titre du bonus 2014 ;

- 11 320,22 euros au titre du bonus 2015.

Le jugement est infirmé de ces chefs.

Sur la durée du travail

Sur la convention de forfait jours

Mme [D] sollicite l'inopposabilité de sa convention de forfait jours au motif d'un accord collectif défaillant et de l'absence de mesures de suivi du temps et de sa charge de travail notamment en ce que l'employeur n'a pas organisé d'entretien annuel individuel conformément aux dispositions de l'article L. 3121-46 du code du travail.

Les banques répondent que Mme [D] a signé une convention de forfait jours qui a été reprise lors de sa mobilité. Cette convention basée sur 212 jours s'inscrit dans le cadre des accords de branche. Elles font valoir que le forfait jours de la convention collective de la banque a été validé par un arrêt de la cour de cassation le 17 décembre 2014.

Aux termes des dispositions applicables de l'article L. 3121-39 du code du travail, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

Il résulte des dispositions de l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Cet entretien annuel est obligatoire quand bien même l'accord collectif relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail répond aux exigences relatives au droit à la santé et au repos.

En conséquence, en l'absence d'entretien annuel individuel, la convention de forfait en jours est privée d'effet sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens.

Sur les sommes allouées au titre des heures supplémentaires

Mme [D] soutient qu'elle présente des éléments établissant les heures effectives de travail qu'elle a effectuées et que les sociétés intimées lui doivent le paiement d'un rappel de salaires, de l'indemnité de congés payés afférents, de dommages intérêts pour défaut de contrepartie obligatoire en repos et d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Les sociétés intimés répondent que :

- du fait de la prescription, les demandes antérieures au 29 juin 2012 sont irrecevables ;

- la salarié doit étayer sa demande ;

- elle organisait librement son travail et n'effectuait pas d'heures supplémentaires au regard des horaires du service.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [D] verse aux débats un tableau de relevé d'heures mentionnant ses heures d'arrivée, de fin de journée, le nombre total d'heures travaillées pour chaque semaine établissant selon elle ses heures effectives de travail quotidiennes et hebdomadaires. Le mail de M. [X] du 22 novembre 2011 rappelant les horaires à respecter conduit à un total journalier de 10 heures 15 par jour et les attestations de collègues et de clients complètent encore ces éléments.

En conséquence, la salariée présente, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures de travail effectives qui ne lui ont pas été rémunérées. Les banques qui critiquent les éléments apportés par la salariée ne produisent aucun élément en réponse. Dès lors, il convient de retenir l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées.

L'instance a été introduite le 29 Juin 2015 alors que les dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013 ayant fait courir un nouveau délai de trois ans pour les prescriptions en cours étaient applicables. Dès lors, sans dépasser le délai de cinq ans, les demandes d'heures supplémentaires pour la période allant du mois de janvier 2011 au mois de juin 2015 sont recevables. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la base des tableaux présentés par la salariée tenant compte des jours de récupération, il convient de condamner solidairement les deux sociétés au paiement des sommes suivantes:

- 145 178 euros à titre de rappel de salaire ;

- 14 417,80 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, somme sollicitée par Mme [D].

Le jugement est infirmé de ces chefs.

En application des dispositions de l'article L. 3121-11 du code du travail et D. 3121-24 du code du travail, sur la base d'un contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures par salariée, Mme [D] sollicite sur la base des tableaux d'heures de travail réellement effectuées au-delà du contingent annuel en tenant compte d'une contrepartie égale à du travail effectif des dommages intérêts à hauteur de 35 848,02 euros.

Le total des heures retenues sur la base des tableaux dressés par la salariée justifient de lui allouer en fonction du dépassement du contingent annuel la somme sollicitée et de condamner solidairement la Bnp Paribas et la Bnp Paribas arbitrage à payer à Mme [L] [D] 35 848 euros à titre de dommages intérêts.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Mme [D] sollicite également le paiement d'une indemnité au titre du travail dissimulé à hauteur de six mois de salaire. Les banques intimées s'y opposent.

Les dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail disposent qu'en cas de dissimulation intentionnelle des heures travaillées une indemnité égale à six mois de salaire doit être versée au salarié.

En l'espèce, la conclusion d'un forfait jours, qui est écarté au motif de l'absence d'entretien annuel individuel, exclut l'intention de dissimuler les heures réellement effectuées. Le mail du responsable de la salle des marchés au sujet des horaires à respecter est insuffisant à justifier de la réalité d'une intention de dissimulation.

Mme [D] est déboutée de sa demande au titre de l'indemnité au titre du travail dissimulé et le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les modifications unilatérales du contrat de travail

Mme [D] fait valoir qu'elle a occupé les fonctions de responsable de l'équipe 'vente own account France' composée de quatre salariés et que ses responsabilités lui ont été progressivement retirées ce qui a conduit à une modification unilatérale de son contrat de travail.

Les banques intimées répondent que Mme [D] a toujours occupé son poste d'opérateur de marché, responsable de la vente Own account pour la France et qu'elle n'a pas subi de modification de son contrat de travail.

Mme [D] fait état de ce qu'à compter du mois d'octobre 2011, il lui a été imposé une co responsabilité avec M. [W] [N] dans le contexte d'une équipe selon la salariée artificiellement développée mais dont les résultats reposaient essentiellement sur ceux de son équipe initiale et elle fait aussi valoir qu'à compter du mois de décembre 2012, il a été créé un nouvel échelon hiérarchique et que certaines de ses prérogatives lui ont été rétirées et enfin qu'elle a été évincée du business commitee.

A l'appui de ses affirmations, la salariée produit le support de son évaluation professionnelle 2011 qui détaille l'ensemble de ses tâches au niveau de la stratégie commerciale, de la gestion du risque, du management, de la communication et du travail d'équipe précisant que Mme [D] est en charge de l'équipe de vente own account France. M. [K] [J] atteste que lors de la réorganisation de l'automme 2011, Mme [D] a été nommée co-responsable de l'équipe Own account France/ Italie, Espagne /Suisse, que les résultats de l'équipe provenaient en fait des institutionnels français et qu'un membre de son équipe lui a été retiré et a rejoint un autre service avec sa clientèle. M. [S] [E] témoigne de ce que Mme [D] était co-responsable d'une équipe de 2/3 personnes ce qui a généré des tensions avec des équipes qui avaient des 'quadruples responsables'. Ces éléments justifient de la réduction des responsablités de Mme [D] en 2011.

L'évaluation 2013 fait apparaître M. [M] [T] comme responsable de la vente Own account France et M. [O] [Y] de la [Localité 5] témoigne du fait qu'à compter du mois de janvier 2013, les responsabilités de Mme [D] ont été fortement réduites tant au niveau de son équipe que du périmètre des produits et que cela a rendu son travail plus difficile, moins diversifié et beaucoup plus opérationnel. Ces éléments justifient de la nouvelle réduction de ses responsabilités en 2012.

Mme [D] ne produit aucun élément justifiant de son éviction du business commitee.

Sur la base des documents et attestations produites, il convient de retenir que les responsabilités de Mme [D] ont été diminuées à compter de l'automme 2011 et que son contrat de travail a été modifié unilatéralement par son employeur.

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité

Sur le harcèlement moral

Mme [D] soutient avoir subi une dégradation de ses conditions de travail qui ont porté atteinte à sa santé physique et mentale et l'ont conduite à être en arrêt maladie continu du 2 avril 2014 au 28 novembre 2015, date de son congé maternité, puis du 30 août 2016 à son licenciement pour inaptitude.

Les intimées font valoir en réponse que Mme [D] n'a jamais fait état d'agissements relevant du harcèlement moral avant le courrier de son avocat du mois de juin 2015 et elles soutiennent que les faits présentés par la salariée ne sont pas démontrés.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, il appartient au salarié de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [D] présente les éléments de faits suivants :

- une charge excessive de travail ;

- de mutiples modifications de son contrat de travail ;

- une diminution de sa rémunération variable ;

- un comportement méprisant de son supérieur hiérarchique.

Le rappel de salaire accordé au titre des heures supplémentaires ainsi que les dommages intérêts alloués au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires autorisées démontrent une atteinte portée au droit au repos de la salariée et une charge excessive de travail imposée à Mme [D].

La cour a retenu que des modifications unilatérales de son contrat de travail avaient été imposées à Mme [D] tant en 2011 qu'en 2012.

Il est également établi que Mme [D] n'a pas été réglée des bonus lui revenant au titre des années 2012, 2013, 2014.

Le rapport de Mme [Z] [A], psychologue clinicienne, du 8 juin 2015 qui reprend les propos de Mme [D] ne permet pas de retenir le comportement méprisant de son supérieur hiérarchique comme un élément de fait.

Le nombre d'heures supplémentaires effectuées par la salariée et le caractère excessif de la charge de travail qui s'en déduit ainsi que les modifications unilatérales du contrat de travail imposées à Mme [D] en 2011 et en 2012 et la diminution indue de ses bonus au titre des années 2012, 2013, 2014 sont des faits qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les banques Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage contestent la réalité des modifications unilatérales du contrat de travail de Mme [D] et elles soutiennent que les bonus ont été payés à la salariée dans leur intégralité ce que la cour a précédemment rejeté et elles ne présentent pas d'élément objectif de nature à justifier les modifications apportées au contrat de travail et le non paiement de l'intégralité des bonus. Dès lors, à défaut de prouver que les faits établis ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, il convient de retenir que Mme [D] a subi des agissements de harcèlement moral qui ont conduit à la dégradation de son état de santé. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Mme [D] soutient que la société Bnp Paribas n'a pris aucune mesure de prévention pour préserver sa santé. Elle fait état du rapport de Mme [Z] [A], psychologue clinicienne, du 8 juin 2015 et elle déclare avoir alerté par mail la responsable RH, Mme [H] [V].

Les sociétés intimés font valoir qu'elles ont mis en place tous les dispositifs de prévention requis. Elles ajoutent que la seule plainte est celle datant du courrier du conseil de la salariée qui a dans le même temps saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail.

En application des dispositions applicables de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En l'espèce, la Bnp Paribas produit les éléments suivants :

- l'accord sur le dispositif d'évaluation et de prévention du stress au travail du 11 juin 2010 ;

- l'accord du 11 juillet 2011 sur le harcèlement et la violence et le dispositif 'care' avec un soutien 'psy et bien être au travail', le renouvellement au 1er juillet 2014 de l'accord d'entreprise sur le harcèlement et la violence au travail ;

- l'accord sur la prévention du stress au travail selon la charte sociale européenne au 10 janvier 2017.

Ces documents démontrent la mise en place des mesures exigées par l'article L. 4121-1 du code du travail et le rapport de Mme [A] ne combat pas la réalité de ces mesures. Mme [D] ne justifie pas de sa saisine de la direction des ressources humaines et du fait qu'elle serait demeurée sans effet.

Il convient d'écarter le manquement des banques à leur obligation de sécurité en l'espèce. Le jugement est confirmé de ce chef.

Le préjudice de Mme [D] résultant du harcèlement moral qu'elle a subi sera réparé par l'octroi de la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les dommages et intérêts pour violation de l'article L. 3121-46 du code du travail

Mme [D] ne justifie pas suffisamment de l'existence d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par les dommages et intérêts pour harcèlement moral alors qu'à ce titre, la cour a pris en compte la charge excessive de travail.

Mme [D] sera déboutée de sa demande à ce titre et la décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [D] soutient que les manquements relatifs à la durée du travail, aux modifications unilatérales du contrat et aux agissements de harcèlement moral sont caractérisés et qu'ils justifient la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Les sociétés Bnp Paribas et Bnp Paribas arbitrage soutiennent en réponse que la salariée ne démontre aucun manquement grave et qu'en réalité elle a souhaité quitter la banque pour des motifs personnels et que le jugement qui l'a déboutée de sa demande de résiliation judiciaire devra être confirmé.

Le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; la date de la rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

En l'espèce, la cour a déjà retenu que la banque avait retiré unilatéralement des responsabilités à la salariée en 2011 puis en 2012, qu'elle lui avait drastiquement baissé son bonus en 2012, 2013 et 2014, qu'elle avait commis des manquements au regard de la durée du travail et que la salariée avait été victime d'un harcèlement moral. Les manquements retenus touchant à des obligations essentielles de l'employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, la cour prononce la résiliation du contrat de travail au jour du licenciement soit le 23 décembre 2016. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les conséquence de la rupture du contrat de travail

Par application des dispositions de l'article L. 1153-4 du code du travail, la cour ayant prononcé la résiliation du contrat de travail notamment en raison du harcèlement moral, cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul.

En conséquence, il convient d'allouer à Mme [D] une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de trois mois et une indemnité de congés payés afférents sur la base du salaire que la salariée aurait dû percevoir soit les sommes sollicitées à hauteur de 158 417,52 euros et 15 841,75 euros. Le jugement est infirmé de ces chefs.

Lorsque, postérieurement au constat de l'inaptitude, un contrat de travail est rompu par une résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul, le salarié a droit, lorsque cette inaptitude est consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, à l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail.

En l'espèce, l'avis d'inaptitude du 3 octobre 2016 indique que 'Mme [D] [L] est définitivement inapte à son poste de vendeur dérivés action ainsi qu'à tous les postes existant dans l'entreprise. Compte tenu de ce que son maintien à ce poste entraîne un danger immédiat pour sa santé, il ne sera pas procédé au 2éme examen prévu à l'article R 4624-31 du code du travail. L'origine de l'inaptitude, l'organisation du travail et la structure de l'entreprise ne permettent pas de proposer de mesures indviduelles de mutation ou de transformation du poste.'

Il convient dès lors de faire application des dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail prévoyant le doublement de l'indemnité légale de licenciement soit en l'espèce la somme de 309 407,60 euros.

Au titre de l'indemnité due pour la rupture du contrat de travail, qualifiée d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans le corps des écritures, en tenant compte de l'ancienneté de la salariée et de l'absence totale de justificatifs sur sa situation postérieurement au licenciement, il convient de condamner les banques au paiement de la somme de 320 000 euros. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les dommages intérêts pour remise tardive de l'attestation pôle emploi et du certificat de travail

Mme [D] sollicite 5 000 euros au titre de chacun des préjudices dont elle demande la réparation. Les premiers juges ont relevé que les documents de fin de contrat avaient été adressés à la salariée et étaient revenus avec la mention n' 'habite pas à l'adresse indiquée'. En outre, Mme [D] ne produisant aucun document relatif à sa situation postérieurement à son licenciement, il n'est donc pas établi de préjudice devant être réparé et dès lors la salariée est déboutée de ses demandes à ce titre. Le jugement est confirmé au titre de ces chefs de demande.

Sur la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte

Il convient d'ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés selon les condamnations prononcées sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts

En application des dispositions de articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale portent intérêt au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 15 décembre 2015, et les créances de nature indemnitaire portent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce. Les intérêts au taux légal courant sur une année produisent intérêt au taux légal.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les condamnations de première instance au titre des dépens et des frais irrépétibles sont confirmées.

La Bnp Paribas et la Bnp Paribas arbitrage qui succombent, sont condamnées aux dépens de la procédure d'appel. Il convient de les condamner à payer une indemnité de 2 000 euros à Mme [D] au titre des frais irrépétibles et de les débouter de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a retenu le co-emploi des sociétés Bnp Paribs et Bnp Paribas arbitrage, a déclaré la convention de forfait en jours sans effet, a déclaré les demandes de rappel de salaires recevables ainsi qu'au titre des condamnations aux dépens et en remboursement des frais irrépétibles, et en ce qu'il a débouté Mme [L] [D] de ses demandes d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de sa demande de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et pour remise tardive de l'attestation pôle emploi et du certificat de travail,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [L] [D] aux torts de la société Bnp Paribas et de la société Bnp Paribas arbitrage au 23 décembre 2016,

Condamne solidairement la société Bnp Paribas et la société Bnp Paribas arbitrage à payer à Mme [L] [D] les somme suivantes :

- 225 000 euros au titre du bonus 2012 ;

- 120 000 euros au titre du bonus 2013 ;

- 45 000 euros au titre du bonus 2014 ;

- 11 320,22 euros au titre du bonus 2015 ;

- 145 178 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;

- 14 417,80 euros au titre des congés payés afférents ;

- 35 848 euros de dommages intérêts au titre du dépassement du contingent annuel ;

- 25 000 euros de dommages intérêts à titre de harcèlement moral ;

- 158 417,52 euros à titre d' indemnité compensatrice de préavis ;

- 15 841,75 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents ;

- 309 407,60 euros à titre de reliquat d'indemnité légale de licenciement ;

- 320 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à la société Bnp Paribas de remettre à Mme [L] [D] des documents rectifiés conformes aux condamnations prononcées ;

Condamne la société Bnp Paribas et à la société Bnp Paribas arbitrage au paiement de l'intérêt au taux légal sur les condamnations de nature salariale à compter du 15 décembre 2015 et au titre des condamnations de nature indemnitaire à compter de la décision qui les prononce et les condamne à l'intérêt au taux légal sur l'intérêt courant sur une année,

Condamne la société Bnp Paribas et la société Bnp Paribas arbitrage aux dépens de la procédure d'appel et les condamne à payer une indemnité de 2 000 euros à Mme [D] au titre des frais irrépétibles et les déboute de leur demande à ce titre.

Déboute Mme [L] [D] de ses autres demandes.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/07670
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.07670 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award