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07/07/2022 | FRANCE | N°19/07404

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 07 juillet 2022, 19/07404


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 7 JUILLET 2022

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07404 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAH2G



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° F19/00251





APPELANTE



SOCIÉTÉ A.N.E

[Adresse 2]

[Localité

4]



Représentée par Me Faïssel BEN OSMANE, avocat au barreau de PARIS







INTIME



Monsieur [V] [R] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Valérie LANES, avocat au ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 7 JUILLET 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07404 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAH2G

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° F19/00251

APPELANTE

SOCIÉTÉ A.N.E

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Faïssel BEN OSMANE, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [V] [R] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise SALOMON, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

- signé par Madame Françoise SALOMON, présidente et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à temps partiel, la société Adiate Nord Est (A.N.E) a engagé M. [O] à compter du 1er septembre 2010 en qualité de conducteur en période scolaire, cet emploi relevant du groupe 'conducteur en périodes colaires' de l'annexe 'ouvriers de la convention collective nationale des transports' à laquelle le contrat de travail se trouve rattaché. Le contrat prévoyait que la durée annuelle de travail ne pouvait être inférieure à 550 heures pour une année pleine comptant au moins 180 jours de travail en fonction des jours d'ouverture des établissements scolaires, ainsi que la possibilité d'effectuer des heures complémentaires, dans la limite du quart des heures contractuelles.

La société est spécialisée dans le transport et l'accompagnement de personnes, de personnes à mobilité réduite et/ou de personnes handicapées, principalement dans les régions situées au nord est du territoire français. Elle applique la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Le salarié a saisi le 6 août 2015 la juridiction prud'homale de demandes de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de rappel d'heures supplémentaires et de primes.

En arrêt de travail à compter du 18 décembre 2015, il a été déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue de la visite de reprise du 17 août 2018, puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 4 septembre suivant.

Par jugement du 14 mai 2019, le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes a prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 4 septembre 2018, dit qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 26 286,28 euros de rappel d'heures supplémentaires de juillet 2012 à décembre 2015 et 2 628,62 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 274,14 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 127,41 euros au titre des congés payés incidents,

- 731,43 euros d'indemnité de licenciement,

- 2 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 822,42 euros d'indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a débouté le salarié du surplus de ses demandes.

Le 24 juin 2019, l'employeur a interjeté appel de cette décision, qui lui avait été notifiée le 28 mai.

Par conclusions transmises par voie électronique le 23 septembre 2019, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de débouter l'intimé de toutes ses demandes et de le condamner à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 mars 2022, l'intimé sollicite la confirmation du jugement déféré, sauf à porter le quantum des condamnations suivantes à hauteur de :

- 1 815,92 pour l'indemnité compensatrice de préavis et 181,59 euros pour les congés payés afférents,

- l'indemnité de licenciement à 1 452,73 euros,

- l'indemnité de travail dissimulé à 5 447,76 euros,

- l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 8 000 euros.

Il lui demande en outre d'ordonner la remise des documents sociaux rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par bulletin de salaire, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de condamner la société au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction est intervenue le 5 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 10 mai.

MOTIFS

Lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que l'employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée. Si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

Sur la demande de résiliation judiciaire

La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'occurrence, le salarié reproche à l'employeur d'avoir effectué de très nombreuses heures excédant les quatre heures prévues à son contrat de travail sans qu'elles ne soient payées, malgré ses réclamations. Il évalue ce volume d'heures à 2 641 heures non rémunérées entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2015.

L'employeur conteste tout manquement.

Conformément à l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments.

En l'occurrence, le salarié verse aux débats, outre les décomptes des heures qu'il prétend avoir accomplies et ses réclamations, les plannings de l'employeur, ses feuilles de route adressées à l'employeur et de nombreux mails qui établissent qu'il effectuait comme il le soutient trois types différents de transport :

- des transports vers des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques pour acheminer des enfants suivis de leur domicile ou institution à des lieux de prise en charge médicale ou pédagogique, ces transports s'effectuant également le samedi et pendant les vacances scolaires,

- des transports dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, parfois hors période scolaire et parfois dans l'urgence,

- des transports de personnel ou de clients SNCF, particulièrement les jours de grève.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Ce dernier se borne à contester les affirmations du salarié sans produire d'éléments, à l'exception des calendriers scolaires. Il soutient que le temps de trajet domicile - lieu de mission - domicile n'est pas du temps de travail effectif.

Conformément aux dispositions conventionnelles applicables, à défaut d'accord d'entreprise ou d'usage, et avec l'accord exprès du salarié conducteur accompagnateur de personnes à mobilité réduite, le temps entre le domicile et le lieu de prise en charge lors de la première et de la dernière prise de service de la journée n'est pas considéré comme temps de travail, dans la limite d'un temps forfaitaire de 15 minutes, soit d'une demi-heure au total dans la journée.

Le salarié fait justement valoir que l'employeur ne justifie pas de son accord exprès.

Dès lors, la cour adopte les motifs des premiers juges et condamne l'employeur au paiement des sommes de 26 286,28 euros à titre de rappel d'heures complémentaires et supplémentaires de juillet 2012 à décembre 2015, outre 2 628,62 euros au titre des congés payés afférents.

Compte tenu du volume d'heures supplémentaires effectuées et non rémunérées, la cour retient que ce manquement de l'employeur rendait impossible la poursuite du contrat de travail. Elle confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur et dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet au 4 septembre 2018.

Sur les conséquences financières de la rupture

Les indemnités de rupture doivent être calculées en considération de la rémunération dont l'employeur était redevable, en prenant en considération le rappel de salaire alloué.

Dès lors, la cour, par infirmation du jugement sur le quantum, condamne l'employeur au paiement des sommes de :

- 1 815,92 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 181,59 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 452,73 euros d'indennité de licenciement.

Conformément aux dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité comprise entre trois et huit mois de salaire.

Compte tenu de sa rémunération et de son âge lors de la rupture, la cour lui alloue la somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement sur le quantum.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Conformément à l'article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause, est constitutif de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Le salarié ne démontre pas que l'employeur se serait volontairement soustrait à cette obligation.

Il convient, par infirmation du jugement, de le débouter de sa demande.

Sur les autres demandes

Il convient de rappeler que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes à hauteur des sommes réclamées devant cette juridiction et du 16 octobre 2019 pour le surplus, et la créance indemnitaire à compter du jugement à hauteur de 2 000 euros et du présent arrêt pour le surplus.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Il y a lieu d'ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi, d'un bulletin de paie récapitulatif et d'un certificat de travail conformes au présent arrêt, sans qu'il apparaisse nécessaire d'assortir cette décision d'une mesure d'astreinte.

L'équité commande d'allouer au salarié une somme supplémentaire de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

L'employeur, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [O] aux torts de la société A.N.E. et a dit qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 4 septembre 2018, en ce qu'il a condamné la société A.N.E. à payer à M. [O] les sommes de 26 286,28 euros de rappel d'heures supplémentaires de juillet 2012 à décembre 2015, 2 628,62 euros au titre des congés payés afférents et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné la société aux dépens ;

- L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

- Condamne la société A.N.E. à payer à M. [O] les sommes de :

- 1 815,92 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 181,59 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 452,73 euros d'indennité de licenciement ;

- 7 000 euros dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception, par la société A.N.E., de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes à hauteur des sommes réclamées devant cette juridiction et du 16 octobre 2019 pour le surplus, et la créance indemnitaire à compter du jugement à hauteur de 2 000 euros et du présent arrêt pour le surplus ;

- Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- Déboute M. [O] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- Enjoint à la société A.N.E. de remettre à M. [O] une attestation Pôle Emploi, un bulletin de paie récapitulatif et un certificat de travail conformes au présent arrêt ;

- Rejette la demande d'astreinte ;

- Condamne la société A.N.E. à verser à M. [O] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société A.N.E. aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/07404
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.07404 ?
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