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06/07/2022 | FRANCE | N°21/15039

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 06 juillet 2022, 21/15039


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 06 JUILLET 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15039 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHKT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2021 -Tribunal de Grande Instance d'Evry RG n° 19/00446





APPELANTE



S.A. BPE

62, rue du Louvre

75002 Paris



Représentée par Me Katia SITBO

N, avocat au barreau de PARIS, toque : P0296







INTIMEE





Etablissement Public DIRECTEUR DE LA DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTION S DOMANIALES

agissant en qualité de curateur à la succession déclaré...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 06 JUILLET 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15039 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHKT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2021 -Tribunal de Grande Instance d'Evry RG n° 19/00446

APPELANTE

S.A. BPE

62, rue du Louvre

75002 Paris

Représentée par Me Katia SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0296

INTIMEE

Etablissement Public DIRECTEUR DE LA DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTION S DOMANIALES

agissant en qualité de curateur à la succession déclarée vacante de madame [H], [K], [V] veuve [T], en vertu d'une ordonnance rendue le 7 mars 2017 par la Première Vice-Présidente du Tribunal de grande instance d'Evry ; dont le siège est situé sis,

3, avenue du Chemin de Presles

94417 Saint-Maurice Cedex

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Mme Florence BUTIN,Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL,Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

Suivant un acte notarié en date du 23 avril 2007, la SA BANQUE PRIVEE EUROPEENNE - ci-après « la BPE » - a consenti à [H] [V] veuve [T] un prêt immobilier relais d'un montant de 250 000 euros remboursable en 24 mensualités progressives - soit le coût de l'assurance sur 12 mois puis 1 098 euros, et la dernière de 264 398,74 euros - en garantie duquel elle a adhéré au contrat collectif souscrit par le prêteur auprès de la société SURAVENIR au titre des risques de décès et de perte totale et irréversible d'autonomie (PTIA). Ce contrat a fait l'objet d'un avenant accepté le 5 mai 2008.

Pour la conservation de sa créance, la BPE a le 2 avril 2008 pris une hypothèque conventionnelle sur la propriété de [H] [V] située à Puiselet-le-Marais (Essonne), qui a été renouvelée par bordereau publié et enregistré le 20 septembre 2010 avec effet jusqu'au 16 septembre 2020.

Des mensualités étant demeurées impayées, la BPE a prononcé la déchéance du terme du prêt en date du 10 juin 2009.

La société SURAVENIR ayant refusé de prendre en charge les conséquences d'une incapacité totale de travail déclarée par [H] [V] le 7 avril 2009, celle-ci a par acte délivré les 4 et 12 août 2009, fait assigner les sociétés BPE et l'assureur devant le tribunal de grande instance d'EVRY pour qu'il soit condamné à régler à la banque le capital restant dû au jour de la reconnaissance de sa perte d'autonomie. Déboutée de ces demandes par jugement rendu le 6 janvier 2012, [H] [V] a interjeté appel de cette décision le 31 janvier 2012 et dans le cadre de cette instance, la BPE sollicitait qu'il soit donné acte à l'appelante de ce qu'elle se reconnaissait débitrice aux termes de son assignation, interrompant ce faisant toute prescription, et qu'elle soit jugée créancière en vertu de son titre exécutoire pour la somme de 313 933,64 euros due à la date du 30 mai 2013 outre intérêts postérieurs au taux contractuel de 4,95 % l'an sur un capital de 247 321,02 euros. [H] [V] concluait à l'irrecevabilité de la demande de la BPE comme étant nouvelle en cause d'appel et subsidiairement soutenait qu'elle était prescrite.

Par arrêt rendu le 1er octobre 2013, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du 6 janvier 2012 et jugé la demande de la BPE irrecevable comme nouvelle.

Par acte du 17 juin 2013, la BPE a fait assigner la débitrice devant le tribunal de grande instance d'EVRY pour obtenir sa condamnation au paiement. Enrôlée sous le n° RG 13/4677, l'affaire a été radiée le 28 mai 2015 en raison du décès de [H] [V] survenu le 16 juin 2014.

Le 9 janvier 2014, la BPE a parallèlement fait publier un commandement de payer valant saisie immobilière et la débitrice a contesté le bien-fondé de cette procédure devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'EVRY, dont la décision en date du 25 juin 2014 - selon laquelle « il résulte de la propre attitude du poursuivant [ayant initié une action en paiement par acte du 17 juin 20013] que l'avenant du 5 mai 2008 opère novation et que l'acte notarié contenant prêt de 250 000 euros sur 2 ans remboursable à un taux nominal de 4,95% en 24 mensualités progressives (') en date du 23 avril 2007 ne constitue plus un titre exécutoire » - a donné lieu à un appel de la banque également suivi d'une radiation pour le même motif, prononcée le 10 septembre 2014.

Par ordonnance du 7 mars 2017, la Direction nationale d'interventions domaniales - ci-après la DNID - a été désignée en qualité de curateur à la succession vacante de [H] [V]. Cette désignation a fait l'objet d'une publication le 9 mai 2017 et par courrier recommandé du 2 octobre 2018, la BPE a déclaré sa créance pour un montant de 324 304,21 euros au titre du prêt précité selon décompte arrêté à la date du décès.

Par courrier recommandé du 29 octobre 2018, la DNID a indiqué à la BPE que faute pour celle-ci de justifier d'un acte interruptif de prescription, elle ne pourrait prétendre à l'inscription de cette somme au passif de la succession.

Par courrier électronique du 30 octobre 2018 suivie d'une lettre en date du 5 novembre suivant en confirmant les termes, la BPE a transmis à la DNID l'ordonnance de radiation du 28 mai 2015 en maintenant sa déclaration et en s'opposant à la mainlevée de son inscription d'hypothèque conventionnelle en l'absence de versement des sommes dont elle s'estimait créancière, faisant valoir que l'instance en paiement qu'elle avait initiée était interruptive de prescription et qu'elle avait été radiée le 28 mai 2015 consécutivement au décès de [H] [V], ajoutant que depuis cette date, plus aucune mesure ayant le même effet interruptif n'avait pu être entreprise dès lors que la succession était vacante.

C'est dans ce contexte que par acte du 9 janvier 2019, la DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTIONS DOMANIALES ès qualités de curateur à la succession déclarée vacante de [H] [V], a fait assigner la SA BANQUE PRIVEE EUROPEENNE devenue BPE devant le tribunal de grande instance d'EVRY pour voir juger la dette prescrite et obtenir la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière publiée le 9 janvier 2014.

Par jugement en date du 28 juin 2021, le tribunal judiciaire d'EVRY a :

- constaté que la créance de la SA BPE au titre du prêt n° 0479 5837319 01 est prescrite;

- ordonné aux frais de la SA BPE, la radiation de l'inscription d'hypothèque conventionnelle inscrite par la Banque Privée Européenne auprès du bureau des hypothèques d'Etampes le 2 avril 2008 (Vol. 2008 V n° 628), renouvelée le 20 septembre 2010 (Vol. 2010 VA n° 1715), pour garantir la somme de trois cent mille euros, lesdites inscriptions prises du chef de [H], [K] [V] veuve [T] et grevant la propriété sise à Puiselet-le-Marais (91 150) 1ieudit « La Petite Vallée », cadastrée section F n° 224, 225, 228,231 et section ZE n° 65 ;

- débouté la Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités de curateur à la succession vacante de [H], [K] [V] veuve [T], de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la SA BPE aux dépens ainsi qu'à verser à la Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités de curateur à la succession vacante de [H], [K] [V] veuve [T], une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Ce, aux motifs que :

-la BPE ayant communiqué le jugement rendu le 25 juin 2014 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'EVRY, cette demande est devenue sans objet ;

- ne sont discutés ni l'application de la prescription biennale édictée par l'article L. 218-2 du code de la consommation, ni le fait que la débitrice dans le cadre de son action introduite en 2009 puis lors de la procédure d'appel, avait reconnu la créance de la BPE ;

- aucune diligence n'a été accomplie depuis l'ordonnance de radiation du 28 mai 2015 ;

- il ressort des pièces fournies par la DNID que des déclarations de renonciation à succession ont été enregistrées en date des 16, 23 et 30 juillet 2014, 10 septembre 2014, 2 février 2015, 3 mars 2016, 26 juillet 2016, sa désignation en qualité de curateur à la succession vacante a fait l'objet d'une publication dans un journal d'annonces légales le 9 mai 2017, à 1'exception de la correspondance du 10 février 2016 par laquelle le notaire informe la banque de ce que les héritiers connus renoncent à la succession, la défenderesse ne justifie d'aucune diligence accomplie durant la période alléguée de son impossibilité à agir, or il appartenait à la BPE qui avait prononcé la déchéance du terme et sollicité elle même la radiation de son action en paiement, de faire toutes démarches pour avoir connaissance des héritiers de sa débitrice ou obtenir la désignation d'un représentant de la succession, de plus la BPE aurait encore eu le temps de ne pas laisser périmer son action en paiement dès la publication de la désignation de la DNID le 9 mai 2017 ;

- la BPE ne verse aucun élément de nature à démontrer qu'elle se soit trouvée dans l'impossibilité d'accomplir dans le délai de deux années les diligences pouvant lui permettre de poursuivre l'action en recouvrement de sa créance à l'encontre de la succession notamment en sollicitant la désignation d'un curateur puisqu'il lui avait été indiqué dès le 10 février 2016 que de telles formalités pouvaient être effectuées à bref délai, c'est d'ailleurs un créancier de la défunte qui a pris cette initiative ;

- le délai de prescription biennale s'est achevé le 28 mai 2017 ;

- les privilèges et hypothèques s'éteignent par la prescription de la créance garantie.

***

Par déclaration en date du 30 juillet 2021, la SA BPE a formé appel de ce jugement en critiquant chacun de ses chefs sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la DNID.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, elle demande à la cour de :

Vu les articles 2231, 2240, 2241 2242, 2234 du code civil,

Vu l'article L218-2 du code de la consommation,

REFORMER le jugement déféré sauf en ce que ce qu'il a débouté la DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTION DOMANIALE, ès qualités de curateur à la succession vacante de [H] [V], Veuve [T], de sa demande de dommages et intérêts ;

DECLARER que la créance de la SA BPE n'est pas prescrite ;

DEBOUTER la DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTION DOMANIALE, ès qualités de curateur à la succession vacante de [H] [V], Veuve [T], de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

ADMETTRE la créance de la SA BPE au passif de la succession à hauteur de la somme de 324 304,21 euros ;

CONDAMNER la DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTION DOMANIALE, ès qualités de curateur à la succession vacante de [H] [V], Veuve [T], à payer à la SA BPE la somme de 324 304,21 euros ;

CONDAMNER la DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTION DOMANIALE, ès qualités de curateur à la succession vacante de [H] [V], Veuve [T], à payer à la SA BPE la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTION DOMANIALE, ès qualités de curateur à la succession vacante de [H] [V], Veuve [T], aux entiers dépens.

faisant valoir pour l'essentiel que :

- la prescription est restée interrompue du fait de la reconnaissance de la dette à partir du 4 août 2009, date de la première assignation de la débitrice devant le tribunal de grande instance, et jusqu'au 1er octobre 2013, date de l'arrêt rendu par la cour d'appel, la banque a fait assigner [H] [V] en paiement le 17 juin 2013, cette nouvelle demande interrompt également le délai de prescription, il n'appartenait pas au tribunal d'apprécier si l'instance initiée par la BPE était périmée ou non - ce qui en soi suffit à justifier la réformation du jugement - en application de l'article 379 du code de procédure civile, cette instance a en tout état de cause été interrompue en raison du décès, la deuxième cause d'interruption s'est substituée à la première, dès lors à partir de la demande en justice de la BPE et compte tenu de l'instance en cours, la prescription se trouvait interrompue et ne pouvait plus recommencer à courir ;

- c'est également à tort que le tribunal a estimé que la BPE n'était pas dans l'impossibilité d'agir et qu'il lui appartenait de faire toutes diligences pour obtenir le nom des héritiers ou de faire désigner un représentant de sa succession, en effet jusqu'au 29 août 2017 la banque n'avait pas connaissance de la dévolution successorale définitive ;

- la BPE ignorant la dévolution successorale se trouvait dans l'impossibilité d'agir pour faire valoir son droit de créance et procéder à son recouvrement, cet empêchement a suspendu à son tour le délai de prescription attaché à la créance de sorte qu'à compter du 16 juin 2014, une nouvelle cause de suspension de la prescription s'est, à son tour, substituée à l'interruption résultant de la demande et de l'action en justice introduites par la BPE et ce, jusqu'au 29 août 2017 lorsque celle-ci a eu connaissance de la nomination de la DNID en tant que curateur à la succession vacante, elle n'a recouvré la possibilité d'agir qu'à cette date, ainsi en application de l'article 2234 du code civil, la BPE s'est trouvée dans l'impossibilité d'agir pour faire valoir et exercer son droit de créance depuis le décès survenu le 16 juin 2014, et ce jusqu'au 29 août 2017, date à laquelle le délai de deux ans prévu par l'article L. 218-2 du code de la consommation a ainsi pu débuter.

***

Aux termes de son mémoire adressé à la cour le 2 décembre 2021 et reçu le 6 décembre 2021 en application des dispositions des articles R. 3321-1, R. 2331-3, R. 2331-11 du code général de la propriété des personnes publiques, 931 à 949 du code de procédure civile, la DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTION DOMANIALE, ès qualités de curateur à la succession vacante de [H] [V] formule, au visa des articles 804, 809 et suivants, 2219, 2231, 2233 à 2244 et 2248 du code civil, 142, 386, 696, 1342 et suivants du code civil, 218-2 du code de la consommation, de la loi n°2006-728 portant réforme des successions, et du décret n°2006-1805 relatif à la procédure en matière successorale, les demandes suivantes :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- constaté que la créance de la SA BPE au titre du prêt n° 0479 5837319 01 est prescrite;

- ordonné aux frais de la SA BPE, la radiation de l'inscription d'hypothèque conventionnelle inscrite par la Banque Privée Européenne auprès du bureau des hypothèques d'Étampes le 2 avril 2008 (Vol. 2008 V n° 628), renouvelée le 20 septembre 2010 (Vol. 2010 VA n° 1715), pour garantir la somme de trois cent mille euros, lesdites inscriptions prises du chef de [H], [K] [V] veuve [T] et grevant la propriété sise à Puiselet-le-Marais (91 150) 1ieudit « La Petite Vallée », cadastrée section F n° 224, 225, 228,231 et section ZE n° 65 ;

- débouté la Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités de curateur à la succession vacante de [H], [K] [V] veuve [T], de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la SA BPE aux dépens ainsi qu'à verser à la Direction nationale d'interventions domaniales, ès qualités de curateur à la succession vacante de [H], [K] [V] veuve [T], une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

DEBOUTER la SA BPE de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNER la SA BPE à régler à la DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTION DOMANIALE, ès qualités de curateur à la succession vacante de [H] [V], une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la BPE aux dépens d'appel.

faisant valoir pour l'essentiel que :

- c'est à compter du prononcé de la déchéance du terme du prêt soit le 10 juin 2009 que la créance a commencé à se prescrire, et à compter du 21 juin 2013 - dernières écritures de la défunte se reconnaissant débitrice - qu'un nouveau délai a commencé à courir, les instances éteintes ne pouvant avoir aucun effet interruptif, il y a donc lieu de se reporter au dernier acte interruptif de prescription et dire la créance prescrite dès le 21 juin 2015 ;

- à supposer même que la banque ait été empêchée d'agir et que la prescription ait ainsi été suspendue entre la date du décès - 16 juin 2014 - et le 29 août 2017 lorsqu'elle a eu connaissance de la désignation d'un curateur, il est observé en ce cas qu'il s'était écoulé 11 mois et 24 jours entre le 22 juin 2013 et le 16 juin 2014 durant lesquels la BPE n'était aucunement empêchée d'agir, il restait donc 1 an et 6 jours après le 29 août 2017 pour que le délai de 2 ans soit écoulé, ainsi la créance était en tout état de cause prescrite le 4 septembre 2018 ;

- la DNID conteste par ailleurs cette impossibilité à agir de la banque, la Cour de cassation a certes jugé que la prescription ne court pas contre le créancier ignorant la dévolution successorale de son débiteur, mais cette décision (16-13278) est à rapprocher d'une autre énonçant que la connaissance par le créancier de ce que la succession est vacante lui permettait d'agir en désignation d'un curateur (17-23353), l'article 2234 dispose que la prescription est suspendue contre celui qui est empêché d'agir, mais l'absence d'héritiers connus ou l'indétermination de ceux-ci ne constitue pas une telle cause d'empêchement puisque tout créancier confronté à une telle situation peut faire déclarer la succession vacante selon les modalités prévues aux articles 809 et 809-1 du code civil, aucun texte n'exige du créancier qu'il attende qu'un notaire éventuellement chargé de la succession lui en confirme la vacance, au contraire l'article 809 3° ouvre cette faculté lorsque les héritiers n'ont pas pris parti dans un délai de 6 mois après l'ouverture de la succession, c'est précisément pour éviter les inconvénients de la vacance que le régime de la curatelle a été créé, le seul cas admissible du report de la prescription est finalement l'ignorance par le créancier du décès du débiteur, au cas d'espèce la succession était « vacante » au sens de l'article 809 3° dès le 16 décembre 2014, et à supposer que la BPE ait dû attendre un courrier du notaire pour agir, elle était en mesure de le faire dès le 10 février 2016 puisqu'à cette date, Me [Y] en charge de la succession lui indiquait que certains héritiers avaient renoncé à la succession et qu'il demeurait dans l'attente des autres réponses avant d'entamer les formalités de déclaration de vacance, elle a pourtant attendu passivement le courrier du 29 août 2017, enfin à supposer encore qu'elle ait été empêchée d'agir jusqu'au 29 août 2017, force est de constater qu'après cette date, la banque n'a délivré aucun acte interruptif de prescription mais s'est contentée de déclarer sa créance, ce qui en soi n'emporte pas cet effet ;

- l'hypothèque étant l'accessoire de la créance, elle s'éteint par la prescription de celle-ci en application de l'article 2488 du code civil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

En application de l'article 2231 du code civil, l'interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.

Et les articles 2240 à 2243 du même code prévoient respectivement que :

- «la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription » ;

- « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion » ;

- « l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance » ;

- « l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ».

Par ailleurs selon l'article 2234 du code civil, la prescription « ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ».

Dans le cas d'espèce, les parties ne sont en désaccord ni sur la date à laquelle [H] [V] s'est en dernier lieu reconnue débitrice de la BPE au titre du prêt litigieux - à savoir celle de ses dernières conclusions notifiées le 21 juin 2013 dans le cadre de l'instance introduite contre la société d'assurance par actes des 4 et 12 août 2009 - ni sur l'effet interruptif attaché à cette reconnaissance.

Elles s'opposent en revanche essentiellement :

-sur le point de savoir si la prescription a ou non recommencé à courir entre le 21 juin 2013 et la date du décès soit le 16 juin 2014, la BPE estimant que tel n'était pas le cas puisqu'elle avait fait délivrer une assignation en paiement par acte du 17 juin 2013 - cette procédure radiée le 28 mai 2015 n'ayant pas été reprise - constitutive d'une nouvelle cause d'interruption, et la DNID soutenant au contraire, que cette instance - comme d'ailleurs celle en contestation du bien-fondé de la saisie immobilière - se trouvant éteintes par la péremption faute de diligences accomplies dans les deux années suivant leur radiation, l'interruption invoquée de la prescription est non avenue en application de l'article 2243 précité du code civil ;

-sur l'impossibilité ou non à agir de la banque faisant valoir qu'elle était dans l'ignorance de la dévolution successorale, étant rappelé que le 29 août 2017 dont elle se prévaut est la date à laquelle le notaire en charge de la succession l'a informée par courrier de la désignation de la DNID en qualité de curateur à la succession vacante de [H] [V], et que les renonciations des héritiers ont successivement été recueillies les 16, 23 et 30 juillet 2014, 10 septembre 2014, 2 février 2015, 3 mars 2016 et enfin 26 juillet 2016. C'est à la requête d'un créancier datée du 18 mai 2016 (pièce DNID 3) que la vacance de la succession a été déclarée et que la désignation d'un curateur est intervenue par ordonnance du 7 mars 2017.

Avant qu'il soit statué sur ces différents points, la cour estime cependant nécessaire de recueillir les observations des parties sur les conséquences attachées à l'existence d'une instance en paiement introduite par la BPE le 17 juin 2013 devant le tribunal de grande instance d'EVRY, enrôlée sous le n° RG 13/4677 et radiée le 28 mai 2015, dans la mesure où la péremption invoquée par la BPE n'apparaît pas avoir été constatée par une décision judiciaire.

En l'absence de demande en ce sens adressée à la juridiction saisie, se posent en effet les questions :

- de la poursuite des effets d'une instance non encore éteinte ;

- de la recevabilité des prétentions formées devant la cour en ce qu'elles tendent à voir statuer sur l'existence et le quantum de la créance de la banque au titre du prêt litigieux.

Il y a donc lieu de révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 19 avril 2022 et d'inviter les parties à conclure à nouveau sur :

1°- la poursuite des effets d'une instance (RG 13/4677) en l'absence de péremption constatée par la juridiction saisie,

2°- la recevabilité des prétentions formées devant la cour, en ce qu'elles tendent à voir statuer sur l'existence et le quantum de la créance de la banque au titre du prêt litigieux,

Ce, selon le calendrier suivant :

- la BPE avant le 16 septembre 2022 ;

- la DNID avant le 14 octobre 2022 ;

l'affaire étant rappelée à l'audience de mise en état du 8 novembre 2022 pour nouvelle clôture et fixation.

PAR CES MOTIFS

La cour,

REVOQUE l'ordonnance de clôture rendue le 19 avril 2022 ;

DIT que les parties devront conclure à nouveau sur :

1°- la poursuite des effets d'une instance (RG 13/4677) en l'absence de péremption constatée par la juridiction saisie,

2°- la recevabilité des prétentions formées devant la cour, en ce qu'elles tendent à voir statuer sur l'existence et le quantum de la créance de la banque au titre du prêt litigieux,

Selon le calendrier suivant :

- la BPE avant le 16 septembre 2022 ;

- la DNID avant le 14 octobre 2022 ;

DIT que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 08 novembre 2022 pour nouvelle clôture et fixation.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/15039
Date de la décision : 06/07/2022
Sens de l'arrêt : Renvoi

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;21.15039 ?
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