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06/07/2022 | FRANCE | N°19/11680

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 06 juillet 2022, 19/11680


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 06 JUILLET 2022



(n° 2022/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11680 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAPS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 17/00168





APPELANT



Monsieur [V] [Y]

[Adresse 4]

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Représenté par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : P0157





INTIMÉS



Me [K] [R] ès qualité de mandataire de la SAS MORY DUCROS

[Adresse 3]

[Localité 8]



Représ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 06 JUILLET 2022

(n° 2022/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11680 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAPS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 17/00168

APPELANT

Monsieur [V] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : P0157

INTIMÉS

Me [K] [R] ès qualité de mandataire de la SAS MORY DUCROS

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Magali SUROWIEC, avocat au barreau de PARIS, toque : C2428

SA ARCOLE INDUSTRIES

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie-Alice JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : P487

Association UNEDIC CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Anne BERARD, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne BERARD Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La société Mory-Ducros avait pour activité principale la messagerie, c'est-à-dire le transport et la livraison de colis de faible poids, l'entreposage de ceux-ci, et leur affrètement.

La société Mory-Ducros est issue de la fusion, le 31 décembre 2012 à effet rétroactif au 1er janvier 2012, des sociétés Ducros Express et Mory SAS.

La société Ducros Express est elle-même issue de regroupements des services de messagerie des sociétés DHL Express, Danzas, Ducros, Sernadis et Arcatime.

La société Caravelle s'est portée acquéreur de Ducros Express le 30 juin 2010.

S'agissant de la société Mory SAS, par jugement en date du 30 septembre 2011, le Tribunal de Commerce de Bobigny a arrêté un plan de redressement par voie de cession de la société Mory Team, et des autres sociétés du groupe Mory, au profit de la société Caravelle, avec faculté de substitution au profit d'une société New Co à constituer, devenue Mory SAS.

Par jugement en date du 26 novembre 2013 le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Mory-Ducros, désigné Maître [G] et Maître [N] administrateur et coadministrateurs, avec mission d'assistance concernant les actes de gestion et Maître [R] en qualité de mandataire judiciaire.

Par deux jugements distincts du 20 décembre 2013, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé la confusion des patrimoines entre la SAS Mory-Ducros, la SCI Spad et la SCI Arcatime Caudan.

La société Arcole Industries, actionnaire de Mory-Ducros SAS a fait une offre de reprise, avec une clause de substitution au profit d'une société en formation dénommée Newco MD comprenant plusieurs conditions suspensives, dont celle de conclusion entre les organes de la procédure collective et les organisations syndicales d'un accord de méthode fixant les critères d'ordre prenant en compte les qualités professionnelles, déterminant les catégories socio-professionnelles en fonction des emplois actuellement tenus, et convenant de l'application des critères d'ordre par agence.

Un accord ayant été finalement signé, par jugement en date du 6 février 2014, le Tribunal de Commerce a arrêté le plan de cession au profit de la société Newco MD en cours de constitution, et la reprise des sociétés Mory-Ducros, Spad et Arcatime Caudan.

Il a par ailleurs autorisé le licenciement dans le délai d'un mois des 2.882 salariés occupant des postes non repris.

Il a prononcé la liquidation judiciaire des sociétés Mory-Ducros, SCI Spad et SCI Arcatime Caudan, avec poursuite d'activité de trois mois.

Maître [R] a été désigné en qualité de liquidateur, les mandats de Maîtres [G] et [N] étant maintenus pour passer tout acte nécessaire à la réalisation de la cession et finaliser le volet social.

Un plan de sauvegarde de l'emploi a été élaboré par les administrateurs judiciaires par le biais d'un document unilatéral qui a été homologué par le Directeur Régional des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi d'Ile-de-France par décision en date du 3 mars 2014.

Par deux jugements en date 11 juillet 2014, le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision.

Par arrêt du 21 octobre 2014, la Cour administrative d'appel de Versailles a confirmé par substitution de motifs cette annulation en rappelant que le périmètre d'application des critères d'ordre à un niveau inférieur à celui de l'entreprise n'est envisageable que dans le cadre d'un accord collectif et qu'en homologuant un document unilatéral prévoyant de procéder, pour l'application des critères d'ordre de licenciement, au niveau de chaque agence appartenant à la société Mory-Ducros sur le territoire national, l'administration du travail avait méconnu les dispositions de l'article L.1233-57-3 du code du travail.

Par décision en date du 7 décembre 2015, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi en retenant que la Cour avait fait une bonne interprétation des dispositions de l'article L.1233-24-4 du code du travail.

M. [Y] avait été embauché par une société absorbée au sein de la société Mory-Ducros le 06 janvier 1992, en qualité de pointeur reconnaisseur.

L'administrateur judiciaire de la société Mory-Ducros lui a notifié son licenciement pour motif économique par lettre en date du 6 août 2015. Le salarié a adhéré au contrat de sécurisation professionnel.

M. [Y] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges le 27 avril 2017 qui, par jugement du 26 septembre 2019, a :

'- Déclaré irrecevable M. [V] [Y] dans la demande de communication de pièces à l'encontre des sociétés Arcole Industrie et Mory-Ducros.

- Débouté M. [V] [Y] de l'ensemble de ses demandes.

- Dit que la partie demanderesse doit conclure au fond.

- Sursis à statuer sur la demande d'article 700 de code de procédure civile.

- Réservé les dépens'.

Le 19 novembre 2019, M. [Y] a interjeté appel.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 1er avril 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [Y] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges;

Et statuant à nouveau de :

1) Condamner du fait de l'annulation de la décision d'homologation du 3 mars 2014 la société Mory-Ducros sur le fondement de l'article L1233-58 du code du travail et allouer au salarié appelant M. [Y] les indemnités suivantes : 4 années de salaire soit la somme de 100 360 euros,

- Fixer ces mêmes créances au passif de la société Mory-Ducros,

- Dire le jugement à intervenir opposable au CGEA d'Ile de France Est,

2) Condamner in solidum du fait de la situation de co-emploi les sociétés Mory-Ducros et Arcole Industries, à verser à l'appelant l'indemnité suivante pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 4 années de salaire soit la somme de 100 360 euros,

3) Condamner la société Mory-Ducros du fait de la violation de l'obligation individuelle de reclassement à payer à l'appelant l'indemnité suivante pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 4 années de salaire soit la somme de 100 360 euros,

- Fixer ces mêmes créances au passif de la société Mory-Ducros,

- Dire le jugement à intervenir opposable au CGEA d'Ile de France Est,

- Condamner la société Mory-Ducros et la société Arcole à payer à chacun des salariés une indemnité de 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Assortir les condamnations à intervenir d'intérêts au taux légal ;

- Condamner les sociétés Mory-Ducros et Arcole aux entiers dépens ;

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 1er avril 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société Arcole Industries demande à la cour de :

- Constater l'abandon de la demande de M. [V] [Y] quant à la communication de pièces ou, subsidiairement, l'en débouter ;

- Constater l'absence de lien contractuel entre l'appelant et la société Arcole Industries ;

- Constater l'absence de co-emploi entre les sociétés Mory-Ducros et Arcole Industries,

En conséquence :

- Mettre hors de cause la société Arcole Industries et ne pas lui rendre opposable l'arrêt qui sera rendu à l'encontre de M. [K] [R], mandataire liquidateur,

- Débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

En tout état de cause, à titre reconventionnel :

- Condamner l'appelant à payer à la société Arcole Industries la somme de 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 30 mars 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Me [R], mandataire de la société Mory-Ducros demande à la cour de :

A titre principal,

- Dire et juger que le salarié est prescrit en son action,

En conséquence,

- Débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

- Fixer la rémunération moyenne mensuelle brute de le salarié à la somme de 2 524,24 euros, incluant une prime de 13 ème mois.

- Dire et juger que le salarié ne saurait cumuler les indemnités sollicitées,

- Dire et juger que le salarié ne justifie ni de l'existence, ni du quantum de ses demandes pouvant excéder 6 mois de salaire tel que prévu à l'article L 1233-58 (II) du code du travail.

En tout état de cause,

- Débouter le salarié de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Statuer ce que de droit sur les dépens,

- Déclarer le jugement à intervenir opposable à l'AGS-CGEA.

Par conclusions remises au greffe et transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 20 avril 2020, l'Unedic délégation AGS CGEA Ile de France Est demande à la cour de :

A titre principal

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

- Jugé que les dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution seront à la charge de M. [Y],

Jugeant à nouveau,

- Déclarer l'appelant mal fondé en ses demandes,

- Dire et juger que l'article L.1235-16 du Code du travail ne s'applique pas en présence d'une procédure collective,

En conséquence,

- Débouter l'appelant de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

- Débouter l'appelant de ses autres demandes dans l'hypothèse où la Cour considèrerait l'article L.1235-16 applicable à l'espèce,

- Débouter l'appelant de ses demandes au titre de l'obligation de reclassement, le PSE et le mandataire ayant satisfait à leurs obligations en la matière,

A titre subsidiaire,

- Débouter l'appelant de ses demandes de dommages et intérêts au titre du reclassement individuel,

Sur la demande de co-emploi entre Mory-Ducros et la société Arcole Industries,

A titre principal,

- Dire et juger que l'AGS s'associe aux explications du mandataire liquidateur de la société Mory-Ducros,

- Constater l'absence de co-emploi entre les sociétés Arcole et Mory-Ducros,

En conséquence,

- Débouter l'appelant de ses demandes de dommages et intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire, en présence d'un co-emploi,

Vu l'article L.622-22 du Code de commerce

- Dire et juger qu'une condamnation in solidum à l'égard du passif de la procédure collective est impossible

En conséquence,

- Mettre hors de cause de l'AGS en vertu du principe de subsidiarité en présence d'un co employeur in bonis,

Vu l'article L. 1233-3 du Code travail,

Vu les articles L. 640-1 et suivants du Code de commerce

- Dire et juger que le licenciement de l'appelant repose sur un motif économique incontestable concernant la société Mory-Ducros,

En conséquence,

- Débouter l'appelant de ses demandes à l'encontre de la société Mory-Ducros,

En tout état de cause, en présence d'un co-emploi

Vu l'article 1240 du Code civil,

Vu l'article L.3253-20 du Code du travail,

- Condamner la société Arcole Industries à verser à l'AGS la somme de 64.781.691,12 euros au titre des avances réalisées par l'AGS dans le cadre de la liquidation de la société Mory-Ducros,

Subsidiairement,

- Condamner la société Arcole Industries à verser à l'AGS les sommes déjà avancées au salarié dans le cadre du présent contentieux,

- Condamner la société Arcole Industries à garantir l'AGS pour les éventuels montants qui seront fixés au passif de la société Mory-Ducros

- Dire et juger que, dans les rapports entre l'AGS et la société Arcole Industrie, qui est in bonis, la contribution à la dette solidaire incombera le cas échéant entièrement à cette dernière,

Sur la garantie de l'AGS,

- Dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

- Dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie.

- Dire et juger qu'en tout état de cause, aux termes des dispositions de l'article L.3253-17 du code du travail, la garantie est nécessairement plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail,

- Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 5 avril 2022.

En cours de délibéré, la cour a constaté que les pièces individuelles 1 à 7 mentionnées au bordereau de communication de pièces de Me [R], mandataire de la société Mory-Ducros, ne se trouvaient pas dans le dossier qui lui avait été remis et, conformément aux dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, a invité son conseil à les lui remettre par message en date du 13 juin 2022.

Par message en date du 17 juin 2022, le conseil de l'intimé a indiqué que ces pièces avaient été égarées.

MOTIFS

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

Il sera observé à titre liminaire que la prescription des demandes de M. [Y] tendant à contester le licenciement avait été soulevée par l'AGS en première instance. Le conseil de prud'hommes n'avait pas statué sur ce point en observant que le salarié n'avait pas conclu et avait indiqué dans son jugement qu'il sursoyait à statuer sur la prescription, tout en déboutant le salarié de l'ensemble de ses demandes dans le dispositif.

La prescription n'est plus évoquée par l'AGS à hauteur d'appel, mais par le mandataire liquidateur, lequel soutient que la prescription de 12 mois de l'article 1235-7 du code du travail relative à toute contestation portant sur le licenciement pour cause économique est applicable à l'ensemble des demandes du salarié.

Aux termes de l'article L.1235-7 du code du travail : 'Toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement pour motif économique, à compter de la notification de celui-ci'.

Le liquidateur soutient que le périmètre des actions concernées par la prescription de l'article L.1235-7 a nécessairement évolué, dès lors que le contentieux de l'absence ou de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi est désormais confié par l'article L.1235-7-1 au juge administratif et que les demandes de M. [Y] formées à l'encontre de la société Mory-Ducros reposent exclusivement sur l'article L.1235-16 du code du travail auquel la prescription de l'article L.1235-7 est applicable.

Il résulte cependant des dispositions de l'article L.1233-58 II du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, qu'en cas de licenciements intervenus dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire en l'absence de toute décision relative à la validation de l'accord mentionné à l'article L.1233-24-1 du même code ou à l'homologation du document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'article L.1235-16 dudit code ne s'applique pas.

Cependant, le délai de prescription de douze mois prévu par l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et applicable du 1er juillet 2013 au 24 septembre 2017, concerne les contestations, de la compétence du juge judiciaire, fondées sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, telle la demande d'indemnisation prévue à l'article L. 1233-58 II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

Son licenciement a été notifié à M. [Y] le 6 août 2015. Il a saisi le Conseil de Prud'hommes le 27 avril 2017.

Il en résulte que sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article L.1233-58, II, du code du travail est irrecevable comme prescrite.

En revanche, ses demandes de dommages et intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne relèvent pas du domaine de l'article L.1235-7 du code du travail, mais des dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail, lequel, en sa version applicable du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017, dispose que ' toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit'.

Il en résulte que les demandes de M. [Y] au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas prescrites.

Sur l'existence d'un coemploi

Il est constant qu'hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Au titre de la démonstration qui lui incombe de la qualité de coemployeurs des sociétés Mory-Ducros et Arcole, M. [Y] fait valoir l'existence d'une immixtion de la société Arcole Industries dans la gestion économique et sociale de la société Mory-Ducros qu'il caractérise, d'une part par le fait que M. [D] [J] directeur général de la société Arcole et son équipe de 5 salariés ont été amenés à diriger la société Mory-Ducros moyennant rémunération, d'autre part que M. [D] [J] est le signataire de la lettre de sollicitation de poste de reclassement adressée à toutes les sociétés du groupe.

La société Arcole Industries qui demande au demeurant de constater l'abandon de la demande de Monsieur [V] [Y] quant à la communication de pièces fait valoir qu'elle n'avait pas les moyens, notamment humains, de mettre en 'uvre les supposées conventions que les demandeurs, à tort, semblent penser qu'elle aurait pu régulariser.

Elle soutient qu'à aucun moment il n'y a eu, au sein d'Arcole Industries qui comptait cinq salariés, une centralisation ni même un transfert de quelque salarié que ce soit gérant les équipes Informatique, Comptabilité ou Ressources Humaines.

Elle justifie que la société Mory-Ducros était dotée d'une équipe de direction de dix personnes.

Le seul fait que le dirigeant de la filiale est issu du groupe et que M. [J] a exercé des fonctions, tant au sein de la société Arcole Industries qu'auprès de Mory-Ducros et qu'il a signé, en sa qualité de directeur-général de la société Mory-Ducros avec Maître [N], administrateur judiciaire, la lettre de recherche de reclassement en date du 6 février 2014, ne suffit pas à caractériser une immixtion permanente de la société dominante dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Le seul moyen énoncé par le salarié au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse tenant au fait que la société Arcole n'a participé ni à l'élaboration ou à la présentation du plan de sauvegarde de l'emploi, ni à l'exécution de l'obligation de reclassement individuel ni à l'établissement de la lettre de licenciement est dès lors dénué de portée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] de ses demandes dirigées contre la société Arcole.

Sur l'obligation de reclassement

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 applicable à l'espèce, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. L'obligation de reclassement s'exerce au regard des emplois disponibles et adaptés à la situation personnelle des salariés, dans les sociétés du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel. La preuve du périmètre du groupe de reclassement, est appréciée par le juge en fonction des éléments qui lui sont soumis tant par l'employeur que par le salarié.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Lorsqu'il ne dispose pas de postes de reclassement de la même catégorie que ceux occupés par les salariés dont le licenciement est envisagé, l'employeur doit proposer au salarié tous les emplois de catégorie inférieure en rapport avec ses compétences et ses aptitudes, sans présumer à l'avance un refus de sa part. L'offre de reclassement doit être précise, complète et individualisée. Il appartient à l'employeur de prouver qu'il a satisfait à son obligation de reclassement, sans que cette obligation soit amoindrie par la situation de redressement ou de liquidation judiciaire.

Il est constant que l'employeur est tenu de rechercher avant tout licenciement et de proposer à chacun des salariés dont le licenciement est envisagé, en vue de leur reclassement, des emplois adaptés à leur qualification, alors même qu'un plan social est établi.

M. [Y] fait valoir que le mandataire liquidateur n'a pas mené de bonne foi des recherches de reclassement en envoyant à quelques sociétés du groupe de reclassement une lettre circulaire ne comportant ni intitulé du poste devant faire l'objet d'une suppression, ni sa catégorie professionnelle.

Il fait valoir que cette lettre ne comportait aucune indication relative aux salariés menacés de licenciement pour lesquels la recherche était effectuée, aucune indication relative au diplôme, l'expérience, la carrière ou encore les qualifications, les compétences spécifiques, la polyvalence et l'ancienneté des salariés qui occupaient les postes visés et dont le licenciement était envisagé.

Il est constant que le liquidateur judiciaire a disposé d'un temps contraint dans ses recherches de reclassement.

Dans un contexte où 2.882 salariés étaient concernés, il était fondé à adresser aux entités du groupe une lettre dans laquelle il les interrogeait de façon circonstanciée sur leurs postes disponibles, en leur demandant toutes précisions sur la nature des contrats, le statut, la fonction, la qualification, le détail des attributions, la rémunération, le lieu, le temps et les horaires de travail, les autres avantages éventuels et la convention collective.

Il justifie avoir sollicité le groupe Caravelle.

Il justifie par ailleurs avoir procédé à une recherche de reclassement externe en communiquant à diverses entreprises, ainsi à la commission paritaire nationale de l'emploi et les syndicat TLF, OTRE, STIF, UTP, SNTL, UNOSTRA, FNTR, l'annexe sociale du jugement comportant des indications sur les emplois, la qualification et le lieu d'exercice des salariés non repris.

L'AGS fait état de 13.695 courriers adressés par le liquidateur judiciaire aux entreprises de la branche transport.

Cependant, le liquidateur judiciaire ne produit pas le questionnaire de reclassement interne dans les entreprises du groupe situées à l'étranger, outre la note d'information sur les départs volontaires qu'il aurait adressé à M. [Y].

Il ne justifie pas des offres de reclassement qu'il a faites au salarié.

Il ne rapporte pas la preuve que M. [Y] a bénéficié d'une recherche sérieuse et loyale.

Dès lors le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

M. [Y] ne consacre aucun développement particulier dans ses écritures à l'administration de la preuve de son préjudice pour justifier de l'importance de la somme réclamée, notamment quant à sa situation professionnelle.

En considération d'une ancienneté de 23 ans révolus et d'un salaire de référence de 2.524,24€, une somme de 40.000 euros sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory-Ducros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le remboursement à Pôle-emploi

Aux termes de l'article L1235-4 du code du travail, 'dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées'.

Ce remboursement sera ordonné à hauteur de 2 mois sous déduction de la contribution de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle, prévue à l'article L.1233-69 du code du travail.

Sur la fixation des créances et la garantie de l'AGS

La présente procédure ne peut tendre qu'à la fixation du montant des créances de M. [Y] qui, en raison de leur origine antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, sont soumises au régime de la procédure collective.

Il y a lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA IDF Est qui sera tenue à garantie dans les termes et conditions des articles L3253-6 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du Code du travail.

Le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) d'Ile de France Est ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties, et à l'exception de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, que sur présentation d'un relevé du mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur le cours des intérêts

M. [Y] demande que la condamnation porte intérêt au taux légal. Cependant, en application de l'article L622-28 du code de commerce le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société Mory-Ducros a arrêté le cours des intérêts légaux. C'est pourquoi les intérêts légaux dont le point de départ ne pouvait courir qu'à partir du prononcé de la décision ne sont pas dus en l'espèce.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Me [R], ès qualités sera condamné aux dépens de l'instance d'appel.

L'équité commande de débouter la société Arcole de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre M. [Y].

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement en ce qu'il n'a pas jugé M. [Y] irrecevable en sa demande fondée sur l'article L.1233-58 II du code du travail et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dirigée contre la société Mory-Ducros ;

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] de ses autres demandes sauf à préciser la mise hors de cause de la société Arcole ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

DIT que M. [Y] est irrecevable en sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article L. 1233-58, II, du code du travail ;

FIXE la créance de M. [Y] au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory-Ducros, représentée par son liquidateur Me [R], à la somme de 40.000 euros ;

ORDONNE à Me [R], mandataire de la société Mory-Ducros de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [Y] à hauteur de 2 mois sous déduction de la contribution de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle;

Dit que l'UNEDIC Délégation AGS Ile de France Est à qui le présent arrêt est opposable doit sa garantie dans les limites légales ;

CONDAMNE Me [R], mandataire de la société Mory-Ducros aux dépens ;

CONDAMNE Me [R], mandataire de la société Mory-Ducros à payer à M. [Y] une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 19/11680
Date de la décision : 06/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-06;19.11680 ?
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