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05/07/2022 | FRANCE | N°20/03282

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 05 juillet 2022, 20/03282


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 05 JUILLET 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03282 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3RF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/08874



APPELANT



Monsieur [K] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]


Représenté par Me Jean-baptiste ABADIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0368



INTIMEE



E.P.I.C. REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée p...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 05 JUILLET 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03282 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3RF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/08874

APPELANT

Monsieur [K] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean-baptiste ABADIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0368

INTIMEE

E.P.I.C. REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thomas ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0920

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE

M. [K] [Z] a été embauché par l'EPIC la régie autonome des transports parisiens (RATP) le 11 septembre 1995 par contrat à durée indéterminée à temps plein, en qualité de « Agent statutaire RATP'» en application du statut de la RATP.

A l'issue de la visite médicale du 20 août 2012, M. [Z] a été déclaré 'inapte définitif à l'emploi statutaire' et le 6 septembre 2012, le médecin du travail l'a déclaré 'inapte définitif statutaire' avec la mention 'poursuivre les aménagements antérieurs : postes du matin, charges inférieures à 5 kg, pas de station debout permanente'.

Le 25 avril 2013, à l'issue de la visite de reprise après au moins 30 jours d'arrêt maladie, M. [Z] a été déclaré 'apte avec aménagement de poste : pas de port de charges lourdes supérieures à 10 kg, pas de contact avec la clientèle, horaires adaptés et réguliers, horaire du matin si possible, pas de conduite, éviter la position statique prolongée.'

A l'issue de la visite de reprise pour maladie, le 16 novembre 2015, le médecin du travail a déclaré M. [Z] inapte définitif à l'emploi statutaire avec la mention 'en cours de reclassement, pas de conduite de VL ni de bus, ne doit pas porter de charges lourdes de plus de 5 kg, à affecter à des horaires du matin, pas de contact clientèle, peut effectuer tout autre travail administratif ou de terrain, à revoir dans deux mois'.

Le 27 juin 2016, à l'issue d'une visite périodique couplée avec une visite de reprise après malaise, M. [Z] a été déclaré inapte définitif à l'emploi statutaire avec les mêmes restrictions que précédemment.

Le 18 septembre 2017, les conclusions du médecin du travail sont les suivantes 'en attente d'un poste de reclassement, inapte définitif au poste de machiniste R depuis 2012, reprise en mi-temps thérapeutique, peut travailler en équipe au centre sans conduite de bus, sans port de charges lourds de plus de 5 kg avec des horaires d'après midi uniquement, à revoir à la fin du temps partiel thérapeutique.'

Le 4 octobre 2018, le médecin du travail concluait la visite médicale faite à la demande de l'agent ainsi :'En attente d'un poste de reclassement. Inaptitude définitive au poste de machiniste depuis le 6 septembre 2012, rappel salarié RQTH, pas de CI médicale aux postes d'agent du SDLN et opérateur de contrôle. Immersion à SEM possible mais horaires à plat nécessaires pour des raisons médicales'.

Le 26 octobre 2018, M. [Z], inapte définitif au poste de machiniste receveur depuis le 6 septembre 2012 était déclaré apte au poste d'AAM (animateur agent mobile).

Le 25 février 2019, le médecin du travail indiquait, outre l'inaptitude définitive au poste de machiniste receveur depuis le 6 septembre 2012, 'à reclasser sur un poste permettant alternance entre la position assise et debout, à affecter sur des horaires d'après midi'.

Le 8 août 2019, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable de licenciement fixé au 20 août 2019 avant d'être réformé avec impossibilité de reclassement le 27 août 2019.

Contestant sa réforme et réclamant diverses indemnités M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 4 octobre 2019 qui par jugement rendu le 19 mai 2020 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des prétentions initiales et antérieures des parties, a statué comme suit :

- Condamne la Régie Autonome des Transports parisiens à payer à M. [K] [Z] les sommes suivantes':

* 17.800 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 6.685.47 euros au titre des congés payés afférents,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute M. [K] [Z] du surplus de ses demandes,

- Déboute la Régie Autonome des Transports parisiens de sa demande reconventionnelle et la condamne au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 3 juin 2020, M. [K] [Z] a interjeté appel de cette décision rendue par le conseil de Prud'hommes le 19 mai 2020, notifiée par lettre du greffe aux parties le 25 mai 2020.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 juillet 2021, M. [K] [Z] demande à la Cour de':

- Prononcer la nullité de la réforme,

- Ordonner la réintégration de M. [Z] sous astreinte de 500 euros par jour de retard 8 jours après la signification du jugement à intervenir,

- Condamner la RATP au paiement à M. [Z] du montant total des salaires et congés payés afférents dont il a été privé depuis le 27 août 2019 et jusqu'à la date de sa réintégration effective, à savoir une indemnité égale à la somme mensuelle de 2.228,49 euros entre le 27 août 2019 et la date de réintégration effective,

- Condamner la RATP au paiement à M. [Z] de la somme de 25.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- Condamner la RATP à payer à M. [Z] la somme de 15.000 euros à titre de dommages- intérêts pour le défaut d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

A titre subsidiaire,

- Infirmer le jugement rendu le 19 mai 2020 par la section commerce du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a subsidiairement limité à la somme de 17.800 euros'le montant des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

-'Condamner la RATP à payer à M. [Z] la somme de 18.302,27 euros au titre du complément de l'indemnité de rupture,

- Condamner la RATP à payer à M. [Z] la somme de 66.854,70 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Encore plus subsidiairement,

- Infirmer le Jugement rendu le 19 mai 2020 par la section commerce du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté M. [Z] de sa demande de désignation d'un expert avec pour mission de donner tous éléments d'appréciation utiles pour établir si des permutations de personnel entre les différentes entités constituant le groupe RATP,

- Désigner tel expert qu'il plaira au conseil avec pour mission de donner tous éléments d'appréciation utiles pour établir si des permutations de personnel entre les différentes entités constituant le groupe RATP,

- Rappeler que pour les besoins de sa mission, l'expert pourra, en application des articles 242 et 243 du code de procédure civile, recueillir des informations orales ou écrites de toute personne et demander communication de tous documents aux parties et aux tiers,

- Dire que le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert sera consigné par la RATP,

-'Dire qu'à défaut de consignation il sera tiré toute conséquence de l'abstention ou de refus de consigner conformément aux dispositions de l'article 271 du code de procédure civile,

- Renvoyer l'examen de l'affaire à telle audience ultérieure qu'il plaira au conseil de fixer,

En tout état de cause,

- Condamner la RATP à payer à M. [Z] la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la condamner aux entiers dépens.

'

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2021, la RATP demande à la Cour de':

A titre principal,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié la réforme pour impossibilité de reclassement de M. [Z] en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la RATP à payer les sommes suivantes :

*17.800,00 euros 'au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 6.685,47 euros 'au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 668,55 euros au titre des congés payés afférents,

*'1.000 euros 'au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant a nouveau,

- Juger que la réforme de M. '[Z] pour impossibilité de reclassement est régulière et justifiée.

- Débouter 'M. [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

A titre subsidiaire,

- Débouter M. [Z] de ses demandes formées en cause d'appel,

- Infirmer 'le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la RATP à payer la somme de 17.800 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau,

- Ramener la condamnation prononcée à ce titre par le conseil de prud'hommes à de plus justes proportions compte tenu de l'absence de démonstration de tout préjudice, et au maximum à une indemnité équivalente à 3 mois de salaire,

- Débouter 'M. [Z] de ses autres demandes,

En tout état de cause,

- Condamner M. [Z] à verser à la RATP la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Le condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2022 et l'audience a été fixée au 7 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

Pour infirmation de la décision déférée en ce qu'elle n'a pas prononcé la nullité de la réforme, M. [Z] soutient en substance que celle-ci ne peut être prononcée que sur proposition de la commission médicale ; que la situation du salarié n'a jamais été soumise à cette commission qui n'a pas pu faire de proposition ; que toute décision prise en violation de cette garantie de fond est nulle ; qu'en outre, l'agent ne peut être mis à la réforme en raison de son inaptitude qu'après avoir été déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi statutaire, puis par la commission médicale inapte à tout emploi à la régie ; que M. [Z] n'ayant pas été déféré à la commission médicale qui n'a pu prononcer l'inaptitude à tout poste au sein de la régie, la réforme abusivement prononcée par la RATP est donc nulle et de nul effet en ce qu'elle constitue en effet une discrimination liée à l'état de santé, prohibée par les dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail et une violation des dispositions d'ordre public du statut de la RATP ; que la réintégration de M. [Z] est donc de droit.

La RATP réplique que le salarié opère une confusion entre les différents types de réforme et les dispositions statutaires les régissant ; qu'il ne remplit pas les conditions de la réforme prévue à l'article 50 des statuts ; que la RATP a mené une recherche loyale et sérieuse de reclassement et la procédure mise en oeuvre dans le cadre de la réforme pour impossibilité de reclassement de M. [Z] est parfaitement régulière.

****

L'article 50 du statut du personnel de la RATP dispose que la réforme est prononcée par le Président directeur général sur proposition de la commission médicale visée à l'article 94. L'agent réformé est soumis aux dispositions du règlement des retraites.

L'article 94 précise que la commission médicale se réunit périodiquement en vue de donner un avis sur les cas particuliers et obligatoirement, notamment :

- à la demande des agents en congé de maladie depuis plus de trois mois sur leur inaptitude à tout emploi à la RATP après avis d'inaptitude définitive à l'emploi statutaire par le médecin du travail et sur leur réforme ;

L'article 97 de même statut indique que l'inaptitude à l'emploi statutaire, provisoire ou définitive, relève de la seule compétence du médecin du travail, qui peut, sur demande de l'agent, recueillir l'avis d'un médecin du conseil de prévoyance.

L'article 98 précise que l'inaptitude définitive à tout emploi à la Régie relève de la seule compétence de la commission médicale et entraîne obligatoirement la réforme de l'agent concerné.

Enfin l'article 99 du même statut prévoit que l'agent faisant l'objet, après avis du médecin du travail d'une décision d'inaptitude définitive peut être reclassé dans un autre emploi. Si l'agent n'est pas reclassé, il est reformé.

Le reclassement est subordonné :

1°- à l'établissement par l'agent d'une demande ;

2°- à la vacance d'un poste dans un autre emploi ;

3°- à la possession des aptitudes et capacités requises pour occuper l'emploi considéré.

Il résulte de la combinaison des articles L. 1211-1, L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable, 97 à 99 du chapitre VII du statut du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, la rupture du contrat de travail. Il est de droit que les dispositions de l'article 99 du statut de la RATP, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé, ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un tel reclassement, mais ne le dispensent pas d'inviter l'intéressé à formuler une telle demande, lorsque le médecin du travail l'a déclaré définitivement inapte à son emploi statutaire, en application de l'article 97 du même statut, et ce avant que la commission médicale ne se prononce, en application des articles 94 et 98, sur l'inaptitude à tout emploi dans la RATP.

La lettre portant réforme de M. [Z] est ainsi rédigée :

' Nous faisons suite à l'entretien préalable du 20 août 2019 auquel vous vous êtes présenté accompagné de M. [U] [P] et qui portait sur les faits rappelés ci-après.

Par deux avis médicaux successifs du 20 août 2012 et du 6 septembre 2012, le médecin, du travail a rendu à votre égard un avis d'inaptitude définitive d'origine non professionnelle à votre poste de machiniste receveur conformément à l'article R.4624-42 du code du travail.

Nous avons engagé des recherches au sein du groupe RATP en vue de votre reclassement sur un poste disponible compatible avec vos capacités et conforme aux préconisations du médecin du travail, à savoir 'poste du matin, charges inférieures à 5kg, pas de station debout permanente'.

En ce sens nous vous avons proposé 3 postes :

- le poste de voiture de régulation de nuit en mars 2015,

- le poste d'animateur agent mobile en novembre 2018,

- le poste de contrôleur en avril 2019.

Ces propositions de reclassement n'ont pu aboutir. Malheureusement nos recherches n'ont pas permis de trouver une autre solution de reclassement, faute de poste disponible au sein du groupe RATP qui serait compatible avec vis compétences et l'avis de du médecin du travail.

Par conséquent, nous sommes contraintes de vous notifier par la présente votre réforme pour impossibilité de reclassement en application de l'article 99 du statut du personnel et de l'article L.1226'2-1 du code du travail. Cette mesure prendre effet à la date de la première présentation de ce courrier à votre domicile.'

Il résulte des avis d'inaptitude des 20 août et 6 septembre 2012 que M. [Z] a été déclaré inapte à l'emploi statutaire et non à tout emploi de la Régie étant observé que dans l'avis du 6 septembre 2012, le médecin du travail précise 'poursuivre les aménagements antérieurs...', avis confirmé à l'issue des visites médicales postérieures.

Après avoir reçu la convocation à l'entretien préalable, M. [Z] a, par courrier du 12 août 2019 contesté la procédure engagée et a sollicité la saisine de la commission médicale de l'article 94 du statut pour qu'elle statue sur la réforme et son éventuelle inaptitude définitive à tout emploi au sein de la RATP et de ses filiales et le prononcé d'une éventuelle réforme. Il n'est cependant pas établi ni soutenu par le salarié que celui-ci était en congé maladie depuis plus de trois mois.

La RATP n'était donc pas tenue de réunir la commission médicale.

Pour autant, M. [Z] n'étant pas déclaré inapte à tout emploi de la Régie, il appartenait à la RATP de rechercher sérieusement et loyalement un poste de reclassement.

La RATP a proposé un poste d'animateur agent mobile en novembre 2018 à M. [Z], le médecin du travail ayant indiqué le 26 octobre 2018 que l'agent était apte 'au poste d'AAM'. M. [Z] ayant échoué aux tests pour pouvoir bénéficier de la formation au poste d'AAM, la proposition de reclassement à ce poste n'a pas été poursuivie.

Le poste proposé le 10 avril 2019 et accepté par M. [Z] le 12 avril 2019 était un poste de contrôleur soumis à une formation entamée le 20 mai 2019, sur le site de [Localité 5].

A cet égard, le médecin du travail à l'issue de la visite médicale du 25 avril 2019 avait précisé 'reclassement à SCC (service contrôle clients) en tant que contrôleur possible d'un point de vue médicale.'

Dès le 20 mai 2019, l'agent sollicitait une affectation plus proche de son domicile et des horaires en adéquation avec sa situation de travailleur handicapé. Le 12 juin 2019, M. [Z] était victime d'une 'cardiopathie - malaise - Douleur thoracique' sur le lieu de formation et bénéficiera d'un arrêt de travail prolongé jusqu'au 31 août 2019. La Cour relève que selon le planning de la formation produit par l'agent, elle était dispensée de 9H à 16H avec une heure de pause pour déjeuner et 15 minutes de pause toutes les 1H30.

Au constat que la RATP a proposé à M. [Z] un poste nécessitant une formation dispensée à plus de deux heures (4heures AR) de son domicile alors qu'elle ne pouvait ignorer ses difficultés de santé et qu'elle l'a réformé alors qu'il était en arrêt de travail pour un malaise survenu pendant le temps et sur le lieux du travail, sans remettre à plus tard la formation et sans l'organiser eu égard à l'état de santé de M. [Z], il s'en déduit que la RATP n'a pas exécuté loyalement son obligation de reclassement et que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la réforme de M. [Z] produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris, eu égard à l'ancienneté de l'agent, entre 3 mois et 17,5 mois de salaire.

A la date de la rupture du contrat de travail, M. [Z], âgé de 53 ans, bénéficiait d'une ancienneté de 24 ans. Il ne justifie pas de sa situation après la rupture. Compte tenu de ces éléments et au vu de ses bulletins de paie, il convient, par infirmation de la décision critiquée de condamner la RATP à lui verser la somme de 35.000 €.

M. [Z] est en droit de réclamer l'indemnité compensatrice à hauteur de 6.685,47 € outre les congés payés afférents, soit 668,55 €. La décision déférée sera confirmée de ces chefs.

Si M. [Z] a été réformé alors qu'il était placé en arrêt de travail en raison d'un accident survenu pendant le temps et sur le lieu du travail, il n'en demeure pas moins que cet accident ne peut pas être l'origine de l'inaptitude à son emploi de machiniste receveur, constatée en 2012.

Il convient donc, par ajout à la décision déférée, de débouter M. [Z] de la demande de complément d'indemnité de rupture.

Sur l'exécution de bonne foi

Il résulte des éléments versés aux débats que la RATP a tardé à proposer un poste de reclassement à M. [Z] qui est resté 7 ans à exécuter quelques missions, sans être contredit sur ce point par la RATP et sans certitude sur l'évolution de sa carrière eu égard à la déclaration d'inaptitude définitive à son emploi de machiniste receveur en 2012. En outre, alors qu'elle avait connaissance de la santé fragile de l'agent et de son statut de travailleur handicapé, elle n'a pas cru devoir répondre à son courrier demandant une formation et une affectation plus proche de son domicile situé à [Localité 4] (78). Ces éléments caractérisent une exécution de mauvaise foi du contrat de travail qui a causé un préjudice à M. [Z] en qu'il est resté dans l'incertitude sur sa situation professionnelle pendant de nombreuses années.

En réparation de ce préjudice et par ajout au jugement critiqué, il convient de condamner la RATP à verser à M. [Z] la somme de 5.000 € de dommages-intérêts.

Sur les indemnités de chômage

En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la RATP des indemnités de chômage versées à M. [Z] dans la limite de 6 mois.

Sur les frais irrépétibles

La RATP sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. [Z] la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE l'EPIC la régie autonome des transports parisiens à verser à M. [K] [Z] les sommes suivantes :

- 35.000 € d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.000 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [K] [Z] de sa demande de complément d'indemnité de rupture,

CONDAMNE l'EPIC la régie autonome des transports parisiens à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [K] [Z] dans la limite de 6 mois,

CONDAMNE l'EPIC la régie autonome des transports parisiens aux entiers dépens,

CONDAMNE l'EPIC la régie autonome des transports parisiens à verser à M. [K] [Z] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/03282
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;20.03282 ?
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