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05/07/2022 | FRANCE | N°20/03246

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 05 juillet 2022, 20/03246


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 05 JUILLET 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03246 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3NH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 19/00340



APPELANTE



Madame [W] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]


Représentée par Me Aurélie RIMBERT-BELOT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 241



INTIMEE



SAS ASTORIA SECURITE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Bruno REGNIER...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 05 JUILLET 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03246 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3NH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 19/00340

APPELANTE

Madame [W] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie RIMBERT-BELOT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 241

INTIMEE

SAS ASTORIA SECURITE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [W] [B] a été engagée à compter du 1er septembre 2016 par la SAS Astoria Sécurité en qualité d'agent de sécurité d'exploitation SSIAP 1, par contrat à durée indéterminée écrit à temps plein en application de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 30 juillet 2018, la SAS Astoria Sécurité a convoqué Mme [W] [B] à un entretien préalable fixé le 26 juillet 2018. La salariée ne s'étant pas présentée, la société l'a de nouveau convoquée le 9 août à un entretien fixé le 9 août 2018, en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Le 3 septembre 2018, la SAS Astoria Sécurité a notifié à Mme [B] son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Contestant son licenciement et réclamant diverses sommes Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil qui par jugement auquel la Cour se réfère dans l'exposé des prétentions initiales et antérieures des parties a statué comme suit':

- Dit et Juge bien fondé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [B];

- Déboute Mme [B] de l'intégralité de ses demandes ;

- Déboute la SAS Astoria Sécurité de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que les dépens de la présente instance sont à la charge de Mme [B].

Par déclaration du 28 mai 2020, Mme [W] [B] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2022, Mme [B] demande à la Cour de':

- Déclarer Mme [B] recevable et bien fondée en son appel et en l'ensemble de ses demandes ;

- Infirmer le jugement entrepris ;

En conséquence, statuant à nouveau :

- Dire et juger que le licenciement de Mme [B] est sans cause réelle et sérieuse;

En conséquence :

- Condamner la société Astoria Sécurité à payer à Mme [B] les sommes suivantes:

* Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 6.218,66 euros,

- Condamner la société Astoria Sécurité à communiquer sous astreinte journalière de 20 € et par document l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail et le bulletin de paie conformes ;

- Condamner la société Astoria Sécurité à payer à Mme [B] la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Prononcer les condamnations majorées des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- Condamner la société Astoria Sécurité aux entiers dépens ;

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er mars 2022, la société Astoria Sécurité demande à la Cour de':

- Recevoir la société Astoria Sécurité en ses conclusions et de l'y déclarer bien fondée ;

Y faisant droit,

- Débouter Mme [B] de son appel en ce qu'il est mal fondé ;

En conséquence,

- Confirmer 'le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Réduire les prétentions indemnitaires de Mme [B] à de plus justes proportions, au regard du préjudice réellement subi, qui n'est pas démontré ;

Pour le surplus,

- Condamner Mme [B] à payer à la société Astoria Sécurité une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Mme [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2022 et l'audience a été fixée au 7 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse

Pour infirmation de la décision entreprise, Mme [B] soutient en substance que ni la réalité ni la gravité des fautes ne sont démontrées par l'employeur.

La société Astoria Sécurité réplique que les faits fautifs qui se sont déroulés le 9 juillet 2018 et qui sont rappelés avec précision dans la lettre notifiant à la salariée son licenciement, sont parfaitement établis, étant rappelé que, par courrier daté du 18 avril 2018, moins de trois mois auparavant, la salariée avait déjà fait l'objet d'un avertissement précisément en raison du non-respect des consignes très claires données par son employeur concernant ce même site de la société Ayming.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles'; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige est ainsi rédigée :

« Le lundi 09 juillet 2018, de 20h00 à 8h00, vous effectuiez une vacation d'agent SSIAP1 sur le site de notre client AYMING, [Adresse 1], à [Localité 6].

Le lendemain, notre client, M. [L] [T], Chief Procurement Officer, nous a fortement reproché, à juste titre, la présence de votre fils dans ses locaux, donc sur votre lieu de travail, après 20h00. Lors de l'entretien du 9 août 2018, vous avez reconnu les faits en nous disant que vous n'aviez pas pu faire autrement, n'ayant pas trouvé de solution pour le faire garder en début de soirée. Votre attitude inadmissible, incompatible avec votre profession et les missions qui vous ont confiées a gravement porté atteint et à l'image et à la réputation de notre société Astoria Sécurité.

Le vendredi 27 juillet 2018, de 20h00 à 8h00, vous effectuiez une vacation d'agent SSIAP1 sur le site de notre client AYMING, [Adresse 1], à [Localité 6].

Le lundi suivant, notre client M. [O] [I], responsable FM et Security, nous a un transmis un mail dans lequel il nous transmet les informations suivantes :

« Nous souhaiterions comprendre pourquoi votre agent n'a pas respecté la procédure de déclenchement de l'astreinte Dalkia ce week-end. Vendredi 27 juillet à 22h25, l'alarme de la GTB concernant le rafraîchissement de la salle serveurs s'est déclenchée une première fois, puis elle déclenchera des rappels toute la nuit, pas de réactions de l'agent !!!!!!

Il faudra attendre samedi 28 juillet 9h25 environ, que des personnes du service informatique AYMING venant travailler signalent à votre agent, que la salle informatique avait dépassé les 40°C, celui-ci déclenchera l'astreinte Dalkia qui effectuera la remise en route des installations.

Votre agent ne sera entrée qu'une seule fois dans la salle serveurs le vendredi 27/07 à 23h38, puis plus aucun passage dans la nuit, pourquoi !!! Les premiers dégâts constatés concerne la perte de 3 disques durs 4TO du serveur de vidéo-surveillance qui ont surchauffé, nous vous enverrons bien évidement la facture ».

Lors de l'entretien du 9 août 2018, vous avez nié les faits en nous affirmant que vous aviez bien effectué vos différentes rondes, dont la ronde intermédiaire et que vous n'aviez rien, remarqué ni entendu.

Afin de faire la lumière sur ce dossier, M. [E] votre responsable d'exploitation vous a alors proposé de demander à notre client le relevé détaillé de votre badgage lors de cette nuit du 27 au 28 juillet tout en vous précisant les risques que vous encouriez si ce relevé allait à l'encontre de vos déclarations. Réitérant vos affirmations, sûre de vous, vous avez accepté. Nous avons donc pris le risque de mander à notre client de nous transmettre le relevé détaillé de votre badge lors de cette nuit du 27 au 28 juillet, quitte à ce qu'il nous reproche de remettre en cause les informations qu'il nous avait initialement transmises.

Nous avons reçu ces informations le mardi 28 août.

Hélas, le relevé détaillé démontre non seulement que vous n'avez pas bougé de votre PC entre 23H54 et 6H30, que vous n'avez donc pas effectué de ronde intermédiaire, mais encore que vous avez bâclé votre ronde d'ouverture.

Vous nous avez donc menti et sur la foi de vos mensonges nous nous sommes mis dans une situation délicate avec notre client.

Votre attitude inadmissible et répétée, incompatible avec votre profession et les missions qui vous sont confiées a gravement porté atteinte à l'image et à la réputation de notre société ASTORIA SECURITE.

Dans ces conditions, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. »

S'agissant de l'incident survenu dans la nuit du 27 au 28 juillet 2018, le relevé du badgage de la salariée durant cette nuit révèle des passages dans différents lieux et notamment à 23H38 dans le local serveur. Le seul courriel de M. [I] de la société Ayming selon lequel le vendredi 27 juillet à 22H25 l'alarme de la GTB concernant le rafraîchissement de la salle serveur s'est déclenchée une première fois puis déclenchera des rappels toute la nuit, sans réaction de l'agent est insuffisant à caractériser d'une part l'existence de l'incident et d'autre part l'imputation du réchauffement du local à l'absence de réaction de Mme [B] à défaut, comme le soutient à juste titre la salariée, pour l'employeur d'établir que l'alarme s'est déclenchée comme le prétend la société Ayming, ni l'heure du prétendu incident. En outre, si le relevé de badgeage établit que la salariée n'a pas badgé entre 23H45 et 6H31, l'employeur n'établit pas qu'elle aurait ainsi manqué à ses obligations contractuelles, aucune consigne ayant été portée à la connaissance de la salariée n'étant à cet égard versée aux débats. Le doute devant profiter à la salariée, ce grief ne peut pas être retenu.

La présence du fils de la salariée sur son lieu de travail n'est pas contestée par la salariée. Pour autant, il n'est nullement établi que le client s'est plaint de la prestation de l'agent et de la présence de son fils dont il n'est nullement précisé la durée. En conséquence, cette présence sur le lieu de travail n'est pas de nature à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Par infirmation de la décision entreprise, il convient donc de juger que le licenciement de Mme [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant, eu égard à l'ancienneté de la salariée, est compris entre 3 mois et 3,5 mois de salaire.

Compte tenu de l'ancienneté de la salariée, de son âge, de ce qu'elle justifie avoir perçu les indemnités chômage du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, et vu les bulletins de paie produits aux débats, il convient de lui allouer la somme de 5.500 € d'indemnité en application de l'article L.1235-3.

Sur les indemnités chômage

En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la société Astoria Sécurité des indemnités de chômage versées à Mme [B] dans la limite de 3 mois.

Sur les documents de fin de contrat

L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'étant pas un élément à renseigner sur le dernier bulletin de salaire ou l'attestation pôle emploi, il n'y a pas lieu de condamner sous astreinte la société à remettre les documents sollicités à la salariée.

Sur les frais irrépétibles

La société Astoria Sécurité sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à Mme [B] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme [W] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS Astoria Sécurité à verser à Mme [W] [B] la somme de 5.500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE la SAS Astoria Sécurité à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [W] [B] dans la limite de 3 mois,

DIT n'y avoir lieu de condamner sous astreinte la SAS Astoria Sécurité à remettre les documents de fin de contrat conformes à la présente décision,

CONDAMNE la SAS Astoria Sécurité aux entiers dépens,

CONDAMNE la SAS Astoria Sécurité à verser à Mme [W] [B] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/03246
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;20.03246 ?
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