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05/07/2022 | FRANCE | N°20/03243

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 05 juillet 2022, 20/03243


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 05 JUILLET 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03243 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3M7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° F18/00707



APPELANTE



S.A.S. HP BTP

[Adresse 2]

[Localité 4]r>
Représentée par Me Marianne DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173



INTIME



Monsieur [R] [D] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Phi...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 05 JUILLET 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03243 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3M7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° F18/00707

APPELANTE

S.A.S. HP BTP

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Marianne DEWINNE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173

INTIME

Monsieur [R] [D] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Philippe ACHACHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [D] [T] a été engagé par contrat à durée indéterminée à temps complet, le 1er février 2011 par la SAS HP BTP, en qualité d'ouvrier compagnon, qualification maçon en application de la convention collective des travaux publics.

Le 8 août 2012, M. [D] [T] a été victime d'un accident du travail et placé en arrêt de travail à ce titre jusqu'au 20 décembre 2017.

Le 15 janvier 2015 le salarié a obtenu la qualité de travailleur handicapé et se verra attribuer le 3 mars 2018 une rente d'incapacité permanente de 15%.

A l'issue de la visite médicale de reprise du 21 décembre 2017, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte.

Le 5 janvier 2018, M. [D] [T] a été convoqué' à un entretien préalable à un licenciement fixé au 15 janvier 2018 avant d'être licencié le 18 janvier 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 22 décembre 2018, contestant son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [D] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint Georges qui, par jugement rendu le 17 mars 2020 auquel la Cour se réfère pour les prétentions initiales et antérieures des parties, a statué comme suit :

- Dit que la rupture du contrat de travail dont a pris l'initiative la SAS HP BTP en date du 18 janvier 2018 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Fait droit à la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail';

En conséquence':

- Condamne la SAS HP BTP, prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [D] [T] les sommes suivantes':

* 13.812 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du code du travail,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- Rappelle que conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, que la somme alloué en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile portera intérêts au taux légal à compter du jour du prononcer du présent jugement, soit à compter du 17 mars 2020 ;

- Rappelle que la moyenne mensuelle brute des trois derniers salaires de M. [D] [T] est fixé à la somme de 2.302 euros ;

- Dit que s'appliquera l'exécution provisoire de droit conformément aux dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail';

- Ordonne à la SAS HP BTP compte tenu de la qualification du licenciement qui est retenue , et des conséquences financières, il ya lieu d'ordonner à la SAS HP BTP la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation Pole Emploi, et un Certificat de travail conforme à la présente décision sous astreinte de 10 euros par jour de et par document sous quinze jours à compter de la présente notification en application de l'article R. 1234-9 du code du travail';

- Rejette le surplus des demandes';

- Déboute la SAS HP BTP de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile':

- Condamne la SAS HP BTP aux entiers dépens et aux éventuel frais d'exécution.

Par déclaration du 27 mai 2020, la société SAS HP BTP a interjeté appel de cette décision rendue par le conseil de Prud'hommes de Villeneuve Saint Georges le 17 mars 2020, notifiée par lettre du greffe aux parties le 9 avril 2020.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 décembre 2020, la société SAS HP BTP demande à la Cour de':

- Réformer en tous points le jugement rendu le 17 mars 2020 par le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint Georges ;

Et statuant de nouveau :

- Constater que le licenciement de M. [D] [T] est régulier et pourvu d'une cause réelle et sérieuse ;

- Rejeter l'ensemble des demandes incidentes de M. [D] [T] ;

A titre subsidiaire :

- Constater que M. [D] [T] ne démontre pas son préjudice et faire application du minimum prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail ;

A titre reconventionnel :

- Condamner M. [D] [T] à payer à la Société HP BTP la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [D] [T] aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 octobre 2020, M. [D] [T] demande à la Cour de':

-'Déclarer la SAS HP BTP irrecevable et mal fondée en son appel ;

-'La déclarer irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter purement et simplement ;

A titre principal,

-'Infirmer la décision en ce qu'elle a rejeté la demande de nullité de licenciement et condamner la SAS BTP à verser à M. [D] [T] de 41.436 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

A titre subsidiaire,

-'Confirmer la décision en ce qu'elle a dit le licenciement de M. [D] [T] dénué de cause réelle et sérieuse et condamner la SAS HP BTP à verser à M. [D] [T] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 41.436 euros ;

Dans tous les cas,

-'Confirmer le jugement pour le surplus ;

- Condamner la SAS HP BTP à payer la somme de 2.000 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2022 et l'audience a été fixée au 7 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement

Pour infirmation de la décision entreprise sur ce point, M. [D] [T] soutient en substance que les délégués du personnel n'ont pas été consultés conformément à l'article L.1226-10 du code du travail ; que le non respect de cette formalité substantielle doit être sanctionné par la nullité du licenciement.

La société HP BTP réplique que les délégués du personnel ont été régulièrement consultés.

En application de l'article L.1226-10 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il résulte du procès-verbal de consultation des délégués du personnel (devenu comité économique et social à compter du 1er janvier 2018) que le 3 janvier 2018, ces derniers ont été consultés sur les possibilités de reclassement de M. [D] [T] au sein de la société HP BTP ; que dans ce cadre, leur ont été soumis la liste des emplois, le curriculum vitae du salarié et les préconisations du médecin du travail de telle sorte qu'il est établi que les délégués du personnel ont été consultés avant la procédure de licenciement de M. [D] [T] conformément à l'article L.1226-10 du code du travail.

En conséquence, par confirmation de la décision critiquée, il convient de débouter M. [D] [T] de sa demande de nullité de son licenciement.

Sur l'obligation de reclassement

Pour infirmation de la décision entreprise, la société HP BTP soutient en substance que l'employeur est tenu de proposer au salarié déclaré inapte un emploi approprié à ses capacités ; que tel n'est pas le cas d'un poste nécessitant une formation initiale autre que celle acquise par le salarié ; que le poste de conducteur de travaux nécessite un niveau d'études que ne possède pas le salarié ; que la société ignorait la qualité de travailleur handicapé de M. [D] [T].

M. [D] [T] rétorque que le médecin du travail a émis un avis favorable pour une évolution de son activité salariée vers un poste de conducteur de travaux , auquel employeur n'a pas favorablement accédé ; que le médecin du travail ne l'a pas déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise ; qu'il incombait ainsi à l'employeur de mettre en oeuvre tous les moyens pertinents pour tenter de remplir ses obligations de reclassement; que la société ne démontre pas avoir tenté d'adapter un poste compatible avec son handicap et son état de santé pour le lui proposer.

Vu l'article L.1226-10 du code du travail

L'article L.1226-12 du code du travail dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

Le 21 décembre 2017, à l'issue de la visite médicale de reprise de M. [D] [T] après l'accident du travail dont il a été victime le 8 août 2012, le médecin du travail l'a déclaré 'inapte' dans le cadre de l'article R.4624-42 du code du travail, sans autre mention.

Le même jour, le médecin du travail précisait, dans un courrier adressé à la société HP BTP, 'afin de vous aider à respecter vos obligations d'essai de reclassement...les aptitudes compatibles avec l'état de santé actuel de M. [D] [T], à savoir : pourrait occuper un poste sans port de charges, sans utilisation d'outils vibrants, sans position contraignantes du dos (flexion répétée ou allongée)'.

Dès le 22 décembre 2017, la société HP BTP a sollicité de M. [D] [T] son curriculum vitae ainsi que la copie de ses diplômes.

Si le 21 juillet 2015 le médecin du travail a indiqué que l'état de santé du salarié nécessitait une reconversion professionnelle vers un poste 'moins dur physiquement sans aucun port de charges' et précisait qu'elle 'n'émet pas de contre indication sur son projet d'évolution vers un poste de conducteur de travaux', cela n'implique pas l'obligation pour l'employeur de reclasser le salarié sur un poste de conducteur de travaux dès lors que, tenu de mettre en oeuvre tous les moyens pertinents pour assurer le reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants, il n'est cependant pas dans l'obligation d'assurer une nouvelle formation à son salarié. Or en l'espèce, M. [D] [T], titulaire du certificat d'études, a toujours été maçon depuis 1991 alors que l'emploi de conducteur de travaux nécessite au moins le niveau Bac +2 selon la fiche de l'ONISEP produite aux dossiers et que les conducteurs de travaux au sein de la société HP BTP ont un diplôme d'ingénieur, un diplôme universitaire de technologie en génie civil, ou un Master. A cet égard, lors de leur consultation le 5 janvier 2018, les délégués du personnel avaient considéré que 'après étude du CV de M. [D] [T] et discussion, il ressort que les conducteurs de travaux chez HP BTP sont ingénieurs. Malgré ce diplôme, la formation d'un conducteur de travaux prend plusieurs années compte tenu de la technicité de nos chantiers. La formation initiale de M. [D] [T], malgré des équivalences potentielles, rend très improbable l'atteinte du niveau d'études requis. D'autre part la fonction nécessite une bonne condition physique car les conducteurs sont appelés à demeurer plusieurs heures debout, à descendre en égout au moyen d'échelon...'.

Il n'est pas établi que le salarié avait informé son employeur de sa qualité de travailleur handicapé de telle sorte qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir sollicité d'aide financière en application de l'article L.5213-10 du code du travail.

Il n'est pas soutenu que la société HP BTP fait partie d'un groupe au sens de l'article L.1226-10 du code du travail et le registre du personnel produit par elle établit qu'il n'existait pas, au moment du licenciement de M. [D] [T], d'emploi non pourvu aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé et compatible avec les préconisations du médecin du travail et avec les capacités du salarié.

Il s'ensuit que la société HP BTP démontre avoir respecté son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement. En conséquence, par infirmation de la décision entreprise, il convient de débouter M. [D] [T] de sa demande subsidiaire de voir dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de sa demande indemnitaire subséquente.

Sur les frais irrépétibles

M. [D] [T] sera condamné aux entiers dépens. Vu l'équité, il n'y a pas lieu à indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [R] [D] [T] de sa demande de nullité de son licenciement ;

INFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

DIT que le licenciement de M. [R] [D] [T] est pourvu d'une cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTE M. [R] [D] [T] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE M. [R] [D] [T] aux entiers dépens ;

DIT n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/03243
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;20.03243 ?
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