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01/07/2022 | FRANCE | N°18/09992

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 01 juillet 2022, 18/09992


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 01 Juillet 2022



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09992 ; N° RG 21/03423 ; N° RG 22/05073 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6JLF



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/01815





APPELANT

Monsieur [B] [P]

[Adresse 1]



[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Jenny LAMY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2044



(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2019/057786 du 06/12/2019 ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 01 Juillet 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09992 ; N° RG 21/03423 ; N° RG 22/05073 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6JLF

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/01815

APPELANT

Monsieur [B] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Jenny LAMY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2044

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2019/057786 du 06/12/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

CAF 93 - SEINE SAINT DENIS - SITE ROSNY-SOUS-BOIS

Service contentieux

[Localité 2]

représentée par Mme [T] en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Pascal PEDRON, Président de chambre

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur les appels interjetés respectivement par M. [B] [P] et la CAF de la Seine Saint Denis (la caisse) d'un jugement rendu le 03 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige les opposant l'un à l'autre.

 

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [P], né en 1946, bénéficiaire de l'AAH antérieurement au 1er avril 2012, s'est vu reconnaître par la CDAPH un taux d'invalidité supérieur ou égal à 80% pouvant justifier le renouvellement de son AAH, notamment du 1er avril 2012 au 31 mars 2017, sous réserve de l'ouverture des droits administratifs fixés par la CAF.

Par décisions des 30 août 2013 et 22 mai 2015, la caisse a informé M. [P] qu'il ne pouvait prétendre à l'AAH d'une part jusqu'en fin 2013, d'autre part pour les années 2014 et 2015, dans la mesure où sa retraite personnelle, qu'il percevait depuis 2006, était supérieure au montant de cette aide.

Suite à nouvelle demande de M. [P], la caisse lui a notifié au même motif un nouveau rejet par décision du 12 décembre 2016; après avoir saisi en vain la commission de recours amiable (la CRA) de sa contestation, M. [P] a porté le litige le 24 mai 2017 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, lequel par jugement du 03 mai 2018 :

-l'a déclaré irrecevable en son recours tendant à contester le refus de versement de l'allocation aux adultes handicapés pour les années 2013, 2014 et 2015 ;

-l'a déclaré recevable en son recours tendant à contester le refus de versement de l'allocation aux adultes handicapés à compter de l'année 2016 ;

-a dit que le plafond annuel égal à douze fois le montant de l'allocation aux adultes handicapés devait être doublé compte tenu de la situation maritale de M. [P] ;

-en conséquence, a dit que M. [P] a droit au bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés pour un montant égal à la différence entre les ressources perçues et le plafond applicable pour un couple marié depuis le 1er janvier 2016 ;

-a condamné la caisse à verser à M. [P] les sommes dues à ce dernier en conséquence depuis le 1 er janvier 2016 ;

-a dit que les sommes dues par la caisse en application du jugement devront être assorties de l' intérêt calculé au taux légal à compter du 24 mai 2017, date de l' introduction de sa requête ;

-a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

-le tout avec exécution provisoire.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a retenu que les dispositions des articles R 821-4 et D 821-2 du code de la sécurité sociale trouvaient à s'appliquer pour apprécier la condition de ressources prévue à l'article L 821-1 dudit code.

M. [P] a interjeté appel le 22 août 2018 de ce jugement qui lui avait été notifié le 04 août 2018 ; cet appel a été enregistré sous le n° RG 18/09992 ;

La caisse a pour sa part interjeté appel le 05 septembre 2018 de ce jugement qui lui avait été notifié le 06 août 2018 ; cet appel a été enregistré sous le n° RG18/10349 ; cette procédure a fait l'objet d'une radiation par arrêt de la cour de ce siège du 19 mars 2021 ; suite à demande de M. [P], elle a été réenrolée sous le n°RG 21/03423.

Parallèlement, la caisse a le 25 avril 2022 formé une déclaration d'appel rectificative qui a été enregistrée sous le n° RG 22/05073.

A l'audience du 13 mai 2022 à laquelle était appelée contradictoirement la procédure n°RG 18/09992 (appel de M. [P]), les parties ont comparu volontairement au regard des procédures n°RG 21/03423 et 22/05073 (appels de la caisse) à l'effet de jonction des procédures pour qu'il soit statué par un seul arrêt sur les appels respectifs des parties.

Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son représentant qui les a développées oralement, la caisse demande à la cour de :

-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours de M. [P] portant sur la demande de versement de l'AAH entre avril 2012 et décembre 2015 ;

-l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée à verser l'AAH à M. [P] à compter de janvier 2016, et « débouter M. [P] de toutes ses demandes (dommages intérêts) ».

La caisse fait valoir pour l'essentiel que :

-M. [P] n'ayant pas saisi la CRA dans les deux mois suivant la réception des décisions de refus des 30 août 2013 et 22 mai 2015 est forclos à contester ces décisions.

-les pensions de l'allocataire excédant le montant mensuel de l'AAH, l'allocation ne peut pas être versée et l'article D 821-2 du code de la sécurité sociale ne trouve application que lorsque l'allocataire ne perçoit aucune pension de vieillesse, son droit étant alors dans ce cas étudié en fonction d'un plafond de ressources annuelles correspondant à sa situation familiale.

-elle n'a fait qu'appliquer la législation en vigueur.

Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son avocat qui les a développées oralement, M. [P] demande à la cour de :

-confirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a accordé le versement de l'AAH à compter du 1er janvier 2016 ;

-dire que cette situation n'est pas nouvelle mais que pour les années 2012 à 2015, il aurait également dû bénéficier de cette prestation et que la décision contraire de la caisse viole les dispositions légales ;

-en tirer toutes les conséquences possibles et lui accorder 20 000 € de préjudice subi du fait du refus erroné de la caisse de lui accorder l'AAH sur les année 2012 à 2015.

M. [P] fait valoir en subsantance que :

-suite à l'article L 821-1 du code de la sécurité sociale, l'article « 821-4 du code de la sécurité sociale » précise que le plafond doit être doublé lorsque le demandeur est marié, comme en l'espèce, de sorte que le montant de l'AAH n'atteignait pas ce plafond doublé.

-n'ayant pas contesté dans les délais les décisions de refus de 2013 et 2015 faute de sa parfaite compréhension des délais et du français, le caractère injustifié du refus lui cause un préjudice devant être réparé.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 13 mai 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE, LA COUR

Les instances enrôlées sous les n° RG 21/03423, 22/05073 et 18/09992 étant relatives à l'appel d'un même jugement, il y a lieu d'en ordonner la jonction sous ce dernier numéro.

Les textes applicables en la matière sont les suivants :

-L'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale qui dispose:

" (...)Le droit à l'allocation aux adultes handicapés est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre, au titre d'un régime de sécurité sociale, d'un régime de pension de retraite ou d'une législation particulière, à un avantage de vieillesse ou d'invalidité( ...) d'un montant au moins égal à cette allocation.

Lorsque cet avantage est d'un montant inférieur à celui de l'allocation aux adultes handicapés, celle-ci s'ajoute à la prestation sans que le total des deux avantages puisse excéder le montant de l'allocation aux adultes handicapés".

-L'article L. 821-3 du code de la sécurité sociale selon lequel:

"L'allocation aux adultes handicapés peut se cumuler avec les ressources personnelles de l'intéressé et, s'il y a lieu, de son conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité dans la limite d'un plafond fixé par décret, qui varie selon qu'il est marié, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité et a une ou plusieurs personnes à sa charge (...) ".

-L'article R. 821-4 du code de la sécurité sociale aux termes duquel:

« I-Lorsque le demandeur ou le bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés ne perçoit pas de revenu d'activité professionnelle ou est admis dans un établissement ou un service d'aide par le travail mentionnés à l'article L.344-2 du code de l'action sociale et des familles, la condition de ressources prévue à l'article L. 821-3 s'applique conformément aux dispositions du présent article.

(...) »

-Enfin l'article D. 821-2 du code de la sécurité sociale qui dispose:

"La personne qui satisfait aux autres conditions d'attribution peut prétendre à l'allocation aux adultes handicapés si l'ensemble des autres ressources perçues par elle durant l'année civile de référence n'atteint pas douze fois le montant de l'allocation aux adultes handicapés fixé selon les modalités prévues à l'article L.821-3-1 ou, pour la personne dont les ressources sont appréciées conformément à l'article R.821-4-1, si l'ensemble des autres ressources perçues par elle durant le trimestre de référence n'atteint pas trois fois ce même montant.

Lorsque le demandeur est marié ou lié par un pacte civil de solidarité, et non séparé, ou qu'il vit en concubinage, le plafond mentionné au premier alinéa est doublé (...)

Le bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés a droit, mensuellement, à une allocation égale au douzième de la différence entre le montant du plafond applicable et les ressources annuelles mentionnées au premier alinéa, ou, pour le bénéficiaire dont les ressources sont appréciées conformément à l'article R. 821-4-1, au tiers de la différence entre le montant du plafond applicable et les ressources trimestrielles mentionnées au même alinéa, sans que cette allocation puisse excéder le montant mensuel de l'allocation aux adultes handicapés fixé selon les modalités prévues à l'article L. 821-3-1".

L'allocation aux adultes handicapés est définie par la loi comme une prestation sociale non-contributive présentant un caractère subsidiaire compensant l'absence d'autres ressources sociales ou l'insuffisance de celles-ci, lorsque l'intéressé ne bénéficie, notamment, ni d'un avantage vieillesse ou invalidité, ni d'une rente d'accident du travail d'un montant au moins égal à la dite allocation.

Il résulte des textes sus-rappelés qu'en cas de perception d'un avantage vieillesse par un adulte handicapé, celui-ci ne peut prétendre à une AAH que si deux conditions, d'objet et de portée différents et régies par des textes distincts, sont remplies :

-une condition d'éligibilité au bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés, laquelle suppose, aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, que

l'intéressé ne perçoive pas d'avantage retraite égal ou supérieur au montant de

l'allocation.

-une condition de ressources globales de l'allocataire et du ménage prévue par l'article L. 821-3 du code de la sécurité sociale, au-delà du plafond duquel l'intéressé ne peut plus bénéficier de l'allocation.

Ainsi, si selon les articles L821-3 et D 821-1 du code de la sécurité sociale, l'allocation peut se cumuler avec les ressources personnelles de l'intéressé et s'il y a lieu de son conjoint dans la limite d'un plafond qui varie en fonction de la situation et des charges de la famille, ce n'est qu'autant que la première condition prévue à l'article L 821-1 du code de la sécurité sociale se trouve remplie.

En l'espèce, il est constant que depuis 2012, le montant des avantages vieillesse ou invalidité perçus par l'intéressé (pensions CNAV + AGIRC-ARRCO) a toujours été supérieur à celui de l'AAH.

M. [P] ne pouvait donc pas prétendre au bénéfice de cette allocation et ce quelle que soit sa situation familiale.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la caisse à verser l'AAH à M. [P] à compter de janvier 2016.

M. [P] ne conteste pas dans ses écritures d'appel l'irrecevabilité de son recours concernant les décisions de refus des 30 août 2013 et 22 mai 2015, expliquant ne pas avoir contesté celles-ci dans les délais « faute de sa parfaite compréhension des délais et du français » ; le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours de M. [P] portant sur les décisions de refus des 30 août 2013 et 22 mai 2015.

M. [P] avance que le caractère injustifié du refus opposé en 2013 et 2015 lui cause un préjudice devant être réparé par des dommages-intérêts. Cependant, sa demande ne peut pas prospérer, dès lors que ce refus de la caisse qui n'a commis aucune faute était justifié par l'application des dispositions rappelées plus haut.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

ORDONNE la jonction des instances enrôlées sous les n° RG 21/03423 et 22/05073 à celle enrôlée sous le n° RG18/09992;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours de M. [P] portant sur la demande de versement de l'AAH entre avril 2012 et décembre 2015 ;

INFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

ET statuant à nouveau des chefs infirmés :

DEBOUTE M. [P] de toutes ses demandes.

CONDAMNE M. [P] aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/09992
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;18.09992 ?
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