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30/06/2022 | FRANCE | N°21/22399

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 30 juin 2022, 21/22399


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 30 JUIN 2022



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22399 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4EQ



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Décembre 2021 -Président du TC de PARIS 04 - RG n° 202037814





APPELANTE



S.A. EXANE, agissant poursuites et diligences en la personne

de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22399 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4EQ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Décembre 2021 -Président du TC de PARIS 04 - RG n° 202037814

APPELANTE

S.A. EXANE, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me Stéphane BÉNOUVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : J007

INTIME

M. [Z] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assisté par Me Quentin BERTRAND, substituant Me Julien VISCONTI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1827

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 mai 2022, en audience publique, Thomas RONDEAU, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par requête datée du 8 juillet 2021, M. [L] a saisi le président du tribunal de commerce de Paris sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile afin de solliciter une mesure d'instruction à l'encontre de la société SA Exane, à laquelle il reproche d'avoir cherché à porter atteinte à son droit de sortie conjointe relatif à la société Exane Asset Management (Exane AM), société dont l'associé majoritaire est la SA Exane, M. [L] étant un des associés minoritaires.

Par ordonnance du 9 juillet 2021, le juge des requêtes a fait droit à la demande et désigné la SCP Carole Duparc et Olivier Flament, huissiers de justice, aux fins de se rendre au siège social de la SA Exane et dans tout autre lieu où serait assurée la gestion administrative ou l'exploitation de la société et de :

- se faire remettre ou rechercher sur tout support tous éléments relatifs à la cession par Exane SA de 25 % d'Exane AM (RCS Paris 434 692 828) à M. [F] ; tous éléments relatifs au Droit de Sortie Conjointe attribué à M. [Z] [L] au titre du Protocole avec Exane SA d'Associés conclu le 15 octobre 2009 ; et ce sur la période courant du 1er mars 2021 et la date des constatations ;

- pour ce faire, autoriser le mandataire de justice à procéder à la recherche de la ou les versions successives du ou des projet(s) de contrat(s) prévoyant la cession par Exane SA à M. [F] de 25 % d'Exane AM, d'abord d'un seul bloc puis en deux temps : un bloc de 9 % et une option unilatérale de vente du solde de 16 % ; le protocole de négociation signé le 10 mars 2021 avec BNP Paribas ;

- autoriser le mandataire de justice à procéder à une recherche informatique à partir des mots-clés suivants :

« Droit de sortie conjointe »,

« [L] »,

« Option unilatérale de vente » ou « put »,

« 1er juillet 2022 »,

« 9 % »,

« 16 % »,

« 35 % »,

ces pourcentages devant être combinés avec les mots clés précédents.

L'huissier de justice instrumentaire a dressé le 22 juillet 2021 un procès-verbal de constat partiellement converti en procès-verbal de difficultés.

Par acte du 5 août 2021, la SA Exane a fait assigner M. [L] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris en rétractation aux fins de, notamment :

À titre principal,

- constater que M. [L] ne rapporte pas la preuve de l'existence de circonstances particulières permettant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire ;

- constater que les mesures ordonnées ne sont pas légalement admissibles, faute pour elles d'être suffisamment proportionnées ;

- constater que M. [L] ne démontre pas l'existence d'un motif légitime à voir ordonnées les mesures d'instruction sollicitées dans sa requête du 8 juillet 2021 ;

En conséquence,

- rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 9 juillet 2021 dans toutes ses dispositions ;

- déclarer nulles et de nul effet toutes les conséquences attachées à l'exécution de l'ordonnance rétractée ;

- ordonner la restitution des éléments saisis par l'huissier de justice commis par l'ordonnance

rétractée ;

En tout état de cause,

- condamner M. [L] à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

En réplique, M. [L] a demandé la confirmation de l'ordonnance entreprise, la condamnation de la société à lui payer 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 13 décembre 2021, le juge des référés a :

- débouté la SA Exane de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 9 juillet 2021 ;

- ordonné à la SA Exane de produire, dans les 8 jours suivant la signification de la présente ordonnance, entre les mains du mandataire de justice ayant procédé à l'exécution de la mesure ordonnée le 9 juillet 2021, les éléments suivants contenus dans ladite ordonnance, à savoir :

la ou les versions successives du ou des projets de contrats prévoyant la cession par la société Exane à M. [F] de 25 % d'Exane AM, d'abord d'un seul bloc puis en deux temps : un bloc de 9 % et une option unilatérale de vente du solde de 16 % ;

le protocole de négociation signé le 10 mars 2021 avec BNP Paribas ;

- condamné la SA Exane à payer à M. [L] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné en outre la SA Exane aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,94 euros TTC dont 6,78 euros de TVA.

Par déclaration du 20 décembre 2021, la SA Exane a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 8 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SA Exane demande à la cour, au visa des articles 4, 5, 145, 490, 493, 496, 497, 874, 875, 901 et suivants du code de procédure civile et des articles L. 153-1 et suivants et R. 153-1 à R. 153-8 du code de commerce, de :

- constater que M. [L] n'a pas rapporté la preuve de l'existence de circonstances particulières permettant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire ;

- constater que la mesure ordonnée n'est pas légalement admissible, faute pour elle d'être suffisamment proportionnée ;

- constater que M. [L] n'a pas démontré l'existence d'un motif légitime à voir ordonnée la mesure d'instruction sollicitée dans sa requête du 8 juillet 2021 ;

en conséquence,

- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 13 décembre 2021 en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 9 juillet 2021 ;

et statuant à nouveau,

- rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 9 juillet 2021 dans toutes ses dispositions ;

- déclarer nulles et de nul effet toutes les conséquences attachées à l'exécution de l'ordonnance du 9 juillet 2021 rétractée ;

- ordonner la restitution des éléments saisis par l'huissier de justice commis par l'ordonnance du 9 juillet 2021 rétractée ;

- constater que le président du tribunal de commerce a statué extra petita lorsqu'il a ordonné la communication forcée de documents ;

- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 13 décembre 2021 en ce qu'elle lui a ordonné de produire entre les mains de la société Duparc-Flament :

la ou les versions successives du ou des projets de contrats prévoyant la cession par la société Exane à M. [F] de 25 % d'Exane AM, d'abord d'un seul bloc puis en deux temps : un bloc de 9 % et une option unilatérale de vente du solde de 16 % ;

le protocole de négociation signé le 10 mars 2021 avec BNP Paribas ;

Et statuant à nouveau,

- ordonner la restitution à elle des éléments communiqués par elle à la société Duparc-Flament par courrier du 23 décembre 2021 ;

- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 13 décembre 2021 en ces chefs l'ayant :

condamné à payer à M. [L] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,

condamné en outre aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,94 euros TTC dont 6,78 euros de TVA ;

Et statuant à nouveau,

- condamner M. [L] à la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la société Lexavoué Paris-Versailles ;

- mettre à la charge de M. [L] l'ensemble des frais liés à l'exécution de la mesure ordonnée, en ce compris les frais exposés par l'huissier de justice et l'expert informaticien commis.

La SA Exane fait en substance valoir que :

- la dérogation au principe du contradictoire n'est absolument pas justifiée ; la prétendue obstruction à l'exécution de la mesure est infondée et ne relève en tout état de cause pas de la compétence du juge de la rétractation ; le risque de disparition des éléments de preuve est inexistant, notamment au regard des procédures d'archivage de la société ;

- la mesure ordonnée n'est pas légalement admissible, étant clairement disproportionnée et s'analysant en une mesure d'investigation générale ; le litige envisagé est hypothétique ; ainsi, aucune « cession de 25 % » du capital d'Exane AM en un seul bloc, qui aurait été à même de pouvoir déclencher le Droit de Sortie Conjointe de M. [Z] [L], n'a été envisagée en l'espèce ;

- le président du tribunal de commerce a statué extra petita lorsqu'il a ordonné la communication forcée de documents, M. [L] n'ayant pas sollicité cette demande dans l'instance en rétractation mais dans une instance distincte, à savoir celle relative à la levée de séquestre.

Dans ses conclusions remises le 3 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [L] demande à la cour de :

- débouter la SA Exane de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 13 décembre 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

- condamner la SA Exane à lui payer 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SA Exane aux entiers dépens, en ce compris les frais et honoraires engagés par lui auprès de l'huissier de justice et de l'expert informatique l'ayant assisté pour réaliser les mesures d'instruction ordonnées.

M. [L] fait en substance valoir que :

- la gravité des faits allégués, la fragilité des éléments de preuve recherchés conservés sur support informatique, le risque de concertation commandaient bien de déroger au principe du contradictoire, les éléments relatifs à l'archivage étant mensongers ;

- l'obstruction opposée à l'exécution de la mesure confirme a posteriori les circonstances soulignées dans la requête ;

- les mesures ordonnées sont légalement admissibles, l'ordonnance ayant d'abord strictement encadré la mesure ;

- il a établi dans sa requête l'existence de plusieurs indices qui rendent fortement probable l'existence d'une fraude à son droit de sortie conjointe organisée par Exane ;

- l'ordonnance entreprise complète valablement les mesures d'instruction déjà ordonnées par l'ordonnance du 9 juillet 2021, étant observé qu'il a présenté oralement des observations sur ce point.

SUR CE LA COUR

L'article 493 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

En outre, aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

En l'espèce, en premier lieu, quant au motif légitime de la mesure d'instruction, il sera constaté par la cour :

- que la SA Exane est l'associé majoritaire de la société Exane AM, M. [L] étant l'un des associés minoritaires ;

- que M. [L] dispose d'un droit de sortie conjointe, aux termes du protocole d'associés du 15 octobre 2009, selon lequel, si la SA Exane envisageait un transfert impliquant un franchissement à la baisse de son seuil de 67 % du capital d'Exane AM, elle devait lui transmettre un avis de transfert, permettant éventuellement à M. [L] de céder ses actions aux mêmes conditions de prix et de garanties ;

- que M. [L] reproche en substance à la société SA Exane de ne pas lui avoir adressé d'avis de transfert (cf. sa mise en demeure du 29 avril 2021), en segmentant artificiellement les modalités d'une cession de titres, alors que cette société indique elle que l'opération d'acquisition envisagée par la BNP Paribas ne faisait pas franchir le seuil de 67 % (réponse de la société du 12 mai 2021) ;

- que M. [L] indique sur ce point que l'opération de cession a été imaginée en deux temps, un bloc de 9 % (avec une détention du capital à 68 %, juste au-dessus du seuil nécessitant un avis de transfert) puis un "put" de 16 % (soit une option unilatérale de vente) ; que l'option unilatérale de vente est prévue pour être exerçable à compter du 1er juillet 2022, ce alors qu'à cette date, M. [L] expose qu'il ne serait déjà plus associé de la société Exane AM, compte tenu des modalités envisagées pour la cession de ses propres titres ;

- que M. [L] relève que si la cession avait eu lieu en une fois, à hauteur de 25 %, il aurait pu vendre ses actions au prix unitaire de 249,91 euros en application de son droit de sortie conjointe, tandis que la cession en deux étapes l'a conduit à une cession au prix unitaire de 90,09 euros (ses pièces 9 et 11 mentionnant ces deux prix) ;

- que la SA Exane, s'agissant de ces éléments de fait, ne vient pas en réalité contester la cession immédiate et certaine de 9 %, puis l'existence d'une option pour 16 %, même si elle conteste tout caractère frauduleux à l'opération et en tout cas l'existence d'une cession en un bloc de 25 % ;

- qu'il résulte en tout cas suffisamment de ces éléments un motif légitime de soupçonner qu'une fraude pourrait avoir été organisée, ce pour l'obliger à céder ses actions à bas prix, ce en violation de son droit de sortie conjointe, ce qui caractérise le motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, étant rappelé qu'il n'est pas demandé au demandeur à la mesure d'instruction d'établir le bien-fondé de ces allégations, mais à tout le moins un fait suffisamment crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, le seul conflit entre les parties, y compris sur le plan prud'homal ou en procédure arbitrale, n'étant pas ici l'unique motif allégué par M. [L] au soutien de sa requête.

En deuxième lieu, concernant le caractère légalement admissible des mesures ordonnées, force est de relever :

- que, pour rappel, constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi ;

- que les mesures sollicitées ici, fondées sur une supposée fraude au droit de sortie conjointe de l'intimé, ont entendu recueillir un certain nombre de documents, mais uniquement en lien avec une liste de mots-clés limités tous en rapport avec le motif avancé par le requérant, la liste de ces mots-clés étant restrictive (« Droit de sortie conjointe », « [L] », « Option unilatérale de vente » ou « put », « 1er juillet 2022 », « 9 % », « 16 % », « 35 % », les pourcentages devant être combinés avec les mots clés précédents), l'atteinte au secret des affaires ne constituant pas en elle-même un obstacle à l'ordonnance sur requête, les éléments saisis ayant d'ailleurs fait l'objet d'une mesure de séquestre ;

- que la période temporelle a été limitée, à savoir du 1er mars 2021 jusqu'à la date des constatations ;

- que l'ordonnance sur requête fait état de la nécessité d'exclure les documents personnels ou couverts par la confidentialité des échanges avec un avocat ;

- que le caractère légalement admissible des mesures est ainsi établi, le caractère limité de la mesure ne pouvant, au regard des délimitations opérées par l'ordonnance sur requête, s'analyser en une mesure d'investigation générale.

Enfin, en troisième lieu, s'agissant de la dérogation au principe de la contradiction, il y a lieu de relever :

- que le risque de dépérissement des preuves, qui suffit à justifier la dérogation à la procédure contradictoire, peut résulter du contexte de l'affaire et d'autres éléments de fait, comme la nature de la preuve - informatique - et la volonté de dissimuler les faits ; que le risque de dépérissement peut aussi résulter de circonstances démontrant que la société refuse la communication spontanée des informations ; que le requérant à la mesure n'a pas à démontrer l'intention avérée de détruire des preuves, étant suffisant que soit établi un risque de dépérissement ;

- que M. [L] fait ici à tout le moins état de ce qu'il pourrait être victime d'une fraude organisée pour l'exercice de son droit de sortie conjointe, susceptible d'entraîner la responsabilité de plusieurs responsables à titre individuel, avec des éléments de preuve conservés sur support informatique dont la suppression serait aisée ;

- qu'il est ainsi justifié, eu égard aux éléments de contexte déjà rappelés ci-avant, que la SA Exane pourrait avoir intérêt à dissimuler les preuves du comportement qui lui est reproché, la procédure envisagée en responsabilité étant justifiée par un motif légitime ;

- que l'existence alléguée par l'appelante de procédures internes d'archivage (pièces 22 et 23 de la société appelante), contrairement à ce qui est soutenu, n'est pas nature à empêcher le recours à une procédure non contradictoire, dès lors que M. [L] peut légitimement craindre une disparition des éléments de preuve, ce même si cela contreviendrait aux règles d'archivage internes telles que présentées par la SA Exane, étant d'ailleurs précisé, à toutes fins utiles et même si cela ne saurait justifier le recours à une procédure sur requête, que, finalement, le procès-verbal de difficultés dressé par l'huissier instrumentaire (pièce 16) a établi l'obstruction mise au déroulement de la mesure ;

- que la gravité des faits ne suffit certes pas à justifier la dérogation au principe de la contradiction, comme l'indique l'appelante, mais que l'ensemble des éléments de contexte établit bien ici un risque de dépérissement des preuves.

Aussi, au regard de l'ensemble de ces éléments, le recours à la procédure sur requête pour obtenir la mesure d'instruction sollicitée est justifié, de sorte qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la SA Exane de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 9 juillet 2021.

En revanche, le juge de la rétractation a également ordonné la communication de certains documents par la SA Exane.

A cet égard, il faut exposer :

- que, simultanément au référé-rétractation de la SA Exane, M. [L] a introduit quant à lui une nouvelle instance, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, par assignation en référé délivrée le 16 août 2021, sollicitant notamment la production de divers documents sous astreinte, faisant valoir l'obstruction de la SA Exane lors de l'exécution de l'ordonnance du 9 juillet 2021 rendue sur requête ;

- que les parties s'opposent sur le fait de savoir si M. [L] a bien formulé cette demande devant le juge de la rétractation, les deux instances ayant été évoquées lors d'une même audience de plaidoiries le 10 novembre 2021 ;

- que, nonobstant ce point, en application de l'article 496 alinéa 2 du code de procédure civile, l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour unique objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées, à l'initiative d'une partie, en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouvant ainsi limitée à cet objet, ce sous la seule limite de l'application des articles R. 153-1 et suivants du code de commerce permettant au juge de la rétractation de statuer sur la levée de la mesure de séquestre ;

- que, dès lors, le juge de la rétractation ne pouvait statuer, par une ordonnance unique, sur la demande complémentaire de communication de documents, qui ne pouvait non plus s'analyser comme une modification de la mission, s'agissant en réalité d'une nouvelle demande formée par nouvelle assignation, fondée d'ailleurs sur les difficultés alléguées dans l'exécution de la requête, de sorte que la cour, statuant avec les pouvoirs du juge de la rétractation, dira cette demande irrecevable, par infirmation de la décision entreprise.

Ainsi, la décision sera confirmée, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance qui a été exactement réglé par le premier juge, sauf sur la communication de documents ordonnée qui sera, par infirmation de l'ordonnance, déclarée irrecevable.

A hauteur d'appel, la société appelante devra indemniser l'intimé pour ses frais non répétibles exposés, et sera condamnée aux dépens d'appel, sans qu'il n'y ait lieu, au stade de la rétractation et en application de l'article 695 du code de procédure civile, de dire que les dépens comprendront les frais et honoraires engagés par M. [L] auprès de l'huissier et de l'expert informatique l'ayant assisté pour réaliser les mesures d'instruction ordonnées, alors même que la charge finale du coût de la mesure sera fixée avec les dépens de la procédure envisagée au fond.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a ordonné à la SA Exane de produire, dans les huit jours suivant la signification de l'ordonnance, entre les mains du mandataire de justice ayant procédé à l'exécution de la mesure ordonnée le 9 juillet 2021, les éléments suivants contenus dans ladite ordonnance, à savoir : la ou les versions successives du ou des projets de contrats prévoyant la cession par la société Exane à M. [F] de 25 % d'Exane AM, d'abord d'un seul bloc puis en deux temps : un bloc de 9 % et une option unilatérale de vente du solde de 16 % ; le protocole de négociation signé le 10 mars 2021 avec BNP Paribas ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande en communication de documents formée devant le juge de la rétractation ;

Y ajoutant,

Rejette les autres demandes des parties ;

Condamne la SA Exane à verser à M. [Z] [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la SA Exane aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/22399
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.22399 ?
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