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30/06/2022 | FRANCE | N°21/21362

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 30 juin 2022, 21/21362


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 30 JUIN 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21362 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZGG



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Novembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 18/58093





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 8], prise en la personne de Madame la Maire de [Lo

calité 8], Mme [T] [L], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 7]

[Localité 4]



Représentée et assitée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21362 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZGG

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Novembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 18/58093

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 8], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 8], Mme [T] [L], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée et assitée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

INTIMES

M. [K] [Z] [D]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Me Julien MAROTTE de l'ASSOCIATION DM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0708

S.C.I. SENEDEC

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Cyril DEPOIX, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par exploits des 5 et 13 septembre 2018, la Ville de [Localité 8] a fait assigner la société Senedec et M. [D] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris, saisi en la forme des référés, aux fins de les voir condamner chacun au paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation concernant l'appartement situé [Adresse 2] (escalier B, 5ème étage, lots n°33 à 37 et 69 et 70).

Par ordonnance du 10 avril 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 8] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 8] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

La Ville de [Localité 8] a sollicité :

- la condamnation de la société Senedec à une amende civile de 50.000 euros dont le produit sera intégralement versé à la Ville de [Localité 8] conformément à l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation,

- la condamnation de M. [K] [D] à une amende civile de 50.000 euros dont le produit sera intégralement versé à la Ville de [Localité 8] conformément à l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation,

- qu'il soit ordonné sous astreinte le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation,

- la condamnation in solidum de la société Senedec et de M. [D] au paiement chacun de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire en date du 22 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté la Ville de [Localité 8] de sa demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- rejeté la demande portant sur le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 2] ;

- condamné la Ville de [Localité 8] à payer à la société Senedec la somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 8] à payer à M. [D] la somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 8] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

La tribunal a considéré que les éléments de preuve produits par la Ville de [Localité 8] ne permettaient pas d'établir l'usage d'habitation au 1er janvier 1970.

Par déclaration du 06 décembre 2021, la Ville de [Localité 8] a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 janvier 2022, elle demande à la cour, de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Senedec a commis une infraction aux dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation en concluant sciemment un accord permettant le changement d'usage du bien situé au 5e étage, escalier B, de l'immeuble sis [Adresse 2] ;

- dire et juger que M. [D] a commis une infraction aux dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation en louant pour de courtes durées l'appartement situé au 5e étage, escalier B, de l'immeuble sis [Adresse 2] ;

- débouter M. [D] et la société Senedec de l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions;

En conséquence,

- condamner la société Senedec à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende lui sera intégralement versé conformément à l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- condamner M. [D] à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende lui sera intégralement versé conformément à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situé au 5e étage, escalier B, de l'immeuble sis [Adresse 2], sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et pendant le délai qu'il plaira à M. le Président de fixer, à la charge in solidum de la société Senedec et M. [D] ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- condamner in solidum la société Senedec et M. [D] au paiement chacun de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile par Me Mathieu, avocat.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 février 2022, la société Senedec demande à la cour de :

- débouter la Ville de [Localité 8] de l'intégralité de ses demandes ;

Par conséquent,

A titre principal,

- déclarer irrecevables les demandes formulées par la Ville de [Localité 8] à son encontre ;

- dire et juger que l'infraction alléguée n'est pas caractérisée à son égard ;

- confirmer l'ordonnance de M. le Président du tribunal judiciaire de Paris en date du 22 novembre 2021 ;

A titre subsidiaire,

- fixer le montant de l'amende civile à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

- condamner la Ville de [Localité 8] à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Ville de [Localité 8] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 février 2022, M. [D] demande à la cour, de :

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

- condamner la Ville de [Localité 8] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur le rappel des textes applicables, il convient de se référer à la décision de première instance qui en a fait un exposé exhaustif, la cour rappelant simplement qu'en application de ces textes et conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à la Ville de [Localité 8] d'établir :

' l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

' un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

En l'espèce, il est contesté à titre principal par les intimés la condition, nécessaire à la caractérisation de l'infraction, relative à l'usage d'habitation du bien en cause.

Il doit être relevé, à titre liminaire, que la Ville de [Localité 8] ne produit pas de nouveaux éléments de preuve en cause d'appel.

Le premier juge a fait une exacte analyse des documents produits par la Ville de [Localité 8] en exposant que :

' la Ville de [Localité 8] produit deux fiches H2 toutes deux datées du 2 juin 1999, l'une afférente aux lots n° 33 et 34 qui ont été réunis et la seconde correspondant au lot n°35 ;

' le formulaire H2 correspondant aux lots 33 et 34 indique que le local est occupé par le propriétaire et une utilisation comme garde meuble ;

' le formulaire H2 relatif au lot n° 35 indique que le local est vacant et sa destination est précisée comme étant un débarras ;

' aucune fiche H2 n'est cependant communiquée s'agissant des lots 36, 37, 69 et 70 ;

' la fiche d'évaluation afférente aux lots 33 et 34 indique qu'un changement a été réalisé le 2 juin 1999 dont la nature était « changement de consistance », sans autre précision ;

' la fiche d'évaluation afférente au lot n° 35 indique un changement de « modif.crit.eval » au 2 juin 1999 sans autre précision ;

' la fiche modèle R produite par la Ville de [Localité 8] datée du 9 octobre 1970 se borne à indiquer que l'immeuble sis [Adresse 2] comporte 26 biens ayant fait l'objet d'une déclaration H2, sans apporter davantage de précision ;

En outre, la fiche modèle R n'ayant pour objet que de décrire la situation de l'immeuble à la date de la souscription, en l'espèce au 9 octobre 1970, aucun élément ne permet d'en déduire l'usage des lieux au 1er janvier 1970.

En appel, la Ville de [Localité 8] fait valoir que le premier juge a recherché l'usage du bien au 1er janvier 1970 alors que celui-ci n'existait pas à cette date, s'agissant de la réunion de pièces de service qui a eu pour effet de créer un local à usage d'habitation ainsi que le propriétaire l'a déclaré auprès de l'administration fiscale. Elle précise que les locaux situés au 5ème étage sont des pièces de service au profit des propriétaires des appartements ; que ces pièces de service ont été vendues : le lot 35 a été acquis par M.et Mme [U] le 28 juin 1994 et déclaré comme usage d'habitation le 14 jun 1999 ; les lots 33 et 34 ont également été acquis par M. et Mme [U] le 23 décembre 1996 et ont été déclarés comme usage d'habitation le 14 juin 1999 ; que comme la configuration du bien le démontre, les lots ont été réunis pour former un appartement à usage d'habitation d'une surface de 54 m².

Il y a lieu ainsi de relever que la Ville de [Localité 8] admet elle-même que l'usage d'habitation du bien en cause n'existait pas au 1er janvier 1970, ce bien étant alors composé de pièces de service qui ont été ultérieurement réunies et transformées en usage d'habitation.

Il revient alors à la Ville de [Localité 8] d'établir que conformément aux dispositions de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation, qui prévoient que "Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés", les pièces de service en cause ont bien fait l'objet de travaux de transformation dûment autorisés par l'administration pour devenir un appartement à usage d'habitation.

Or, la Ville de [Localité 8] ne fait qu'affirmer l'existence de deux cessions intervenues concernant les lots 33 à 35 sans en apporter la preuve, n'allègue pas que les autres lots 36, 37, 69 et 70 auraient eux aussi été cédés et ne produit aucun élément tels que des permis de construire qui permettraient d'établir que des travaux de transformation en appartement à usage d'habitation ont bien été réalisés et autorisés par l'administration, les seules fiches d'évaluation afférentes aux lots 33 à 35 et établies le 2 juin 1999, auxquelles elle se réfère, n'étant pas suffisamment probantes à cet égard.

En effet, comme l'a relevé le premier juge, la fiche d'évaluation afférente aux lots 33 et 34 indique qu'un changement a été réalisé le 2 juin 1999 dont la nature était « changement de consistance » sans autre précision, et la fiche d'évaluation afférente au lot n° 35 indique un changement de « modif.crit.eval » au 2 juin 1999 sans autre précision.

Aussi, force est de constater que la Ville de [Localité 8] échoue également en appel à démontrer que le local en cause, dont elle reconnaît qu'il n'avait pas un usage d'habitation au 1er janvier 1970, a donné lieu ultérieurement à un changement de destination lui conférant, en droit, un usage d'habitation.

L'ordonnance entreprise sera ainsi confirmée en ce qu'elle a débouté la Ville de [Localité 8] de ses demandes formées contre la société Senedec et M. [D].

Elle sera également confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile dont il a été fait une juste application.

Perdante en appel, la Ville de [Localité 8] sera condamnée aux entiers dépens de cette instance et à payer aux intimés la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, soit 1000 euros à chacun.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Condamne la Ville de [Localité 8] aux dépens de l'instance d'appel,

La condamne à payer à la société Senedec et à M. [D] la somme de 1000 euros chacun au titre de leur frais irrépétibles exposés en appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/21362
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.21362 ?
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