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30/06/2022 | FRANCE | N°21/21300

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 30 juin 2022, 21/21300


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 30 JUIN 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21300 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZBS



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Novembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 18/53027





APPELANTE



LA VILLE DE PARIS, prise en la personne de Madame la Maire de Paris, Mme

[T] [J], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au bar...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21300 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZBS

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Novembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 18/53027

APPELANTE

LA VILLE DE PARIS, prise en la personne de Madame la Maire de Paris, Mme [T] [J], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

INTIME

M. [V] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté par Me Frédéric COPPINGER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 19 février 2018, la Ville de Paris a fait assigner M. [K] devant le tribunal de grande instance de Paris - devenu tribunal judiciaire de Paris- selon la procédure en la forme des référés, en paiement d'une amende civile sur le fondement des articles L.631-7 et L 651-2 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 2].

Par ordonnance du 17 avril 2029, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de Paris dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de Paris sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 25 octobre 2021.

La Ville de Paris a demandé :

- de constater que M. [K] a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'urbanisme ;

- de condamner M. [K] à payer à la Ville de Paris une amende civile de 50.000 euros ;

- d'ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, sis [Adresse 2], sous astreinte de 124 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer ;

- de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- de condamner M. [K] à payer à la Ville de Paris la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner M. [K] aux entiers dépens.

Par ordonnance en la forme des référés rendue le 22 novembre 2021, considérant que la Ville de Paris échoue à démonter qu'au 1er janvier 1970 le local était à usage d'habitation, le tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- rejeté la demande portant sur le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 2]) ;

- condamné la Ville de Paris à payer à M. [K] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de paris aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 05 décembre 2021, la Ville de Paris a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 27 janvier 2022, elle demande à la cour, de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que M. [K] a commis une infraction aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'urbanisme en louant pour de courtes durées l'appartement situé [Adresse 2] ;

- condamner M. [K] à une amende civile de 50.000 euros et dire que le produit de cette amende lui sera intégralement versé conformément à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, sous astreinte de 124 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et pendant le délai qu'il plaira à la Cour de fixer ;

- condamner M. [K] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile par Me Bruno Mathieu, avocat.

Au soutien de son appel, la Ville de Paris fait essentiellement valoir qu'elle démontre l'usage d'habitation en produisant un permis de construire accordé le 28 août 1986 sur autorisation administrative du 26 janvier 1988 établissant que l'immeuble a été affecté à l'usage d'habitation après avoir été un hôtel, d'où l'établissement le 17 juin 1988 de la fiche H2.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 25 février 2022, M. [K] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

- confirmer que la Ville de Paris échoue à démontrer qu'au 1er janvier 1970 son local était utilisé à usage d'habitation de sorte qu'elle ne remplit pas les conditions nécessaires à l'application des articles L.631-7 ; L.651-6 et L.651-7 du code de la construction et de l'habitation ;

- juger que la Ville de Paris ne démontre pas la réalité des locations de courte durée alléguées ;

- juger que Mme [E] n'a effectué aucune visite de l'appartement sis [Adresse 2] et n'a rencontré aucun locataire dans les lieux permettant de confirmer l'existence de locations de courte durée ;

- juger que le constat d'infraction du 20 mars 2017 réalisé par Mme [E] est empreint de contradictions et ne répond pas aux exigences des articles L. 651-6 et L.651-7 du code de la construction et de l'habitation ;

- débouter en conséquence la Ville de Paris de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, comme s'avérant mal fondées et injustifiées ;

- juger en conséquence n'y avoir lieu à le condamner à verser à la Ville de Paris une indemnité à titre d'amende civile, et à défaut la réduire à plus juste mesure en vertu de l'application du principe de la personnalisation des sanctions ;

- confirmer que le plafond de l'amende civile prévue par l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au jour de l'infraction alléguée, est de 25.000 euros ;

- juger en conséquence que la Ville de Paris est irrecevable à solliciter une amende civile d'un montant maximum de 50.000 euros ;

- juger que, si par extraordinaire il se voyait condamné à une amende civile, son plafond serait par conséquent de 25.000 euros ;

- constater que l'appartement sis [Adresse 2] lui appartenant est loué pour une durée légale d'un an ;

- juger n'y avoir lieu en conséquence d'ordonner le retour à l'habitation sous astreinte du local sis [Adresse 2] ;

- juger dans tous les cas n'y avoir lieu à le condamner à verser à la Ville de Paris une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ni à supporter les dépens ;

- condamner la Ville de Paris à lui verser la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Ville de Paris aux entiers dépens.

M. [K] soutient en substance que :

- le permis de construire accordé le 28 août 1986 n'établit pas l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 ; au surplus, s'agissant d'un ensemble immobilier comportant plusieurs bâtiments, ce permis de construire ne contient aucun élément permettant d'attester que le bâtiment A concerné est dorénavant affecté à l'usage d'habitation ;

- le rapport d'enquête produit par la Ville de Paris n'établit pas la matérialité de l'infraction, l'enquête ayant été réalisée uniquement sur pièces et rédigée sur la base d'un document type et contenant des erreurs matérielles, sans que l'enquêtrice n'ait personnellement constaté une occupation irrégulière des lieux ni même visité l'appartement, et sans avoir mené d'enquête de voisinage, le rapport ne contenant en outre aucun commentaire de touristes laissés sur le site ;

- pour sa part il apporte la preuve de la conclusion de contrats de location de durées parfaitement légales ;

- il ne peut être réclamé une amende de 50.000 euros alors que le bien est loué en toute légalité depuis au moins le 27 juillet 2016, soit avant l'entrée en vigueur le 20 novembre 2016 de la loi 2016-1547 ;

- l'estimation par la Ville de Paris des profits réalisés est déconnectée de toute réalité ;

- la demande d'astreinte est sans objet dès lors dès lors qu'il n'est pas démontré que l'infraction alléguée perdurerait à ce jour.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, tel qu'issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros (anciennement 25 000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires.

Il résulte en outre de l'article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment les cas de location d'un meublé constituant la résidence principale du loueur (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore de location d'un meublé dans le cadre d'un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

A cet égard, il est jugé par la Cour de cassation que hormis les cas d'une location consentie à un étudiant pour une durée d'au moins neuf mois, de la conclusion, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, d'un bail mobilité d'une durée de un à dix mois et de la location du local à usage d'habitation constituant la résidence principale du loueur pour une durée maximale de quatre mois, le fait de louer, à plus d'une reprise au cours d'une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu'une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n'y fixe pas sa résidence principale au sens de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989, constitue un changement d'usage d'un local destiné à l'habitation et, par conséquent, est soumis à autorisation préalable.

En l'espèce, s'agissant en premier lieu de l'usage d'habitation, la Ville de Paris démontre en cause d'appel, par la production d'un permis de construire délivré le 28 août 1986 par le Maire de Paris (pièce 5), que l'ensemble immobilier du [Adresse 2], dans lequel se trouve le local en cause, a été transformé en habitation alors qu'il était auparavant à usage d'hôtel meublé. Cela explique que la fiche H2 soit datée du 18 juin 1988, ayant été établie après les travaux de transformation de l'immeuble en habitation, fixant l'usage d'habitation du lot en cause.

Conformément aux dispositions légales précitées, le local est réputé avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, à savoir un usage d'habitation.

Ensuite, il n'est pas discuté que le local en cause ne constitue pas le domicile principal de son propriétaire, M. [K].

S'agissant du changement d'usage, il résulte du constat d'infraction qui a été établi le 20 mars 2017 par le contrôleur assermenté de la Ville de Paris les éléments suivants :

- par courriel du 20 novembre 2016, une résidente de l'immeuble a signalé à la Ville de Paris que l'appartement en cause était loué depuis le nombreuses années en saisonnier, se plaignant d'allers et venues dans l'immeuble et de dégradations des parties communes ;

- le contrôleur a constaté que cet appartement figurait parmi les annonces de sites proposant des locations de courte durée tel que book-a-flat.com, ces annonces comportant une description du bien avec des photographies ;

- si le contrôleur n'a pas intégré à son procès-verbal de constat les commentaires laissés par les touristes, il a relevé l'existence de tels commentaires en renseignant la case correspondante ("commentaires de touristes : oui") ;

- le contrôleur a pu effectuer une simulation de réservation de l'appartement le 20 mars 2017 pour une durée d'un mois à partir du 20 avril 2017 ;

- le propriétaire, M. [K], a fourni au contrôleur le mandat de location qu'il a signé le 19 mars 2014 avec l'agence Book a flat, et qui stipule que l'appartement est mis en location pour des durées de 1 à 5 mois ;

- dans le courrier qu'il a adressé le 2 décembre 2016 au contrôleur, M. [K] indique que l'appartement a été loué trois mois avec contrat du 1er juillet au 30 septembre 2016.

Contrairement à ce que soutient l'intimé, il résulte suffisamment de ces éléments que depuis au moins le 19 mars 2014, date du mandat signé avec la société Book a flat, M. [K] a loué son bien pour de courtes durées à une clientèle de passage, et cela sans avoir requis l'autorisation préalable de la Ville de Paris.

Si M. [K] produit un contrat de location meublée conclu le 27 juillet 2016 avec Mme [U] [T] [C] pour une durée de douze mois, l'effectivité de ce bail de longue durée n'apparaît pas établie, car M. [K] a écrit le 2 décembre 2016 au contrôleur de la Ville de Paris que son appartement avait été loué trois mois du 1er juillet au 30 septembre 2016. Par ailleurs, il résulte des constatations opérées par la Ville de Paris que l'appartement était offert à la location de courte durée le 20 mars 2017, avant le terme du bail de longue durée.

L'infraction apparaît ainsi établie sur une période minimale du 19 mars 2014 au 20 mars 2017.

Aussi, contrairement à ce que soutient l'intimé, les locations de courte durée se sont poursuivies après l'entrée en vigueur le 20 novembre 2016 de la loi 2016-1547 qui a porté l'amende encourue à 50.000 euros, en sorte qu'une amende de 50.000 euros est bien encourue en l'espèce.

Au vu des contrats de location meublée de douze mois qui sont produits par l'intimé, en date des 7 février 2018 et 21 décembre 2018, et qui ne sont pas discutés par l'appelante, il apparaît que M. [K] a rétabli la location de son bien de manière régulière, en sorte qu'il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte le retour à l'habitation, qu'il convient d'ordonner en tant que de besoin.

L'amende civile doit être fixée en fonction de l'objectif d'intérêt général poursuivi par la législation dont elle vise à garantir le respect dans une ville comme Paris où il existe une grande disparité entre l'offre et la demande de logements à la location, des revenus procurés par les locations illicites et de la bonne foi dont l'intéressé a fait preuve.

En l'espèce, compte tenu de la durée prouvée de l'infraction (du 19 mars 2014 au 20 mars 2017), du retour apparent à une location régulière pour la période postérieure et des profits qui ont pu être générés par la location illicite (l'appartement était mis en location pour un montant de 1850 euros par mois au vu des annonces, soit un montant majoré de 816 euros par rapport à une location classique), il sera prononcé à l'encontre de M. [K] une amende de 25.000 euros.

La Ville de Paris sera condamnée aux dépens de première instance, échouant alors à démontrer l'usage d'habitation, l'ordonnance étant confirmée de ce chef. L'équité commandait toutefois d'exclure l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'ordonnance étant infirmée de ce chef.

Perdant en appel, M. [K] sera condamné aux dépens de cette instance et à payer à la Ville de Paris la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a condamné la Ville de Paris aux dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [V] [K] à payer à la Ville de Paris une amende civile de 25.000 euros,

Ordonne, en tant que de besoin et sans astreinte, le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

Condamne M. [K] aux entiers dépens de l'instance d'appel, qui pourront être recouvrés comme il est dit à l'article 699 du code de procédure civile par Me Bruno Mathieu, avocat,

Condamne M. [K] à payer à la Ville de Paris, au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel, la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/21300
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.21300 ?
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