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30/06/2022 | FRANCE | N°21/21072

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 30 juin 2022, 21/21072


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 30 JUIN 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21072 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYMB



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Novembre 2021 -Président du TJ de BOBIGNY - RG n° 21/01293





APPELANTE



S.C. SOCIETE DES CENTRES D'OC ET D'OIL 'SCOO', agissant poursuites et d

iligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Laurence DEFONTAINE de la SCP...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21072 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYMB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Novembre 2021 -Président du TJ de BOBIGNY - RG n° 21/01293

APPELANTE

S.C. SOCIETE DES CENTRES D'OC ET D'OIL 'SCOO', agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurence DEFONTAINE de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0370

INTIMEE

S.A.S.U. JOKER MEUBLES exploitant le lot n°B10 sous enseigne 'JOKER MEUBLES'

[Adresse 2]

[Localité 4]

Défaillante, signifiée à personne morale le 3.02.2022

PARTIE INTERVENANTE

Société MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIES 'MJA', ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JOKER MEUBLES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Défaillante, signifiée à personne morale le 11.02.2022

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 8 avril 2019, la société Scoo a donné à bail dérogatoire à la société Joker meubles des locaux à usage commercial (lot n° B10 sous enseigne "Joker meubles") situés au sein du centre commercial Les Arcades à [Localité 5] (93), pour une durée de 24 mois à compter de la livraison du local fixée à titre prévisionnel au plus tard le 30 avril 2019, moyennant un loyer annuel en principal de 33.600 euros, hors taxes et hors charges.

Par courrier recommandé en date du 06 octobre 2020, la société Scoo a donné congé à la société Joker meubles pour la date du 06 décembre 2020. Par acte d'huissier de justice en date du 10 décembre 2020, elle lui a fait signifier une sommation d'avoir à quitter les lieux.

Par acte du 27 juillet 2021, la société Scoo a fait assigner la société Joker meubles devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de voir ordonner son expulsion et la condamner au paiement des loyers, charges, indemnités d'occupation et clauses pénales contractuelles afférentes.

Par ordonnance réputée contradictoire du 3 novembre 2021 (la société Joker meubles n'étant ni comparante ni représentée), le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :

- dit qu'en l'absence d'élément établissant la date de livraison des locaux litigieux, les demandes formées par la société Scoo se heurtent à des contestations sérieuses ;

- dit n'y avoir lieu à référé ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Scoo aux dépens.

Par déclaration en date du 1er décembre 2021, la société Scoo a relevé appel de cette décision.

La société Joker meubles a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er décembre 2021.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 02 février 2022, la société Scoo demande à la cour, de :

- infirmer l'ordonnance de référé du 03 novembre 2021 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- constater que le bail dérogatoire du 8 avril 2019 a pris effet le 02 mai 2019, date de l'état des lieux établi de manière contradictoire entre elle et la société Joker meubles ;

- constater que, par effet du congé en date du 06 octobre 2020 notifié par elle à la société Joker meubles à effet du 6 décembre 2020, le bail dérogatoire est venu à expiration à la date du 6 décembre 2020 ;

- constater que la société Joker meubles occupe sans droit ni titre ses locaux depuis le 7 décembre 2020 ;

- constater que la société Joker meubles n'a pas payé les sommes dues au titre du bail dérogatoire en contradiction avec les stipulations contractuelles ;

- dire que sa demande de condamnation par provision de la société Joker meubles à lui verser les sommes dues en première instance au titre du bail dérogatoire était parfaitement fondée ;

- compte tenu de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire le 1er décembre 2021, fixer sa créance au passif antérieur de la société Joker meubles à la somme de 96.402,12 euros TTC correspondant aux loyers, indemnités d'occupation et charges impayés par la société Joker meubles à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Joker meubles, soit au 1er décembre 2021, majorée de 10% conformément aux dispositions de l'article 10.3.5. des conditions générales du bail dérogatoire, soit la somme totale de 106.042,33 euros ;

- fixer au passif de la société Joker meubles les frais de recouvrement y compris la totalité du droit proportionnel et les honoraires dus à l'huissier de justice conformément à l'article 10.3.5 des conditions générales du bail dérogatoire ;

Statuant de nouveau,

- condamner par provision son liquidateur judiciaire à payer à l'appelant la somme de 3.526,67 euros TTC correspondant aux indemnités d'occupation et charges impayées par la société Joker meubles au titre de la période postérieure au jugement d'ouverture de liquidation judiciaire jusqu'au 31 décembre 2021, majorée de 10% conformément aux dispositions de l'article 10.3.5 des conditions générales du bail dérogatoire, soit la somme totale de 3.879,34 euros ;

- condamner par provision la société Joker meubles à lui verser une indemnité d'occupation à compter du 1er janvier 2022 égale à un pour cent du dernier loyer annuel facturé, par jour de calendrier jusqu'à la reprise du local par le bailleur et augmenté des charges exigibles au titre du bail jusqu'à la date effective de libération du local conformément à l'article 3 des conditions particulières du bail dérogatoire ;

- condamner par provision le liquidateur de la société Joker meubles à lui verser à compter du 1er décembre 2021 une indemnité forfaitaire égale à une somme de 1.500 euros par jour calendaire de retard jusqu'à la date effective de libération du local conformément à l'article 3 des conditions particulières du bail dérogatoire ;

En tout état de cause,

- condamner la société Joker meubles à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile relatif à la présente procédure d'appel ;

- condamner la société Joker meubles à payer les dépens d'appel.

Pour l'exposé des moyens de l'appelante, il est renvoyé à ses conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La société Scoo a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions au liquidateur judiciaire de la société Joker meubles par acte d'huissier de justice en date du 03 février 2022.

Par lettres des 11 janvier et 4 février 2022, le liquidateur judiciaire de la société Joker meubles a indiqué que compte tenu de l'impécuniosité du dossier il ne pouvait constituer avocat, faisant les observations suivantes :

- le bail a été résilié avant le 1er décembre 2021,

- le bailleur reconnaît que la restitution est en cours,

- la demande du bailleur en fixation de créance est irrecevable car la décision de première instance a été rendue en référé et il est constant que le juge des référés ne peut fixer une créance au passif, prérogative du juge du fond,

- aucune poursuite d'activité n'a été autorisée de sorte qu'aucune demande de condamnation au titre des dettes postérieures à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire n'est recevable et fondée au visa de l'article L 631-13 du code de commerce,

- aucune demande en paiement ne pourra valablement prospérer compte tenu de l'existence de dispositions d'ordre public (articles L 622-21 et L 631-14 du code de commerce).

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire, il doit être relevé :

- d'une part, que la société Joker meubles a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 1er décembre 2021, alors que l'instance d'appel, engagée le même jour (1er décembre 2021), était en cours ;

- d'autre part, que la société Scoo forme deux types de demandes :

une demande tendant à ce qu'il soit constaté que le bail dérogatoire a pris fin le 06 décembre 2020, par l'effet du congé délivré le 06 octobre 2020, (et donc avant l'ouverture de la procédure collective), et que la locataire, occupante sans droit ni titre depuis le 7 décembre 2020, soit en conséquence expulsée ;

une demande tendant au paiement des loyers, charges, indemnités d'occupation et clauses pénales contratuelles afférentes aux sommes dues, jusqu'à la libération effective des lieux, soit la somme de 106.042,33 euros due à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et la somme de 3.879,34 euros échue postérieurement à ce jugement.

En vertu de l'article L 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent,

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Selon l'article L 622-22 du même code, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Il convient de rappeler que l'instance en cours, interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance ; tel n'est pas le cas de l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle de sorte que la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire.

L'instance en référé n'étant pas une instance en cours, l'ouverture de la procédure collective pendant cette instance rend irrecevable la demande tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. Cette demande se heurte en effet à la règle de l'interdiction des actions en paiement posée à l'article L 622-21 du code de commerce.

Il s'ensuit en l'espèce, que les demandes de la société Scoo en fixation de créances provisionnelles et/ou en paiement de provisions au titre de loyers charges, indemnités d'occupation et clauses pénales sont irrecevables. Il sera donc dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande.

S'agissant de la demande en paiement des indemnités d'occupation échues postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, il doit être rappelé qu'en application de l'article L 641-13 du code de commerce, sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui prononce la liquidation judiciaire :

- si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisée en application de l'article L 641-10 ;

- si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou en exécution d'un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;

[...].

Or en l'espèce, alors qu'il est constant que le liquidateur judiciaire n'a pas autorisé la poursuite de l'activité de la société Scoo et aussitôt entrepris la restitution des lieux au bailleur, ce dernier ne peut obtenir le paiement de sa créance postérieure, les conditions du texte n'étant pas réunies. Il sera donc dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande.

En revanche, en ce qu'elle ne tend pas au paiement d'une somme d'argent ni à la résolution du contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, la demande de la société Scoo tendant à ce qu'il soit jugé que le bail dérogatoire a pris fin le 06 décembre 2020 par l'effet du congé délivré le 06 octobre 2020, n'est pas soumise à la règle de l'arrêt et de la suspension des poursuites, en sorte que la cour doit statuer sur cette demande.

Le contrat de bail dérogatoire conclu entre les parties prévoit que le bail est conclu pour la durée stipulée en partie II et qu'il prendra fin de plein droit au terme stipulé, conformément à l'article 1737 du code civil, sans qu'il soit nécessaire de donner congé.

Il est stipulé en partie II que le bail prend effet à compter de la date de livraison du local fixée à titre prévisionnel au plus tard le 30 avril 2019 ; que sa durée est fixée à 24 mois courant à compter de la date d'effet du bail ; que chacune des parties a la possibilité de mettre fin au bail, au plus tôt à l'expiration d'un délai de douze mois suivant la date d'effet du bail, puis à tout moment à partir de cette date, par l'envoi d'un courrier recommandé avec demande d'avis de réception et en respectant un préavis de deux mois courant à compter de l'envoi dudit courrier recommandé, la durée totale du bail ne pouvant en tout état de cause en aucun cas excéder 24 mois.

En l'espèce, c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il existait une contestation sérieuse sur la date de livraison du bail, constitutive de la date de prise d'effet du bail, alors que même s'il n'a pas été établi de procès-verbal de livraison, il résulte d'évidence de la signature par les deux parties le 02 mai 2019 d'un état des lieux d'entrée que celles-ci sont convenues de faire prendre effet au bail le 02 mai 2019, alors qu'il résulte par ailleurs des pièces au dossier que la facturation des loyers et charges a commencé le 02 mai 2019.

Il s'ensuit que par l'effet du congé délivré le 06 octobre 2020, le bail dérogatoire a pris fin le 06 décembre 2020 comme la société Scoo l'a notifié à sa locataire par lettre recommandée avec avis de réception datée du 06 octobre 2020, en respectant un préavis de deux mois, et qu'à partir du 07 décembre 2020 la société Joker meubles est devenue occupante sans droit ni titre des lieux donnés à bail, et cela encore à ce jour, la restitution des lieux étant en cours via le liquidateur judiciaire.

Il sera donc jugé, par infirmation de l'ordonnance entreprise, que le bail dérogatoire a pris fin le 06 décembre 2020 et que la société Joker meubles est sans droit ni titre occupante des lieux loués depuis le 07 décembre 2020.

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Joker meubles en liquidation, partie perdante.

La situation économique des parties commande d'exclure l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Dit que le bail dérogatoire conclu par la société Scoo et la société Joker meubles sur des locaux à usage commercial (lot n°B10 sous enseigne "Joker meubles") situés au sein du centre commercial Les Arcades à [Localité 5] (93) a pris fin le 06 décembre 2020,

Dit que la société Joker meubles est sans droit ni titre occupante de ces locaux depuis le 07 décembre 2020,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en fixation de créances provisionnelles et en paiement de provisions formées par la société Scoo,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société Joker meubles en liquidation,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/21072
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.21072 ?
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