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30/06/2022 | FRANCE | N°21/21048

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 30 juin 2022, 21/21048


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 30 JUIN 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21048 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYKI



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Novembre 2021 -Président du TJ de BOBIGNY - RG n° 21/01292





APPELANTE



S.C. SOCIETE DES CENTRES D'OC ET D'OIL 'SCOO', agissant poursuites et d

iligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Laurence DEFONTAINE de la SC...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21048 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYKI

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Novembre 2021 -Président du TJ de BOBIGNY - RG n° 21/01292

APPELANTE

S.C. SOCIETE DES CENTRES D'OC ET D'OIL 'SCOO', agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurence DEFONTAINE de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0370

INTIMEE

S.A.S.U. JOKER MEUBLES, exploitant le Lot n°B09 sous l'enseigne « HELLO MEUBLES »

[Adresse 2]

[Localité 4]

Défaillante, signifiée à personne morale le 11.02.2022

PARTIE INTERVENANTE

S.E.L.A.F.A SOCIETE MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIES (MJA)ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JOKER MEUBLES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Défaillante, signifiée à personne morale le 11.02.2022

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er octobre 2018, la société Scoo a donné à bail dérogatoire à la société Joker meubles des locaux à usage commercial (lot n°B09 sous enseigne "Hello meubles") situés au sein du centre commercial Les Arcades à [Localité 5] (93), pour une durée de 24 mois à compter de la livraison du local fixée à titre prévisionnel au plus tard le 1er décembre 2018, moyennant un loyer annuel en principal de 42.000 euros, hors taxes et hors charges.

Par courrier recommandé en date du 23 septembre 2020, la société Scoo a rappelé à la société Joker meubles qu'elle devait rendre les lieux à l'échéance du bail le 16 octobre 2020 et par acte d'huissier de justice en date du 27 octobre 2020, elle lui a fait délivrer une sommation d'avoir à quitter les lieux.

Par acte du 27 juillet 2021, la société Scoo a fait assigner la société Joker meubles devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de voir prononcer son expulsion et la condamner au paiement des loyers, charges, indemnités d'occupation et clauses pénales contractuelles afférentes.

Par ordonnance réputée contradictoire du 03 novembre 2021 (la société Joker meubles n'étant ni présente ni représentée), le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :

- dit qu'en l'absence d'élément établissant la date de livraison des locaux litigieux, les demandes formées par la société Scoo se heurtent à des contestations sérieuses ;

- dit n'y avoir lieu à référé ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Scoo aux dépens.

Par déclaration en date du 1er décembre 2021, la société Scoo a relevé appel de cette décision.

La société Joker meubles a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er décembre 2021.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 14 mars 2022, la société Scoo demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

- juger que le bail dérogatoire du 1er octobre 2018 a pris effet le 17 octobre 2018, date de l'état des lieux établi de manière contradictoire entre elle et la société Joker meubles ;

- juger que le bail dérogatoire est venu à expiration à la date du 16 octobre 2020 ;

- juger que la société Joker meubles a occupé sans droit ni titre ses locaux depuis le 17 octobre 2020 jusqu'au 28 février 2022 ;

- juger que la société Joker meubles n'a pas payé les sommes dues au titre du bail dérogatoire en contradiction avec les stipulations contractuelles ;

- dire que sa demande de condamnation par provision de la société Joker meubles à lui verser les sommes dues en première instance au titre du bail dérogatoire était parfaitement fondée ;

- compte tenu de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire le 1er décembre 2021, fixer sa créance au passif antérieur de la société Joker meubles à la somme de 117.427,14 euros TTC correspondant aux loyers, indemnités d'occupation et charges impayés par la société Joker meubles à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Joker meubles, soit au 1er décembre 2021,

Statuant de nouveau,

- condamner par provision son liquidateur judiciaire à payer à l'appelant la somme de 13.665,09 euros TTC correspondant aux indemnités d'occupation et charges impayées par la société Joker meubles au titre de la période postérieure au jugement d'ouverture de liquidation judiciaire jusqu'au 28 février 2022, majorée de 10% conformément aux dispositions de l'article 10.3.5 des conditions générales du bail dérogatoire, soit la somme totale de 15.031,60 euros ;

- condamner par provision le liquidateur de la société Joker meubles à lui verser à compter du 1er décembre 2021 une indemnité forfaitaire égale à une somme de 1.500 euros par jour calendaire de retard jusqu'au 28 février 2022, date effective de libération du local conformément à l'article 3 des conditions particulières du bail dérogatoire ;

En tout état de cause,

- condamner la société Joker meubles à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile relatif à la présente procédure d'appel ;

- condamner la société Joker meubles à payer les dépens d'appel.

Pour l'exposé des moyens de l'appelante, il convient de se référer à ses conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La société Scoo a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions au liquidateur judiciaire de la société Joker meubles par acte d'huissier de justice en date du 16 mars 2022.

Par lettres des 25 février et 16 mars 2022, le liquidateur judiciaire de la société Joker meubles a indiqué que compte tenu de l'impécuniosité du dossier il ne pouvait constituer avocat, faisant les observations suivantes :

- le bail a été résilié avant le 1er décembre 2021,

- les locaux ont été rendus le 7 mars 2022,

- la demande du bailleur en fixation de créance est irrecevable car la décision de première instance été rendue en référé et il est constant que le juge des référés ne peut fixer une créance au passif, prérogative du juge du fond,

- aucune poursuite d'activité n'a été autorisée de sorte qu'aucune demande de condamnation au titre des dettes postérieures à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire n'est recevable et fondée au visa de l'article L 631-13 du code de commerce,

- aucune demande en paiement ne pourra valablement prospérer compte tenu de l'existence de dispositions d'ordre public (articles L 622-21 et L 631-14 du code de commerce).

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire, il doit être relevé :

- d'une part, que la société Joker meubles a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 1er décembre 2021, alors que l'instance d'appel, engagée le même jour (1er décembre 2021), était en cours ;

- d'autre part, que la société Scoo forme deux types de demandes :

une demande tendant à ce qu'il soit constaté que le bail dérogatoire a pris fin le 16 octobre 2020, à son échéance, (et donc avant l'ouverture de la procédure collective), et que la locataire, occupante sans droit ni titre depuis le 17 octobre 2020, soit en conséquence expulsée ;

une demande tendant au paiement des loyers, charges, indemnités d'occupation et clauses pénales contractuelles afférentes aux sommes dues, jusqu'à la libération effective des lieux, soit la somme de 117.427,14 euros due à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et la somme de 15.031,60 euros échue postérieurement à ce jugement.

En vertu de l'article L 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent,

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Selon l'article L 622-22 du même code, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Il convient de rappeler que l'instance en cours, interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance ; tel n'est pas le cas de l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle de sorte que la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire.

L'instance en référé n'étant pas une instance en cours, l'ouverture de la procédure collective pendant cette instance rend irrecevable la demande tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. Cette demande se heurte en effet à la règle de l'interdiction des actions en paiement posée à l'article L 622-21 du code de commerce.

Il s'ensuit en l'espèce, que les demandes de la société Scoo en fixation de créances provisionnelles au titre de loyers charges et indemnités d'occupation échues antérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Scoo sont irrecevables.

Il sera donc dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande.

S'agissant de la demande en paiement des indemnités d'occupation échues postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, il doit être rappelé qu'en application de l'article L 641-13 du code de commerce, sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui prononce la liquidation judiciaire :

- si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisée en application de l'article L 641-10 ;

- si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou en exécution d'un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;

[...].

Or en l'espèce, alors qu'il est constant que le liquidateur judiciaire n'a pas autorisé la poursuite de l'activité de la société Scoo et aussitôt entrepris la restitution des lieux au bailleur, ce dernier ne peut obtenir le paiement de sa créance postérieure, les conditions du texte n'étant pas réunies. Il sera donc dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande.

En revanche, en ce qu'elle ne tend pas au paiement d'une somme d'argent ni à la résolution du contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, la demande de la société Scoo tendant à ce qu'il soit jugé que le bail dérogatoire est expiré depuis le 17 octobre 2020 n'est pas soumise à la règle de l'arrêt et de la suspension des poursuites, en sorte que la cour doit statuer sur cette demande.

Le contrat de bail dérogatoire conclu entre les parties prévoit que le bail est conclu pour la durée stipulée en partie II et qu'il prendra fin de plein droit au terme stipulé, conformément à l'article 1737 du code civil, sans qu'il soit nécessaire de donner congé.

Il est stipulé en partie II que le bail prend effet à compter de la date de livraison du local fixée à titre prévisionnel au plus tard le 1er décembre 2018, et que sa durée est fixée à 24 mois courant à compter de la date d'effet du bail, dont 8 mois fermes.

En l'espèce, c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il existait une contestation sérieuse sur la date de livraison du bail, constitutive de la date de prise d'effet du bail, alors que même s'il n'a pas été établi de procès-verbal de livraison, il résulte d'évidence de la signature par les deux parties le 17 octobre 2018 d'un état des lieux d'entrée que celles-ci sont convenues de faire prendre effet au bail le 17 octobre 2018, alors qu'il résulte par ailleurs des pièces au dossier que la facturation des loyers et charges a commencé le 17 octobre 2018.

Il s'ensuit que le bail dérogatoire, d'une durée de 24 mois, a pris fin le 16 octobre 2020 comme la société Scoo l'a notifié à sa locataire par lettre recommandée avec avis de réception datée du 23 septembre 2020, et qu'à partir du 17 octobre 2020 la société Joker meubles est devenue occupante sans droit ni titre des lieux donnés à bail, et cela jusqu'au 28 février 2022 comme l'indique la société Scoo dans ses conclusions, la société Joker meubles ayant rendu les lieux le 7 mars 2022 via son liquidateur judiciaire.

Il sera donc jugé, par infirmation de l'ordonnance entreprise, que le bail dérogatoire a pris fin le 16 octobre 2020 et que la société Joker meubles a été sans droit ni titre occupante des lieux loués du 17 octobre 2020 au 28 février 2022.

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Joker meubles en liquidation, partie perdante.

La situation économique des parties commande d'exclure l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Dit que le bail dérogatoire conclu par la société Scoo et la société Joker meubles sur des locaux à usage commercial (lot n°B09 sous enseigne "Hello meubles") situés au sein du centre commercial Les Arcades à [Localité 5] (93) a pris fin le 16 octobre 2020,

Dit que la société Joker meubles a été sans droit ni titre occupante de ces locaux du 17 octobre 2020 au 28 février 2022,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en fixation de créances provisionnelles et en paiement de provisions formées par la société Scoo,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société Joker meubles en liquidation,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/21048
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.21048 ?
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