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30/06/2022 | FRANCE | N°21/210167

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 30 juin 2022, 21/210167


Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 30 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/21016 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEYIG

Décision déférée à la cour :
Jugement du 02 novembre 2021-juge de l'exécution d'EVRY-RG no 21/05215

APPELANTE

Madame [M] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Richard Ruben COHEN de la SELAS SELASU RICHARD R. COHEN, avocat au barr

eau de PARIS, toque : C1887

INTIMÉE

S.A. TOIT ET JOIE
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barrea...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 30 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/21016 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEYIG

Décision déférée à la cour :
Jugement du 02 novembre 2021-juge de l'exécution d'EVRY-RG no 21/05215

APPELANTE

Madame [M] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Richard Ruben COHEN de la SELAS SELASU RICHARD R. COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1887

INTIMÉE

S.A. TOIT ET JOIE
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Bénédicte PRUVOST, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Monsieur Benoît DEVIGNOT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par acte sous seing privé du 30 janvier 2013, la SA d'HLM Toit et Joie (ci après la SA Toit et Joie) a conclu avec Mme [P] un contrat de bail portant sur un appartement situé [Adresse 1].

Par ordonnance du 31 décembre 2019, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Évry-Courcouronnes a constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion de Mme [P], l'a condamnée à payer la somme de 3 247,35euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés, ainsi qu'à payer une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant égal à celui du loyer, à compter du 1er novembre 2019 et jusqu'à libération effective des lieux.

Cette ordonnance a été signifiée à Mme [P] le 12 février 2020.

Un commandement de quitter les lieux lui a été délivré le 28 février 2020.

Mme [P] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evry aux fins de se voir accorder un délai de 3 années pour quitter son logement.

Par jugement en date du 02 novembre 2021, le juge de l'exécution a :
– débouté Mme [P] de sa demande de délai d'expulsion ;
– dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [P] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu que la dette de Mme [P] s'était aggravée lourdement, qu'un chèque de 5 000 euros versé le 6 octobre 2021 n'avait pas été encaissé sans que l'intéressée ne justifie d'éléments garantissant son bon encaissement ; que sa situation administrative n'était pas régularisée, en l'absence de décision de la Préfecture sur le renouvellement de son titre de séjour ; qu'elle ne dispose d'aucuns revenus, ni de perspectives d'amélioration prochaine lui permettant d'honorer sa dette locative ; enfin qu'elle ne justifie pas de recherches de logement.

Selon déclaration du 30 novembre 2021, Mme [P] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions signifiées le 29 décembre 2021, elle demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
– la recevoir en ses demandes et les déclarer bien fondées ;
– lui accorder un délai de trois années pour quitter le logement occupé situé [Adresse 1] ;
– statuer ce que de droit sur les dépens.

À cet effet elle fait valoir que :
sa situation est précaire tant sur le plan financier que médical, psychologique et social ; elle ne dispose plus de titre de séjour alors qu'elle vit depuis plusieurs décennies en France, ni d'aucuns revenus, ni enfin d'aides sociales mais seulement des aides familiales de sa s?ur ;
tant que sa situation administrative ne sera pas régularisée, elle ne peut espérer trouver une solution de relogement ; elle a déposé un recours auprès de la sous-préfecture de [Localité 4] ; sa demande étant de droit, sa situation sera, selon toute vraisemblance, régularisée de sorte qu'elle pourra bénéficier de revenus et trouver une solution de relogement ;
elle bénéficie du concours de sa s?ur et s'efforce de régler les loyers courants ;
l'exposer à une mesure d'expulsion la mettrait dans une situation de précarité extrême, alors qu'elle est atteinte d'un cancer.

Par ordonnance d'incident en date du 7 avril 2022, le conseiller désigné par le premier président a notamment :
- rejeté les demandes de nullité de la signification du 30 décembre 2021 et de caducité de la déclaration d'appel,
- déclaré la SA d'HLM Toit et Joie irrecevable à conclure,
- condamné la SA d'HLM Toit et Joie aux dépens de l'incident.

MOTIFS

Aux termes de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution du lieu de situation de l'immeuble peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou à usage professionnel, dont l'expulsion aura été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que lesdits occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.

L'article L. 412-4 du même code précise que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l'occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

Mme [P], qui indique vivre seule et sans enfants, justifie avoir bénéficié d'un titre de séjour, sinon pendant plusieurs décennies comme elle le soutient, à tout le moins entre 2009 et 2019. Son conseil indique être sans nouvelles, inexplicablement, de la demande de renouvellement de son titre de séjour déposée le 5 février 2021, Mme [P] s'étant préalablement déplacée à plusieurs reprises à la préfecture dans ce but, en vain. Agée de près de 73 ans à ce jour, elle présente un état de santé particulièrement fragile, ayant été opérée d'un cancer du sein le 26 mai 2020, pour les suites duquel elle est suivie régulièrement à l'hôpital [6] à [Localité 5]. Certes le juge de l'exécution avait tenu compte de ce que sa dette locative augmentait, mais d'une part, il lui avait été présenté un chèque d'un montant de 5000 euros, dont l'aprovisionnement n'était pas encore avéré au jour de l'audience, d'autre part il est justifié de ce que sa s?ur, Mme [W] [P], a mis en place un virement mensuel automatique de 500,27 euros de sorte que la dette locative a cessé d'augmenter. La société Toit et Joie, qui a été déclarée irrecevable à conclure et, par suite, à déposer ses pièces, n'est pas en mesure d'actualiser le montant de la dette locative. En tout état de cause, la cour observe que, même si la demande de renouvellement de titre de séjour était accueillie favorablement, la régularisation de sa situation administrative ne procurera pas de ressources à Mme [P], qui n'est plus en âge de travailler.

Pour sa part, la SA d'HLM Toit et Joie est un bailleur à vocation sociale.

Enfin il convient de tenir compte de ce que, par rapport à la date de l'ordonnance de référé ordonnant son expulsion, l'appelante a déjà bénéficié d'un délai de fait de deux ans et demi pour quitter les lieux.

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu d'accorder à Mme [P] un délai limité à six mois pour libérer les lieux à compter du prononcé de la présente décision, et ce sous réserve expresse du paiement de l'indemnité d'occupation.

L'issue du litige justifie que l'appelante supporte les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de délai d'expulsion ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Accorde à Mme [M] [P] un délai de six mois à compter du prononcé du présent arrêt pour libérer les lieux situés [Adresse 1] ;

Dit que l'octroi de ces délais est strictement subordonné au respect du paiement à bonne date de l'indemnité mensuelle d'occupation fixée par l'ordonnance de référé du 31 décembre 2019 et que, faute par Mme [M] [P] de s'acquitter d'un seul terme d'indemnité d'occupation, la procédure d'expulsion pourra être reprise sans autre formalité ;

Condamne Mme [M] [P] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/210167
Date de la décision : 30/06/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-06-30;21.210167 ?
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