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30/06/2022 | FRANCE | N°21/20981

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 30 juin 2022, 21/20981


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 30 JUIN 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20981 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYFV



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Octobre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 18/60096





APPELANTE



S.A.R.L. MOICHA, agissant poursuites et diligences en la personne de ses r

eprésentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Me Anne LEFORT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0547

Assist...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20981 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYFV

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Octobre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 18/60096

APPELANTE

S.A.R.L. MOICHA, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne LEFORT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0547

Assistée par Me Pascale PIGNOT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Mme [U] [G], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Fabienne DELECROIX de l'ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

Assistée par Me Jennyfer BRONSARD, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 03 octobre 2018, la Ville de [Localité 6] a fait assigner la société Moicha devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris, saisi selon la procédure en la forme des référés, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 1].

Par ordonnance du 28 mars 2019, il a été sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 6] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la règlementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la règlementation locale de la Ville de [Localité 6] sur le changement d'usage est conforme à la règlementation européenne.

La Ville de [Localité 6] a sollicité la condamnation de la société Moicha à lui payer une amende civile de 50.000 euros outre la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire du 25 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

- condamné la société Moicha à payer une amende civile de 35.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 6] ;

- condamné la société Moicha à payer à la Ville de [Localité 6] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Moicha aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 30 novembre 2021, la société Moicha a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 mars 2022, elle demande à la cour, de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Principalement,

- débouter la Ville de [Localité 6] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, à défaut pour elle de rapporter la preuve qui lui incombe d'un usage d'habitation du local considéré au 1er janvier 1970 ;

Subsidiairement,

- au regard de la bonne foi démontrée par elle, et de ses difficultés financières, ramener à de plus justes proportions l'amende civile réclamée par la Ville de [Localité 6], qui ne saurait excéder la somme de 2.500 euros en application de la jurisprudence habituelle ;

En toute hypothèse,

- condamner la Ville de [Localité 6] au paiement à son profit de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel, la société Moicha fait valoir, d'une part le défaut de preuve par la Ville de [Localité 6] de l'usage d'habitation au 1er janier 1970, considérant que les documents produits n'établissent pas ce fait, d'autre part sa bonne foi, ayant mis le bien bien en location pour de longues durées dès juin 2018 après le contrôle de la Ville de [Localité 6], et les difficutés financières de la société (à caractère familial) compte tenu des emprunts contractés, les gains réalisés par la location de courte durée n'étant pas ceux prétendus par la Ville de [Localité 6].

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 09 février 2022, la Ville de [Localité 6] demande à la cour de :

- débouter la société Moicha de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- condamner, la société Moicha à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner, aux entiers dépens.

En substance, elle soutient que la preuve est bien faite par la fiche H2, qui porte la mention de la perception d'un loyer au 1er janvier 1970, de l'usage habitation au 1er janvier 1979, le fait que la fiche renseignée le 21 septembre 1970 ait été mise à jour après la vente du local le 24 février 1981 n'altérant pas la validité de la fiche H2 ; que contrairement à ce qu'elle soutient, la société Moicha n'a pas mis fin à l'infraction dès juin 2018, les baux qu'elle produit ne sont pas probants et il n'est pas justifié de la perception des loyers ; que ses difficultés financières ne sont pas avérées alors que son compte bancaire est positif et que l'attestation de son expert comptable du 5 novembre 2021 a été établie pour les besoins de la cause.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur le rappel des textes applicables, il convient de se référer à la décision entreprise qui en a fait un exposé exhaustif.

Sur l'usage d'habitation, il est produit par la Ville de [Localité 6] une fiche H2 datée du 21 septembre 1970, qui mentionne que le local était occupé depuis 1945 par le locataire M. [T] [V] pour un montant de loyer au 1er janvier 1970 de 1600 francs.

Comme l'a exactement relevé le premier juge, la mention d'un loyer sur ce formulaire implique que l'appartement faisait l'objet d'un bail d'habitation au 1er janier 1970, le document permettant ainsi d'établir l'usage d'habitation du local au 1er janvier 1970.

S'il apparaît, à la lecure du document, que cette fiche H2 a été mise à jour en 1981, le nom de l'ancien propriétaire ayant été rayé et celui du nouveau propriétaire ayant été ajouté, cette mise à jour n'affecte nullement la validité de la fiche H2 et sa valeur probante sur le loyer et l'usage d'habitation au1er janier 1910 comme l'a exactement souligné le premier juge en réponse à la contestation de la société Moicha sur la valeur probante du document.

En l'absence d'élément nouveau en appel, la cour confirmera ainsi la décsision de première instance en ce qu'elle a considéré que la preuve est bien faite par la Ville de [Localité 6] de l'usage d'habitation du bien en cause au 1er janvier 1970, condition première à la caractérisation de l'infraction.

La matérialité des locations de courte durée sans autorisation de la Ville de [Localité 6] n'est pas contestée par la société Moicha et résulte du constat d'infraction du 17 jullet 2018 établi par l'agent assermenté de la Ville. La décison de première instance sera également confirmée de ce chef.

S'agissant du montant de l'amende, le premier juge l'a fixé à 35.000 euros en tenant compte des éléments suivants :

- la durée établie de l'infraction, à savoir de mai 2015 à mai 2018,

- le nombre important de réservations évalué à 116 nuitées en 2017 et à 103 nuitées en 2018,

- le profit substantiel réalisé par la société Moicha quand bien même celle-ci conteste l'estimation de la Ville de [Localité 6] à 128.655 euros des gains réalisés sur la période considérée,

- le défaut de caractérisation des difficultés financières actuelles invoquées par la société Moicha,

- les démarches engagées par la société Moicha pour mettre fin à l'infraction avant la délivrance de l'assignation mais le défaut de démonstration de ce que le bien est actuellement loué en longue durée et qu'il a ainsi été mis fin à l'infraction.

En appel, pour démontrer la persistance de ses difficultés financières, la société Moicha produit une attestation de son expert comptable, datée du 25 novembre 2021, qui déclare que la société présente les déficits comptables suivants : 311 euros pour l'année 2020, 12.290 euros pour l'année 2019 et 8.093 euros pour l'année 2018, et que la situation financière actuelle de la société ne lui permet pas de couvrir les frais de condamnation du litige avec la Ville de [Localité 6], le solde de son compte bancaire s'établissant à 786,41 euros au 18 novembre 2021.

Toutefois, en ce que les chiffres énoncés par l'expert comptable ne sont pas étayés par la production des bilans comptables correspondants, alors qu'au regard des périodes considérées ces documents étaient productibles, l'attestation fournie n'est pas suffisamment probante de la réalité des difficultés financières actuelles de la société Moicha.

Pour ce qui est de la cessation de l'infraction à partir de juillet 2018, la société Moicha en justifie par la production de contrats de location signés, de compte-rendus de gestion établis par la société Lodgis et d'extraits de relevés du compte de la société attestant de la perception des loyers.

Compte tenu du caractère manifestement avéré de la régularisation de la situation par la société Moicha dès après le contrôle effectué par la Ville de [Localité 6], les difficultés financières actuelles étant par contre insuffisamment caractérisées et étant rappelé que l'infraction démontrée a duré trois ans et que l'amende doit avoir un caractère suffisamment dissuasif au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi par la législation dont elle vise à garantir le respect dans une ville comme [Localité 6] où il existe une grande disparité entre l'offre et la demande de logements à la location, il convient, à hauteur d'appel, de fixer l'amende civile à un montant de 20.000 euros.

La décision entreprise sera infirmée de ce seul chef.

Le sens de la présente décision commande de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens et frais irrépétibles ; il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnnance entreprise du seul chef du montant de l'amende,

Condamne la société Moicha à payer à la Ville de [Localité 6] une amende civile de 20.000 euros,

Y ajoutant,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application en appel de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/20981
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.20981 ?
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