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30/06/2022 | FRANCE | N°21/206787

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 30 juin 2022, 21/206787


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 30 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/20678 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEXNS

Décision déférée à la cour :
jugement du 17 novembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81540

APPELANTE

Madame [V] [C] épouse [I]
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Me Abderamane DEMMANE, avocat au barreau de PARIS, to

que : D0461

INTIMÉS

Madame [N] [L] épouse [Y]
[Adresse 6]
[Localité 9]

Madame [H] [L]
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentés par Me Meliss...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 30 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/20678 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEXNS

Décision déférée à la cour :
jugement du 17 novembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81540

APPELANTE

Madame [V] [C] épouse [I]
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Me Abderamane DEMMANE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0461

INTIMÉS

Madame [N] [L] épouse [Y]
[Adresse 6]
[Localité 9]

Madame [H] [L]
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentés par Me Melissa SAVOY-NGUYEN de l'AARPI AARPI DIKEO AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 32

Monsieur [T] [I],
caducité partielle à l'égard de cette partie par ordonnance du 27 janvier 2022
[Adresse 1]
[Localité 8]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Bénédicte PRUVOST, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Monsieur Benoît DEVIGNOT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-défaut
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

Par acte du 21 avril 2016, Mmes [H] et [N] [L] ont donné à bail à Mme [V] [C] épouse [I] un logement situé [Adresse 3].

Par acte d'huissier du 19 janvier 2018, les bailleresses ont fait délivrer à Mme [C] et son époux, M. [I], un congé pour vendre avec effet au 20 avril 2018, date du terme du bail.

Par jugement du 15 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a validé les effets du congé pour vendre et ordonné l'expulsion de Mme [C]-[I].

Le 10 juin 2021, Mmes [L] ont fait délivrer à Mme [C]-[I] un commandement de quitter les lieux.

Par actes des 28 juillet et 4 août 2021, Mme [C] a assigné Mmes [L] et son conjoint, M. [T] [I], devant le juge de l'exécution, aux fins d'obtenir un délai aussi large que possible pour quitter les lieux.

Par jugement du 17 novembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a :
- rejeté la demande de délai pour quitter les lieux,
- dit en conséquence que le commandement de quitter les lieux délivré à la demanderesse le 10 juin 2021 peut produire tous ses effets,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la demanderesse aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que le jugement servant de fondement aux poursuites avait validé un congé pour vendre délivré le 19 janvier 2018 avec effet à compter du 20 avril 2018, et que la demanderesse avait déjà bénéficié d'un délai de fait suffisant pour quitter les lieux.

Par déclaration du 26 novembre 2021, Mme [C]-[I] a relevé appel de ce jugement, intimant tant M. [T] [I] que Mmes [L].

Par ordonnance de caducité partielle du 27 janvier 2022, non déférée à la cour, l'appel a été déclaré caduc en tant que dirigé contre M. [I].

Par conclusions du 20 avril 2022, l'appelante demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
En conséquence,
- lui octroyer les plus larges délais,
- condamner solidairement Mmes [Y] et [L] à lui payer la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelante fait valoir que le premier juge a omis de vérifier si elle était en mesure de se reloger dans des conditions normales ; qu'elle n'a pas bénéficié d'un délai suffisant au regard d'une hospitalisation de plusieurs mois et de ce que la crise sanitaire a suspendu provisoirement les procédures juridictionnelles.
Elle précise que le bail a été conclu par son époux pour son compte au titre du devoir de secours ordonné par le juge conciliateur dans le cadre des mesures provisoires d'une procédure de divorce encore pendante ; que le logement est un studio meublé soumis à la loi du 6 juillet 1989, et que depuis le début du bail, les loyers et indemnités d'occupation ont toujours été réglés sans retard.
Elle fait valoir qu'elle perçoit une pension mensuelle de 350 euros, ordonnée par le juge conciliateur en exécution du devoir de secours ; que son complément au titre du RSA de 142 euros par mois a été supprimé au 1er janvier 2021 et que, par conséquent, elle est dans l'impossibilité de se reloger dans le parc privé, son époux refusant de l'aider dans ses recherches ; que toutefois un arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 mars 2022 a condamné son époux à lui verser une provision ad litem de 10.000 euros, à lui verser la somme mensuelle de 1200 euros au titre du devoir de secours, montant comprenant l'indemnité d'occupation, enfin à lui verser une provision de 50.000 euros à valoir sur la liquidation de la communauté, qui ne pourra lui être versée par le notaire qu'au mois de septembre prochain. Elle affirme ne pas pouvoir travailler en raison de son état de santé et que les soucis de santé de l'une de ses filles et le besoin de renouer les contacts avec son autre fille nécessitent de pouvoir les accueillir dans un appartement.
Elle dit avoir repris depuis le mois d'avril 2022 le règlement des indemnités d'occupation, que son époux effectuait jusqu'alors.
Enfin, elle conteste avoir jamais été à l'origine de troubles du voisinage.

Par conclusions du 21 avril 2022, les intimées demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- condamner Mme [C] à leur verser la somme de 1500 euros chacune au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- condamner Mme [C] à leur verser la somme de 2000 euros chacune au titre des frais occasionnés par la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [C] aux entiers dépens.

Elles font valoir que :
– Mme [C] perçoit en réalité une pension mensuelle de 1080 euros, que M. [I] s'engage à maintenir, et dispose d'un actif de communauté conséquent ;
– l'appelante excipe d'une situation précaire alors qu'elle n'est plus éligible au RSA et ne bénéficie plus des aides juridictionnelles, et de ce qu'elle ne peut pas travailler pour raison de santé alors qu'il ressort des pièces produites qu'elle n'est plus sous tutelle, son état de santé s'étant stabilisé depuis 2019 ;
– elle a bénéficié de facto d'un délai de près de quatre ans pour rechercher un nouveau logement ; sa demande de relogement, qu'elle ne justifie pas avoir renouvelée tous les ans, n'a aucune chance de prospérer ; elle ne présente aucune preuve de dépôt de dossier auprès de la commission de médiation DALO et ne justifie que de quatre demandes de relogement depuis avril 2018 ;
– elle ne s'est pas présentée aux convocations du commissariat pour faire le point sur sa situation avant que le préfet n'ordonne l'intervention de la force publique ;
– enfin, elle est à l'origine de troubles anormaux de voisinage.

MOTIFS

Aux termes de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution du lieu de situation de l'immeuble peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou à usage professionnel, dont l'expulsion aura été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que lesdits occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.

L'article L. 412-4 du même code précise que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l'occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

En l'espèce, comme l'a justement rappelé le premier juge, Mme [C]-[I] a bénéficié d'un délai de fait important, qui atteint à ce jour plus de quatre ans, par rapport à la date d'effet du congé pour vendre.

Les bailleresses font valoir que, pour leur part âgées de 59 et 54 ans, elles doivent assumer des frais de succession afférents au décès de leur père puis de leur mère, et ne peuvent supporter plus longtemps l'inertie et le maintien dans les lieux de Mme [C], ce d'autant plus que celle-ci occasionne des troubles de voisinage aux autres occupants de l'immeuble.

Cependant les pièces produites, notamment l'ordonnance de placement de Mme [C]-[I] sous sauvegarde de justice du 6 juin 2018, le certificat médical délivré le 7 janvier 2022 par le Dr. [Z], psychiatre au centre médico-psychologique de l'hôpital [11] à [Localité 10], et les dernières écritures des intimées elles-mêmes (déplorant des troubles de voisinage occasionnés par l'état de santé psychiatrique de l'appelante) font état de ce que Mme [C]-[I] rencontre des problèmes psychiatriques sérieux et, par conséquent, des difficultés pour se reloger dans des conditions normales. De ce fait et même si son état a été déclaré stabilisé par certificats médicaux datant de novembre 2019 et janvier 2020, elle n'est pas en mesure de travailler. Elle justifie avoir formé, sans succès jusqu'à présent, des demandes de relogement dès le 15 juillet 2016, renouvelées en juin 2018, janvier 2019, mai 2019, juin 2020 et mai 2021 (pièces no17 à 22 de l'appelante) et avoir saisi la commission de médiation DALO. Jusqu'à présent, elle bénéficiait du règlement du loyer par son époux auquel s'ajoutait une pension mensuelle de 350 euros, l'ensemble en application du devoir de secours tel que fixé par l'ordonnance de non-conciliation. La circonstance qu'elle aurait besoin d'un logement pour recevoir ses filles ne plaide pas en faveur du maintien dans les lieux puisque le logement litigieux est un studio.
Cependant, son conseil confirme à l'audience que sa situation trouvera une solution certaine au mois de septembre prochain, puisqu'elle percevra alors l'avance sur la liquidation de la communauté d'un montant de 50.000 euros, propre à assurer son relogement.

Compte tenu de ces éléments, de l'ancienneté du congé pour vendre et de la nécessité de prendre en considération les intérêts des bailleresses, il sera accordé à Mme [C]-[I] un délai limité à trois mois pour libérer les lieux à compter du prononcé de la présente décision, et ce sous réserve expresse du paiement de l'indemnité d'occupation.

Sur les autres demandes :

L'équité justifie d'allouer à chacune des intimées une indemnité de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des procédures de première instance et d'appel.

L'issue du litige justifie également que l'appelante supporte l'ensemble des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Rappelle que, par ordonnance du 27 janvier 2022, l'appel a été déclaré caduc en tant que dirigé contre M. [T] [I] ;

Confirme le jugement entrepris sur les dépens ;

Infirme le jugement sur le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Accorde à Mme [V] [C]-[I] un délai de trois mois à compter du prononcé du présent arrêt pour libérer les lieux situés [Adresse 5] ;

Dit que l'octroi de ces délais est strictement subordonné au respect du paiement à bonne date de l'indemnité mensuelle d'occupation fixée par le jugement du 15 janvier 2021, à défaut de quoi la procédure d'expulsion pourra être reprise sans autre formalité ;

Condamne Mme [V] [C]-[I] aux dépens d'appel ;

Condamne Mme [V] [C]-[I] à payer à Mme [N] [L] épouse [Y] la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [V] [C]-[I] à payer à Mme [H] [L] la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/206787
Date de la décision : 30/06/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-06-30;21.206787 ?
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