La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°21/159007

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 30 juin 2022, 21/159007


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 30 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/15900 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEJWN

Décision déférée à la cour :
jugement du 03 août 2021-juge de l'exécution de Melun-RG no 21/01553

APPELANTE

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Annie-Claude PRIOU GADALA de l'AS

SOCIATION BOUHENIC et PRIOU GADALA, avocat au barreau de PARIS, toque : R080

INTIMÉE

Madame [J] [O] épouse [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Re...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 30 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/15900 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEJWN

Décision déférée à la cour :
jugement du 03 août 2021-juge de l'exécution de Melun-RG no 21/01553

APPELANTE

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Annie-Claude PRIOU GADALA de l'ASSOCIATION BOUHENIC et PRIOU GADALA, avocat au barreau de PARIS, toque : R080

INTIMÉE

Madame [J] [O] épouse [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie DUQUESNE de la SCPA DAGNEAU-BACHIMONT et DUQUESNE, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre chargé du rapport, et Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par acte authentique du 19 novembre 2010, la Banque Patrimoine et Immobilier a consenti à M. et Mme [E] un prêt de restructuration de créances d'un montant en capital de 243.241 euros, remboursable par échéances mensuelles de 1672 euros et garanti par une hypothèque conventionnelle sur un bien immobilier appartenant à Mme [J] [O] épouse [E] seule.

Par ordonnance sur requête du 17 août 2018, signifiée le 29 août suivant, le juge d'instance de Melun a, en application de l'article L. 312-13 du code de la consommation, suspendu l'exécution des obligations incombant à Mme [E] au titre du remboursement du prêt souscrit auprès de la Banque Patrimoine et Immobilier, pour une durée de 24 mois.

Par courrier du 11 février 2019, le Crédit Immobilier de France Développement (ci-après le CIFD), venant aux droits de la Banque Patrimoine et Immobilier, a adressé au notaire chargé de la vente du bien immobilier appartenant à Mme [E] un décompte de sa créance de remboursement anticipé du prêt, arrêté au 5 mars 2019, pour un montant total de 212.427,01 euros.

Selon acte notarié du 19 février 2019, le bien immobilier susvisé a été vendu. Le jour même, le notaire a adressé la somme de 212.427,01 euros à la société CIFD sur la base du décompte du 11 février précédent.

Déclarant agir en vertu de la copie exécutoire de l'acte notarié du 19 novembre 2010, la SA CIFD, venant aux droits de la Banque Patrimoine et Immobilier, a fait pratiquer le 18 février 2021, entre les mains de la Caisse d'Epargne, une saisie-attribution à l'encontre de Mme [E], pour avoir paiement de la somme de 19.509,36 euros, dont 18.799,79 euros en principal, au titre du solde débiteur du prêt susvisé. Cette saisie-attribution s'est avérée fructueuse à hauteur de 961,80 euros, solde bancaire insaisissable non déduit.

La saisie a été dénoncée à Mme [E] par acte d'huissier du 25 février 2021.

Par acte d'huissier du 22 mars 2021, Mme [E] a fait assigner la société CIFD devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Melun aux fins de voir ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 18 février 2021, condamner la société CIFD à lui restituer la somme de 900 euros trop-versée, outre une somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 3 août 2021, le juge de l'exécution a :
– ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 18 février 2021,
– rappelé que la décision de mainlevée emporte, dans la limite de son objet, suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d'indisponibilité dès sa notification,
– débouté Mme [E] de sa demande de condamnation de la société CIFD à lui payer somme de 900 euros,
– débouté Mme [E] de sa demande en dommages-intérêts,
– débouté la société CIFD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société CIFD aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [E] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon déclaration en date du 23 août 2021, la société CIFD a formé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 15 février 2022, l'appelante demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande en paiement de la somme de 900 euros ;
statuant à nouveau,

- débouter Mme [E] de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 18 février 2021 ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] de ses autres prétentions ;
- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions du 11 avril 2022, l'intimée conclut à voir :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 18 février 2021 et condamné la société CIFD à lui payer la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
et statuant à nouveau,
– condamner la société CIFD à lui payer les sommes suivantes :
– 900 euros au titre du trop-perçu sur le remboursement du prêt, en application de l'article 1347 du code civil ;
– 2000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;
– 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Aux termes de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.

C'est au créancier qu'il appartient de faire la preuve de l'existence du titre exécutoire et du caractère liquide et exigible de sa créance.

En l'espèce, la mesure de saisie-attribution est fondée sur un acte notarié signé par l'intimée le 19 novembre 2010. L'existence du titre exécutoire n'est donc pas contestée. En revanche, Mme [E] soutient que sa dette envers la société CIFD est éteinte par l'effet d'un remboursement anticipé effectué par le notaire chargé de la vente de l'immeuble grevé de l'hypothèque conventionnelle au profit de la banque, sur la base d'un décompte de créance de remboursement anticipé adressé au notaire par l'appelante le 11 février 2019. L'examen du courrier contenant ce décompte fait apparaître que, sous réserve de la réception des fonds dix jours avant la date du 5 mars 2019, à laquelle il était arrêté, ce paiement avait vocation à éteindre la dette résultant de l'acte notarié. Or il est justifié du paiement de la somme réclamée selon ce décompte, soit la somme de 212.427,01 euros, par virement effectué par le notaire le 19 février 2019 (annexe no5 de l'intimée), soit huit jours après l'envoi du décompte et avant le délai de dix jours indiqué.

Néanmoins, le 18 février 2021, soit deux ans après, la banque, qui ne conteste pas avoir reçu ce paiement, a fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte bancaire de Mme [E] pour paiement d'une somme de 19.509,36 euros, dont 18.799,71 euros en principal. Elle invoque, à cet effet, une erreur de calcul qui se serait glissée dans le décompte de sa créance tel qu'adressé au notaire le 11 février 2019. Elle se prévaut d'une lettre adressée à M. [Z] [E] en ce sens le 20 août 2019 demeurée sans réponse, mais l'intimée précise qu'à cette date, son ex-époux n'habitait plus à l'adresse indiquée, qu'ils étaient séparés depuis août 2018 et en procédure de divorce, et que celui-ci n'est pas partie à la présente procédure (le bien immobilier vendu appartenant à Mme [E] seule).

Il convient donc d'examiner les différents postes mis en compte par la société CIFD et les pièces justificatives produites à l'appui.

Le décompte adressé le 11 février 2019 arrêté au 5 mars suivant était établi comme suit :
– capital restant dû au 5 mars 2019 : 200.418,18 euros
– solde impayé : 11.858,83 euros
– échéance à venir (prime d'assurance) : 150 euros
soit un montant total de 212.427,01 euros.

Le décompte dont se prévaut aujourd'hui la société CIFD est rédigé comme suit :
– capital restant dû au 5 mars 2019 : 198.389,28 euros
– indemnité de remboursement anticipé (5% du capital restant dû) : 9919,46 euros
– frais et commissions : 333 euros
– échéances reportées par l'ordonnance (du 17 août 2018) : 5072,60 euros
total : 213.714,34 euros

En ce qui concerne le capital restant dû au 5 mars 2019, la cour observe que les montants comparés figurant dans ces décomptes, outre qu'ils diffèrent, ne correspondent pas non plus aux pièces produites par l'appelante en annexe 3 (201.551,44 euros), ni à celui résultant du tableau d'amortissement produit par l'intimée en annexe 8 (198.119,06 euros).

En ce qui concerne l'indemnité de remboursement anticipé de 5% du capital restant dû, certes prévue à l'article VII des conditions générales du contrat de prêt, rien n'indique à l'examen comparé des deux décomptes susvisés qu'elle ne soit pas incluse dans le poste intitulé « solde impayé », expression imprécise. De même en est-il des « échéances reportées par l'ordonnance » qui peuvent aussi bien être comprises dans le « solde impayé » figurant au décompte adressé au notaire le 11 décembre 2019.

Enfin le poste « frais et commissions » n'est en rien explicité ni justifié.

Par conséquent, la différence entre le montant du décompte dont se prévaut aujourd'hui la banque et la somme versée par le notaire, soit 213.714,34 euros – 212.427,01 = 1287,33 euros, n'est pas justifiée par les pièces produites par l'appelante.

A cette somme de 1287,33 euros, l'appelante a ajouté à l'appui de la mesure de saisie-attribution, les postes suivants :
– prime d'assurance de mars 2019 : 150 euros
– solde impayé au 21 février 2019 non comptabilisé : 19.456,42 euros
– régularisation comptable du capital restant dû : 1458,25 euros
– annulation du prélèvement de décembre 2018 : - 3552,21 euros

Or il ressort des écritures de la société CIFD et des pièces produites que :
– la prime d'assurance de mars 2019, d'un montant de 150 euros, correspondait précisément à l'échéance de prime d'assurance à venir du même montant, visée au décompte du 11 février 2019, et a donc été incluse dans le paiement adressé par le notaire ; qu'il ne pourrait d'ailleurs s'agir d'une échéance de remboursement du prêt, qui s'élevait à 1672 euros ;
– le « solde impayé au 21 février 2019 non comptabilisé » n'est pas justifié, pas davantage que « la régularisation comptable du capital restant dû » ; bien au contraire, le décompte produit par la banque en annexe 8 fait apparaître à la date du 1er mars 2019 un solde nul ;
– les échéances reportées par l'ordonnance du 17 août 2018 sont bien comprises dans le « solde impayé » comptabilisé par le décompte du 11 février 2019 ;
– à compter du 1er mars 2019, la banque a continué à faire fonctionner le compte de prêt en facturant des frais et commissions et à procéder à des régularisations, dont le fondement n'est pas justifié, comme si elle n'avait pas tenu compte du remboursement anticipé du prêt à la suite de la vente du bien immobilier par Mme [E].

Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le premier juge a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution au motif que la société CIFD ne rapportait pas suffisamment la preuve d'une créance liquide et exigible.

Sur la demande en répétition de l'indu

C'est à bon droit que le juge de l'exécution a dit qu'il n'avait pas le pouvoir de délivrer de titres exécutoires hors les cas expressément prévus par la loi et que, par conséquent, il n'a pas examiné, au fond, la demande en répétition de l'indu formée par Mme [E].

Sur la demande en dommages-intérêts fondée sur l'article 1240 du code civil

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le droit d'exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l'appréciation de ses droits, qui ne saurait résulter du seul rejet de ses prétentions.

En l'espèce, alors que la banque avait elle-même établi le décompte de sa créance de remboursement anticipé adressé le 11 février 2019 au notaire chargé de la vente du bien immobilier appartenant à Mme [E] et avait été réglée de sa créance huit jours après, elle a fait procéder deux ans après, sans lettre ni sommation préalable, à une mesure de saisie-attribution sur le compte bancaire de Mme [E] pour paiement d'une somme de plus de 19.000 euros, qui s'avère injustifiée. Ce faisant, elle a agi avec une légèreté blâmable et causé un préjudice certain à l'intimée en bloquant le solde de son compte bancaire pendant quinze jours. Le préjudice causé sera réparé par une indemnité de 800 euros.

Le jugement entrepris sera réformé de ce seul chef.

Sur les demandes accessoires

L'issue du litige justifie de condamner l'appelante aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3000 euros en compensation des frais irrépétibles d'appel exposés par l'intimée.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en dommages-intérêts de Mme [J] [O] épouse [E] ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Condamne la société Crédit Immobilier de France Développement à payer à Mme [J] [O] épouse [E] la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts ;

Condamne la société Crédit Immobilier de France Développement à payer à Mme [J] [O] épouse [E] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la société Crédit Immobilier de France Développement aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/159007
Date de la décision : 30/06/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-06-30;21.159007 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award