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30/06/2022 | FRANCE | N°21/11979

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 30 juin 2022, 21/11979


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 30 Juin 2022

(n° 67 , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11979 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6DT



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Avril 2021 par le juge de l'expropriation de Evry RG n° 19/00139





APPELANTE

S.A.R.L. ZARDA

[Adresse 4]

[Localité 12]

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRA

PPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

assistée de Me Ali ZARROUK, avocat au barreau de PARIS, toque : P0060





INTIMÉES

DIRECTION D...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 30 Juin 2022

(n° 67 , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11979 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6DT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Avril 2021 par le juge de l'expropriation de Evry RG n° 19/00139

APPELANTE

S.A.R.L. ZARDA

[Adresse 4]

[Localité 12]

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

assistée de Me Ali ZARROUK, avocat au barreau de PARIS, toque : P0060

INTIMÉES

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES (ESSONNE) SERVICE DU DOMAINE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Mme [I] [S] en vertu d'un pouvoir général

S.A. [Localité 14] SUD AMENAGEMENT prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 12]

représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334 substitué par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN702

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Hervé LOCU, président

Catherine LEFORT, conseillère

Raphaël TRARIEUX, conseiller

Greffier : Marthe CRAVIARI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Marthe CRAVIARI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par arrêté du 03 juin 2014 rectifié le 05 novembre 2014, le préfet de l'Essonne a déclaré d'utilité publique au profit de la SEMMASSY, nouvellement la société [Localité 14] Sud Aménagement, le projet d'aménagement de la [Adresse 17] sur le territoire de la commune de [Localité 12] (91).

Par arrêté du O8 août 2014, le Préfet de l'Essonne a déclaré immédiatement cessibles au profit de la SEMMASSY,les parcelles de terrains situées sur la commune de [Localité 12] nécessaires à l'opération ci-dessus dont celle cadastrée section K n°[Cadastre 2], nouvellement cadastrée AP n°[Cadastre 5] sis [Adresse 4].

Est concerné par l'opération, la SARL ZARDA en tant que propriétaire de parcelles de terrains situées sur la commune de [Localité 12] nécessaires à l'opération ci-dessus dont celle cadastrée section K n°[Cadastre 2], nouvellement cadastrée AP n°[Cadastre 5] sis [Adresse 4] d'une surface de 691 m², sur laquelle est édifié un immeuble à usage commercial, et appartenant à la SCI Société Nouvelle de [Localité 12].

Par ordonnance du 15 décembre 2014 rectifiée le 02 mars 201 5, le juge de l'expropriation a déclaré expropriée au profit de la SEMMASSY la parcelle visée par la procédure.

Par mémoire reçu au greffe le 04 décembre 2019, la SAEM [Localité 14] Sud Aménagement, anciennement dénommée SEMMASSY, a saisi le juge de l'expropriation de céans aux fins de fixation des indemnités d'éviction devant revenir à la SARL ZARDA

Le transport sur les lieux initialement fixé le30 mars 2020 n'a pas pu avoir lieu compte tenu de l'état d'urgence sanitaire national.

Par un jugement du 12 avril 2021 après transport sur les lieux le 05 octobre 2020,le juge de l'expropriation d'Evry a':

-Fixé à la somme de 129'896 euros l'indemnité totale d'éviction due par la Société [Localité 14] Sud Aménagement à la SARL ZARDA';

- Précisé que 1a somme de 129 896 euros se décompose de la manière suivante ;

- 119 132 euros, à titre d'indemnité principale, selon la valeur de l'entier fonds de commerce,

- 10 764 euros, à titre d'indemnité de remploi,

- Débouté la SARL ZARDA de ses demandes d'indemnités au titre de la perte de stock et des frais de déménagement ;

- Rejeté la demande de provision sur les frais de déménagement ;

- Sursis à statuer sur la demande d'indemnité au titre des frais de licenciement ;

- Ordonné le retrait du rôle et dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de rétablir l'affaire au rôle pour qu'il soit statué, le cas échéant, sur l'indemnité au titre des frais de licenciement ;

- Condamné [Localité 14] Sud Aménagement à payer la somme de 1 500 euros à la SARL ZARDA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

-Condamné [Localité 14] Sud Aménagement au paiement des dépens de la présente procédure

La SARL ZARDA a interjeté appel le 28 juin 2021 de toutes les dispositions à l'exception de celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- Adressées au greffe, par la SARL ZARDA, appelante, le 28 septembre 2021 notifiées le 29 septembre 2021 (AR du 30 septembre et du 4 octobre 2021), le 25 mars 2022 notifiées le jour même (AR des 28 et 29 mars 2022) et le 11 mai 2022 à 10h30 notifiées le jour même (AR du 12 mai 2022) aux termes desquelles elle demande à la cour de :

-Déclarer recevable et bien fondé son appel

Y faisant droit

- Infirmer ledit jugement sur la somme de l'indemnité totale d'éviction, sur les indemnité de perte de stocks et de frais de déménagement, sur la demande provision sur les frais de déménagement, sur le retrait du rôle, sur l'article 700 et le débouté des parties sur leurs demandes plus amples ou contraires ;

Statuant à nouveau

A titre principal

-Retenir le chiffre d'affaires réalisés par la société ZARDA durant les années 2012 - 2013 - 2014 pour le calcul de l'indemnité soit une moyenne de 429.268 euros TTC,

-Fixer l'indemnité principale lui revenant à la somme de 300 087 euros

-Fixer l'indemnité de remploi à la somme de 28 858 euros

-Fixer les indemnités accessoires la somme de 41 723 euros, et la somme de 25 000 euros pour la perte de stock

-Juger que les frais de licenciement seront remboursés par la SAEM [Localité 14] SLD AMENAGEMENT dans le délai d'un mois à compter de la présentation des justificatifs par la SARL ZARDA

A titre subsidiaire

Dans le cas ou la cour retiendrait un calcul du chiffre d'affaires des trois dernières années :

-Fixer l'indemnité principale revenant à la SARL ZARDA à la somme de 244 641 euros

-Fixer l'indemnité de remploi à la somme de 23 314 euros

-Fixer les indemnités accessoires à la somme de 41 723 euros et la somme de 25.000 euros pour la perte de stock';

EN TOUT ETAT DE CAUSE

-Condamner la SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT au versement d'une somme de 15 000 euros à la SARL ZARDA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamner la SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT aux dépens dont distraction au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU en application de l'article 699 du Code de procédure civile';

- Déposées au greffe, par la Société [Localité 14] Sud Aménagement, intimée et appelante incidente, le 24 décembre 2021 notifiées le 30 décembre 2021 (AR du 4 janvier 2022) et le 5 mai 2022 notifiées le 6 mai 2022 (AR du 09 mai 2022) aux termes desquelles elle demande à la cour de :

-Recevoir la SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT en ses conclusions et les dire bien fondées,

Y faisant droit :

Sur l'appel de la société ZARDA

-Rejeter les prétentions de la société ZARDA formées à titre principal et subsidiaire,

-Rejeter la demande en paiement d'une indemnité principale de

300 087 euros et d'une indemnité de remploi de 28 858 euros,

-Rejeter la demande en paiement d'une indemnité principale de

244 641 euros et d'une indemnité de remploi de 23 314 euros,

-Rejeter les demandes en paiement d'indemnités accessoires pour déménagement, entreposage et perte de stock,

-Rejeter la demande en paiement des frais de licenciement dans le délai d'un mois à compter de la présentation des justificatifs parla SARL ZARDA,

-Rejeter la demande en paiement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'appel incident de la SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT :

-Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité principale à la somme de 119.132 euros, à titre d'indemnité principale, selon la valeur de l'entier fonds de commerce et 10 764 euros, à titre d'indemnité de remploi ;

Statuant à nouveau :

-Fixer l'indemnité principale revenant à la SARL ZARDA à la somme de 95 974,16 euros ;

-Fixer les indemnités accessoires revenant à la SARL ZARDA à la somme de

8 447,42 euros

-Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société ZARDA de ses demandes d'indemnisations pour déménagement, entreposage et perte sur stock.

-Confirmer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur les indemnités relatives au licenciement.

-Statuer ce que de droit sur les dépens de l'instance.

-Déposées au greffe, par le commissaire du gouvernement, intimé et appelant incident, le 23 décembre 2021 notifiées le 30 décembre 2021 (AR du 3 janvier 2022) aux termes desquelles il demande à la cour de :

-infirmer le jugement de première instance et bien vouloir fixer :

- l'indemnité d'éviction à la somme de 117 531 euros

- l'indemnité de remploi à la somme de 10 603 euros

Par ailleurs, il convient de rejeter les demandes d'indemnité accessoires demandées ;

-soit une indemnité totale de 128 134 euros.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL ZARDA fait valoir que':

-Concernant l'indemnité principale'; l'expropriant ne peut non plus tenir compte des changements de valeur du fonds résultant de l'annonce de travaux ou d'opération dont la DUP est demandée; il doit être relevé que l'Administration des Domaines - qui ne disposait pas encore des évaluations des trois années qui précédaient l'ordonnance d'expropriation au jour de l'établissement de son avis-, préconise dans la présente affaire, une indemnité d'éviction de 140 000 euros et une indemnité de remploi de 12 850 euros, soit 152 850 euros en tout (pièce adverse n°6), quand la SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT ne propose que la somme globale de 95 974,16 euros ';

- Sur la date de l'évaluation du fonds de commerce'; L'expropriant et le commissaire du gouvernement ont retenu les années 2016, 2017 et 2018 faute pour l'exproprié, de n'avoir pas produit les documents comptables des exercices 2018 et 2020. Ces documents sont désormais produits. (Pièce n°18)'; C'est donc une évaluation du fonds de commerce au cours des trois années précédant la date du jugement de première instance de décembre 2014 qui devra être retenue : soit 2012, 2013, 2014';

- Sur la moyenne des chiffres d'affaires à retenir';la moyenne des chiffres d'affaires 2012-2013-2014 qui devra être retenue, étant la seule réellement représentative des recettes générées par le fonds exploité par la SARL ZARDA. Cette moyenne s'élève à 429 268 euros TTC [(466 884 euros + 453 764 euros + 367 157 euros) /3], dans le cas où la Cour retiendrait un calcul de la moyenne du chiffre d'affaires des trois années précédant la date du jugement de première instance, à savoir 2018-2019-2020, alors cette moyenne s'élèverait à 359 459 euros TTC [(105 206 euros + 219 453 euros + 348.000 euros) /3], et non 191 948 euros TTC comme il est allégué dans les dernières écritures de la Société [Localité 14] SUD AMENAGEMENT';

- Sur le pourcentage à retenir'; S'agissant de l'activité de restauration, il est traditionnellement retenu un coefficient de 50 % à 120 % du CA TTC annuel (Pièce 20 : extrait de l'ouvrage « Evaluation du fonds de commerce '')';

- Sur les comparaisons de l'expropriant'; Le pourcentage de 50 % retenu par le Tribunal d'Evry en 2016, et suivi par Madame le Commissaire du Gouvernement ne saurait donc être retenu, compte tenu des différences factuelles des deux dossiers';

-Concernant les indemnité accessoires';

- Sur les frais de déménagements'; il est produit des devis mentionnant le prix hors-taxes justifiant le coût.

- De la dépose du matériel de restaurant,

- Du déménagement : 5.040 euros (pièce n°16 : facture de déménagement)

- Et son entreposage jusqu'au jour où le commerçant retrouvera un local commercial : 34.683 euros (pièce n°17 : facture de démontage entreposage)';

-Sur l'indemnité pour perte du stock'; Au 31 décembre 2018, date du dernier exercice clos par la SARL ZARDA, son stock s'élevait à 25.000 euros (Pièce n° 18)

Et dans un second jeu de conclusions';

- En raison du défaut de réinstallation à bref délai, le commerçant doit aussi supporter des indemnités de licenciement inhérent à la fermeture du fonds de commerce (art. R3 123-14 et L3 123-4 du code de l'expropriation, art. L 122-14-4 du code du travail, art 122-14-4 du code du travail, art. R323-14 et L323-4 du code de l'expropriation)'; l'intimé fait donc une interprétation erronée des faits et tente de semer la confusion afin d'éviter d'avoir à verser une telle provision.

- il estime que l' appe1 incident est dénué de tout fondement. Il en est de même pour l'appel incident du Commissaire au Gouvernement. Il est demandé à la Cour de débouter [Localité 14] SUD AMENAGEMENT et le Commissaire au Gouvernement de leurs appels incidents

La Société [Localité 14] Sud Aménagement répond que':

- Au regard de l'activité contractuellement autorisée soit l'activité de « plat de jour à consommer sur place ou à emporter sandwicherie grecque pizza restaurant, restaurant rapide '', le barème applicable en île de France pour les commerces de détail de la catégorie « restauration rapide (fast food) '' prévoit une fourchette de 45 â 90 % du chiffre d`affaires moyen annuel TTC (Pièce n° 3)';

- le jugement a retenu un taux de 50 % compte tenu du fait que « l'activité de restauration rapide est peu pérenne et que plusieurs autres commerces de même nature existent à proximité '' (Pièce n° 5)';

- S'agissant de la moyenne des chiffres d'affaires devant être retenue'; la SARL ZARDA ne saurait ignorer que le secteur fait l'objet d'une opération de renouvellement urbain et qu'une procédure d'expropriation est en cours s'agissant des locaux qu'elle occupe, compte tenu des informations publiques disponibles et notamment de la procédure de fixation des indemnités s'agissant des murs de l'ensemble immobilier dans lequel est inclus son local, le transport sur les lieux de la juridiction ayant eu lieu le 27 mai 2019'; le chiffre d'affaires « espéré '' pour l'année 2020 ne saurait être pris en compte dans le calcul des indemnités d'éviction, puisqu'il n'existe aucune certitude à ce jour que c'est bien ce chiffre d'affaires qui sera réalisé par cette société'; le centre commercial était d'une accessibilité délicate et d'une organisation enclavée qui contraint à faire des détours, amoindrit l'activité, l'attractivité et le développement du quartier'; la clientèle des commerces du quartier avait toutes les informations nécessaires mises à sa disposition pour pouvoir continuer à se rendre dans les différents commerces présents dans le secteur'; les travaux d'aménagement de la phase 1 se sont déroulés entre la fin de l'année 2013 et la fin de l'année 2014, ceux de la phase 2 ont été mis en 'uvre depuis le début de l'année 2015 jusqu'à la fin de l'année 2016';

-Sur les indemnités accessoires'; elle demande la confirmation du jugement';

- la somme réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile devra être rejetée, la société ZARDA n'ayant produit en appel aucun élément complémentaire au regard de la première instance.

Le commissaire du Gouvernement conclut que':

- Au cas d'espèce, l'éviction entraîne la perte totale du fonds, la société-ZARDA ne précisant pas vouloir se réinstaller à proximité';

- S'agissant d'un document provisoire, le chiffre d'affaires y afférent ne peut être pris en compte, la consultation du site infogreffe confirmant par ailleurs le non dépôt des comptes annuels pour cet exercice, il s'agit,d'un document non définitif donc non opposable';

- Or selon les dispositions de l'article L322-2 al1 du code de l'expropriation, « Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance. '', cette disposition ne permet donc pas de retenir les chiffres d'affaires des exercices 2012 à 2014 comme demandé par la SARL ZARDA et conduit en principe à retenir les chiffres d'affaires réalisés les plus récents';

- Comme il est démontré infra, la rentabilité de l'activité de la SARL ZARDA est très irrégulière, il est proposé de retenir un taux moyen de 60 %';

- Au cas présent, en retenant un taux moyen de 4 s'agissant d'un commerce indépendant, on obtient:

- à partir de la moyenne EBE des exercices 2016, 2017 et 2019 : 9936 x 4 = 39 744 euros ';

- il est proposé de rejeter la demande au titre des frais de déménagement';

- s'agissant d'une activité de restauration qui engendre des achats de produits alimentaires périssables, l'indemnité sollicitée n'apparaît pas justifiée dans la mesure où la société disposera d'un délai suffisant pour écouler la marchandise achetée avant de devoir quitter les lieux

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 28 juin 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de la SARL ZARDA du 28 septembre 2021, de la SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT du 24 décembre 2021 et du commissaire du gouvernement du 23 décembre 2021 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions hors délai de la SARL ZARDA du 25 mars 2022 et de la SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT du 5 mai 2022 sont de pure réplique,ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont donc recevables au delà des délais initiaux.

Les conclusions hors délai N°3 de la SARL ZARDA ont été déposées au greffe le 11 mai 2022 à 10h30 avec trois pièces nouvelles (numéros N°23 à 25) et ont été notifiées le jour même (AR du 12 mai 2022).

La SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT ne demande pas de les écarter, alors que le commissaire du gouvernement demande de le faire, n'ayant pu en prendre connaissance comme mentionné dans la note d'audience.

La SARL ZARDA, ayant eu la parole en dernier, comme mentionné sur la note d'audience, demande de les retenir en indiquant qu'elles sont utiles à la solution du litige.

En application de l'article 16 du code de procédure civile, il convient d'office de déclarer irrecevables les conclusions hors délai de la SARL ZARDA et les pièces nouvelles N°23, N°24 et 25 déposées au greffe le 11 mai 2022 à 10h30 notifiées le jour même, les autres parties n'ayant pu en prendre connaissance, l'audience ayant lieu le lendemain soit le 12 mai 2022 à 9h00.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de la SARL ZARDA porte sur la détermination des années de chiffres d'affaires à retenir dans le cadre de la méthode de la valeur de l'entier fond de commerce et sur les indemnités accessoires; l'appel incident de la SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT concerne le montant de l'indemnité principale ; l'appel incident du commissaire du gouvernement concerne l'indemnité d'éviction.

S'agissant de la date de référence, qui ne fait pas l'objet des appels, le premier juge a indiqué qu'il ressort de l'avis des domaines du 27 février 2019, que la date de référence est celle du plan local d'urbanisme approuvé le 5 septembre 2016.

S'agissant des données d'urbanisme, à cette date le bien est classé en zone 7UP.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un fonds de commerce ayant pour activité « restauration et restauration rapide », exploitée dans les locaux situés [Adresse 4] dans le quartier Franciade'opéra sur la commune de [Localité 12].

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport du 5 octobre 2020 et aux photographies annexées.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 12 avril 2021.

- Sur l'indemnité principale

Les parties n'ont pas fait appel sur la méthode retenue par le premier juge, à savoir l'expropriation entraînant la perte du fonds de commerce, la fixation de l'indemnité d'éviction devant correspondre à la valeur du fonds de commerce, qui se définit comme la valeur marchande déterminée d'après les usages de la profession, augmentée, le cas échéant, des frais de déménagement du mobilier personnel, des frais de licenciement et des frais pour perte de liquidation des stocks, ainsi, qu' en tout état de cause, des frais de remploi.

Les parties s'accordent comme en première instance sur la méthode d'évaluation de l'indemnisation de la perte du fonds de commerce, en retenant trois exercices et en appliquant un coefficient multiplicateur ad hoc à l'activité.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

A. chiffres d'affaires

Comme en première instance, les parties s'opposent sur les chiffres d'affaires à retenir puisque la SARL ZARDA demande de retenir à titre principal les chiffres d'affaires 2012'2013'2014 et à titre subsidiaire les chiffres d'affaires 2018, 2019 et 2020 tandis que l'expropriant et commissaire du gouvernement retiennent les chiffres d'affaires 2017'2018'2019.

Le premier juge a considéré que la SARL ZARDA n'établissait pas comme soutenu, que la baisse de ses chiffres d'affaires récents ait un lien de causalité direct et certain avec les travaux à engager dans le cadre de l'aménagement du quartier Franciade-Opéra,il a donc rejeté la demande de retenir les chiffres d'affaires 2012'2013'2014 et a écarté le chiffre d'affaires prévisionnel de 2020, comme, n'étant pas certain.

Il a retenu les chiffres d'affaires 2016-2017 et 2019, en considérant que le chiffre d'affaires de 2018 est manifestement inférieur et a donc retenu les chiffres d'affaires 2016-2017-2019 plus favorables au commerçant évincé.

En appel, la SARL ZARDA à titre principal fait valoir que la zone commerciale dans laquelle elle exerce a subi d'importantes travaux dès 2014'2015 (pièce n°5), que lors du transport sur les lieux, il a été constaté que l'ancien parking qui occupait toute la place à ce restaurant a été totalement supprimé en 2016, soit postérieurement à l'ordonnance d'expropriation, pour se transformer en zone commerciale piétonne, et que dès 2014, ces travaux ont entraîné une baisse considérable de l'activité : nuisances sonores, poussières, passage de véhicules lourds et stationnement de ceux-ci devant le restaurant, disparition de l'essentiel des places de stationnement (pièce n°1, 19), ce qui a entraîné une chute conséquente de chiffre d'affaires, de presque 50 % à partir de 2015.(Pièce n°2 : liasses fiscales pour les exercices 2012 à 2017, pièce n°21 : liasses fiscales pour l'exercice 2018, pièce n°13 : compte de résultat simplifié de 2018'2019), et pièce N°21: bilan et compte de résultat prévisionnel du 01/10/2020 au 30/09/2021).

La SAEM [Localité 14] Sud aménagement indique que les phases du projet d'aménagement ont été les suivantes :

'phase n°1 entre la fin de l'année 2013 la fin de l'année 2014 :

'la construction du parking [Localité 15] situé à proximité de l'église [Localité 15], mis en service dès le mois de mai 2014 ;

'la démolition de la place de France et la construction du parking public souterrain d'environ 360 places sur deux niveaux à partir de 2014 ;

'le démarrage des travaux de construction du lot n°1 à la fin de l'année 2014, consistant en la réalisation de commerces en rez-de-chaussée et de logements en étages

'phase n°2 achevée, de début 2015 afin 2016:

'la construction de l'îlot 1 et le commencement de la première phase d' aménagement des espaces publics (parvis de l'opéra et création des voies autour et dans l'îlot 1) ;

'la mise en service du parking souterrain au deuxième trimestre de l'année 2016.

'La phase n°3 commencé en 2019 en cours de réalisation : 'la construction de l'îlot 2 consistant en la réalisation de commerces en rez-de-chaussée et de logements en étage et la réalisation de la deuxième phase d'aménagement des espaces publics (placette Saint-Marc, création des voies entourées dans l'îlot 2).

L'article L 322-2 du code de l'expropriation dispose en son dernier alinéa que quelque soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou parla réalisation dans les 3 années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble.

En l'espèce, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, soit au 12 avril 2021.

La SARL ZARDA invoque l'article L 314-6 du code de l'urbanisme qui dispose que si le commerçant est installé dans le périmètre d'une opération d'aménagement, le préjudice peut être apprécié au regard des chiffres d'affaires déclarés au cours des 3 années précédant le commencement de l'opération, mais cet article n'est pas applicable, puisqu'il a vocation à s'appliquer uniquement sur demande du commerçant concernant l'indemnisation avant transfert de propriété, soit avant l'ordonnance d'expropriation ; or en l'espèce, l'ordonnance d'expropriation a été rendue le 15 décembre 2014, rectifiée le 2 mars 2015.

En outre, le commissaire du gouvernement propose deux méthodes, permettant de valoriser un fonds de commerce, la plus courante étant celle de la valorisation à partir du chiffre d'affaires moyen TTC réalisée sur les 3 derniers exercices et sur lequel est appliqué un taux issu d'un barème établi par profession, et une autre en se basant sur l'excédent brut d'exploitation (EBE), auquel est appliqué un coefficient multiplicateur.

Il indique qu'en l'espèce, l'indemnité d'éviction étant évaluée au jour du jugement du 12 avril 2021, cela induit de prendre en considération les bilans et comptes de résultats d'exercices 2018-2019-2020 ; qu'ont été communiquées les liasses fiscales des exercices 2013, 2014, 2015, 2017, 2018, les bilans et comptes de résultats des exercices 2016,2 019, que la liasse fiscale de l' exercice 2020 n'a pas été communiquée, la consultation du site info greffe confirmant par ailleurs le non dépôt des comptes annuels pour cet exercice, et il précise que le changement de la date de clôture de l'exercice est au 30 septembre selon document provisoire, alors que les précédents ont été clôturés au 31 décembre et que ce changement aurait dû entraîner le dépôt de liasses fiscales pour la période du 1er janvier 2020 au 30 septembre 2020 ce qui n'apparaît pas sur le site info greffe.

Le commissaire de gouvernement indique pour les 2 méthodes :

1) valorisation par le chiffre d'affaires

Au titre des exercices 2016, 2017, 2018 et 2019 : 594'759 euros soit une moyenne de 198'253 euros, avec une moyenne des 3 derniers exercices 2017, 2018 et 2019 ressortant à 186'223 euros

2) valorisation en fonction de l'excédent brut d'exploitation

Le commissaire indique que cette méthode constitue une approche de l'évaluation du fonds par sa capacité bénéficiaire ; que cette approche permet de cerner avec précision la valeur propre de la clientèle.

Le calcul de l'EBE sur les exercices 2016, 2017,2018 et 2019 est de 9936 euros, et le calcul sur les exercices 2017, 2018, 2019 ressort à 30'832 euros.

La valorisation du fonds par le meilleur ressort à : 15'430 x 4 = 61'700 euros.

Il ajoute que ces résultats sont très différents du fait du faible résultat d'exploitation de l'entreprise par rapport aux chiffres d'affaires réalisés ce qui dénote une faible rentabilité de l'activité affectant nécessairement la valeur réelle du fond.

Il n'y a donc pas de lien de causalité avec les travaux, puisque le calcul sur les 3 derniers exercices de la société fait ressortir des valeurs proches entre les deux méthodes.

En outre, comme l'indique Madame ZARDA dans le procès-verbal de transport : « les travaux effectués dans le cadre de l'opération d'aménagement de la zone des FRANCIADES ont entraîné une perte de clientèle en raison des désagréments liés aux travaux, de stationnement désormais payant et au commerce concuurent qui s'est installé à proximité », ce qui démontre que les chiffres d'affaires sont en lien avec la concurrence, s'agissant particulièrement d'une activité de restauration rapide.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement rejeté la demande principale de la SARL ZARDA de retenir les chiffres d'affaires 2012, 2013 et 2014.

À titre subsidiaire, la SARL ZARDA demande de retenir les chiffres d'affaires, 2018, 2019 et 2020.

Cependant, s'agissant de l'exercice 2020, il est produit uniquement un bilan et compte de résultat provisoire pour la période allant du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021 (pièce n°10).

S'agissant d'un document provisoire, le chiffre d'affaires ne peut donc être pris en compte, et comme l'indique le commissaire de gouvernement la consultation du site infogreffe confirme le non dépôt des comptes annuels de cet exercice et qu'en outre il y a eu un changement de la date de clôture de l'exercice au 30 septembre selon ce document provisoire, alors que les précédents étaient clôturés au 31 décembre, et que changement aurait dû entraîner le dépôt de liasses fiscales pour la période du 1er janvier 2020 au 30 septembre 2020 ce qui n'apparaît pas sur le site infogreffe.

Or, parmi les obligations légales auxquelles est tenu une société commerciale telle que la SARL ZARDA, une assemblée générale doit être tenue dans les 6 mois à compter de la date de clôture de l'exercice social ; à compter de la date de la tenue de cette assemblée, la société dispose d'un délai d'un mois pour déposer ses comptes annuels au greffe, ce délai étant prolongé d'un mois supplémentaire dans le cas où ce dépôt est effectué par voie électronique, soit en l'espèce pour une clôture au 31 décembre, la date limite de dépôt des comptes le 31 juillet l'année N +1 ou le 31 août si le dépot est effectué par voie électronique ; après la clôture de l'exercice de l'approbation des comptes par les associés ou l'associé unique, la dernière formalité à accomplir est le dépôt des comptes annuels au rejet du commerce et des sociétés, qui est une obligation légale pour les sociétés commerciales en application des articles L 231-21 à L 232-23 du code de commerce qui doit être effectué tous les ans, et parmi l'ensemble des documents produits, le bilan (actif, passif,) le compte de résultat et ses annexes.

En conséquence, il ne peut être retenu l'exercice pour l'année 2020 et il sera donc pris en compte uniquement au vu des justificatifs produits les chiffres d'affaires pour les exercices 2017, 2018 et 2019 :

Exercice

montant chiffre d'affaires hors taxes

montant TVA collectée

(tableau D 2033 de la liasse)

chiffre d'affaires TTC

2017

212'736

21'274

234'010

2018

95'642

9564

105'206

2019

199'503

19'950 (calculé au taux de 10 %)

219'453

Total

186'223

B. coefficient

Le premier juge a écarté les termes de comparaison anciens de l' autorité expropriante datant de 2013 à avril 2015, a retenu les 2 termes de comparaison proposés par la société évincée, avec des taux de 40,82 % à 17,18 %, un jugement du 21 mars 2016 et a retenu un coefficient de 60 %.

La SARL ZARDA demande en appel de retenir un coefficient de 70 %.

Il convient en conséquence d'examiner les références proposées par les parties :

1) Les références de la SARL ZARDA

Elle indique tout d'abord que s'agissant de l'activité de restauration, il est traditionnellement retenu un coefficient de 50 % à 120 % du chiffre annuel TTC (pièce 20 : extrait de l'ouvrage « évaluation du fonds de commerce », dossiers pratiques, éditions Francis Lefebvre, 2018, page 169).

Elle ajoute que doivent être pris en considération la configuration des locaux, l'état de l'outil de travail, l'équipe et la conjoncture économique soit en l'espèce :

'celui du bail commercial

'la situation géographique du commerce particulièrement intéressante, avec une bonne commercialité

'la notoriété du restaurant avant les travaux de l'expropriant était excellente, avec une restauration tunisienne haut de gamme

'la configuration du local permettant l'exploitation d'un linéaire de vitrine de 8 m de long, outre une salle de restaurant de 25 couverts et une terrasse couverte de 10 couverts

'l'existence de 2 caves en sous-sol

-l'état de l'outil de travail particulièrement bon.

Elle propose les références suivantes : (pièce N°3°): il s'agit de 2 termes de comparaison correspondant à deux mutations récentes datant de février et juin 2007 portant sur les commerces de restauration rapide situés dans le département de l'Essonne, avec des taux de 40,82 % et 17,18 %.

Ces termes sont comparables, s'agissant également de restauration rapide, et seront donc retenus.

S'agissant de la terrasse, le bail produit ne fait pas mention d'une terrasse et la SARL ZARDA ne produit pas de titres d'occupation du domaine public.

Comme cela ressort du procès-verbal de transport sur les lieux : « Madame ZARDA précise que, quand le temps le permet, des tables sont installées en extérieur pour augmenter la capacité d'accueil du restaurant ».

Il n'y a donc pas lieu de tenir compte de cette terrasse.

S'agissant du linéraire de vitrine, en raison de la sous location à la société SPEED COIFF, il intègre celle-ci.

2) Les références de la société anonyme d'économie mixte [Localité 14]-Sud aménagement

Elle propose 6 références de cessions amiables intervenues dans le département :

T1: avril 2015 [Localité 16] : activité de restauration rapide, acquisition du fonds de commerce : 30'000 euros, chiffre d'affaires moyen de 147'300 euros, prix d'acquisition de 20 % du chiffre d'affaires hors taxes.

Ce terme trop ancien datant de plus de 5 ans sera écarté.

T2 : janvier 2015 à [Localité 9] : activité de restauration rapide sandwicherie, plats cuisinés emportés, prix d'acquisition du fonds de commerce : 27'000 euros, chiffre d'affaires moyen : 241'008 euros, prix d'acquisition représentant 11 % de chiffre d'affaires hors taxes.

Ce terme sera écarté pour les mêmes motifs.

T3 : janvier 2015 à [Localité 10] : activité pizzeria, prix d'acquisition du fonds de commerce : 15'000 euros, chiffre d'affaires moyen sur 2 ans hors-taxes : 93'250 euros, prix d'acquisition représentant 16 % du chiffre d'affaires hors taxes.

Ce terme sera écarté pour les mêmes motifs.

T4 : novembre 2014 à [Localité 11]: activité de restauration rapide pizzeria traiteur, prix d'acquisition du fonds de commerce : 20'000 euros, chiffre d'affaires moyen : 80'300 euros, acquisition représentant 25 % de chiffre d'affaires hors taxes.

Ce terme sera écarté pour les mêmes motifs.

T5 : mai 2014 à [Localité 13] : activité de restauration rapide pizzeria, prix d'acquisition du fonds de commerce : 45'000 euros, chiffre d'affaires moyen hors-taxes sur 3 ans : 169'400 euros, prix d'acquisition représentant 27 % de chiffre d'affaires hors taxes.

Ce terme sera écarté pour les mêmes motifs.

T 6 : juin 2013 à [Localité 8] : activité de restauration rapide, salon de thé, traiteur, prix d'acquisition du fonds de commerce : 74'000 euros, chiffre d'affaires moyen : 82'200 euros, prix d'acquisition représentant 90 % du chiffre d'affaires hors taxes.

Ce terme sera écarté pour les mêmes motifs.

Il est proposé, comme le fait également le commissaire du gouvernement, comme référence un jugement du 21 mars 2016 rendu par le juge de l' expropriation du tribunal judiciaire d'Évry sur la fixation des indemnités d'éviction de la SARL GREEN ICE, exploitant un fonds de commerce de restauration rapide au sein du centre commercial des Fonciades à [Localité 12], situé à proximité immédiate et à proximité des locaux occupés par la SARL ZARDA avec un taux de 50 % compte tenu du fait que « l'activité de restauration rapide est peu pérenne et que plusieurs autres commerces de même nature existent à proximité ».

Ce terme comparable en consistance, non critiqué par la SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT s'agissant d'une activité similaire de restauration rapide, sera retenu.

3) Les références du commissaire du gouvernement

Le commissaire de gouvernement indique que partant d'une fourchette de coefficient relatif à l'activité de fast-food allant de 45 à 90 %, un taux de 60 % semble correct au regard des éléments suivants à prendre en considération :

'la situation géographique du bien : le commerce situé en centre-ville à proximité immédiate de nombreuses habitations et d'autres commerces et qui offre une clientèle potentielle importante ;

'la configuration du local : selon le bail, les locaux comprennent une première boutique de 68 m² et une deuxième boutique et arrière-boutique de 15 m².

En outre, une partie de ce local est sous-loué à la société SPEED COIFF : 14,9 m² en rez-de-chaussée avec façade sur la rue, selon un mesurage de 2020 ; la surface réelle occupée par la SARL ZARDA est donc d'environ 68 m² et le linéaire de vitrine de 8 m de long correspond à la totalité du local, y compris la partie louée

'la notoriété de l'enseigne : le restaurant est un établissement situé dans un quartier sans notoriété notable ou à tout le moins local

'la rentabilité de l'affaire : la rentabilité est très irrégulière.

Au regard des caractéristiques du bien, et des références retenues, il convient de confirmer le jugement et de retenir un coefficient de 60 %.

Il y a lieu de retenir la méthode habituelle du chiffre d'affaires des 3 dernières années, et non de retenir comme le commissaire du gouvernement, une moyenne entre cette valeur et la valeur par l'EBE avec un taux de 4.

La valeur du fonds est donc de :

558'669 / 3 = 186'223 x 60% = 111'733,80 euros arrondis à 111'734 euros.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

- Sur les indemnités accessoires

1° Sur l'indemnité de remploi

Elle a pour base le montant de l'indemnité principale, en l'espèce 11'734 euros.

Elle est égale à :

'5 % 23'000 euros = 1150 euros

'10 % sur le surplus, soit 111'734 - 23'000 = 88'734 x 0,10 = 8 873,40 euros

soit un total de 10 023,4 euros arrondis à 10 024 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

2° sur les indemnités pour frais de déménagement

La SARL ZARDA indique qu'elle sera dans l'obligation pour libérer les lieux de déménager la totalité du matériel présent, elle produit des devis et sollicite en conséquence une somme de 41'723 euros (Pièce n°16 et 17).

Cependant, comme l'indique exactement le premier juge, il est de principe que l'indemnité d'éviction couvre la perte du fonds de commerce, qui comprend les biens mobiliers, mais il n'est pas justifié en l'espèce de la présence de biens mobiliers personnels devant être déménagés.

En outre, comme l'indique le commissaire du gouvernement, le remboursement de ces frais s'effectue sur devis et le commerçant peut demander le remboursement des frais de transport sur un local de remplacement, les matériels, mobiliers et agencements récupérés, et des marchandsies et en stock.

Or un premier devis présenté par la société FIRST TRANSPORT SARL du 15 octobre 2020 pour un montant global de 5040 euros TTC correspond à une prestation de déménagement du [Adresse 3], cette adresse correspondant à un restaurant « les 3 poules » ; un autre devis du 25 octobre 2020 par une société [Localité 14] MAT énumère sous la mention « forfait, démontage, stockage et transports des éléments suivants » de matériel professionnel de restauration et chiffre la prestation à 28'900 euros hors-taxes, soit 34'683 de 60 euros TTC, alors que l'activité de la société susmentionnée est la vente en maintenance, négoce neuf et occasion, et ce d'autant qu'il s'agit d'un entreposage à l' adresse d'une autre société, le restaurant « les 3 poules » où le matériel aurait été déménagé selon premier devis et non à l'adresse de la société [Localité 14] MAT facturant la prestation.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de la SARL ZARDA au titre d'une indemnité de déménagement.

3° sur l'indemnité pour pertes sur stocks

La SARL ZARDA indique qu'au 31 décembre 2018, date du dernier exercice clos, son stock s'élevait à la somme de 25'000 euros (pièce n°18), et elle sollicite en conséquence cette somme au titre de l'indemnité pour perte sur stocks.

Cependant, comme l'indique exactement le premier juge, elle ne rapporte pas la preuve que son éviction va engendrer nécessairement un départ rapide l'empêchant de vendre son stock dans les conditions usuelles, et d'ailleurs, si elle fait état de son dernier exercice clos au 31 décembre 2018, elle produit un bilan et compte de résultat prévisionnel du 1° octobre 2020 au 30 septembre 2021 (pièce n°18).

Comme l'indique le commissaire du gouvernement, le stock constaté dans les écritures de la société au 31 décembre 2018 n'a pas été perdu puisqu'il a été utilisé par la société sur l'exercice s'agissant de denrées alimentaires périssables, l' activité la société étant une activité de restauration et elle dispose d'un délai suffisant pour écouler la marchandise achetée avant de devoir quitter les lieux.

Il convient en conséquence de confirmer qu'il a exactement rejeté la demande de la SARL ZARDA au titre d'une unité pour perte sur stocks.

4° sur l'indemnité pour frais de licenciement

La SARL ZARDA indique qu'en raison du défaut de réinstallation à bref délai, elle doit supporter des indemnités de licenciement inhérentes à la fermeture du fonds de commerce, qu'elle emploie actuellement sept salariés à temps partiel et à temps plein et elle sollicite en conséquence une provision de 6000 euros et de confirmer le sursis à statuer en attente des justificatifs.

La demande de provision n'est pas justifiée en l'espèce et il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande et sursis à statuer sur l'indemnité pour frais de licenciement.

L'indemnité totale d'éviction est donc de :

111'734 (indemnité principale) + 10 024 = 121 758 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné [Localité 14]-Sud aménagement à payer à la SARL ZARDA la somme de 1500 euros euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter la SARL ZARDA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

LA SARL ZARDA perdant le procès sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions de la SARL ZARDA du 28 septembre 2021, de la SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT du 24 décembre 2021 et du commissaire du gouvernement du 23 décembre 2021 adressées ou déposées dans les délais au greffe ;

Déclare recevables les conclusions de la SARL ZARDA du 25 mars 2022 et de la SAEM [Localité 14] SUD AMENAGEMENT du 5 mai 2022 adressées ou déposées hors délai au greffe;

Déclare irrecevables les conclusions de la SARL ZARDA du 11 mai 2022 et les pièces nouvelles numéros 23, 24 et 25 déposées hors délai au greffe;

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- fixé à la somme de 129896 euros l'indemnité totale d'éviction due à par la Société [Localité 14] Sud Aménagement à la SARL ZARDA;

- précisé que la somme de 129896 euros se décompose de la manière suivante:

- 119 132 euros, à titre d'indemnité principale, selon la valeur de l'entier fonds de commerce,

- 10 764 euros, à titre d'indemnité de remploi,

Statuant à nouveau :

Fixe à la somme de 121'758 euros, l'indemnité totale d'éviction due par la société d'économie mixte [Localité 14]-Sud aménagement à la SARL ZARDA dans le cadre de l'opération d'expropriation des locaux commerciaux et d'activité située [Adresse 4] sur la commune de [Localité 12] (91), sur la parcelle cadastrée section K n°[Cadastre 2], nouvellement cadastrée section AP n°[Cadastre 5] se décomposant comme suit :

'indemnité principale : 111'734 euros

'indemnité de remploi : 10'024 euros

Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute la SARL ZARKA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL ZARKA aux dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/11979
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.11979 ?
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