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30/06/2022 | FRANCE | N°21/08284

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 30 juin 2022, 21/08284


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 30 Juin 2022

(n° 66 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08284 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSQ5



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Avril 2021 par le juge de l'expropriation de Evry RG n° 19/00130





APPELANTE

Me [M] [G] - Mandataire de S.A.R.L. L'EPI D'OR

[Adresse 1]

[Localité 7]



S.A.R.L. L'EPI D'OR
<

br>[Adresse 3]

[Localité 11]



Tous deux représentés par Me Jean-Christophe HYEST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0672





INTIMÉES

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 30 Juin 2022

(n° 66 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08284 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSQ5

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Avril 2021 par le juge de l'expropriation de Evry RG n° 19/00130

APPELANTE

Me [M] [G] - Mandataire de S.A.R.L. L'EPI D'OR

[Adresse 1]

[Localité 7]

S.A.R.L. L'EPI D'OR

[Adresse 3]

[Localité 11]

Tous deux représentés par Me Jean-Christophe HYEST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0672

INTIMÉES

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES (ESSONNE) SERVICE DU DOMAINE

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 8]

représentée par Mme [U] [W] en vertu d'un pouvoir général

S.A. PARIS SUD AMENAGEMENT prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 11]

représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334 substitué par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN702

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Hervé LOCU, président

Catherine LEFORT, conseillère

Raphaël TRARIEUX, conseiller

Greffier : Marthe CRAVIARI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Marthe CRAVIARI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par arrêté du 03 juin 2014 rectifié le 05 novembre 2014, le préfet de l'Éssonne a déclaré d'utilité publique au profit de la SEM[Localité 11], nouvellement la société Paris Sud Aménagement, le projet d'aménagement de la ZAC [Adresse 10] sur le territoire de la commune de [Localité 11] (91).

Par arrêté du O8 août 2014, le Préfet de l'Éssonne a déclaré immédiatement cessibles au profit de la SEM[Localité 11], les parcellés de terrains situées sur la commune de [Localité 11] nécéssaires à l'opération ci-dessus dont celle cadastrée section K n°[Cadastre 2], nouvellement cadastrée AP n°[Cadastre 5] sis [Adresse 4].

Ést concernée par l'opération, la SARL L'EPI D'OR en tant que propriétaire des parcelles de terrains situées sur la commune de [Localité 11] nécessaires à l'opération ci-dessus dont celle cadastrée section Kn°[Cadastre 2], nouvellement cadastrée AP n°[Cadastre 5], sise [Adresse 4], d'une surface de 691 m², sur laquelle est édifié un immeuble à usage commercial, appartenant à la SCI Société Nouvelle de [Localité 11]

Par ordonnance du 15 décembre 2014 rectifiée le 02 mars 201 5, le juge de l'expropriation a déclaré expropriée au profit de la SEMMASSY la parcelle visée par la procédure.

Par mémoire reçu au greffe le 29 octobre 2019, la SAEM Paris Sud Aménagement a saisi le juge de l'expropriation aux fins de fixation des indemnites d'éviction devant revenir à la SARL l'Epi d'Or.

Le transport sur les lieux initialement fixé le 30 mars 2020 n'a pas pu avoir lieu compte tenu de l'état d'urgence sanitaire national.

Par un jugement du 12 avril 2021 apres transport sur les lieux le 05 octobre 2020 le juge de l'expropriation de la d'Evry a':

-Fixé à la somme de 37'350 euros l'indemnité totale d'éviction due par la Société Paris Sud Aménagement à là la SARL l'Epi d'Or ;

- Précisé que 1a somme de 37 350 euros se décompose de la manière suivante ;

- 35 000 euros, à titre d'indemnité principale, selon la valeur de l'entier fonds de commerce,

- 2 530 euros, à titre d'indemnité de remploi,

- Débouté la SARL l'Epi d'Or de ses demandes d'indemnité au titre des frais de déménagement ;

- Sursis à statuer sur la demande d'indemnité au titre des frais de licenciement ;

- Ordonné le retrait du rôle et dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de rétablir l'affaire au rôle pour qu'il soit statué, le cas échéant, sur l'indemnité au titre des frais de licenciement ;

-Débouté la SARL l'Epi d'Or de sa demande presentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

-Condamné Paris Sud Aménagement au paiement des dépens.

La SARL Epi d'or a interjeté appel le 04 mai 2021 sur l'indemnité d'éviction, le débouté de sa demande d'indemnité au titre des frais de déménagement et le débouté au titre de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- Adressées au greffe, par Maître [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL l'EPI D'OR, appelante, le 07 juillet 2021 notifiées le 09 juillet 2021 (AR du 13 juillet 2021) et le 19 avril 2022 notifiées le 21 avril 2022 (AR des 22 avril 2022 et 26 avril 2022) aux termes desquelles elle demande à la cour de :

'dire probants les bilans et comptes de resultats de la société l'EPI d'OR pour les années 2018,2019 jusqu'au 30 septembre 2020,

-Fixer l'indemnité principale revenant à la société L'EPI D'OR à la somme de 370.517 euros,

- Fixer l'indemnité de remploi à la somme de 35'901,70 euros ;

- Condamner la société PARIS SUD AMENAGEMENT à payer à la société L'EPI D'OR la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Mettre à la charge de la Société PARIS SUD AMENAGEMENT les dépens.

- Déposées au greffe, par la Société Paris Sud Aménagement, intimée et appelante incidente, le 08 octobre 2021 notifiées le 12 octobre 2021 (AR des 13 et 14 octobre 2021) et le 9 mai 2022 notifiées le jour même (AR du 10 et 11 mai 2021) aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

-Fixé l'indemnité principale revenant à la SARL L'EPI D'OR à la somme de 35 000 euros ;

-Fixé les indemnites accessoires revenant à la SARL L'EPI D'OR à la somme de 2 350 euros

-Rejeté la demande indemnitaire de la SARL L'EPI D'OR relative aux frais de déménagement ;

-Rejeté la demande indemnitaire de la SARL L'EPI D'OR au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'appel incident

- Réformer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur les demandes de la SARL L'EPI D'OR au titre des frais de licenciement.

Et statuant à nouveau

- Débouter la SARL L'EPI D'OR de sa demande de sursis à statuer au titre des indemnites relatives aux frais de licenciement.

En toute état de cause :

- Rejeter les demandes de la SARL L'EPI D'OR et sa demande en paiement de la somme de 3.000 euros formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Statuer ce que de droit sur les dépens de l'instance.

- Déposées au greffe, par le commissaire du gouvernement, intimé, le 13 octobre 2021 notifiées le 14 octobre 2021 (AR des 18 et 19 octobre 2021) aux termes desquelles il demande à la cour de :

-Fixer':

- l 'indemnité d'éviction à la somme de 35 000 euros

- l'indemnité de remploi à la somme de 2 350 euros

Par ailleurs, il est demandé de rejeter la demande d'indemnité au titre du déménagement et surseoir à statuer pour l'indemnité de licenciement.

-Soit une indemnité totale de 37 350 euros

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Maître [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL EPI d'OR fait valoir que':

-Sur l'indemnité principale'; la moyenne devra se situer à 90 % du chiffre d'affaires annuel, étant précisé que le volume d'activité de la société L'EPI D'OR est en constante augmentation depuis 2018 en dépit de la concurrence qui s'est installée en face de son fonds de commerce; Une moyenne de 90 % de ces chiffres d'affaires, représente une indemnité de 370.517 euros conformément au calcul suivant : 1.235.057 euros / 3 = 411.685,66 euros x 90 % = 370.517 euros ';

-Sur l'indemnité accessoire';

-Sur le coût des licenciements'; il convient de surseoir à statuer dans l'attente de la prise de possession du fonds par l'expropriant, date à laquelle les calculs et proratas pour les indemnites de licenciement pourront être calculés';

-Sur les frais de déménagement'; la société L'EPl D'OR produit un devis de déménagement des locaux pour un montant de 17.976 euros. (pièce n° 7)';

La Société PARIS SUD AMENAGEMENT répond que':

-Concernant les demandes de l'appelante'; Il est de principe que l'ordonnance d'expropriation éteint le droit au bail mais ne fait pas disparaître le fonds de commerce qui peut être cédé et que cette cession emporte, sauf disposition contraire incluse dans l'acte, cession de la créance d'indemnité (Cass. Civ. 3ème, 20 mars 2013, n° 11-28788 - Pièce n° 5)'; Au cas d'espèce, la société EPI d'OR a été placée en redressement judiciaire le 7 décembre 2020, mais avec une date d'état de cessation des paiements fixée au 7 juin 2019 soit 18 mois avant le jugement d'ouverture. ce qui constitue la date maximale autorisée par l'article L. 631-8 du code de commerce (Pièce n°1)'; Dans ces conditions, la véracité des comptes presentés par la société EPI D'OR pour les années 2018 et 2019 ne peut qu'être remise en cause et les chiffres d'affaires déclarés pour l'année 2018 et l'année 2019 ne peuvent être une base de calcul dans le cadre d'une indemnité d'éviction, et ce d'autant plus que le Tresor Public a pris deux inscriptions en 2019 et 2020 pour un montant total excédant la somme de 500.000 euros (Pièce n°9)';

-Concernant l'appel incident'; le 19 juillet 2021, la société EPI D'OR a été placée en liquidation judiciaire (pièce n°9)' de la société EPI d'OR entrainant le licenciement des salariés qui resulte de la faute de son gérant Monsieur [R] qui n'a pas accompli les actes nécessaires au redressement de son entreprise'; elle se fonde sur l'article L3253-8 du Code du travail, et demande de réformer le jugement entrepris en ce qu'il accordé un sursis à statuer à la société EPI D'OR sur sa demande au titre des frais de licenciement et statuant à nouveau de rejeter cette demande de sursis à statuer et toute demande au titre de ses indemnites';

Le commissaire du Gouvernement conclut que':

- le bail commercial versé à l'appui du mémoire de l'évincé date du 18/06/2006 (pour une location à compter du 1° avril 2006) et est établi au nom d'une société en cours de formation « La Pani Chaude ''. Les seuls documents produits au nom de l'Epi d'Or sont des quittances de loyer pour la période du 01/04/20 au 31/12/20';

- L'Epi d'Or produit ainsi deux liasses fiscales 2018 et 2019 et des documents provisoires pour la période du 01/01/20 au 30/09/20 : ces documents provisoires ne sont d'ailleurs pas opposables car non définitifs';

- Au cas présent, la consultation du site infogreffe a permis de constater que la SARL L'Epi d'Or n'a pas respecté ses obligations au titre des exercices 2019 et 2020 au regard des dispositions de l'article L232-22 du code du commerce précité';

- les documents produits par la société à l'appui de son mémoire au titre des années 2019 et 2020 n'apparaissent pas probants et par voie de conséquence les montants de chiffre d'affaires y figurant ne peuvent être retenus pour le calcul d'une indemnité d'éviction';

- La moyenne pondérée consiste à affecter le chiffre d'affaires d'un coefficient en fonction de son ancienneté (CA de l'année n-3 = coefficient 1, année n-2, coefficient 2 et année n-1 coefficient 3).

En ce qui concerne l'activité "Boulangerie" la fourchette à retenir est de 70 à 90% du chiffre d'affaires moyen TTC, 70 % à 105 % pour l'activité « pâtisserie '' d'après le traité de l'évaluation des Biens';

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 4 mai 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, des leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de Maître [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL EPI D'OR du 7 juillet 2021, de la société Paris Sud aménagement du 8 octobre 2021 et du commissaire du gouvernement du 13 octobre 2021 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions hors délai de Maître [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL EPI D'OR du 19 avril 2022 sont de pure réplique à celles de la Société Paris Sud Aménagement appelant incident et à celles du commissaire du gouvernement,

ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont donc recevables au delà des délais initiaux.

Les conclusions hors délai de la Société PARIS SUD AMENAGEMENT sont de pure réplique à celles de l'appelant principal ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux sont donc recevables.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la reserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnites allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnites accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnites sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnites d'apres la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimes à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous reserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de Maître [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL L'EPI D'OR porte sur l'indemnité principale et sur l' indemnité accessoire des frais de déménagement ; l'appel incident de la société PARIS SUD AMENAGEMENT concerne le sursis à statuer au titre des indemnités relatives aux frais de licenciement

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie exploitée dans les locaux situés [Adresse 4] dans le quartier [Adresse 10] sur la commune de [Localité 11].

Le commissaire du gouvernement précise que la société l'EPI d'OR occupe un rez-de-chaussée d'une surface utile de 111 m² et un sous-sol de 290 m² ou 395 m² selon l'état locatif produit et qu'il ressort du plan des locaux établis après mesurage effectué le 20 mai 2020 par le cabinet de géomètre expert [C], une superficie utile de 107,4 m² pour le rez-de-chaussée et 346,10 m² pour le sous-sol, sachant que la superficie a été calculée graphiquement pour ce niveau -1 en raison de l'encombrement en empêchant l'accès.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au proces verbal de transport du 5 octobre 2020.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 12 avril 2021.

- Sur l'indemnité principale

1° Sur la méthode

Il est établi en l'espèce que l'expropriation entraîne la perte du fonds de commerce ; l'indemnité d'éviction devant revenir à la SARL l'EPI d'OR évincée doit donc correspondre à la valeur de son fonds de commerce, qui se définit comme la valeur marchande déterminée d'après les usages de la profession, augmentée, le cas échéant, des frais de déménagement du mobilier personnel, des frais de licenciement et des frais pour perte liquidation du stock, ainsi, en tout état de cause, des frais de remploi.

Comme l'indique le premier juge pour déterminer la valeur de l'entier fonds de commerce, il est d'usage de multiplier le chiffre d'affaires moyen, toutes taxes comprises, des 3 derniers exercices clos par un taux issu d'un barème par activité commerciale.

Le premier juge a considéré que la SARL l'EPI d'OR a versé au débat uniquement l'exercice comptable de l'année 2018, sans justifier de l'exercice de l'année 2019, sans justifier l'exercice complet de l'année 2020 et n'a donc pas versé les éléments permettant d'apprécier son chiffre d'affaires sur les trois dernières années ; il a en outre indiqué que l'autorité expropriante a produit à un extrait récent Kbis dont il ressort que celle-ci a fait l'objet d'un jugement du 7 décembre 2020 du tribunal de commerce d'Évry prononçant une procédure de redressement judiciaire avec une date de cessation des paiements fixée au 7 juin 2019 ; il a donc considéré que la méthode usuelle pour apprécier la valeur du fonds de commerce ne peut en l'espèce être retenue, faute d'éléments comptables permettant d'apprécier les trois derniers exercices clos et il a donc conformément aux demandes de l' autorité expropriante et du commissaire de gouvernement retenu comme référence la valeur de cession du fonds de commerce intervenu en avril 2015 pour un montant de 35'000 euros.

Le liquidateur judiciaire de la SARL l'EPI d'OR demande en appel de retenir la méthode habituelle en retenant les trois derniers chiffres d'affaires de 2018, 2019 et 2020 en appliquant un coefficient de 90 %, soit une somme de 370'517 euros.

Il indique qu'il verse aux débats les bilans des exercices 2018, 2019, ainsi que les comptes arrêtés au 30 septembre 2020 ; il précise que les comptes 2018 de la société d'EPI d'OR ont été publiés au greffe du tribunal de commerce d'Évry et laissent apparaître un chiffre d'affaires hors taxes de 378'617 euros pour un résultat de 54'414 euros ;il ajoute que concernant le bilan 2019 et le compte de résultat arrêté au 30 septembre 2020, l' attitude de l'administration fiscale est paradoxale, puisqu'elle conteste la réalité des chiffres d'affaires des exercices 2019 et 2020, et en même temps le pôle recouvrement spécialisé SPS a procédé à des demandes d'admission de créances définitives au passif de la société l'EPI D'OR pour des créances au titre de la TVA et de l'impôt sur la société pour l'exercice 2019 et 2020 (pièce n°15 n°16). Ces décisions d'admission de créances reflètent l'arrêté du chiffre d'affaires pour les exercices 2019 et 2020 et ces chiffres sont incontestables et doivent être pris en considération comme suit :

'pour l'exercice 2018 : 378'617 euros hors-taxes

'pour l'exercice 2019 : 435'500 euros hors-taxes

'pour l'exercice 2020 (du premier janvier 2020 au 30 septembre 2020) : 420'938 euros hors-taxes

soit une moyenne de 411'685,66 euros pondérée avec un coefficient de 90 %.

La société Paris Sud aménagement et le commissaire du gouvernement demandent la confirmation.

En l'espèce, l'ordonnance d'expropriation est intervenue le 15 décembre 2014 ; la consistance matérielle et juridique du bien est fixée à cette date en application de l'article L 322-1 du code de l'expropriation qui dispose que le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.

À cette date, le commissaire de gouvernement indique que le fonds est exploité par la société la Baguettine, que le 28 février 2015, ce fonds était cédé à la société l'EPI D' OR avec un transfert de propriété au 1er avril 2015 au prix de 35'000 euros, 17'500 euros au titre des éléments incorporels et 17'500 euros au titre des éléments corporels ;dans l'acte de vente, ne figure aucun montant de chiffre d'affaires réalisé par le cédant, précédemment; la SARL la baguetine avait acquis le 25 janvier 2012, le fonds de la société « gourmandise de [Localité 11] » au prix de 30'000 euros ;le gérant de la Baguetine, Monsieur [S] [R] est également gérant et associé à 50 % de la SARL l'EPI d'OR avec Madame [T] [D] domiciliée à la même adresse que lui ; le bail commercial est du 18 juin 2006 pour une location à compter du premier avril 2006 et il est établi au nom d'une société en cours de formation « la Pani Chaude » et les seuls documents produits au nom de l'EPI d'OR sont des quittances de loyer pour la période du 1° avril 2020 au 31 décembre 2020.

L'appelant principal verse aux débats les bilans des exercices 2018,

2 019 ainsi que les comptes arrêtes au 30 septembre 2020; comme l'indique le commissaire du gouvernement, il est produit des liasses fiscales 2018 et 2019 et des documents provisoires pour la période du premier janvier 2020 au 30 septembre 2020, ces derniers n'étant donc pas définitifs.

En outre, parmi les obligations légales auxquelles est tenue une société commerciale telle que l'EPI D'OR, une assemblée générale pour approuver ses comptes doit être tenue dans les 6 mois à compter de la date de clôture de l'exercice social ; à compter de la date de la tenue de cette assemblée, la société dispose d'un délai d'un mois pour déposer ses comptes annuels au greffe, ce délai étant prolongé d'un mois supplémentaire dans le cas où ce dépôt est effectué par voie électronique, soit au cas présent pour une clôture au 31 décembre, la date limite de dépôt des comptes est le 31 juillet de l'année N+1 ou le 31 août si le dépôt est par voie électronique ; après la clôture de l'exercice et l'approbation des comptes par les associées ou l'associé unique, la dernière formalité à accomplir est le dépôt des comptes annuels au registre du commerce et des sociétés qui est une obligation légale pour les sociétés commerciales en application des articles L 232-21 à L 233-23 du code de commerce qui doit être effectué tous les ans et les comptes annuels font l'objet d'une publication au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODAC) à la diligence du greffier ; parmi l'ensemble des documents produits figurent le bilan (actif, passif) et le compte de résultat et ses annexes ; le commissaire du gouvernement verse aux débats la consultation du site infogreffe qui permet de constater que la SARL l'EPI d'OR n'a pas respecté ses obligations au titre des exercices 2019 et 2020 et qu' aucun document certifiant le dépôt des comptes des exercices 2019 et 2020 auprès du centre des finances publiques n'est apporté.

Le commissaire du gouvernement ajoute, ce qui n'est pas contesté par l'appelant principal, que les comptes des exercices 2019 et 2020 présentent des incohérences :

'l'absence de comptabilisation à l'actif de l'entreprise de la valeur du fonds de 35'000 euros (17500 euros pour les éléments incorporels et 17500 euros pour les éléments corporels) ;

'l'augmentation constante du chiffre d'affaires depuis 2018 (+ 15 % entre 2018 et 2019) alors que lors du transport sur place, le gérant de l'EPI D'OR a dit avoir souffert de travaux liés à l'opération d'aménagement du secteur des Franciades avec notamment l'installation depuis quatre ans d'un boulanger à proximité immédiate, cette situation ne correspondant pas à la généralité des évincés qui en principe font valoir que la réalisation de travaux d'aménagement entraîne une baisse constante de leur chiffre d'affaires ;

'l'extrait K bis au 10 décembre 2020 mentionne que l'entreprise a été placée en procédure de redressement judiciaire par jugement du commerce d'Évry du 7 décembre 2020 avec une date de cessation des paiements fixée au 7 juin 2019.

Ce jugement (pièce n°10) indique en effet qu' une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 7 décembre 2020, avec ouverture d'une période d'observation au cours de laquelle Me [M] ès qualité de mandataire judiciaire a presenté une requête afin de conversion en liquidation judiciaire ; il est indiqué que malgré les demandes du mandataire judiciaire, le dirigeant de l'EPI d'OR n'a pas fourni les éléments nécessaires au bon déroulement de la mission du mandataire judiciaire, à savoir :

'un compte exploitation portant sur la période écoulée du redressement judiciaire;

'un prévisionnel d'exploitation et de trésorerie pour les six mois à venir,

'une attestation de son expert-comptable indiquant que la société L'EPI d'OR est à jour du paiement de ses charges courantes.

'une copie du dernier relevé bancaire du compte « redressement judiciaire ».

Il est indiqué que la SARL l'EPI d'OR n'est pas à jour du paiement des frais de justice, par jugement du 21 mai 2021, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SARL [Localité 11] 2, et le tribunal a condamné Monsieur [S] [R] à une faillite personnelle pour une durée de 12 ans.

Le tribunal a indiqué que la procédure de redressement est intervenue sur assignation d'un créancier, que le redressement l'entreprise n'est pas possible et il a donc prononcé la liquidation judiciaire de la SARL l'EPI d'OR en désignant Me [M] ès qualité de liquidateur.

Les documents produits par le liquidateur concernant les déclarations de créances et titres d'admission de créance pour les exercices 2019 et 2020 (pièce n°15 n°16) sont donc insuffisants pour établir la réalité des chiffres d'affaires.

En effet, les documents produits par la société l'EPI d'OR au titre des années 2019 et 2020 ne sont pas probants et les montants des chiffres d'affaires y figurant ne peuvent pas être retenus pour le calcul d'une indemnité d'éviction.

En outre, la société l'EPI d'OR a été placé en redressement judiciaire le 7 décembre 2020, avec une date de cessation des paiements fixée au 7 juin 2019 soit 18 mois avant le jugement d'ouverture, ce qui constitue la date maximale par l'article L 631-8 du code de commerce.

De plus, le trésor public a pris deux inscriptions en 2019 et 2020 pour un montant total excédant la somme de 500'000 euros (pièce n°9).

Le premier juge a donc exactement considéré que la méthode usuelle pour apprécier la valeur du fonds de commerce ne peut être retenue, faute d'éléments comptables sincères permettant d'apprécier les trois derniers exercices clos de la SARL l'EPI d'OR et a exactement retenu comme référence la valeur de la cession du fonds de commerce intervenue en avril 2015 pour un montant de 35'000 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

- Sur les indemnités accessoires

1° Sur l'indemnité de remploi

Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :

5 % jusqu'à 23'000 euros = 1150 euros

10 % sur le surplus, soit 12'000 euros = 1200 euros

soit un total de 2350 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

2° sur l'indemnité pour frais de déménagement

L'appel principal concerne l'indemnité accessoire au titre des frais de déménagement.

Cependant, le liquidateur de la SARL l'EPI d'Or n'a pas conclu sur le rejet de l'indemnité au titre des frais de déménagement et ne formule pas de demande dans le dispositif de ses conclusions au sens de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile.

Le rejet sera donc confirmé.

3° sur l'indemnité pour frais de licenciement

Le premier juge a sursis à statuer sur la demande présentée par l'évincée au titre des frais de licenciement.

La société PARIS SUD AMENAGEMENT a formé appel incident en indiquant qu'à la date du jugement la société l'EPI d'OR était encore en activité bien que placée en redressement judiciaire et que ses perspectives de redressement n'étaient pas connues, et que le 19 juillet 2021, elle a été placée en liquidation judiciaire et que le licenciement résulte de la faute de son gérant Monsieur [R] qui n'a pas accompli les actes nécessaires au redressement de son entreprise.

Conformément aux dispositions de l'article L 3258-8 du code du travail l'AGS couvre :

1° les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat sécurisation professionnel ;

2° les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :

a) pendant la période d'observation ;

b) dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;

c) dans les 15 jours, ou 21 jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation.

L'appelant principal n'a pas conclu sur ce point.

Compte tenu de l'évolution du litige due à la liquidation judiciaire de la société l'EPI D'OR, qui a entraîné le licenciement des salaries suite à la faute de son gérant qui n'a pas accompli les actes nécessaires au redressement son entreprise, il convient d'infirmer le jugement et de rejeter la demande de sursis à statuer au titre des frais de licenciement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité d'éviction à la somme de :

35 000 euros (indemnité principale) + 2350 euros (indemnité de remploi) = 37 350 euros.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de la SARL l'EPI d'OR au titre de l'article 700 du code de procédure civile, celle-ci n'ayant pas versé aux débats les éléments comptables qui auraient permis l'appréhension de ces chiffres d'affaires sur les trois dernières années.

L'équité commande de débouter Maître [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL l'EPI d'OR de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

Me [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société l'EPI d'OR perdant le procès sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Infirme partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a sursis à statuer sur la demande d'indemnité au titre des frais de licenciement,

Statuant à nouveau :

Déboute la SARL l'EPI d' OR de sa demande formée en première instance de sursis à statuer au titre des indemnités relatives aux frais de licenciement ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute Me [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL l'EPI d'OR de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Me [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL l'EPI d'OR aux dépens.

LE GREFFIERLE PREsIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/08284
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.08284 ?
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