La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°21/00774

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 30 juin 2022, 21/00774


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 30 JUIN 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00774

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5GC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2020 - TJ de CRETEIL

RG n° 20/02455



APPELANTE



Madame [R] [T]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée

par Me Jean-Eric CALLON de la SELEURL CALLON Avocat & Conseil, avocat au barreau de PARIS, toque : R273

assistée de Me Lotfi BENKANOUN, avocat au barreau de PARIS



INTIMEES



S.A.R.L. COMPAGNIE DE ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00774

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5GC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2020 - TJ de CRETEIL

RG n° 20/02455

APPELANTE

Madame [R] [T]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Jean-Eric CALLON de la SELEURL CALLON Avocat & Conseil, avocat au barreau de PARIS, toque : R273

assistée de Me Lotfi BENKANOUN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A.R.L. COMPAGNIE DE PHALSBOURG

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assisté de Me julie RAYMOND-DENOUEL, avocat au barreau de PARIS

CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 1]

[Localité 5]

N'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Exposant avoir fait une chute le 7 janvier 2017 en glissant sur une plaque métallique recouverte de verglas à l'entrée du parking du magasin exploité par la société Boulanger, situé [Adresse 7] à [Localité 9] (94), Mme [R] [T], après avoir obtenu en référé la mise en oeuvre d'une expertise médicale, a assigné la société Compagnie de Phalsbourg , désignée comme étant propriétaire des lieux, en responsabilité et indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM).

Mme [R] [T] a parallèlement assigné aux même fins la société Boulanger.

Les deux procédures n'ont pas été jointes par le tribunal.

Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a :

- débouté Mme [T] de toutes ses demandes,

- condamné Mme [T] aux dépens,

- constaté l'exécution provisoire de droit de la décision,

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration du 7 janvier 2021, Mme [T] a interjeté appel de cette décision en critiquant chacune de ses dispositions.

Par ordonnance du 17 mars 2022, la conseillère de la mise en état a dit qu'elle n'avait pas le pouvoir de connaître de la fin de non-recevoir présentée par la société Compagnie de Phalsbourg tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme [T], ni de statuer sur la demande de la société Compagnie de Phalsbourg tendant à voir déclarer irrecevable, comme nouvelle, la demande de Mme [T] au titre de l'indemnisation d'une perte de prime.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de Mme [T], notifiées le 6 avril 2022, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en date du 16 décembre 2020 du tribunal judiciaire de Créteil,

- ordonner la jonction avec la procédure engagée parallèlement à l'encontre de la société Boulanger dont la procédure est enregistrée sous le numéro RG 21/00773,

- condamner la société Compagnie de Phalsbourg à lui payer la somme de 29 501 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal,

- débouter la société Compagnie de Phalsbourg de ses demandes,

- condamner la société Compagnie de Phalsbourg à payer la somme de 3 000 euros à Mme [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les dépens de la procédure de référé, de fond et d'appel ainsi que les honoraires de l'expert judiciaire.

Vu les conclusions de la société Compagnie de Phalsbourg, notifiées le 29 mars 2022, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les articles 31, 122, 566, 699 et 700 du code de procédure civile,

- accueillir la société compagnie de Phalsbourg dans l'ensemble de ses demandes, conclusions, fins et moyens,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil le 16 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

sur la fin de non-recevoir et l'irrecevabilité des demandes formulées par Mme [T],

- constater que la société Compagnie de Phalsbourg n'est pas propriétaire du terrain,

- constater qu'en conséquence, Mme [T] est dépourvue de tout intérêt et tout droit à agir à son encontre,

- déclarer Mme [T] irrecevable en ses demandes formulées à l'encontre de la société Compagnie de Phalsbourg,

- mettre hors de cause la société compagnie de Phalsbourg,

sur la demande nouvelle en cause d'appel,

- constater que Mme [T] sollicitait la condamnation de la société Compagnie de Phalsbourg à des dommages et intérêts à hauteur de 28 301 euros en première instance,

- constater qu'en cause d'appel, elle a modifié ses prétentions et sollicite désormais la somme de 29 501 euros,

- constater que la différence est relative à une «perte de prime survenue en 2017», soit préalablement au jugement du 16 décembre 2020,

- juger qu'il s'agit donc d'une demande nouvelle,

- déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts formulée à hauteur de 1 200 euros, car nouvelle en cause d'appel,

à titre subsidiaire, sur le fond constater que Mme [T] n'apporte pas la preuve des conditions de la mise en 'uvre de la responsabilité délictuelle,

- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens,

en tout état de cause,

- condamner Mme [T] à régler à la société Compagnie de Phalsbourg la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [T] aux entiers dépens.

La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier de justice en date du 2 avril 2021, délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de jonction

Il n' y pas lieu d'ordonner, contrairement à la demande de Mme [T], la jonction de la présente instance et de celle également pendante de la cour, l'opposant à la société Boulanger, ces instances qui concernent des appels formés contre deux jugements distincts n'ayant pas entre elles un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les juger ensemble.

La demande sera rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme [T]

La société Compagnie de Phalsbourg fait valoir que contrairement à ce que prétend Mme [R] [T], elle n'est pas la propriétaire des lieux où s'est produit l'accident, qu'elle n'est pas davantage l'exploitant du local commercial, que l'acte de vente du 14 septembre 2006 a été régularisé entre l'Etablissement public d'aménagement de la ville nouvelle de [Localité 8], en qualité de vendeur, et la société Simone, en qualité d'acquéreur, que le contrat de bail produit par Mme [R] [T] démontre que l'exploitant est la société Boulanger, que ce contrat conclu en 2005 entre la société Boulanger et la société Compagnie de Phalsbourg prévoyait une mise à disposition prévisionnelle du local au 31 décembre 2006 et comportait une clause de substitution stipulant que la société Compagnie de Phalsbourg avait la possibilité de substituer à tout moment toute personne physique ou morale de son choix pour réaliser l'acquisition du terrain d'assiette qui n'était pas encore intervenue, qu'usant de cette faculté, elle s'est fait substituer par la société Simone qui est devenue le bailleur des locaux commerciaux loués à la société Boulanger ainsi qu'il résulte de l'avenant au bail n° 1 mentionnant expressément la société Simone comme bailleur.

Elle en déduit que les demandes de Mme [T] sont mal dirigées et ne peuvent prospérer et que celle-ci est irrecevable en ses demandes faute d'intérêt à agir à l'encontre de la société Compagnie de Phalsbourg.

Elle ajoute que, contrairement à ce qu'a avancé Mme [T], la société Compagnie de Phalsbourg n'est pas le gestionnaire de l'immeuble commercial.

Mme [R] [T] n'a consacré dans ses dernières conclusions aucun développement à cette fin de non-recevoir.

Sur ce, la conseillère de la mise en état a par une ordonnance du 17 mars 2022 qui n'a pas été déférée à la cour jugé qu'elle n'avait pas le pouvoir de connaître de la fin de non-recevoir présentée par la société Compagnie de Phalsbourg tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme [T].

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription; le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Par ailleurs l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, de sorte que la question de savoir si la société Compagnie de Phalsbourg était propriétaire ou gestionnaire du parking litigieux et si elle est responsable de l'accident dont a été victime Mme [T] le 7 janvier 2017 n'est pas une condition de recevabilité de son action mais du succès de celle-ci.

Dans ces conditions, Mme [T] qui a été victime d'un accident dont elle impute la responsabilité à la société Compagnie de Phalsbourg justifie de son intérêt à agir à l'encontre de cette dernière, ce qui ne préjuge nullement du bien-fondé de l'action.

La fin de non-recevoir invoquée par la société Compagnie de Phalsbourg sera, dès lors, rejetée.

Sur la responsabilité de la société Compagnie de Phalsbourg

Mme [T] qui conclut à l'infirmation du jugement déféré estime établies les circonstances de sa chute sur une plaque métallique recouverte de verglas à l'entrée du parking du magasin exploité par la société Boulanger à [Localité 9] au regard des attestations versées aux débats et des bulletins météorologiques signalant le 6 janvier 2017 et le 7 janvier 2017 un risque de pluies verglaçantes.

Elle soutient, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, que la jurisprudence considère comme responsables les commerçants et propriétaires qui n'ont pas entretenu la voie publique comme ils le devaient afin de sécuriser le passage des piétons et que la société Compagnie de Phalsbourg, propriétaire des lieux, a méconnu son obligation en laissant Mme [T] récupérer son véhicule dans le parking du magasin alors même qu'elle ne pouvait ignorer la dangerosité du passage pour y accéder en raison de la présence de verglas sur une plaque en métal.

Elle ajoute que la société Compagnie de Phalsbourg a méconnu les dispositions de l'article 2 de l'arrêté municipal de la ville de [Localité 9] imposant aux propriétaires et/ou locataires de jeter du sable, du sel, des cendres ou de la sciure de bois en cas de gelée ou de verglas au droit de leur résidence, sur le trottoir, dans l'axe de ses limites séparatives.

La société la société Compagnie de Phalsbourg conclut à la confirmation du jugement qui a débouté Mme [T] des demandes formées à son encontre.

Sur ce, l'arrêté municipal du 23 novembre 2010 «portant réglementations particulières de l'entretien automnal et hivernal des voies publiques, au droit des propriétés, sur l'ensemble des voies de [Localité 9]», dont le non-respect est invoqué par Mme [T], dispose dans son article 2 que :

«Par temps de chute de feuilles mortes, de neige ou lors de gelées hivernales, les propriétaires ou locataires sont tenus, afin d'assurer la sécurité de tous les usagers du domaine public :

- d'assurer ou de faire assurer le nettoiement du trottoir,

- balayer ou faire balayer les feuilles mortes,

- retirer ou faire retirer la neige sur les trottoirs ou banquettes jusqu'au caniveau, en dégageant celui-ci autant que possible,

- jeter du sable, du sel, des cendres ou de la sciure de bois en cas de gelée ou de verglas,

au droit de leur résidence, sur les trottoirs, dans la portion comprise dans l'axe de ses limites séparatives».

Il résulte des pièces versées aux débats, notamment du bail conclu entre la société Compagnie de Phalsbourg et la société Boulanger par acte notarié du 17 mars 2005, de l'acte de cession notarié du 14 septembre 2006, du procès-verbal de livraison établi le 3 janvier 2007 et de l'avenant au bail n° 1 en date du 10 septembre 2012, que le contrat initialement conclu portait sur des biens immobiliers en l'état futur d'achèvement dépendant d'un ensemble immobilier d'une SHON totale de 6 997 m² et consistant en un local n° 2 d'une surface totale de 3 800 m² dont 2 990 m² de surface de vente, outre la jouissance des emplacements de parking communs et les 543/1 000èmes des parties communes, qu'il comportait une clause stipulant que la société Compagnie de Phalsbourg avait la possibilité de se substituer à tout moment toute personne physique ou morale de son choix pour réaliser l'acquisition du terrain d'assiette de l'immeuble commercial, que la société Compagnie de Phalsbourg s'est fait substituer par la société Simone qui a acquis ce terrain par acte du 14 septembre 2006, puis a procédé à la livraison des lieux loués et qui est devenue le bailleur des locaux commerciaux comme mentionné dans l'avenant au bail n° 1.

Il résulte de ce qui précède que la société Compagnie de Phalsbourg n'est pas la propriétaire du parking litigieux devant lequel Mme [T] a chuté et qu'elle n'était pas ainsi tenue d'entretenir la voirie située devant celui-ci en jetant du sel, des cendres ou de la sciure de bois en cas de gelée ou de verglas.

Il n'est ainsi établi aucune faute à son encontre susceptible d'engager sa responsabilité, étant observé que dans ses dernières conclusions au fond, Mme [T] ne soutient plus que la société Compagnie de Phalsbourg serait la gestionnaire du parking, ce qui ne résulte nullement des documents contractuels produits.

Le jugement sera confirmé.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Mme [T] qui succombe en son recours supportera la charge des dépens d'appel.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Dit n'y avoir lieu de joindre les instances référencées sous les numéros RG 21/00773 et RG 21/00774,

- Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme [R] [T] invoquée par la société Compagnie de Phalsbourg,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Rejette les demandes présentées par Mme [R] [T] et la société la société Compagnie de Phalsbourg en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Condamne Mme [R] [T] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/00774
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.00774 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award