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30/06/2022 | FRANCE | N°21/00773

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 30 juin 2022, 21/00773


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 30 JUIN 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00773

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5GA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2020 -TJ de Créteil

RG n° 20/00463



APPELANTE



Madame [T] [C]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée

par Me Jean-Eric CALLON de la SELEURL CALLON Avocat & Conseil, avocat au barreau de PARIS, toque : R273

assisté de Me Lotfi BENKANOUN, avocat au barreau de PARIS



INTIMEES



S.A. BOULANGER

[Adress...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00773

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5GA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2020 -TJ de Créteil

RG n° 20/00463

APPELANTE

Madame [T] [C]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Jean-Eric CALLON de la SELEURL CALLON Avocat & Conseil, avocat au barreau de PARIS, toque : R273

assisté de Me Lotfi BENKANOUN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A. BOULANGER

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par Me Maïtena LAVELLE de la SELARL CABINET LAVELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0317

substitué à l'audience par Me Nicolas MENASCHE, avocat au barreau de PARIS

CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Intimée non assignée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Exposant avoir fait une chute le 7 janvier 2017 en glissant sur une plaque métallique recouverte de verglas à l'entrée du parking du magasin exploité par la société Boulanger, situé [Adresse 1] (94), dans lequel elle venait d'effectuer un achat, Mme [T] [C], après avoir obtenu en référé la mise en oeuvre d'une expertise médicale, a assigné cette société en responsabilité et indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM).

Mme [T] [C] a parallèlement assigné aux même fins la société Compagnie de Phalsbourg désignée comme étant la propriétaire des lieux où l'accident s'est produit.

Les deux procédures n'ont pas été jointes par le tribunal.

Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a :

- débouté Mme [C] de toutes ses demandes,

- condamné Mme [C] aux dépens avec possibilité de recouvrement en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné Mme [C] à payer à la société Boulanger une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration du 7 janvier 2021, Mme [C] a interjeté appel de cette décision en critiquant chacune de ses dispositions.

La CPAM a été intimée mais non assignée.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de Mme [C], notifiées le 12 mars 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en date du 16 décembre 2020 du tribunal judiciaire de Créteil,

- ordonner la jonction avec la procédure engagée parallèlement à l'encontre de la société Compagnie de Phalsbourg dont la procédure a été enregistrée sous le numéro RG 21/00774,

- condamner la société Boulanger à lui payer la somme de 29 501 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêt au taux légal,

- condamner la société Boulanger à payer la somme de 3 000 euros à Mme [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les dépens de la procédure de référé, de fond et d'appel ainsi que les honoraires de l'expert judiciaire.

Vu les conclusions de la société Boulanger, notifiées le 23 avril 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil le 16 décembre 2020,

- débouter, en conséquence, Mme [C] de ses demandes,

- condamner Mme [C] à verser à la société Boulanger la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dont distraction au profit de Maître Lavelle,

à titre subsidiaire,

- ramener le montant des sommes sollicitées à des plus justes proportions et liquider les préjudices de Mme [C] comme suit :

' au titre des préjudices patrimoniaux

- tierce personne temporaire : 4 608 euros

' au titre des préjudices extra-patrimoniaux :

- déficit fonctionnel temporaire : 2 677 euros

- AIPP : 14 000 euros

- souffrances endurées : 5 000 euros

- préjudice esthétique : 1 500 euros,

- débouter Mme [C] de ses plus amples demandes.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de jonction

Il n' y pas lieu d'ordonner, contrairement à la demande de Mme [C], la jonction de la présente instance et de celle également pendante de la cour, l'opposant à la société Compagnie de Phalsbourg, ces instances qui concernent des appels formés contre deux jugements distincts n'ayant pas entre elles un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les juger ensemble.

La demande sera rejetée.

Sur la responsabilité de la société Boulanger

Mme [C] qui conclut à l'infirmation du jugement déféré estime établies les circonstances de sa chute sur une plaque métallique recouverte de verglas à l'entrée du parking du magasin exploité par la société Boulanger à [Localité 12] au regard des attestations versées aux débats et des bulletins météorologiques signalant le 6 janvier 2017 et le 7 janvier 2017 un risque de pluies verglaçantes.

Elle soutient que la responsabilité de la société Boulanger est engagée en application de l'article L. 221-1 du code de la consommation dont il résulte qu'une entreprise de distribution est débitrice d'une obligation générale de sécurité de résultat à l'égard de sa clientèle et que la société Boulanger a manqué à cette obligation en la laissant récupérer son véhicule dans le parking du magasin alors qu'elle ne pouvait ignorer la dangerosité du passage permettant d'y accéder en raison de la présence de verglas sur le trottoir.

Elle soutient ensuite, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, que la jurisprudence considère comme responsables les commerçants et propriétaires qui n'ont pas entretenu la voie publique comme ils le devaient afin de sécuriser le passage des piétons et que la société Boulanger, locataire du parking à l'entrée duquel elle a chuté, a méconnu les dispositions de l'article 2 de l'arrêté municipal de la ville de [Localité 12] imposant aux propriétaires et/ou locataires de jeter du sable, du sel, des cendres ou de la sciure de bois en cas de gelée ou de verglas au droit de leur résidence, sur le trottoir, dans l'axe de ses limites séparatives, ainsi que l'article 10 du bail prescrivant au preneur d'assurer l'exploitation de son commerce en conformité avec les prescriptions légales et administratives pouvant s'y rapporter.

Elle avance que la société Boulanger était également tenue d'entretenir l'entrée du parking en vertu de son contrat de bail et que sa responsabilité est également engagée en sa qualité de gardienne du parking.

La société Boulanger objecte que la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé par un arrêt du 9 septembre 2020 que l'exploitant d'un magasin n'était pas tenu vis-à-vis de sa clientèle à une obligation de sécurité de résultat.

Elle avance par ailleurs qu'aucune faute n'est établie à son encontre alors qu'elle n'était pas responsable de l'entretien de la voie située à l'entrée du parking où Mme [C] a eu son accident, cet élément étant corroboré par le bail signé avec la société Compagnie de Phalsbourg qui mentionne en page 6 que la société Boulanger a la jouissance des emplacements de parking communs et seulement 543/1000èmes des parties communes ; elle en déduit qu'elle n'avait pas à entretenir ces parties communes , de sorte qu'elle ne peut être tenue d'indemniser Mme [C].

**********

Sur les circonstances de l'accident

Il résulte du rapport d'intervention de la brigade des sapeurs pompiers de [Localité 10] que ces derniers ont été appelés le 7 janvier 2017 à 19h23 pour une personne blessée, qu'ils sont intervenus à l'adresse du [Adresse 1] où ils ont pris en charge Mme [C] qui présentait un «traumatisme des membres» et l'ont transportée vers l'hôpital [11] ; il est précisé dans ce rapport sous la rubrique relative à la localisation de l'événement : «trottoir -bas côtés».

Selon les attestations concordantes de MM. [H] et [U] [C], respectivement fils et neveu de Mme [C] qui indiquent avoir assisté à l'accident, cette dernière a glissé le 7 janvier 2017 vers 19h15 sur une plaque de verglas à l'entrée du parking du magasin Boulanger, situé [Adresse 1].

Mme [C] reproduit dans le corps de ses conclusions deux bulletins de prévisions météorologiques établis par Méteo France les 6 et 7 janvier 2017 et faisant état d'un risque de pluies verglaçantes dans plusieurs départements, dont l'Ile-de-France, justifiant un niveau de vigilance «orange».

Mme [C] verse aux débats une facture d'achat établie le jour de l'accident par la société Boulanger ainsi que le compte-rendu d'hospitalisation de l'hôpital [11] à [Localité 9] relevant qu'elle a été hospitalisée dans cet établissement du 7 janvier 2017 au 13 janvier 2017 pour une fracture pertrochantérienne gauche (fracture du fémur gauche) non compliquée et une fracture Poutreau Colles gauche (fracture du poignet gauche).

Il résulte de ce qui précède des indices graves précis et concordants permettant d'établir que Mme [C] a, ainsi qu'elle l'a indiqué dans sa déclaration de sinistre du 25 janvier 2017, glissé sur le trottoir devant l'entrée du parking souterrain situé à proximité du magasin exploité par la société Boulanger à [Localité 12] en raison de la présence de verglas.

Sur la responsabilité de la société Boulanger

Si l'article L. 221-1 du code de la consommation édicte au profit des consommateurs une obligation générale de sécurité des produits et services, il ne soumet pas l'exploitant d'un magasin en libre service à une obligation de sécurité de résultat à l'égard de la clientèle contrairement à ce que soutient Mme [C].

L'arrêté municipal du 23 novembre 2010 «portant réglementations particulières de l'entretien automnal et hivernal des voies publiques, au droit des propriétés, sur l'ensemble des voies de [Localité 12]», dont le non-respect est invoqué par Mme [C], dispose dans son article 2 que :

«Par temps de chute de feuilles mortes, de neige ou lors de gelées hivernales, les propriétaires ou locataires sont tenus, afin d'assurer la sécurité de tous les usagers du domaine public ;

- d'assurer ou de faire assurer le nettoiement du trottoir,

- balayer ou faire balayer les feuilles mortes

- retirer ou faire retirer la neige sur les trottoirs ou banquettes jusqu'au caniveau, en dégageant celui-ci autant que possible,

- jeter du sable, du sel, des cendres ou de la sciure de bois en cas de gelée ou de verglas,

au droit de leur résidence, sur les trottoirs, dans la portion comprise dans l'axe de ses limites séparatives».

Il résulte du bail consenti à la société Boulanger par acte notarié en date du 17 mars 2005, que celui-ci, conclu avant la date de livraison, portait sur des biens immobiliers en l'état futur d'achèvement dépendant d'un ensemble immobilier d'une SHON totale de 6 997 m² et consistant en un local n° 2 d'une surface totale de 3 800 m² dont 2 990 m² de surface de vente, outre la jouissance des emplacements de parking communs et les 543/ 1 000èmes des parties communes.

Si l'arrêté susvisé impose en cas de verglas aux propriétaires ou locataires riverains d'une voie publique de la ville de [Localité 12] de jeter du sable, des cendres ou de la sciure au droit de leur résidence et qu'il est établi pour les motifs qui précèdent que l'accident s'est produit sur le trottoir de l'[Adresse 8] à [Localité 12] à l'entrée du parking souterrain de l'ensemble immobilier précité, la société Boulanger qui n'est pas locataire du parking entier mais dispose seulement avec les autres occupants d'un simple droit de jouissance sur les emplacements de parking communs n'était pas tenue en vertu de cet arrêté de procéder au déneigement ou au sablage de la portion de trottoir située devant le parking, cet entretien incombant au propriétaire ou au gestionnaire du parking.

La société Boulanger devait seulement en cas de verglas jeter du sable, du sel, des cendres ou de la sciure de bois au droit du local commercial n° 2 dont elle est locataire dans l'axe de ses limites séparatives, étant observé que Mme [C] admet dans ses conclusions que le verglas avait bien été retiré devant le magasin.

Par ailleurs, l'accident s'étant produit, selon les propres déclarations de Mme [C], non à l'intérieur du parking mais sur le trottoir de l'[Adresse 8] permettant d'y accéder, la société Boulanger n'était tenue en application des stipulations du contrat de location d'aucune obligation d'entretien de cet espace non compris dans le périmètre du bail, sauf à respecter, conformément à l'article 10 du contrat, les prescriptions édictées par l'arrêté précité du 23 novembre 2010.

Enfin, s'agissant d'une voie publique, la société Boulanger ne peut être considérée comme étant la gardienne du trottoir de l'[Adresse 8] longeant le parking ni du verglas qui s'est formé sur cette voie par l'effet des intempéries.

Au bénéfice de ces observations, la responsabilité de la société Boulanger dans l'accident dont a été victime Mme [C] le 7 janvier 2017 n'étant pas établie, le jugement qui l'a déboutée de ses demandes sera confirmé.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Mme [C] qui succombe en son recours supportera la charge des dépens d'appel.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Dit n'y avoir lieu de joindre les instances référencées sous les numéros RG 21/00773 et RG 21/00774,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Rejette les demandes présentées par Mme [T] [C] et la société Boulanger en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Condamne Mme [T] [C] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/00773
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.00773 ?
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