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30/06/2022 | FRANCE | N°20/16880

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 30 juin 2022, 20/16880


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 30 JUIN 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16880

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCV7C



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2020 - Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 19/01354



APPELANTE



Société MATMUT

[Adresse 5]

[Localité 6]

r

eprésentée par Me Sandrine PRISO de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT GOGET-PRISO, avocat au barreau de l'ESSONNE, toque : PC39



INTIMES



Monsieur [Y] [M] épouse [J]

[Adresse 3]

[Localité 8]...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16880

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCV7C

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2020 - Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 19/01354

APPELANTE

Société MATMUT

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par Me Sandrine PRISO de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT GOGET-PRISO, avocat au barreau de l'ESSONNE, toque : PC39

INTIMES

Monsieur [Y] [M] épouse [J]

[Adresse 3]

[Localité 8]

représenté par Me Stéphane BRIZON de l'AARPI AARPI BRIZON MOUSAEI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2066

Monsieur [X] [V]

[Adresse 2]

[Localité 8]

n'a pas constitué avocat

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES D E DOMMAGES [Adresse 4]

[Localité 9]

représentée par Me Laure FLORENT de l'AARPI FLORENT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0549

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

[Adresse 1]

[Localité 7]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 29 avril 2015 à [Localité 8] (94), Mme [Y] [M] épouse [J], alors qu'elle circulait à pied, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. [X] [V].

La société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (la société MATMUT) auprès de laquelle M. [V] avait souscrit un contrat d'assurance automobile a refusé d'indemniser Mme [M] au motif qu'à défaut de paiement par M. [V] de la première échéance de la cotisation d'assurance, les garanties du contrat n'avaient jamais pris effet.

Par lettre du 9 décembre 2015, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) a refusé d'indemniser Mme [M] en soutenant qu'il incombait à la société MATMUT de le faire, conformément aux dispositions de l'article L.211-20 du code des assurances.

Par actes d'huissiers en date des 25 et 28 janvier 2019 et du 8 février 2019, Mme [M] a fait assigner M. [V], la société MATMUT, le FGAO et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM), afin que soit reconnu son droit à indemnisation.

Le FGAO est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement du 28 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a :

- prononcé la mise hors de cause du FGAO,

- condamné M. [V] et la société MATMUT in solidum à payer à Mme [M] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou en quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

- dépenses de santé actuelles : 34,38 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 328 euros

- souffrances endurées : 1 000 euros,

- déclaré le présent jugement commun à la CPAM et opposable au FGAO,

- condamné M. [V] et la société MATMUT in solidum aux dépens,

- condamné M. [V] et la société MATMUT in solidum à payer à Mme [M] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration du 25 novembre 2020, la société MATMUT a interjeté appel de cette décision en critiquant chacune de ses dispositions.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions de la société MATMUT, notifiées le 3 janvier 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- juger recevable et bien fondée la société MATMUT en son appel et présentes écritures,

- infirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions,

statuant de nouveau,

- dire que la garantie de la société MATMUT n'est pas acquise,

- ordonner la mise hors de cause de la société MATMUT,

- condamner Mme [M] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Vu les conclusions du FGAO, notifiées le 8 juin 2021, aux termes desquelles il demande à la cour de :

Vu les articles L.421-1 et suivants du code des assurances,

Vu les articles L.421-5, R.421-8, R.421-14 et R.421-15 du code des assurances,

- juger l'intervention volontaire du FGAO, sous les plus expresses réserves de prise en charge, recevable,

- lui déclarer opposable l'arrêt à intervenir,

à titre principal,

Vu l'article L.211-7-1 du code des assurances,

- juger l'appel formé par la société MATMUT mal fondé,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil le 28 octobre 2020 en toutes ses dispositions,

- juger que le refus de garantie de la société MATMUT n'est pas opposable aux tiers victimes et au FGAO,

en conséquence,

- condamner la société MATMUT à indemniser Mme [M] de son préjudice à charge pour l'assureur d'exercer un recours à l'encontre de M. [V],

- débouter toutes les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre du FGAO,

- mettre le FGAO hors de cause,

à titre subsidiaire, y ajoutant,

Vu l'article 1109 du code civil,

Vu l'article L113-3 du code des assurances,

- rappeler que le contrat d'assurance souscrit par M. [V] auprès de la société MATMUT est un contrat consensuel qui a pris effet au jour de la rencontre des volontés soit le 3 avril 2015,

- constater que la société MATMUT a délivré à M. [V] une attestation d'assurance valable à compter du 3 avril 2015 à 0 heure,

- juger que la société MATMUT n'a pas résilié le contrat d'assurance souscrit par M. [V] conformément aux dispositions de l'article L.113-3 du code des assurances,

en conséquence,

- juger que le contrat souscrit par M. [V] auprès de la société MATMUT pour garantir le véhicule Peugeot 205 immatriculé [Immatriculation 10] doit trouver application,

- juger que la société MATMUT devra prendre en charge les conséquences financières de l'accident de la circulation dont a été victime Mme [M] épouse [J] le 29 avril 2015,

- débouter toutes les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre du FGAO,

- mettre hors de cause le FGAO,

en tout état de cause,

- déclarer le jugement à intervenir opposable au FGAO,

- juger que le FGAO ne peut pas être condamné ni au principal ni au titre de l'article 700 du code de procédure civile ni aux dépens,

- condamner la société MATMUT à payer au FGAO la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Vu les conclusions de Mme [M], notifiées le 10 mai 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,

- confirmer le jugement dont appel,

y ajoutant,

- condamner la société MATMUT à lui régler la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction au profit de Me. Brizon, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

subsidiairement,

- dire, dans l'hypothèse où le jugement serait infirmé, que l'arrêt à intervenir est opposable au FGAO, lequel sera tenu au règlement du préjudice, tel qu'arrêté au profit de Mme [M],

- confirmer le jugement pour le surplus,

- dire dans cette hypothèse que le FGAO sera également tenu aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me. Brizon et au versement d'une indemnité de 1 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me. Brizon, avocat conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 22 janvier 2021, par acte remis à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

M. [V] auquel la déclaration d'appel a été signifiée le 16 février 2021 par acte déposé en l'étude de l'huissier instrumentaire n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des pièces versées aux débats que M. [V] a souscrit le 3 avril 2013 auprès de la société MATMUT un contrat d'assurance automobile n° 980 0011 85003 R 01 portant sur un véhicule Peugeot 205 immatriculé [Immatriculation 10].

Les conditions particulières de cette police d'assurance signées par les parties définissent les garanties souscrites, à savoir la «responsabilité civile en et hors circulation», l'assistance au véhicule et aux personnes transportées, les dommages corporels du conducteur et la protection juridique à la suite d'un accident ; il est précisé que le contrat prend effet le 3 avril 2015 à 17h01 «sous réserve que le paiement de votre cotisation soit honoré».

Les conditions générales du contrat dont l'opposabilité à l'assuré n'est pas contestée disposent à l'article 34 du titre VI que «dès lors que nous acceptons de vous assurer, les garanties de votre contrat prennent effet après le paiement de votre première cotisation ou fraction de cotisation, sous réserve qu'il soit honoré, et au plus tôt aux date et heures indiquées aux conditions particulières».

Si le contrat d'assurance est un contrat consensuel parfait dès la rencontre des volontés, les parties peuvent convenir de subordonner la prise d'effet des garanties souscrites au règlement effectif de la première prime ou fraction de prime, sans que ces stipulations contractuelles ne portent atteinte aux dispositions d'ordre public de l'article L. 113-3 du code des assurances qui déterminent les conditions dans lesquelles en cas de défaut de paiement de prime les garanties, après la date de leur prise d'effet, peuvent être suspendues et le contrat d'assurance résilié.

Dans le cas de l'espèce, il est constant que le prélèvement de la première fraction de la cotisation de M. [V] effectué le 15 mai 2015 est revenu impayé faute de provision suffisante.

Il en résulte que la condition suspensive liée au règlement effectif de cette fraction de prime ayant défailli, la garantie était réputée ne pas avoir pris effet à la date de l'accident dont a été victime Mme [M] le 29 avril 2015.

S'il n'est pas contesté que la société MATMUT a, conformément aux dispositions de l'article R. 421-5 du code des assurances, informé concomitamment Mme [J] et le FGAO de son exception de non garantie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 2 décembre 2015, les intimés font valoir que l'exception tirée de l'absence de prise d'effet de la garantie à la date du sinistre est en application de l'arrêt du 20 juillet 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) inopposable à la victime et au FGAO (arrêt Fidelidade du 20 juillet 2017, C 287-17) .

Le FGAO soutient en substance qu'il résulte de cette jurisprudence dont la portée s'étend au delà des seules nullités du contrat d'assurance, que dès lors qu'un contrat d'assurance automobile a été souscrit, ce qui est le cas en l'espèce, l'assureur ne peut se prévaloir d'une clause contractuelle suspensive de garantie, une telle clause étant inopposable aux tiers victimes et au FGAO dont l'intervention a été conçue comme une mesure de dernier recours, prévue uniquement dans le cas où les dommages ont été causés par un véhicule pour lequel il n'a pas été satisfait à l'obligation d'assurance visée à l'article 3, paragraphe 1, de la première directive, à savoir un véhicule pour lequel il n'existe pas de contrat d'assurance.

La société MATMUT fait valoir que l'article R. 211-13 du code des assurances dresse une liste exhaustive des exceptions de garanties non opposables aux tiers lésés, à savoir la franchise prévue à l'article L. 121-1 du code des assurances, les déchéances, à l'exception de la suspension régulière de la garantie pour non-paiement de primes, la réduction de l'indemnité applicable conformément à l'article L. 113-9 du même code et les exclusions de garanties prévues aux articles R. 211-10 et R. 211-111 du code des assurances, hypothèses auxquelles il convient d'ajouter la nullité, désormais également inopposable.

Elle soutient que la clause suspensive de prise d'effet de la garantie qui ne constitue ni une déchéance, ni une exclusion, ni une nullité est parfaitement opposable aux tiers, à défaut de disposition légale contraire.

S'agissant de la portée de l'arrêt de la CJUE du 29 juillet 2017, elle considère qu'elle se limite à l'inopposabilité aux tiers lésés de toute nullité du contrat d'assurance et relève que la loi PACTE n° 2019-489 du 22 mai 2019 a mis le droit français en conformité avec le droit de l'Union européenne en introduisant dans le code des assurances un nouvel article L. 211-7-1 qui dispose que la nullité d'un contrat d'assurance souscrit au titre de l'article L. 211-1 n'est pas opposable aux victimes ou aux ayants doit des victimes des dommages nés d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques.

Elle estime que l'assureur ne peut opposer désormais à la victime que les exceptions nées de l'absence de contrat d'assurance ou de l'absence de couverture du risque en cause par le contrat souscrit par l'assuré, ainsi que celles résultant d'une cause légale de suspension du contrat ou de la garantie survenue antérieurement à l'accident.

Relevant que la CJUE s'est prononcée dans les limites de la question préjudicielle qui lui était posée et qui portait sur la question de l'opposabilité à la victime de la nullité du contrat d'assurance, elle estime qu'il n'y a pas lieu de procéder à une interprétation extensive de cette jurisprudence au delà de la situation précise qu'elle a tranchée.

Elle avance enfin que lorsqu'en dépit d'une exception de non assurance, l'assureur a satisfait à son obligation légale d'indemniser les victimes de l'accident, ce qui est selon elle le cas dans la présente affaire, Mme [J] ayant été indemnisée par la société MATMUT, il est légitime de s'interroger sur les recours à sa disposition, la question posée étant alors celle de la détermination du débiteur final de l'obligation d'indemnisation et du périmètre de l'intervention du FGAO.

Sur ce, il convient en premier lieu d'observer que la société MATMUT n'a pas indemnisé Mme [M] pour le compte de qui il appartiendra en application des dispositions de l'article L. 211-20 du code des assurance mais en vertu de l'exécution provisoire du jugement déféré l'ayant condamné in solidum avec M. [V] à payer à la victime diverses sommes en réparation de son préjudice corporel.

La société MATMUT concluant à l'infirmation de cette disposition, la question posée ne se limite pas à la détermination du débiteur final de la charge de l'indemnisation de la victime.

Il y a lieu de rappeler ensuite que si une directive européenne, dépourvue d'effet direct horizontal, ne peut pas par elle-même créer d'obligation à l'égard d'une personne morale de droit privé comme une société d'assurance et être invoquée en tant que telle à son encontre, il incombe aux juridictions des Etats membres de l'Union européenne de retenir une interprétation de leur droit national conforme aux directives.

L'accident de la circulation dont Mme [M], piéton, a été victime étant survenu le 29 avril 2015, sa situation relève de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité.

Cette directive a codifié à droit constant la directive 72/166, la deuxième directive 84/5, la troisième directive 90/232, la directive 2000/26 et la directive 2005/14, étant observé que ces directive tendent, d'une part, à assurer la libre circulation des véhicules stationnant habituellement sur le territoire de l'Union européenne et des personnes circulant à leur bord, d'autre part, à garantir que les victimes des accidents causés par ces véhicules bénéficient d'un traitement comparable, quel que soit le point du territoire de l'Union où s'est produit l'accident.

Comme l'a rappelé la CJUE dans l'arrêt Fidelidade du 29 juillet 2017, l'article 3, paragraphe 1 de la première directive, devenu l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2009/103, s'oppose, s'agissant les droits reconnus aux tiers victimes, à ce que l'assureur de responsabilité civile automobile puisse se prévaloir de dispositions légales ou de clauses contractuelles pour refuser d'indemniser ces derniers d'un accident causé par le véhicule assuré.

L'article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2009/103 ne fait que rappeler cette obligation en ce qui concerne les dispositions légales ou les clauses contractuelles d'une police d'assurance visée par cet article excluant de la couverture par l'assurance de la responsabilité civile automobile les dommages causés aux tiers victimes en raison de l'utilisation ou de la conduite du véhicule assuré par des personnes non autorisées à conduire ce véhicule, par des personnes non titulaires d'un permis de conduire ou par des personnes qui ne se sont pas conformées aux obligations légales d'ordre technique concernant l'état de sécurité du véhicule.

La seule dérogation à cette obligation générale de couverture est celle prévue à l'article 13, paragraphe 2, deuxième alinéa de la directive 2009/103 (ancien article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive) qui prévoit que certaines victimes pourront ne pas être indemnisées par l'assureur, compte tenu de la situation qu'elles ont elle-mêmes créée, à savoir les personnes ayant de leur plein gré pris place dans le véhicule qui a causé le dommage, lorsque l'assureur peut prouver qu'elles savaient que ce véhicule avait été volé.

Pour que la directive 2009/103 ne soit pas privée de son effet utile, il faut que chaque fois qu'un contrat d'assurance de responsabilité civile automobile a été conclu afin de satisfaire à l'obligation d'assurance prévue à l'article 3, les victimes, passagères ou piétons, puissent être effectivement indemnisées par l'assureur, sauf l'exception prévue à l'article 13, paragraphe 2, deuxième alinéa de la directive 2009/103, étant observé que s'agissant d'une dérogation à une règle générale, elle doit faire l'objet d'une interprétation stricte.

Cette solution ne saurait être remise en cause par la possibilité que soit versée à la victime d'un accident de la circulation, passager transporté ou piéton, une indemnisation par le FGAO alors que l'intervention de l'organisme visé à l'article 10, paragraphe 1, de la directive 2009/103 a été conçue comme une mesure de dernier recours, prévue uniquement dans le cas où les dommages ont été causés par un véhicule pour lequel il n'a pas été satisfait à l'obligation d'assurance visée à l'article 3 de cette directive, à savoir un véhicule pour lequel il n'existe pas de contrat d'assurance.

C'est au regard de ces principes que la CJUE a dit pour droit (arrêt Fidelidade , 20 juillet 2017, C 287-17) que «l'article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des états membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, et l'article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des états membres relatives à l'assurance d e la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, la nullité d'un contrat d'assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d'assurance en ce qui concerne l'identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d'assurance est conclu n'avait pas d'intérêt économique à la conclusion dudit contrat».

Comme l'ont relevé les premiers juges, la portée de cet arrêt n'est pas limitée au seul cas de l'annulation du contrat d'assurance de responsabilité civile automobile mais a vocation à s'étendre à toutes les exceptions de garantie, hormis celle tirée de l'inexistence du contrat d'assurance.

En effet, la directive 2009/103 serait privée de son effet utile si, sur le seul fondement d'une clause d'un contrat d'assurance subordonnant la prise d'effet de la garantie au règlement effectif de la première prime ou fraction de prime, une réglementation nationale refusait aux passagers ou piétons le droit d'être indemnisés par l'assurance automobile obligatoire effectivement souscrite pour satisfaire à l'obligation d'assurance.

Il s'en déduit qu'interprétées à la lumière de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009, les dispositions de l'article R. 211-13 du code des assurances relatives aux exceptions qui ne sont pas opposables aux victimes et à leurs ayants droit doivent être considérées comme n'étant pas limitatives et que l'exception tirée de ce qu'en application de la clause d'un contrat d'assurance subordonnant la prise d'effet de la garantie au règlement effectif de la première prime ou fraction de prime, cette prise d'effet n'était pas entrée en vigueur à la date du sinistre, n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit, dès lors que comme dans le cas de l'espèce, un contrat d'assurance, parfait dès la rencontre des volontés, a été effectivement souscrit pour satisfaire à l'obligation d'assurance prévue à l'article 3 de cette directive.

Il convient ainsi de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause le FGAO, sauf à ajouter que l'exception de non garantie invoquée par la société MATMUT est inopposable à Mme [M] et au FGAO.

Sur la réparation des préjudices de Mme [M]

Mme [M] conclut à la confirmation du jugement qui a condamné M. [V] et la société MATMUT in solidum à lui payer les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel :

- 34,38 euros au titre des dépenses actuelles,

- 328 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 1 000 euros au titre des souffrances endurées.

Il résulte du certificat médical établi le 20 juillet 2015 par le Docteur [T] du service de chirurgie Maxillo-faciale et de stomatologie du centre hospitalier intercommunal de [Localité 8], que ce praticien a examiné Mme [M] le 29 avril 2015, jour de l'accident, et constaté que la patient était apyrétique et non algique, qu'il n'y avait pas de déficit sensitivo moteur, pas de douleur à la palpation du massif facial ni de douleur des articulations temporo mandibulaires et qu'elle présentait une plaie de la lèvre blanche supérieure gauche de un centimètre de grand axe non suturable.

Mme [M] qui ne verse aux débats ni le décompte des frais médicaux et pharmaceutiques pris en charge par la CPAM et ni celui des dépenses de santé remboursées par la mutuelle Humanis à laquelle elle indique être affiliée dans la fiche d'information adressée à son assureur (pièce n°3), ne justifie d'aucune dépense de santé qui serait demeurée à sa charge, étant observé que les frais pharmaceutiques liés à l'achat de pansements et de produits antiseptiques sont remboursables sur prescription médicale et que selon son propre décompte (pièce n° 4) les frais de consultation à l'hôpital de [Localité 8] d'un montant de 13,50 euros ont été intégralement remboursés par sa mutuelle.

En revanche, compte tenu de la nature des lésions constatées, il convient de retenir que Mme [M] a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel jusqu'à la date de cicatrisation complète de sa lèvre que les premiers juges ont justement évalué à la somme de 328 euros.

De même les souffrances physiques et psychiques générées par le traumatisme initial et les traitements subis ont été justement évalués à la somme de 1 000 euros par les premiers juges.

Le jugement sera ainsi confirmé, hormis en ce qui concerne l'indemnisation du poste de préjudice lié aux dépenses de santés actuelles.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société MATMUT qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à Mme [M] une indemnité de 3 000 euros et au FGAO celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter la demande de la société MATMUT formulée au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement, hormis sur l'indemnisation du poste de préjudice liés aux dépenses de santé actuelles, et sauf à ajouter que l'exception de non garantie invoquée par la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes est inopposable à Mme [Y] [M] épouse [J] et au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,

Y ajoutant,

- Condamne la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer Mme [Y] [M] épouse [J] la somme de 3 000 euros et au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Rejette la demande de la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/16880
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;20.16880 ?
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