RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 29 Juin 2022
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/11685 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4DSV
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 11/14206
APPELANT
M. [N] [H]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Laurence SAADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0585
INTIMEE
Me [C] [P] - Mandataire ad hoc de la S.A.S. AU BLE D'OR
[Adresse 1]
[Localité 5]
comparant en personne, assisté de Me Pierre GARCIA DUBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0860
PARTIE INTERVENANTE :
S.A.S. AU BLE D'OR prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Charles GRISONI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0481 substitué par Me Sabrina TOSCANI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2110
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre
Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 16 décembre 2021
Greffier : Madame Sonia BERKANE, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président de chambre et par Madame Sonia BERKANE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
EXPOSE DU LITIGE :
M. [N] [H] a été engagé verbalement, en 2010, à une date discutée, par la société à responsabilité limitée (SARL) Cap Doré, en qualité de boulanger.
La SARL Cap Doré employait moins de 11 salariés et appliquait la convention collective de la boulangerie-pâtisserie artisanale.
Le salarié a été placé en arrêt maladie à plusieurs reprises de mai 2011 jusqu'en août 2011, date à laquelle il été arrêté de manière prolongée.
Le 4 octobre 2011, M. [N] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, un rappel de salaire au titre du minimum conventionnel ainsi que pour des heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages-intérêts pour défaut d'information sur le repos compensateur, non délivrance d'une attestation de salaire, retard dans l'organisation de la visite médicale d'embauche et harcèlement moral.
Le 13 décembre 2012, le conseil de prud'hommes de Paris, dans sa section Industrie, a statué comme suit :
- déboute M. [N] [H] de l'ensemble de ses demandes
- condamne M. [N] [H] à verser à la SARL Cap Doré 1 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamne M. [N] [H] aux dépens.
Par déclaration du 7 mars 2013, M. [N] [H] a relevé appel du jugement de première instance dont il a reçu notification le 8 février 2013.
Appelé une première fois devant la cour d'appel de Paris, l'affaire a fait l'objet d'une décision de radiation par ordonnance du 2 septembre 2015.
Le 25 février 2021, M [N] [H] a assigné en intervention forcée la société par actions simplifiée (SAS) Au Blé d'Or, cessionnaire en 2013 du fonds de commerce de boulangerie appartenant à la SARL Cap Doré.
Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience, M. [N] [H] demande à la cour d'appel de :
- infirmer en tous points le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 13 décembre 2012
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [H] aux torts exclusifs de l'employeur avec les conséquences qui s'y attachent
- condamner la société Cap Doré prise en la personne de son mandataire Ad hoc Monsieur [C] à régler à Monsieur [H] les sommes suivantes :
* 9 505,56 euros à titre de rappel au titre des heures supplémentaires et 950,55 euros au titre des congés payés y afférents
* 1 464 euros à titre de rappel de salaire au titre des frais professionnels
* 9 552 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
* 2 048 euros à titre de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel du 5 octobre 2011 au 1er juillet 2011 et les congés payés afférents de 204,80 euros
* 498,85 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures travaillées le dimanche et les congés payés afférents : 49,88 euros
* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-délivrance d'une attestation de salaire
* 5 000 euros à titre de dommage intérêts pour retard dans l'organisation de la visite médicale d'embauche
* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral
* 1 592 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 159 euros au titre des congés-payés afférents
* 9 552 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
* 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonner la remise de bulletins de salaire conformes
- ordonner la délivrance d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes
- condamner la société Cap Doré aux entiers dépens.
Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience, la SARL Cap Doré, représentée par M.[C], en qualité de mandataire ad hoc, demande à la cour d'appel de :
- dire M. [N] [H] irrecevable et mal fondé en son appel du jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 13 décembre 2012
- l'en débouter
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
- déclarer M. [N] [H] irrecevable et mal fondé en l'ensemble de ses demandes
- débouter, en conséquence, M. [N] [H] de l'ensemble de ses demandes
- condamner M. [N] [H] à payer à la SARL Cap Doré la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil en réparation du préjudice matériel et moral subi
- condamner M. [N] [H] au paiement d'une amende civile en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile
- condamner M. [N] [H] à payer à la SARL Cap Doré une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- le condamner aux entiers dépens
- débouter la société Au Blé d'Or de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Cap Doré.
Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience, la SAS Au Blé d'Or demande à la cour d'appel de :
- ordonner le renvoi de l'affaire afin de permettre à la société Au Blé d'Or d'organiser au mieux sa défense eu égard à l'ancienneté de l'affaire (jugement du 12 décembre 2012 et crise sanitaire) et ce afin que la société Au Blé d'Or puisse bénéficier d'un procès équitable
A titre subsidiaire
- dire les manquements de la société Cap Doré à l'acte de cession au bénéfice de la société Au Blé d'Or constitutifs d'une faute engageant sa responsabilité contractuelle et l'obligeant à réparation
- condamner la société Cap Doré, représentée par Monsieur [P] [C] en qualité de mandataire ad hoc, à relever et garantir la société Au Blé d'Or de toutes condamnations, indemnités et conséquences pouvant naître de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [H] et qui seraient prononcées à son encontre
A titre encore plus subsidiaire
- condamner la société Cap Doré, représentée par Monsieur [P] [C] en qualité de mandataire ad hoc, eu égard à son attitude fautive quant à la non déclaration du salarié dans l'acte de cession et à la dissimulation de l'existence de ce litige, à relever indemne et garantir la société Le Blé d'Or de toutes les condamnations, frais et indemnités pouvant résulter des conséquences de la poursuite du contrat de travail de Monsieur [H] au titre de l'article L. 1224-1 du code du travail et des suites pouvant lui être données
En tout état de cause
- condamner Monsieur [H] à régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société Cap Doré à régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner Monsieur [H] aux entiers dépens.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
La cour relève, à titre liminaire, qu'en cause d'appel, le salarié a abandonné sa demande indemnitaire au titre du défaut d'information pour le droit à repos compensateur.
1/ Sur la demande de renvoi formée par la SAS Au Blé d'Or
La SAS Au Blé d'Or ayant déjà sollicité et obtenu un renvoi de l'affaire en mars 2021 afin de préparer sa défense, sa nouvelle demande de renvoi fondée sur le même motif sera rejetée.
2/ Sur la visite médicale d'embauche
M. [N] [H] explique qu'il n'a pas bénéficié de visite médicale avant son embauche, ni même avant l'expiration de sa période d'essai en violation des dispositions de l'article R. 4624-10 du code du travail dans sa version applicable au litige. Ce n'est qu'à la suite d'un courrier du contrôleur du travail du 30 mai 2011, que la société s'est pliée à cette obligation légale en organisant une visite en date du 30 juin 2011. Le salarié avance que le caractère tardif de cette visite lui a nécessairement causé un préjudice dont il demande réparation à hauteur de 5 000 euros.
Si la SARL Cap Doré objecte que le salarié avait déjà bénéficié de visites médicales périodiques dans le cadre de son précédent emploi et que, puisque M. [N] [H] était appelé à occuper des fonctions identiques et présentant des risques d'exposition équivalents, il n'avait pas l'obligation d'organiser une visite médicale dès l'embauche, elle ne justifie nullement des visites médicales auxquelles aurait été soumis le salarié avant son engagement. En outre, il est établi que le salarié a été placé en arrêt de travail dès le 3 mai 2011, soit avant l'organisation de sa visite médicale d'embauche et que cet examen aurait pu permettre de préserver la santé du salarié.
Il sera donc alloué à M. [N] [H] une somme de 300 euros en réparation de son préjudice et le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
3/ Sur la demande de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel
Il est rappelé que la classification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions réellement exercées. En cas de sous-classement, le salarié doit être replacé de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond, il peut alors prétendre à un rappel de salaire correspondant au minimum afférent à ce coefficient. Il incombe au salarié d'établir que sa classification n'est pas en adéquation avec les fonctions qu'il occupe.
Le salarié fait valoir qu'il relevait du coefficient 195 de la convention collective applicable, ainsi que le mentionne le bulletin de salaire remis en juillet 2011 et non du coefficient 155, qui lui a été appliqué abusivement par l'employeur. Il revendique donc un rappel de salaire sur minimum conventionnel de 2 048 euros sur 9 mois, outre les congés payés y afférents après application d'un taux horaire de 10,50 euros en lieu et place de 9 euros.
La SARL Cap Doré objecte que le salarié n'a jamais contesté, durant la relation contractuelle, le coefficient 155 qui lui était appliqué et qu'il ne justifie, en aucune manière, être titulaire des qualifications lui permettant de revendiquer le coefficient 195, ainsi défini par la convention collective applicable : « Ouvrier hautement qualifié titulaire d'un BM
- ouvrier hautement qualifié titulaire du BMS
- ouvrier hautement qualifié titulaire d'un BTM après deux années au coefficient 185
- ouvrier hautement qualifié qui coordonne le travail des autres ».
La SARL Cap Doré ajoute, qu'à titre purement amiable et pour faire preuve de sa parfaite bonne foi, elle a offert spontanément, en cours de procédure, d'appliquer le coefficient 170 à M. [N] [H] et qu'elle a remis, à la barre devant la formation de référé le 3 octobre 2011, un chèque d'un montant de 817,94 euros, correspondant au rappel de salaire sur reclassification en net (1 127,93 euros bruts).
La cour observe que si le salarié verse aux débats un bulletin de paie pour le mois de juillet 2011 mentionnant un coefficient de 195 (pièce 1), la SARL Cap Doré produit, pour sa part, un bulletin de paie pour le même mois, en tout point identique, à cette différence près qu'il laisse apparaître une classification au coefficient 170 (pièce 3). Ce coefficient sera d'ailleurs repris les mois suivants sur les bulletins de salaire produits par l'employeur. Il y a donc tout lieu de considérer que le bulletin de salaire en possession du salarié est erroné, et ce d'autant, que le taux horaire appliqué ne correspond pas au coefficient 195.
Par ailleurs, M. [N] [H] ne justifiant pas qu'il a exercé des fonctions lui permettant de prétendre au coefficient 195 de la convention collective applicable et qu'il disposait de la formation requise pour cette qualification, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel correspondant à cette classification.
4/ Sur la prime de travail du dimanche
Le salarié appelant indique que l'article 28 de la convention collective de la boulangerie- pâtisserie artisanale prévoit que : « Le salaire de tous salariés employés le dimanche sera majoré de 20 %. Cette majoration sera calculée sur le produit de son salaire horaire de base par le nombre d'heures de travail effectuées le dimanche.
Si le salarié n'est pas rémunéré à leur, salaire horaire de référence sera le salaire horaire minimum national de sa catégorie ».
M. [N] [H] travaillant le dimanche, il soutient qui lui était dû une somme de 840 euros (400 h x 10,5 x 20 %) et qu'il n'a perçu que 341,15 euros au titre des heures majorées, il réclame donc un solde de 498,85 euros.
Mais, l'analyse des bulletins de salaire de M. [N] [H] mettant en évidence que celui-ci a déjà bénéficié d'une majoration de 20 % pour les heures de travail effectuées le dimanche, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
5/ Sur les heures supplémentaires
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci.
Le salarié affirme qu'il a accompli des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées par l'employeur et au soutien de ses allégations il verse un décompte des heures effectuées, semaine par semaine (pièce 45) sur le fondement duquel il revendique un rappel de salaire de 9 505,56 euros, outre 950,55 euros au titre des congés payés y afférents.
La SARL Cap Doré réplique que M. [N] [H] avait des horaires de travail précis, qui avaient été définis en fonction des contraintes du salarié qui souhaitait pouvoir aider son épouse à installer son stand sur les marchés avant 10 heures puis assurer le démontage après 13 heures, il n'a donc jamais été envisagé, ni même été possible de lui faire effectuer des heures supplémentaires autres que celles mentionnées sur ses bulletins de salaire et réglées par la société intimée.
Toutefois, s'il apparaît que le décompte produit par le salarié comporte des erreurs manifestes puisque M. [N] [H] affirme avoir accompli des heures supplémentaires en juillet 2010 alors qu'il était encore salarié d'une autre entreprise à cette date et qu'il existe, également, des incohérences par rapport aux dates de fermeture estivale de l'entreprise, il n'en demeure pas moins que l'employeur ne verse aux débats aucun autre élément qu'une attestation d'un ancien salarié pour établir de manière objective et fiable le nombre d'heures de travail effectuées par le salarié.
Il sera, donc, considéré que la SARL Cap Doré ne remplit pas la charge de la preuve qui lui revient, le salarié ayant apporté à la cour des éléments précis permettant à l'intimé d'y repondre. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [N] [H] de sa demande de rappels de salaire et il lui sera alloué une somme arbitrée à 4 750 euros au titre des heures supplémentaires et 475 euros au titre des congés payés y afférents.
6/ Sur la demande de rappel de frais professionnels
M. [N] [H] indique que l'article 24 de la convention collective de la boulangerie- pâtisserie artisanale prévoit : « Considérant les contraintes particulières inhérentes au métier de boulanger de pâtissier, il est accordé aux ouvriers boulangers aux ouvriers pâtissiers non nourris, une indemnité journalière pour frais professionnels d'un montant égal à une fois et demie le minimum garanti tel que sa valeur au 1er janvier de chaque année normalement retenue par voie réglementaire pour le calcul des charges sociales. »
Le salarié observe qu'il n'a pas perçu cette indemnité alors qu'il n'était pas nourri et il revendique une somme de 1 464 euros à titre de rappel de frais professionnels selon le calcul suivant : 3,36 (minimum garanti en 2011) x 1,5 x 269 jours.
La SARL Cap Doré précise que le salarié travaillait de 10 heures à 13 heures, puis de 15 heures à 17 heures 30, du mardi au samedi, et de 4 heures à 12 heures le dimanche, qu'en conséquence, il ne supportait aucune contrainte particulière qui aurait eu une incidence sur son déjeuner ou sur son dîner.
M. [N] [H] ne justifiant par aucune pièce son incapacité à rentrer à son domicile pour prendre sa pause déjeuner alors que la preuve de ce supplément de frais incombe au salarié, c'est à bon escient que les premiers juges l'ont débouté de sa demande de ce chef.
7/ Sur le travail dissimulé
Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, réputé travail dissimulé, par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire intentionnellement à la délivrance de bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Par ailleurs il résulte des dispositions de L. 8223-1 du même code qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié dont l'employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Alors que la SARL Cap Doré ne l'a déclaré que le 26 novembre 2010, avec une date de prise de fonction au 5 octobre 2010, M. [N] [H] prétend qu'il a commencé à travailler pour la SARL Cap Doré à compter du 27 juillet 2010. Au soutien de cette affirmation, le salarié verse aux débats une attestation de M. [O] [J] qui témoigne l'avoir amené sur son lieu de travail le samedi 30 juillet 2010 (pièce 38). Le salarié justifie, également, avoir perçu un règlement en espèces d'un montant de 1 500 euros correspondant, selon lui, à son salaire pour le mois de septembre. Enfin, il relève que cette dissimulation d'emploi a été retenue par le contrôleur du travail dans un courrier daté du 26 mars 2012 (pièce 17).
M. [N] [H] réclame, en conséquence, une somme de 9 552 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.
Néanmoins, il est justifié par une attestation de l'expert comptable de la SARL Cap Doré que la société était fermée pour congés d'été du 21 juillet 2010 au 16 août 2010, et que le salarié n'a donc pu être embauché à compter du 30 juillet comme il le prétend. D'ailleurs, l'employeur souligne, que le témoin du salarié, qui n'est autre qu'un de ses voisins et amis, est peu fiable puisqu'il prétend avoir accompagné le salarié le samedi 30 juillet 2010, alors que cette date correspondait à un vendredi. En outre, le certificat de travail établi par le précédent employeur de M. [N] [H] mentionne une période d'emploi jusqu'au 31 juillet 2010 (pièce 29). Il peut être encore observé que le versement en espèces enregistré sur le compte du salarié ne permet pas d'en identifier la provenance, alors qu'il n'est pas contesté que l'épouse de M. [N] [H] effectuait des marchés et enregistrait des paiements sur leur compte joint. Le courrier du contrôleur du travail, qui ne fait que reprendre les déclarations du salarié et rappeler les textes applicables, ne constitue pas une preuve d'un travail dissimulé à compter du 27 juillet 2010. La société intimée verse aux débats de nombreuses attestations qui témoignent que l'appelant a pris son poste le 5 octobre 2010 (pièces 40, 41, 42) et l'expert-comptable de la SARL Cap Doré a témoigné que bien qu'ayant reçu de l'employeur, le 4 octobre 2010, les documents nécessaires pour effectuer la Déclaration Unique d'Embauche de M. [N] [H], il a tardé à effectuer cette démarche qui n'a été accomplie que le 26 novembre 2010, sans que cela ne porte préjudice au salarié.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'aucune dissimulation d'emploi n'a été commise par la SARL Cap Doré et qu'ils ont débouté l'appelant de sa demande de ce chef. Il est précisé, à titre surabondant, que la plainte que le salarié a déposé du chef de travail dissimulé a été classé sans suite, et que M. [N] [H] n'a pas hésité à prétendre devant les services d'enquête qu'il a été payé pendant trois mois, en espèces, par l'employeur ce qui est démenti par les éléments versés au dossier.
8/ Sur la non-délivrance d'une attestation de salaire
Le salarié fait grief à la SARL Cap Doré de ne pas lui avoir délivré d'attestation de salaire ce qui lui a occasionné un préjudice financier dont il demande l'indemnisation à hauteur de 5 000 euros.
Cependant, il est bien démontré par la société intimée qu'elle a établi une attestation de salaire à l'attention de M. [N] [H], le 23 septembre 2021, qu'elle a transmise, en original, au salarié par courrier recommandé du même jour. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
9/ Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteint à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1, dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le salarié soutient que l'ensemble des manquements précédemment énoncés a contribué à dégrader ses conditions de travail. Il prétend, en outre, que la SARL Cap Doré n'a eu de cesse de l'humilier et de lui adresser des reproches injustifiés ce qui a généré un « stress » important et un « état anxio-dépressif réactionnel » constaté médicalement.
Le 29 avril 2011, il a même été victime d'un malaise sur son lieu de travail que la SARL Cap Doré a refusé de déclarer en accident du travail. L'appelant s'est vu contraint de signaler ces faits à l'Inspection du travail qui, dans un courrier du 30 mai 2011, a enjoint à l'employeur de procéder à cette déclaration ce que ce dernier a refusé de faire.
M. [N] [H] demande, donc, une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
S'agissant de la déclaration d'accident du travail, la cour retient qu'il n'est pas établi par le salarié qu'il aurait transmis à l'employeur un avis d'arrêt de travail postérieurement aux faits du 29 avril 2011 et, en toute hypothèse, la CPAM a refusé de prendre en compte cet événement au titre de la législation des accidents du travail en indiquant : "Il n'existe pas de preuve que l'accident invoqué se soit produit par le fait ou à l'occasion du travail, ni même de présomptions favorable précises et concordantes en cette faveur" (pièces 4, 5, 6 SARL Cap Doré). Par ailleurs, concernant les manquements commis par l'employeur au titre de la tardiveté de la visite médicale d'embauche et du défaut de rémunération de certaines heures supplémentaires, en l'absence de réclamation du salarié sur ces fondements durant la relation contractuelle, il n'est pas établi que ces faits seraient en lien avec l'état de santé du salarié et ses nombreux arrêts de travail. En effet, il est justifié que ceux-ci ont préexisté à son embauche par la SARL Cap Doré, au point d'avoir suscité une demande de contrôle de son précédent employeur auprès de la CPAM (pièce 31 SARL Cap Doré).
Il s'en déduit que M. [N] [H] n'apporte aucun élément de nature à établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Le jugement entrepris sera donc confirmé en qu'il l'a débouté de sa demande de ce chef.
10/ Sur la résiliation judiciaire
Les dispositions combinées des articles L. 1231-1 du code du travail et 1224 du code civil permettent au salarié de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations contractuelles.
Il appartient à M. [N] [H] d'établir la réalité des manquements reprochés à son employeur et de démontrer que ceux-ci sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle. La résiliation prononcée produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs si, ayant engagé l'instance en résiliation de son contrat de travail, le salarié a continué à travailler au service de l'employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
La réalité et la gravité de ces manquements sont appréciés à la date où la juridiction statue et non à la date où ils se sont prétendument déroulés.
M. [N] [H] fonde sa demande de résiliation judiciaire sur l'ensemble des manquements évoqués aux points 1 à 9 et il ajoute qu'alors que la procédure prud'homale était pendante devant les juridictions compétentes la SARL Cap Doré a cédé son fonds de commerce et procédé à une liquidation amiable sans l'en aviser et sans informer le repreneur, la SAS Au Blé d'Or qu'il faisait partie des effectifs de la société ce qui ne l'a pas mis en capacité de faire valoir ses droits auprès de cette dernière société.
La cour retient que conformément aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment, par vente du fonds, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification, y compris ceux suspendus, subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. L'absence de mise en oeuvre de ces dispositions qui sont d'ordre public, en omettant de mentionner le salarié dans les effectifs du fonds de commerce, est un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dont la date sera fixée au jour de la présente décision.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de ce chef.
Au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [N] [H] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés a droit à une indemnité comprise entre 3 mois et 11 mois de salaire en application de l'article L.1235-3 du code du travail.
Au regard de son âge au moment du licenciement, 63 ans, de son ancienneté de 12 ans depuis son embauche mais de 3 ans à la date de cession du fonds de commerce, du montant de sa rémunération, il lui sera alloué une somme de 9 552 euros, en réparation de son entier préjudice.
Le salarié peut, également, légitimement prétendre aux sommes suivantes :
- 1 592 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 192 euros au titre des congés payés afférents.
Il sera ordonné à la SAS Au Blé d'Or, de délivrer au salarié, dans les deux mois suivants la notification de la présente décision un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes.
11/ Sur la demande d'appel en garantie de la SAS Au Blé dOr
La SAS Au Blé d'Or versant aux débats l'acte de vente du fonds de commerce signé avec la SARL Cap Doré dans lequel cette dernière a omis de faire figurer dans la liste des salariés transférés le nom de M. [N] [H] et où le vendeur a attesté qu'il ne faisait "l'objet d'aucune instance judiciaire prud'homale en cours", alors même que le salarié avait relevé appel du jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 13 mars 2012, avant la vente du fonds de commerce (pièce 2 ), il sera considéré que ces agissements fautifs engagent la responsabilité contractuelle de la SARL Cap Doré et l'oblige à réparation.
La SARL Cap Doré, représentée par M. [P] [C] en qualité de mandataire ad hoc sera donc condamnée a relevé et garantir la SAS Au Blé d'Or de toutes les condamnations prononcés à son encontre au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [N] [H].
12/ Sur la demande de reconventionnelle de dommages-intérêts de la SARL Cap Doré pour procédure abusive et au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile
Eu égard aux précédents développements, il ne peut être considéré que M. [N] [H] a exercé une action en justice de façon inconsidérée, abusive et dans l'intention de nuire. La SARL Cap Doré, représentée par M. [P] [C] en qualité de mandataire ad hoc sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
13/ Sur les autres demandes
La SARL Cap Doré, représentée par M. [P] [C] en qualité de mandataire ad hoc supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à M. [N] [H] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à la SAS Au Blé d'Or la somme de 1 500 euros du même chef.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Rejette la demande de renvoi formée par la SAS Au Blé d'Or,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [N] [H] de sa demande de rappel de salaire au titre des frais professionnels, de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de sa demande de rappel de salaire et congés payés au titre des heures travaillées le dimanche et de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [N] [H] à effet à la date de la présente décision,
Condamne la SAS Au Blé d'Or à payer à M. [N] [H] les sommes suivantes :
- 300 euros à titre de dommages-intérêts pour retard dans l'organisation de la visite médicale d'embauche
- 4 750 euros à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires
- 475 euros au titre des congés payés y afférents
- 9 552 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1 592 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 192 euros au titre des congés payés afférents,
Ordonne à la SAS Au Blé d'Or, de délivrer au salarié, dans les deux mois suivants la notification de la présente décision un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes,
Condamne la SARL Cap Doré, représentée par M. [P] [C] en qualité de mandataire ad hoc, a relevé et garantir la SAS Au Blé d'Or de toutes les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de M. [N] [H],
Condamne la SARL Cap Doré, représentée par M. [P] [C] en qualité de mandataire ad hoc, à payer à M. [N] [H] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Cap Doré, représentée par M. [P] [C] en qualité de mandataire ad hoc, à payer à la SAS Au Blé d'Or la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires.
Condamne la SARL Cap Doré, représentée par M. [P] [C] en qualité de mandataire ad hoc, aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,