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29/06/2022 | FRANCE | N°16/13426

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 29 juin 2022, 16/13426


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 29 JUIN 2022



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/13426 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ3CO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F14/11586



APPELANTE



Madame [Y] [N] épouse [J]

[Adresse 9]

[Localité 6]
r>Représentée par Me Gwenaëlle MADEC, avocat au barreau de PARIS, toque : J100



INTIMES



Maître [R] [C] es-qualité de Commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciair...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 29 JUIN 2022

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/13426 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ3CO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F14/11586

APPELANTE

Madame [Y] [N] épouse [J]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Gwenaëlle MADEC, avocat au barreau de PARIS, toque : J100

INTIMES

Maître [R] [C] es-qualité de Commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire de la SCP DSMA venant aux droits de la SCP [K] ET [F]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223

SCP DSMA venant aux droits de la SCP DES DOCTEURS [K] & [F]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Anne-france DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R186

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SCP [K] & [F] avait pour activité l'exercice en commun de la médecine et exploitait un centre de radiologie et d'échographie [Adresse 1].

La SCP était constituée du docteur [F] et du docteur [K], co-gérants et associés égalitaires.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du'15 juillet 1986 Mme [Y] [J] a été engagée par la SCP [K] et [F], aux droits de laquelle est venue la DSMA Malesherbes, en qualité de'technicienne.

A compter du 15 juillet 1992, la salariée a occupé le poste de directrice générale.

Dans le dernier état des relations contractuelles, sa rémunération brute mensuelle était de 14.443,73 euros ( moyenne des 12 derniers mois) .

La convention collective applicable est celle des cabinets médicaux .

La salariée s'est plainte du comportement harcelant ( agressions verbales) du docteur [F] auprès de son associé et de l'inspection du travail. Le 26 mars 2014, elle a déposé une plainte pénale pour harcèlement moral.

Elle a bénéficié d'un arrêt de travail du 8 mai 2014 au 23 mai 2014.

Mme [Y] [J] a également déposé plainte auprès du conseil de l'ordre des médecins, le 24 juin 2014.

Par lettre en date du 23 juillet 2014, le Dr [F] a convoqué Mme [Y] [J] à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied conservatoire.

La salariée a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, le 6 août 2014.

Mme [Y] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de 12 septembre 2014 aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et la SCP [K] & [F] condamnée à lui payer diverses sommes.

Un administrateur provisoire de la SCP a été désigné par ordonnance du 12 février 2015.

Le 18 février 2016, le tribunal de grande instance de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire. Maître [C] a été désigné en qualité de représentant des créanciers et Maître [W] maintenue dans ses fonctions d'Administrateur provisoire.

Le 10 juin 2016, 100% des parts de la SCP des Docteurs [K] et [F] ont été cédées à la SELARL DSMA.

Le 7 juillet 2016, un plan de redressement a été arrêté par le tribunal de grande de Paris pour une durée de 10 ans, Maître [C] étant désigné Commissaire à l'exécution du plan de redressement

Par jugement en date du 14 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Paris , statuant en formation de jugement a' requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et a fixé au passif de la SCP [K] et [F], les créances suivantes :

- Salaire de mise à pied : 4.846,18 €,

- Congés payés afférents : 484,61 €,

- Indemnité compensatrice de préavis : 43.329 €,

- Congés payés afférents : 4.332,90 €,

- Indemnité conventionnelle de licenciement : 115.838 €,

- Article 700 cpc': 500 euros.

Mme [Y] [J] a régulièrement interjeté appel de la décision le 19 octobre 2016.

Entretemps par jugement en date du 22 juin 2017 du tribunal correctionnel de Paris, confirmé en appel par arrêt du 8 juin 2020, M. [B] [F] a été déclaré coupable des faits de harcèlement moral sur la personne de M. [Y] [J]. Le pourvoi de l'intéressé a été déclaré non admis.

L'instance ayant fait l'objet d'un arrêt de sursis à statuer en date du 13 février 2018 a été rappelée à l'audience du 29 mars 2021.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 7 mars 2022, Mme [Y] [J] demande à la cour de':

- Dire que l'arrêt pénal de la Cour d'appel de Paris, Pôle 5, Chambre 14, en date du 8 juin 2020, devenu définitif, a autorité de la chose jugée sur l'instance en cours, la matérialité des faits reconnus par la chambre correctionnelle de la Cour d'Appel de PARIS s'imposant à la juridiction de céans et est assurément opposable à la Cour de céans,

- Recevoir Mme [J] en son appel dont la Cour d'appel est sans conteste saisie en son plein effet dévolutif et l'en déclarer bien fondée tant en ses demandes principales et subsidiaires,

- Débouter les intimées de toutes leurs demandes fins et conclusions à titre liminaire, principal, subsidiaire ou reconventionnel,

- Rejeter toutes pièces émanant du Cabinet tenu par Mr [U], et, notamment, la pièce n°75 émanant de la société DSMA MALESHERBES, anciennement dénommée la SCP [K] & [F], comme ayant été jugées partisanes et sans portée par la Juridiction pénale,

- Juger que Madame [J] est bien fondée à solliciter la condamnation solidaire de la société DSMA Malesherbes avec l'Unedic Délégation AGS CGEA IDF Est (« AGS ») de toutes sommes réclamées en condamnation,

Et faisant droit à l'appel de la concluante,

- Infirmer le Jugement du Conseil des Prud'hommes en date du 14 septembre 2016,

- Dire et juger que Mme [J] a été victime d'actes de harcèlement moral,

En conséquence,

A titre principal,

' Dire et juger nul l'avertissement notifié à Mme [J] en date du 14 janvier 2014,

' Dire et juger nul le licenciement pour faute grave notifié par la SCP [K] & [F] par lettre en date du 6 août 2014,

Subsidiairement,

' Dire et juger infondé l'avertissement notifié à Mme [J] en date du 14 janvier 2014,

' Dire et juger que le licenciement de Mme [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause, que ce soit au titre des demandes à titre principal ou subsidiaire,

' Juger que l'avertissement et le licenciement soient déclarés nuls ou dépourvus de

fondement et de cause réelle et sérieuse,

' Condamner solidairement les AGS et la SOCIÉTÉ DSMA MALESHERBES (anciennement dénommée SCP des Docteurs [K] & [F]) à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

' Dommages-intérêts pour préjudice résultant de la notification de l'avertissement annulé : 14.000 €,

' Salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 24 juillet au 6 août 2014 : 4.846,18 € outre 484,61 € d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

' Indemnité compensatrice de préavis : 43.329 €, outre la somme de 4.332 € d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

' Indemnité conventionnelle de licenciement : 115.838 €,

' Dommages et intérêts au titre du licenciement nul à titre principal : 346.632 €,

' Dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire : 346.632 €,

' Dommages et intérêts pour faits de harcèlement moral : 173.316 €,

' Dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat : 86.658 €,

' Dommages et intérêts pour circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement : 14.000 €,

A titre subsidiaire si la condamnation solidaire n'était pas prononcée,

- Fixer la créance de Mme [J] au passif de la SCP DES Docteurs [K] et [F] désormais dénommée DSMA MALESHERBES et à l'égard des organes de la procédure pour toutes les sommes précitées, soit :

' Dommages-intérêts pour préjudice résultant de la notification de l'avertissement

annulé : 14.000 €,

' Salaire pour la période de mise à pied conservatoire du 24 juillet au 6 août 2014 : 4.846,18 € outre 484,61 € d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

' Indemnité compensatrice de préavis : 43.329 €, outre la somme de 4.332 € d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

' Indemnité conventionnelle de licenciement : 115.838 €,

' Dommages et intérêts au titre du licenciement nul à titre principal : 346.632 €,

' Dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire : 346.632 €,

' Dommages et intérêts pour faits de harcèlement moral : 173.316 €,

' Dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat : 86.658 €,

' Dommages et intérêts pour circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement : 14.000 €.

' Condamner les AGS au paiement des sommes précitées pour les plafonds qui lui sont applicables,

' Condamner solidairement les AGS et la SOCIÉTÉ DSMA MALESHERBES (anciennement dénommée SCP des Docteurs [K] & [F]) à payer à Mme [J] :

o la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

o les dépens.

Ou, subsidiairement, fixer la créance de ce chef au passif de la SCP DES Docteurs [K] et [F] désormais dénommée DSMA MALESHERBES et à l'égard des organes de la procédure,

' Déclarer, en tant que de besoin, la présente décision opposable aux organes de la procédure collective et à l'AGS UNEDIC Ile de France qui devra les garantir.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 25 février 2022, la SCP D.S.M.A et Maître [R] [C], commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SCP DSMA demandent à la cour de':

- Juger que les demandes, fins et prétentions présentées par Madame [J] sont irrecevables ;

- Juger que la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral présentée par Madame [J] se heurte au principe de la concentration des moyens :

o En conséquence déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts pour

harcèlement moral présentée par Madame [J].

- Déclarer irrecevables les chefs de demandes nouvelles suivantes présentées par Madame [J] :

o La demande de demande de dommages et intérêts au titre d'un licenciement nul ;

o La demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement.

- Constater que la déclaration d'appel n'a pas fait l'objet d'une régularisation par nouvelle déclaration d'appel de la part de Madame [J] dans le délai qui lui était imparti pour conclure ;

- Juger que la déclaration d'appel du 19 Octobre 2016 de Madame [J] est privée de tout effet dévolutif ;

- Juger que la Cour d'Appel n'est pas saisie par la déclaration d'appel de Madame [J], et par suite, n'est saisie d'aucune demande ;

- Dire n'y avoir lieu à statuer en l'absence d'effet dévolutif de l'appel de Madame [J].

- Juger que l'Arrêt du Pôle 5 Chambre 14 de la Cour d'Appel de PARIS du 8 Juin 2020 est inopposable à la Société SCP D.S.M.A, venant aux droits de la SCP des Docteurs [K] ET [F], en plan de continuation, compte tenu de l'absence d'identité des parties ;

- Débouter Madame [J] de sa demande de dommages et intérêts pour faits de harcèlement moral faute pour cette dernière de rapporter la preuve que les faits de harcèlement moral sur lesquels elle fonde sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la Société SCP D.S.M.A, venant aux droits de la SCP des Docteurs [K] ET [F], en plan de continuation, seraient distincts de ceux retenus à l'encontre de l'auteur des faits délictueux commis ; dont la décision a été définitivement tranchée.

A titre subsidiaire : si par extraordinaire la Cour devait juger que la déclaration d'appel du 19 Octobre 2016 de Madame [J] n'est pas privée de tout effet dévolutif :

- Infirmer le Jugement du Conseil de Prud'hommes de PARIS du 14 Septembre 2016 en ce qu'il a :

o Requalifié le licenciement pour faute grave de Madame [J] en

licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

o Fixé la créance de Madame [J] sur le passif de la SCP [K]

[F] aux sommes suivantes :

* 4.846,18 € à titre de salaire de mise à pied ;

* 484,61 € à titre d'indemnité de congés payés ;

* 43.329,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 4.332,00 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

* 115.838,00 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 500,00 € au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

- Débouter Madame [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes.

- jugera recevable et bien-fondée la demande reconventionnelle présentée par la Société D.S.M.A. , venant aux droits de la SCP des Docteurs [K] ET [F] en plan de continuation, et de Maître [R] [C], Commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SCP DSMA venant aux droits de la SCP des Docteurs [K] et [F], à voir Madame [J] condamnée au remboursement de la somme de 129.993,57 € nets correspondant au montant des condamnations, ainsi que la somme de 27.503,04 € au titre des cotisations patronales.

- Condamner Madame [J] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- Condamner Madame [J] aux entiers dépens.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 19 mars 2017, l'AGS CGEA d'Ile de France Ouest demande à la cour de':

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En conséquence :

Sur les demandes

- Donner acte à l'AGS du fait qu'elle s'associe aux explications de la société et de ses

mandataires judiciaires concernant les conditions de la rupture du contrat de travail.

En conséquence,

- Débouter Madame [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes.

Sur la garantie

- Dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale.

- Dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du Code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du Code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du Code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie.

- Dire et juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, le plafond des cotisations maximum au régime d'assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L.3253-17 et D.3253-5 du Code du travail.

Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- Sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel

La société DSMA venant aux droits de la SCP des docteurs [K] et [F] et le commissaire à l'exécution du plan de redressement de ladite société soulignent qu'aux termes de la déclaration d'appel du 19 octobre 2016, il est mentionné «'appel total'» alors que depuis le 1er août 2016, les articles 562 et 901 trouvent à s'appliquer à la procédure prud'homale, si bien que lorsque la déclaration d'appel ne fait pas mention exprès des chefs du jugement querellés, l'effet dévolutif n'opère pas, aucun grief n'étant nécessaire. Il est soutenu qu'en l'absence de réitération de la déclaration d'appel, il n'y a pas eu de régularisation.

La salariée rappelle que l'exigence de préciser les chefs de demande critiqués a été mise en place par décret en date du 6 mai 2017 avec une application au 1er septembre 2017 et qu'en l'espèce, l'appel date du 19 octobre 2016.

Effectivement l'exigence de voir indiquer les chefs du jugement expressément critiqués auquel l'appel est limité, prévue par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 avec entrée en vigueur au 1er septembre 2017, si bien que l'appel total de Mme [J] en date du 19 octobre 2016 a bien un effet dévolutif.

2- Sur l'irrecevabilité des demandes de Mme [Y] [N] épouse [J]

La société DSMA venant aux droits de la SCP des docteurs [K] et [F] et le commissaire à l'exécution du plan de redressement de ladite société soutiennent que la demande principale de condamnation solidaire de Maître [C], la société DSMA et l'AGS est irrecevable en application de l'article L 622-22 du code du commerce, seule la fixation au passif étant possible.

Il est souligné que toute demande de condamnation de la société au paiement de sommes est irrecevable.

L'AGS rappelle qu'elle ne peut pas être condamnée au paiement de sommes d'argent.

Mme [J] soutient que la société bénéficie d'un plan de redressement, ce qui signifie qu'elle doit être «'in bonis'»' et peut être condamnée à payer ses créanciers.

Par ailleurs, la société DSMA et Maître [C] soutiennent que la salariée contrevient aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile puisque, au titre de sa demande subsidiaire de fixation de ses créances au passif de la société, elle ne récapitule pas ses prétentions.

Effectivement, la débitrice est irrecevable à demander la condamnation solidaire de la société DSMA et de l'AGS (aucune demande ne vise le commissaire à l'exécution du plan) au paiement de sommes qui lui seraient dues.

En revanche dans ses dernières conclusions du 7 mars 2022, la salariée a énoncé ses demandes chiffrées au titre de son subsidiaire.

Ses demandes sont recevables à ce titre.

3- Sur l'irrecevabilité des chefs de demandes en vertu du principe de concentrations des moyens

La société DMSA et Maître [C] soutiennent qu'en vertu de ce principe, Mme [J] aurait du exposer devant le juge pénal l'ensemble des moyens qu'elle jugeait de nature à fonder sa demande, notamment de dommages et intérêts pour des faits de harcèlement moral. Il est souligné qu'en appel de la procédure pénale, la cour lui a donné acte de ce qu'elle ne demande pas de réparation de son préjudice et a infirmé le jugement déféré en ce qu'il lui avait alloué la somme de 8.000 euros.

Mme [Y] [J] n'a pas répondu de ce chef.

La cour de cassation a précisé que « S'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande tous les moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de formuler dans la même instance toutes les prétentions fondées sur les mêmes faits » (Cass. (1re civ., 7 déc. 2016, no 16-12.216, )

Force est de constater que la société et maître [C] ne disent pas quel(s) moyen(s), Mme [Y] [J] n'aurait pas exposé devant le juge pénal..

En application des articles 3 et 4 du code de procédure pénale, la victime d'une infraction pénale dispose d'une action civile qu'elle peut exercer selon son choix, soit devant le juge pénal, accessoirement à l'action publique, soit devant le juge civil.

L'irrévocabilité (article 5 du code de procédure pénale) de l'option offerte à la victime n'intervient que dans le sens de la voie civile vers la voie répressive.

Or la salariée avait saisi la juridiction prud'homale de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral par conclusions du 6 juillet 2015 et n'a plus, en cause d'appel de la procédure pénale, sollicité des dommages et intérêts en réparation de ces faits.

L'irrecevabilité de ce chef est rejetée.

4- Sur l'irrecevabilité des chefs de demandes nouvelles

Aux termes des articles 564 et suivants du code procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Cependant, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La société DMSA et Maître [C] soutiennent qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile, la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et celle pour circonstances vexatoires ayant entourées le licenciement, nouvelles en causes d'appel sont irrecevables.

La salariée ne répond rien de ce chef.

La demande au titre d'un licenciement nul n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile dès lors qu'elle est relative à la rupture du contrat de travail et tend donc aux mêmes fins indemnitaires que la demande d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que l'autorise l'article 565 du code de procédure civile.

Par ailleurs, la demande de dommages-intérêts pour procédure vexatoire est l'accessoire à la demande relative au licenciement.

Ces demandes sont ainsi recevables.

5- Sur la demande tendant à voir écarter la pièce n° 75 et «'toutes pièces émanant du cabinet tenu par M. [U]'»

La cour constate que la société DSMA et Maître [C] ne verse aux débats aucune pièce 75 et qu'il n'est pas justifié d'écarter le surplus des pièces, au demeurant non listées par Mme. [J].

6- Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

La société DMSA et Maître [C] soutiennent que l'arrêt du 8 juin 2020 lequel a déclaré M. [B] [F], personne physique, coupable de faits de harcèlement moral à l'encontre de M. [J], n'est pas opposable à la société , personne morale en application de l'article 1355 du code civil, les deux instances n'ayant pas les mêmes parties.

La salariée soutient que la condamnation de M. [B] [F] est définitive et parfaitement opposable à la société DSMA.

Par arrêt définitif en date du 8 juin 2020, particulièrement motivé sur la matérialité des faits, M. [B] [F] a été reconnu coupable de harcèlement moral à l'encontre M. [Y] [J], la prévention visant exactement les faits reprochés par la salariée dans le cadre de la procédure prud'homale.

En application du principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur l'action

portée devant la juridiction civile, qui s'impose à tous, il y a lieu de constater que les faits de harcèlement moral dont se plaint la salariée sont établis.

Compte tenu des circonstances de l'affaire, des conséquences des faits sur la santé de l'intéressée, il sera alloué à Mme [Y] [J] la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice. Cette somme sera fixée au passif de la société.

Le jugement est infirmé de ce chef.

7- Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat

Aux termes des articles L.4121-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige,

«'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes'».

L'article L.4121-2 du même code , dans sa version applicable au litige précise que':

«'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'»

Aucune disposition n'a été prise par l'employeur, pourtant averti de la dégradation des rapports entre la salarié et l'un des gérants de la SCP, avec dégradation concomitante de son état de santé pour assurer la sécurité de l'intéressée.

Le manquement est avéré . Une somme de 5.000 euros sera allouée à Mme [J] de ce chef. Elle sera fixée au passif de la société.

Le jugement est'infirmé.

8- Sur l'annulation de l'avertissement du 15 janvier 2014 et la demande de dommages et intérêts afférente

Selon les dispositions des articles L.1331-1 et suivants du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui. En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'homrnes les éléments retenus pour prendre la sanction. Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifée ou disproportionnée à la faute commise. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Au cas d'espèce, Mme [Y] [J] a été sanctionnée d'un avertissement le 15 janvier 2014 pour avoir donné pour instruction au personnel de la SCP de ne pas diriger les patients vers le docteur [O] [D] pour leur faire passer des IRM encéphaliques, contrairement aux instructions médicales données par le docteur [F] et pour fumer dans les locaux du cabinet malgré l'interdiction qui en est faite.

La salariée a contesté les faits et soutient qu'ils sont faux, indiquant que l'avertissement a été pris en réponse à la dénonciation du comportement harcelant adopté par le docteur [F].

La société et Maître [C] ne rapporte aucunement la preuve des faits reprochés alors que Mme [Y] [J] produit aux débats une note de service datée du 26 décembre 2013 concernant le planning de janvier 2014, laquelle indique qu'il convient de prendre le mercredi matin, de 12h30 à 13h30, les IRM tête du docteur [O] [D].

Les faits n'étant pas établis, l'avertissement doit être annulé.

Le jugement est infirmé.

En revanche, faute pour la salariée de justifier d'un préjudice spécifique, non réparé au titre du harcèlement moral, la demande de dommages-intérêts doit être rejetée.

9- Sur la rupture du contrat de travail

9-1 Sur la nullité du licenciement

L'article L.1152-2 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés et l'article L.1152-3 prévoit l'annulation du licenciement subséquent.

Depuis plusieurs mois avant son licenciement, Mme [J] a dénoncé des faits de harcèlement moral auprès de l'inspection du travail , du conseil de l'ordre des médecins et de la justice pénale.

La concomitance entre les dénonciations effectuées par Mme [J] et la procédure de licenciement conduit la cour à déclarer nul le licenciement intervenu le 6 août 2014.

9-2 Sur les conséquences du licenciement

Compte tenu des éléments versés aux débats , le jugement est confirmé en ce qu'il a fixé au passif de la société les sommes suivantes':

- Salaire de mise à pied : 4.846,18 €

- Congés payés afférents : 484,61 €

- Indemnité compensatrice de préavis : 43.329 €

- Congés payés afférents : 4.332,90 €

- Indemnité conventionnelle de licenciement : 115.838 €

Au titre de l'indemnité pour licenciement nul, Mme [J] sollicite la somme de 34.6632 euros. Au jour du licenciement, la salariée avait 28 ans d' ancienneté au sein de la SCP et était âgée de 55 ans.

Le salaire à prendre en considération est du 14.443,73 euros.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [Y] [J], de son âge au jour de son licenciement, de son ancienneté à cette même date, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 86.662,38 euros ( 6 mois de salaires) à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Cette somme sera fixée au passif de la société.

10- Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires

Le caractère vexatoires des conditions de survenance du licenciement n'est pas établi par la salariée .

Elle doit être déboutée de sa demande de ce chef.

11- Sur le demande en remboursement formulée par la société DSMA et de Maître [C]

Compte tenu de ce qui précède, cette demande sera rejetée. Les sommes versées viendront en déduction de celles allouées par le présent arrêt.

12- Sur la garantie de l'association UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST

Le présent arrêt sera opposable à l'association UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST qui sera tenue à garantie dans la limite des plafonds prévus par les articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 et suivants du Code du travail.

13- Sur les demandes accessoires

La décision sera confirmée en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des parties, en cause d'appel.

Les dépens d'appel seront mis à la charge de Maître [C] commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SCP DSMA, venant aux droits de la SCP des docteurs [K].

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce n° 75 et «'toutes pièces émanant du cabinet tenu par M. [U]'»,

Rejette l'ensemble des exceptions d'irrecevabilité soulevées à l'exception de celle tendant à voir juger irrecevable la demande de condamnation solidaire de la société SCP DSMA et de l'AGS,

Dit irrecevable la demande de Mme [Y] [J] tendant à voir ordonner la condamnation solidaire de la SCP DSMA et de l'AGS au paiement des sommes qui lui seront allouées,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Annule l'avertissement en date du 15 juin 2014,

Dit nul le licenciement de Mme [Y] [J],

Fixe comme suit les créances de Mme [Y] [J] au passif de la SCP DSMA, venant aux droits de la SCP des docteurs [K] et [F], en plan de continuation :

- 4.846,18 euros au titre du rappel des salaires pendant la mise à pied conservatoire outre celle de 484,61 euros pour les congés afférents ,

- 43.329 € euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 4332 euros au titre des congés payés y afférents,

- 115.838 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- 86.662,38 euros au titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

Déboute Mme [Y] [J] de sa demande de dommages-intérêts suite à l'annulation de l'avertissement du 15 janvier 2014,

Déboute Mme [Y] [J] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure vexatoire,

Dit que la garantie de l'UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

Dit que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du Code du travail,

Déboute SCP D.S.M.A de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Maître [C] commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SCP DSMA, venant aux droits de la SCP des docteurs [K] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFI'RE LE PR''SIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 16/13426
Date de la décision : 29/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-29;16.13426 ?
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