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28/06/2022 | FRANCE | N°21/222517

France | France, Cour d'appel de Paris, H4, 28 juin 2022, 21/222517


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/22251 - No Portalis 35L7-V-B7F-CE33F

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 décembre 2021 - Juge de la mise en état de PARIS - RG no 20/04741

APPELANT

Monsieur [L] [E]
Né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 8] (14)
[Adresse 7]
[Localité 6] (REUNION)

Représenté par Me

Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440

INTIMÉS

Maître [C] [W], notaire
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représenté par ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/22251 - No Portalis 35L7-V-B7F-CE33F

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 décembre 2021 - Juge de la mise en état de PARIS - RG no 20/04741

APPELANT

Monsieur [L] [E]
Né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 8] (14)
[Adresse 7]
[Localité 6] (REUNION)

Représenté par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440

INTIMÉS

Maître [C] [W], notaire
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Ayant pour avocat plaidant Me Carine PRAT, avocat au barreau de RENNES, substituée par Me Constance PARIS, avocat au barreau de RENNES

S.A. CREDIT IIMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
[Adresse 3]
[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Annie-Claude PRIOU GADALA de l'ASSOCIATION BOUHENIC et PRIOU GADALA, avocat au barreau de PARIS, toque : R080

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle MOREAU, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre
Mme Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, pour Mme Nicole COCHET, première présidente empêchée, et par Sarah-Lisa GILBERT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

Par jugement du 9 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Lisieux a condamné M. [L] [E] à payer à la Compagnie européenne de garanties et caution la somme de 432 607,41 euros au titre de deux prêts immobiliers souscrits le 9 juillet 2008 auprès de la société anonyme Crédit immobilier de France développement. Ce jugement a été signifié le 23 janvier 2015 auprès du père de M. [L] [E], M. [N] [M], tandis que celui du 13 novembre 2014 opérant sa rectification d'erreur matérielle a été signifié le 15 décembre 2014 en l'étude de l'huissier de justice.

M. [E] reprochant à la banque de l'avoir trompé en accordant des prêts et en débloquant des fonds à son insu, a interjeté appel de ces jugements, lequel a été déclaré irrecevable comme tardif suivant ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 février 2017, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Caen du 29 juin 2017 aux motifs de la régularité de la signification du jugement du 9 octobre 2014.

Parallèlement, suivant acte authentique reçu le 26 janvier 2009 par Mme [W], notaire à [Localité 10], M. [L] [E] a acquis de la société MCB Habitat le lot numéro quatre, consistant en un appartement de type trois (deux chambres), d'une superficie de 67,97 m², situé dans un ensemble immobilier à [Adresse 9] pour le prix de 262 292 euros.

La société MCB Habitat, qui restait propriétaire d'un lot, a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Nantes du 22 février 2012, qui a désigné M. [Z] en qualité de mandataire liquidateur. En faisant l'inventaire des biens de la société, celui-ci s'est rendu compte que M. [E] occupait le lot numéro deux correspondant à un appartement de type trois face à la mer, alors qu'il était titré sur le lot numéro quatre.

C'est dans ces circonstances que, soutenant n'avoir appris cette interversion de lots qu'à l'occasion de la mise en vente de son appartement en 2015 et que le notaire l'avait informé en 2016 qu'une hypothèque avait été inscrite sur le lot numéro quatre en exécution de la condamnation prononcée le 9 octobre 2014 au bénéfice de la société Crédit immobilier de France développement au titre de prêts immobiliers qu'il n'a pas souscrits, M. [L] [E] a fait assigner ladite société ainsi que Mme [W] devant le tribunal judiciaire de Paris par actes des 26 mai et 10 juin 2020, en responsabilité délictuelle.

Par ordonnance du 7 décembre 2021, le juge de la mise en état a :
- déclaré l'action de M.[E] prescrite et par suite irrecevable,
- condamné M. [E] aux dépens de l'instance et à payer à chacun de ses adversaires une
somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes pour le surplus.

Par déclaration du 16 décembre 2021, M.[E] a interjeté appel de cette ordonnance.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 24 février 2022, M. [L] [E] demande à la cour de :
-le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
y faisant droit
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle :
- a déclaré son action tant à l'encontre de la société Crédit immobilier de France développement que de Mme [W], notaire, prescrite et par suite irrecevable,
-l'a condamné aux dépens de l'instance et à payer à chacun de ses adversaires une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- a rejeté les demandes pour le surplus,
statuant à nouveau,
- dire et juger son action recevable à l'encontre tant de la société Crédit immobilier de France développement qu'à l'encontre de Mme [W], et la déclarer recevable,
-débouter tant la société Crédit immobilier de France développement que Mme [W] de leurs demandes tendant à le voir déclarer irrecevable en son action à leur encontre.
y ajoutant,
- condamner solidairement la société Crédit immobilier de France développement et Mme [W] à lui payer la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiés et déposées le 22 mars 2022, la société Crédit immobilier de France développement demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,
-débouter M.[E] de toutes ses prétentions contraires,
y ajoutant
- condamner M.[E] à lui payer la somme de 2 500 euros,
- condamner M.[E] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 18 mars 2022, Mme [C] [W] demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,
- déclarer irrecevables comme prescrites l'action initiée le 10 juin 2020 et les demandes formulées par M.[E] à son encontre,
- débouter M.[E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à son
encontre,
- condamner M.[E] à lui verser une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
- condamner M.[E] aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE

Sur la prescription :

Sur l'action engagée à l'encontre du notaire :

Le juge de la mise en état a jugé prescrite, sur le fondement de l'article 2224 du code civil, l'action engagée à l'encontre du notaire, en ce que la prescription a couru à compter du courrier que Mme [T] [X], se présentant comme le conseil de M. [E], a adressé au notaire le 1er mars 2013 en lui indiquant qu'il existait une erreur matérielle sur le lot vendu et témoignant de sa connaissance des faits lui permettant d'exercer l'action.

M. [L] [E] prétend que la prescription de l'action engagée à l'encontre du notaire a couru à compter du courriel de ce dernier du 6 octobre 2015 l'ayant personnellement informé de la nécessité de régulariser un acte authentique rectificatif, et n'était donc pas acquise au moment de la délivrance de l'assignation.

Mme [W] réplique que :
- M. [E] a eu connaissance des faits lui permettant d'engager l'action dès le 8 janvier 2013, date à laquelle le mandataire judiciaire de la société MCB Habitat l'a informé de la difficulté concernant l'interversion des lots,
- le conseil de M. [E] a reconnu l'existence d'une erreur matérielle le 1er mars 2013 et l'a relancé pour la régularisation de l'acte rectificatif le 11 février 2014.

Selon l'article 2224 du code civil, "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer".

Par lettres du 8 janvier 2013, le mandataire judiciaire de la société MCB Habitat a informé M. [E] ainsi que son avocate, Mme [T] [X], qu'il avait acquis le lot no4 consistant en un appartement de type 3 d'une surface d'environ 48m² au prix de 262 292 euros mais occupait le lot no2 correspondant à un appartement de type 3 face mer, et que le prix d'acquisition versé par ses soins correspondait à la valeur du lot no2 et non pas à celle du lot no4 estimée à 140 000 euros. Le 26 février 2013, le mandataire judiciaire a invité Mme [X] à prendre attache avec le notaire afin que son client soit rétabli dans sa propriété du lot no2 qu'il occupait de fait et dont il s'était acquitté du prix d'acquisition. A la suite de ces échanges, par lettre du 1er mars 2013 adressée au notaire, Mme [X] a invoqué une erreur matérielle sur le lot vendu à son client, a sollicité la régularisation d'un acte rectificatif afin d'intervertir les lots 2 et 4 et a fait valoir l'engagement de la responsabilité professionnelle du notaire en soutenant que le préjudice de son client était d'autant plus grave qu'il se voyait amputé d'une petite pièce qui lui avait été attribuée par erreur.

Il résulte de ces éléments que M. [E], représenté par son avocat, a reconnu avoir connaissance d'une erreur matérielle de désignation du bien objet de l'acte authentique de vente dès le 1er mars 2013, tout en faisant valoir le préjudice en résultant qui était d'ores et déjà matérialisé. Il était donc alors en mesure d'engager l'action en responsabilité délictuelle du notaire.

La prescription ayant couru à compter de cette date, était donc acquise au moment de la délivrance de l'assignation à l'encontre du notaire.

Sur l'action engagée à l'encontre de la banque :

Le tribunal a jugé prescrite l'action exercée envers la société Crédit immobilier de France développement, en retenant comme point de départ du délai de prescription le 23 janvier 2015, date de signification du jugement du 9 octobre 2014 ayant condamné M. [E] au titre des deux prêts litigieux qu'il conteste avoir souscrits.

M. [E] soutient que la prescription a couru à compter du moment précis où il a connu ou aurait dû connaître l'existence des prêts litigieux, soit le 20 janvier 2016, date à laquelle il a appris du notaire qu'une hypothèque avait été inscrite par la société Crédit immobilier de France développement, les significations des 15 décembre 2014 et 23 janvier 2015 étant irrégulières et ne l'ayant pas touché personnellement.

La société Crédit immobilier de France développement retient comme point de départ de la prescription la date du 15 décembre 2014 ou à tout le moins celle du 23 janvier 2015, dates de signification des jugements du tribunal de grande instance de Lisieux dont l'irrégularité n'est pas démontrée.

Si M. [E] n'a pas personnellement été touché par la signification du jugement du 9 octobre 2014 le condamnant au paiement des prêts litigieux, cette décision ayant été signifiée le 23 janvier 2015 auprès de son père, ce dernier a confirmé auprès de l'huissier de justice la domiciliation de son fils chez lui et a accepté de recevoir l'acte, en sorte que cette signification est régulière et qu'à compter de cette date, M. [E] a eu ou aurait dû avoir connaissance des faits lui permettant de rechercher la responsabilité délictuelle de la banque.

L'action engagée à l'encontre de cette dernière le 26 mai 2020 est donc prescrite en application de l'article 2224 du code civil, en confirmation de l'ordonnance.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [E] échouant en ses prétentions doit être condamné aux dépens d'appel, et à payer à Mme [W] et la société Crédit immobilier de France développement une indemnité que l'équité commande de fixer à 1500 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance dans toutes ses dispositions,

Condamne M. [L] [E] à payer à Mme [C] [W] et la société Crédit immobilier de France développement une indemnité de 1500 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [L] [E] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : H4
Numéro d'arrêt : 21/222517
Date de la décision : 28/06/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-06-28;21.222517 ?
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