Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRÊT DU 28 JUIN 2022
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/11093 - No Portalis 35L7-V-B7D-CABHI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 mai 2019 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 18/06103
APPELANTE
SA BPCE LEASE IMMO, (anciennement dénommée NATIXIS LEASE IMMO)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Ayant pour avocat plaidant Me Thomas CARENZI, CMS FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE
INTIMÉE
L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté et assisté de Me Alexandre DE JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0744
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE PARIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis en date du 15 juin 2021, sous la plume de Mme SCHLANGER.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile de la prorogation du délibéré initialement prévu au 8 juin 2022 au 28 juin 2022.
- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
pour Nicole COCHET, Première présidente de chambre et par Sarah-Lisa GILBERT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
* * * * *
Par acte authentique du 26 mai 2014, la Sa Natixis Lease Immo a acquis un immeuble en l'état futur d'achèvement de la Sas Phenix Invest laquelle avait conclu le 23 janvier précédent un contrat de construction avec la Sa Brovedani BTP.
Le contrat de vente en l'état futur d'achèvement prévoyait que le vendeur conservait la qualité de maître de l'ouvrage.
Par acte authentique du même jour, la Sa Natixis Lease Immo a consenti un crédit-bail immobilier sur le bien.
Les travaux ont été réceptionnés le 29 décembre 2014.
Se plaignant d'un solde du prix des travaux impayé d'un montant de 575 448,57 euros, la société Brovedani BTP a assigné en paiement le 13 juillet 2015 la société Phenix Invest et la société Natixis Lease Immo devant le tribunal de grande instance de Metz.
Par jugement du 4 novembre 2015, ce tribunal a condamné in solidum et avec exécution provisoire, la société Phenix Invest et la société Natixis Lease Immo à payer au constructeur la somme réclamée.
Par ordonnance de référé du 7 janvier 2016, le premier président de la cour d'appel de Metz a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par la société Natixis Lease Immo et le 11 janvier 2016, la société Natixis Lease Immo s'est acquittée des causes du jugement, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel étant saisi d'un incident de radiation pour défaut d'exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire.
Par jugements de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz des 7 septembre et 21 décembre 2016, la société Brovedani BTP a été placée en redressement puis en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er janvier 2016.
Par arrêt du 30 mars 2017 irrévocable, la cour d'appel de Metz a annulé le jugement du 4 novembre 2015, motif pris d'une violation du principe de la contradiction, débouté le liquidateur judiciaire de la société Brovedani BTP de ses demandes à l'encontre de la société Natixis Lease Immo en l'absence de caractère frauduleux ou fautif du montage juridique critiqué par les premiers juges et fixé la créance de cette société au passif de la société Brovedani BTP, à titre chirographaire, à la somme de 596 086,80 euros.
Le 12 décembre 2017, le liquidateur de la société Brovedani BTP a certifié l'irrecouvrabilité totale et définitive de la créance de la société Natixis Lease Immo.
Par acte du 16 mai 2018, la société Natixis Lease Immo a fait assigner l'agent judiciaire de l'Etat aux fins d'engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire.
Par jugement du 6 mai 2019, le tribunal a :
- débouté la société Natixis Lease Immo de ses demandes,
- l'a condamnée aux dépens.
Par déclaration du 27 mai 2010, la Sa BPCE Lease Immo, anciennement dénommée Natixis Lease Immo a interjeté appel de cette ordonnance.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 11 août 2020, la société BPCE Lease
Immo demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- réformer le jugement entrepris,
statuant à nouveau,
- condamner l'Etat à lui payer la somme de 596 086, 80 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- condamner l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Etat aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Scp Grapotte Benetreau.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 14 novembre 2019, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,
- la condamner aux dépens ainsi qu'à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon avis notifié le 15 juin 2021, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement.
SUR CE,
Sur la responsabilité de l'Etat
Le tribunal a jugé que :
- sur les reproches faits au tribunal de grande instance de Metz d'avoir violé le principe du contradictoire et d'avoir ordonné d'office l'exécution provisoire sans motiver cette décision, la cour d'appel a fait droit aux demandes de l'appelante de sorte qu'elle n'a pas laissé perdurer un dysfonctionnement,
- sur le grief fait au premier président de la cour d'appel de Metz d'avoir rejeté sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire, aucune faute lourde ne peut en résulter, l'action fondée sur l'article L141-1 du code de l'organisation judiciaire ne constituant pas une nouvelle voie de recours.
L'appelante reproche au tribunal d'avoir apprécié de manière isolée les manquements alors que c'est l'accumulation qui permet de caractériser la faute lourde et que l'erreur commise par le tribunal de grande instance de Metz n'a pas pu être corrigée de manière effective et en temps utile par la procédure d'appel du fait de la grave négligence commise par la première présidente de la cour d'appel de Metz qui a refusé la suspension de l'exécution provisoire du jugement ou la consignation des sommes sans solliciter la moindre information certifiée sur la situation financière de la société Brovedani BTP.
Elle fait valoir que :
- les juges de première instance ont commis les manquements suivants qui ne sauraient s'analyser comme un simple "mal jugé" :
- le non respect du principe du contradictoire en statuant sur un moyen soulevé d'office, qui à lui seul caractérise une faute lourde, les motifs retenus par les juges de première instance n'étant nullement "une continuation du raisonnement de l'assignation" mais reposant sur une nouvelle argumentation qui n'a, à aucun moment, été développée par la société Brovedani BTP,
- une violation de l'article 788 du code de procédure civile, prohibant l'ajout de nouveaux moyens dans le cadre d'une assignation à jour fixe, constituant une erreur de droit grossière,
- une absence de motivation de nature à justifier l'exécution provisoire, ordonnée d'office, puisque non demandée par la société Brovedani BTP,
- la première présidente de la cour d'appel a également commis une faute de négligence en rejetant sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire sans demander la production certifiée des derniers comptes de la société demanderesse et sa demande de consignation des fonds, sur la base des seules affirmations manifestement mensongères de la société Brovedani BTP, sans avoir procédé aux vérifications élémentaires sur la réalité de la situation financière de ladite société, et alors qu'elle justifiait de la situation fragile voire définitivement compromise de cette société et avait sollicité, dans son assignation et oralement auprès du juge, la production a minima de ses comptes certifiés,
- la première présidente aurait dû être d'autant plus vigilante que son attention avait été attirée sur le fait que le jugement de première instance encourait l'annulation pure et simple en raison d'une violation grave et manifeste des principes essentiels du procès équitable et sur le fait que la garantie de la société Phenix Invest, sa co-obligée, n'était nullement de nature à réduire le risque d'impossibilité pour elle de recouvrer les fonds,
- l'exercice d'une voie de recours n'a pas permis de réparer le préjudice, la société Brovedani BTP à qui elle a versé le montant de la condamnation ayant été placée entre temps en liquidation
judiciaire et la cessation des paiements ayant été fixée au 1er janvier 2016,
- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir recherché la responsabilité d'une personne autre que
l'Etat pour obtenir la réparation d'un préjudice qui a été exclusivement causé par lui,
- il ne peut lui être reproché de ne pas s'être retournée contre son coobligé, la société Phenix Invest, car demander le remboursement serait revenu à reconnaître l'existence d'une créance qu'elle contestait et, en toute hypothèse, ladite société n'exerçait déjà plus la moindre activité sur le territoire français, était manifestement insolvable et avait disparu dès 2015, ainsi qu'il ressort des assignations qu'elle lui a fait délivrer,
- aucune négligence ne peut lui être reprochée, s'agissant notamment d'une absence de pourvoi contre l'ordonnance de la première présidente qui n'aurait eu aucun effet sur le versement immédiat de la somme.
L'agent judiciaire de l'État répond que :
- le mal jugé ou mal apprécié n'est pas assimilable à une faute lourde,
- la société appelante détourne l'action en responsabilité de l'Etat pour critiquer, en réalité, des décisions de justice,
- si le jugement a bien méconnu le principe du contradictoire, cela ne peut constituer une faute
lourde, le premier juge étant simplement allé au bout de la démonstration de la société Brovedani BTP qui fondait ses demandes à la fois sur les articles 1799-1 et 1382 du code civil,
- surtout, la méconnaissance du principe du contradictoire a été corrigée par la cour d'appel qui a annulé, pour ce motif, le jugement et a fait droit aux demandes de l'appelante,
- le prononcé d'office de l'exécution provisoire constitue une liberté et ne saurait constituer une faute,
- la charge de la preuve repose sur le demandeur à une demande d'arrêt de l'exécution provisoire,
- l'appelante est mal fondée à critiquer l'absence de mesures d'instruction de la part de la première présidence pour obtenir la communication des comptes certifiés de la société Brovedani BTP alors qu'elle n'a pas effectué une demande formelle au juge à ce titre,
- en considérant que les seuls éléments apportés par l'appelante ne suffisaient pas à établir l'existence de conséquences manifestement excessives pour elle, dont rien n'indiquait par ailleurs que le montant de la condamnation était de nature à remettre en cause ses capacités de paiement, la première présidente de la cour d'appel s'est conformée à la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point,
- l'appelante était condamnée in solidum avec la société Phenix Invest et aurait pu se retourner
contre elle, de sorte qu'elle est mal fondée à soutenir que la méconnaissance du principe du contradictoire n'a pu être réparée par l'exercice des voies de recours,
- elle ne verse aucune pièce démontrant que la société Phenix Invest ne serait qu'une coquille vide et si elle prétend ne pas connaître le siège juridique de cette société, elle continue à faire affaire avec la personne physique qui est derrière cette société.
Le ministère public s'associe aux observations de l'agent judiciaire de l'Etat.
Il résulte des dispositions de l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire que l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice lorsque cette responsabilité est engagée par une faute lourde ou un déni de justice.
La faute lourde s'entend de toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi et si, prises séparément, aucune des éventuelles négligences relevées ne s'analyse en une faute lourde, le fonctionnement défectueux du service de la justice peut résulter de l'addition de celles-ci et ainsi caractériser une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
L'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ne peut être appréciée que dans la mesure où les voies de recours n'ont pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué.
Par jugement du 4 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Metz a condamné, avec exécution provisoire ordonnée d'office, la société Natixis Lease Immo à payer à la société Brovedani BTP la somme de 575 448,57 euros.
Il a déclaré inapplicable au litige la garantie d'ordre public prévue à l'article 1799-1 du code civil qui impose à l'organisme de financement de verser les sommes entre les mains de l'entrepreneur lorsque ce dernier n'a pas été intégralement réglé par le maître de l'ouvrage mais a retenu que la société Natixis Lease Immo avait commis une faute délictuelle en ayant participé en connaissance de cause à un montage juridique élaboré pour permettre à la société Phenix Invest, maître de l'ouvrage, de ne pas demeurer propriétaire de l'immeuble à construire et à la société Natixis Lease Immo de ne pas lui prêter directement les sommes nécessaires pour financer la construction, montage ayant eu pour effet de priver le loueur d'ouvrage du bénéfice des dispositions de l'article 1799-1 du code civil.
La cour d'appel de Metz, dans son arrêt du 30 mars 2017, a annulé ce jugement en ses dispositions concernant la société Natixis Lease Immo aux motifs que le tribunal avait violé le principe de la contradiction en soulevant d'office, sans permettre aux parties de présenter leurs observations, un moyen de fait de nature à caractériser une faute délictuelle qui n'était pas invoqué par la société Brovedani BTP à l'appui de la faute qu'elle invoquait sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil visé dans son assignation à jour fixe.
Evoquant, elle a débouté la société Brovedani BTP de sa demande à l'encontre de la société Natixis Lease Immo, en l'absence de faute délictuelle de sa part, retenant qu'elle était tout à fait étrangère au préjudice financier qu'a pu subir la société Brovedani BTP du fait de la défaillance du maître de l'ouvrage et de l'absence de garanties de paiement.
Cependant, entre ces deux décisions, la première présidente de la cour d'appel de Metz, saisie par assignation en référé du 20 novembre 2015, a, par ordonnance du 7 janvier 2016, débouté la société Natixis Lease Immo de sa demande principale d'arrêt de l'exécution provisoire prononcée et de sa demande subsidiaire de consignation de la somme de 575 448,57 euros et celle-ci, sous la menace d'une radiation de l'affaire dont le conseiller de la mise en état était saisi, a exécuté, dès le 6 janvier 2016, les causes du jugement ultérieurement annulé.
Elle n'a pu obtenir le remboursement de la somme versée puisque la société Brovedani BTP dont l'état de cessation des paiements a été fixé au 1er janvier 2016, a été placée en redressement puis liquidation judiciaires par jugements prononcés en 2016.
Si la violation du principe de la contradiction, erreur grossière, a été sanctionnée par l'exercice normal de la voie d'appel, l'exécution provisoire conférée d'office au jugement du 4 novembre 2015 par une motivation suffisante n'a pas été suspendue malgré la saisine très rapide du premier président de la cour d'appel de Metz à cet effet.
Ainsi, la méconnaissance du principe de la contradiction par la juridiction de première instance aux conséquences financières importantes constitue une faute lourde de l'Etat, que l'exercice de la voie d'appel n'a pas permis de réparer puisque l'exécution provisoire attachée au jugement annulé n'a pas été arrêtée et la consignation des sommes sollicitée n'a pas été prononcée, sans qu'il puisse être reproché à la société Natixis Lease Immo de ne pas avoir intenté de pourvoi à l'encontre de la décision de la première présidente de la cour d'appel, lequel n'aurait eu aucun effet sur la nécessité pour elle d'opérer un versement immédiat de la somme à laquelle elle avait été condamnée au paiement.
En revanche aucune faute ne peut être reprochée à la première présidente de la cour puisqu'il appartenait à l'appelante de rapporter la preuve de la situation financière compromise de la société débitrice pour justifier des conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire eu égard aux facultés de remboursement du créancier, qu'elle ne justifie pas, par la seule attestation de son avocat, avoir demandé au premier président de la cour d'ordonner la production de comptes certifiés de 2014 et que la décision d'ordonner la consignation relève du pouvoir discrétionnaire du premier président.
Sur le préjudice et le lien de causalité
L'appelante fait valoir que :
- elle est fondée à solliciter le remboursement des sommes qu'elle a été contrainte de verser, à tort et sans perspective de restitution, à la société Brovedani BTP, en exécution du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Metz en totale violation du principe du contradictoire et dont les effets n'ont pu être interrompus, en temps utile, du fait de l'absence de suspension de l'exécution provisoire ou à tout le moins de la consignation des sommes,
- si le fonctionnement de la justice n'avait pas été défectueux, elle n'aurait jamais été tenue de verser les fonds à la société Brovedani BTP sans perspective de restitution, de sorte que le lien de causalité est caractérisé,
- le préjudice global subi du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice s'élève à la somme de 596 086, 80 euros.
L'agent judiciaire de l'Etat répond que :
- le préjudice de l'appelante a en réalité pour cause le fait que la société Brovedani BTP était en situation de liquidation judiciaire car si cette dernière avait été solvable, elle aurait pu récupérer les sommes qu'elle lui avait versées, et le fait qu'elle ne s'est pas retournée contre son coobligé,
- une éventuelle condamnation de l'Etat à lui verser une indemnisation sans démonstration de l'impossibilité de se retourner contre la société Phenix Invest, entraînerait un risque de double indemnisation.
La société BPCE Lease Immo soutient à bon droit qu'elle a été contrainte de verser les sommes dues à la société Brovedani BTP en exécution d'un jugement nul, dont les effets n'ont pu être interrompus en temps utile, du fait de l'absence de suspension de l'exécution provisoire ou à tout le moins de la consignation des sommes versées et son préjudice résultant du fait que les sommes versées sont irrécouvrables ainsi qu'en a attesté le mandataire liquidateur de la société Brovedani BTP est en lien de causalité directe avec la faute lourde de l'Etat retenue.
Par ailleurs, il ne peut être reproché à la société BPCE Lease Immo de ne pas avoir agi à l'encontre de la société Phenix Invest, maître de l'ouvrage co-contractant de la société Brovedani BTP, définitivement condamnée par le jugement du 5 novembre 2015 à payer le solde dû à la société de construction alors qu'il est établi que celle-ci, seule débitrice de cette somme a été défaillante dès 2014 et a disparu depuis 2015, ainsi qu'il ressort de la signification dudit jugement, de l'assignation en référé devant le premier président de la cour d'appel de Metz, de l'arrêt de la cour d'appel du 30 mars 2017 rendu par défaut et d'une assignation devant le juge de l'exécution par la société Natixis Lease Immo, tous ces actes ayant été délivrés selon les formes prévues à l'article 659 du code de procédure civile et plusieurs d'entre eux précisant que selon un voisin, la société était partie au Luxembourg sans laisser d'adresse.
En conséquence, l'agent judiciaire de l'Etat est condamné à payer à titre de dommages et intérêts à la société BPCE Lease Immo la somme de 596 086, 80 euros dont le montant n'est pas contesté avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, s'agissant de l'indemnisation d'un préjudice et le jugement est infirmé en ce sens.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de première instance et d'appel doivent incomber à l'agent judiciaire de l'Etat, partie perdante, lequel est également condamné à payer à la société BPCE Lease Immo la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne l'agent judiciaire de l'Etat à payer à la Sa BPCE Lease Immo anciennement dénommée Natixis Lease Immo la somme de 596 086, 80 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Condamne l'agent judiciaire de l'Etat aux dépens, dont distraction au profit de la Scp Grapotte Benetreau,
Condamne l'agent judiciaire de l'Etat à payer à la Sa BPCE Lease Immo la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE