Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 27 JUIN 2022
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/17698 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYJZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2020 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/14718
APPELANTE
Association CERCLE NATIONAL DES COMBATTANTS
Domicilié 38 rue des Entrepreneurs
75015 PARIS
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jacques TREMOLET DE VILLERS de la SCP TREMOLET DE VILLERS SCHMITZ LE MAIGNAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0163
INTIMEE
S.A.S. LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS
Ayant son siège social 29 rue Léon Blum
42048 SAINT ETIENNE CEDEX 1
N° SIRET : 310 .880.315 immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Saint Etienne
Représentée par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Président.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, Président et par Madame Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
La société par actions simplifiée Location Automobiles Matériels (ci-après la société Locam) a pour activité la location et la location-bail de machines, équipements et biens matériels.
Le Cercle National des Combattants (ci-après le CNC) est une association constituée en application de la loi du 1er juillet 1901 ayant pour objet principal de perpétuer le souvenir des morts pour la France et de resserrer les liens entre anciens combattants.
Par acte sous seing privé en date du 23 janvier 2013, le CNC a souscrit auprès de la société Locam un contrat de location (n°1046192) portant sur un photocopieur Sharp MX 2314 NSF fourni par la société Lease Burotic pour une durée de 21 trimestres moyennant le paiement d'échéances trimestrielles de 693,90 euros HT, soit 829,90 euros TTC.
Le procès-verbal de livraison et de conformité a été signé le 23 janvier 2013 par le CNC et le 25 juillet 2013 par la société Lease Burotic.
Par acte sous seing privé en date du 23 novembre 2015, le CNC a souscrit auprès de la société Locam un contrat de location (n°1237599) portant sur un photocopieur Ricoh couleur MPC 2051 fourni et installé par la société Burotik'R pour une durée de 21 trimestres moyennant le paiement d'un loyer trimestriel de 825 euros HT, soit 990 euros TTC.
Le procès-verbal de livraison et de conformité a été signé le 14 janvier 2016 par le CNC et la société Burotik'R.
Le CNC ayant cessé de régler les loyers trimestriels à compter du 30 décembre 2017 s'agissant du contrat n°1237599, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 juillet 2018, la société Locam l'a mis en demeure de régler les loyers impayés pour un montant de 3.090,96 euros dans un délai de huit jours, précisant qu'à défaut de paiement dans le délai imparti, la créance deviendra immédiatement exigible en totalité, conformément aux clauses du contrat.
Les impayés n'ayant pas été régularisés, par acte d'huissier de justice en date du 6 novembre 2018, la société Locam a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris le CNC afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 15.691,46 euros au titre de contrat de location longue durée résilié et la restitution du matériel sous astreinte.
* * *
Vu le jugement prononcédu 5 mars 2020 par le le tribunal judiciaire de Paris qui a statué comme suit :
-Déboute l'association Cercle National des Combattants de ses demandes tendant à la résolution du contrat n° 1046192 conclu avec la société par actions simplifiée Location Automobiles Matériels pour défaut de délivrance du copieur et de restitution de la somme de 17.292,22 euros
-Déboute l'association Cercle National des Combattants de ses demandes tendant à la nullité du contrat n° 1237599 conclu avec la société par actions simplifiée Location Automobiles Matériels, à la résolution du contrat pour manquement au devoir de conseil et d'information par la société par actions simplifiée Locam et de restitution de la somme de 7.910 euros ;
-Constate la résiliation du contrat de location longue durée n°1237599 conclu entre l'association Cercle National des Combattants et la société par actions simplifiées Location Automobiles Matériels ;
-Ordonne la restitution par l'association Cercle National des Combattants à ses frais exclusifs à la société par actions simplifiées Location Automobiles Matériels du matériel faisant l'objet du contrat n° 1237599 du 23 novembre 2015 tel que listé dans ce contrat (copieur RICOH couleur MPC 2051), dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement et, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai ;
-Dit que l'astreinte court pendant un délai maximum de trois mois, à charge pour la société par actions simplifiée Location Automobiles Matériels, à défaut de restitution, de solliciter du juge de l'exécution, la liquidation de l'astreinte provisoire et le prononcé de l'astreinte définitive ;
-Condamne l'association Cercle National des Combattants à verser à la société par actions simplifiée Location Automobiles Matériels : la somme de 3.090,96 euros correspondant aux arriérés de loyers avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 16 juillet 2018 ; la somme de 309,10 euros correspondant à la clause pénale afférente aux arriérés de loyers, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2018 ; la somme de 9.076 euros correspondant à l'indemnité de résiliation et à la clause pénale y afférente après réduction, avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2018 ;
-Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil ;
-Déboute la société par actions simplifiées Location Automobiles Matériels de toutes demandes contraires ou plus amples ;
-Déboute l'association Cercle National des Combattants de toutes demandes contraires ou plus amples ;
-Condamne l'association Cercle National des Combattants à payer à la société par actions simplifiée Location Automobiles Matériels la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne l'association Cercle National des Combattants aux entiers dépens de la présente instance ;
-Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.
Vu l'appel déclaré le 7 décembre 2020 par l'association Cercle National des Combattants,
Vu les dernières conclusions signifiées le 8 mars 2021 par l'association Cercle National des Combattants,
Vu les dernières conclusions signifiées le 8 juin 2021 par la société Locam,
L'association Cercle National des Combattants demande à la cour de statuer comme suit :
Vu les articles 1171, 1121-1, 1231-1, 1231-5 et 1719 du code civil
-Réformer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal Judiciaire de Paris du 5 mars 2020
-Juger que le contrat Sharp MX 2314 NSF du 23 janvier 2013 et le contrat du 23 novembre 2015 litigieux sont nuls pour absence de cause ; juger, en outre, que le contrat du 23 novembre 2015 est nul pour dol ;
-Résoudre le contrat du 23 janvier 2013 pour inexécution du bailleur ;
Subsidiairement,
-Juger que la société Locam n'a pas exécuté ses devoirs de mise en garde et d'information précontractuels lors de la conclusion du contrat du 23 novembre 2015
En tout état de cause :
-Condamner la société Locam à rembourser au CNC les 7.910 euros payés au titre du contrat du 23 novembre 2015 ;
-Condamner la société Locam au remboursement des sommes versées au titre de la location du 23 janvier 2013, soit 17.292,22 euros ;
Infiniment subsidiairement,
-Juger que l'indemnité de résiliation requise par Locam est manifestement excessive, et la réduire à 0 euros ;
-Condamner la société Locam au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
La société Locam demande à la cour de stauer comme suit :
Vu les dispositions des articles 1134 ancien et 1343-2, 1116 ancien du code civil
-Dire la société Locam - Location Automobiles Matériels recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
-Au contraire, juger l'association Cercle National des Combattants CNC mal fondée en toutes ses demandes.
-Débouter l'association Cercle National des Combattants de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
En conséquence,
-Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant,
-Condamner l'association Cercle National des Combattants CNC au paiement de la
somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile.
-Condamner l'association Cercle National des Combattants CNC aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de maître Migaud pour les frais par lui exposés.
SUR CE, LA COUR
A) Sur la demande de nullité des contrats
Le CNC fait valoir, au visa de l'ancien article 1131 du code civil, que les contrats de location conclus en 2013 et en 2015 sont nuls pour absence de cause. Il estime avoir été escroqué au motif que la société Locam lui a fait signer deux contrats injustes et déséquilibrés portant sur un matériel facturé 10 fois son prix. Les contrats litigieux sont rédigés de manière à exonérer le bailleur de toute obligation à l'égard de son locataire, tout en maximisant son profit. Il en résulte que, ni la jouissance, ni le bon état de fonctionnement de la chose, ni sa conformité aux besoins du locataire ne sont garantis par le bailleur. En outre, la société Locam s'est rendue coupable de dol à l'occasion de la souscription du contrat du 23 novembre 2015. Le professionnel a un devoir de se renseigner, puis de conseiller opportunément le non-professionnel. En l'espèce, la société Locam est débitrice d'un devoir de conseil portant tant sur l'adéquation de la machine aux besoins du CNC, que sur l'opportunité financière de l'opération. Le CNC n'avait pas besoin d'une autre machine et n'aurait pas conclu s'il avait su que l'opération entraînerait la perte de son photocopieur et l'ajout d'une facturation supplémentaire et inutile sans reprise des anciens contrats. En lui faisant croire qu'elle allait reprendre les anciens contrats, la société Locam a commis des man'uvres dolosives devant entraîner la nullité du contrat.
La société Locam réplique que l'action en nullité est irrecevable au motif qu'elle est prescrite. Le premier contrat est conclu et le matériel livré le 23 janvier 2013. En l'espèce, la cause de l'obligation de paiement du loyer par le CNC est l'objet de l'obligation de la société Locam soit la mise à disposition. L'obligation du CNC était donc causée, de sorte que l'absence de livraison aurait été une inexécution et non un cas de nullité. Le CNC a attrait la société Locam par acte extrajudiciaire du 6 novembre 2018. Son action prescrite en application de l'article 2224 du code civil, l'appelant ayant eu connaissance de son droit prétendu à la nullité le jour du procès-verbal de livraison. En outre, l'exécution volontaire du contrat en entier par le CNC emporte renonciation aux moyens et exceptions qu'il invoque aujourd'hui conformément à l'article 1338 du code civil dans sa version applicable. S'agissant du contrat du 23 novembre 2015, il met à sa charge une contrepartie consistant à payer au fournisseur un matériel choisi par le locataire et à mettre à disposition ledit matériel pour le locataire. En l'espèce, elle a réglé le prix au fournisseur. Les clauses du contrat visent effectivement à la protéger du risque d'impayés. Le CNC ne rapporte aucune preuve des prétendues man'uvres dolosives. Par conséquent, il doit être déboutée de sa demande de nullité.
Ceci étant exposé :
a) Sur le contrat n° 1046192 conclu le 23 janvier 2013 ( matériel Sharp MX 2314 NSF)
Le point de départ de la demande de nullité pour dol pour absence de livraison a pris effet le 23 janvier 2013, date de livraison signé par le CNC puisque, à compter de cette date, le CNC a eu connaissance des conditions de la livraison dont elle soutient qu'elles sont assimilables à un défaut de livraison.
La société Locam est bien fondée à soutenir que cette demande est prescrite pour ne pas avoir été engagée dans les 5 années prévues à l'article 2224 du code civil .
Cette prescription vaut également pour le grief relatif au défaut d'exécution dudit contrat qualifié par l'appelant, en manquement à l'obligation de délivrance .
b) Sur le contrat n° 1237599 conclu le 23 novembre 2015 ( matériel Ricoh MPC 205)
Pour s'opposer à la demande de nullité pour dol la société Locam fait justement valoir que chaque partie se trouvait débitrice d'obligations spécifiques. La société Locam devait payer au fournisseur le matériel choisi par le locataire et justifie avoir règlé à ce titre la somme de 16 793,89 euros. Le matériel a par ailleurs été réceptionné par le CNC selon procès verbal du 14 janvier 2016. Le locataire devait payer les loyers et entretenir le matériel. Le CNC est donc infondé à soutenir que le contrat du 23 novembre 2015 serait nul pour absence de contrepartie correspondant , selon elle, à une absence de cause .
De plus des griefs sont invoqués à l'encontre du fournisseur, la société Burotik'R, qui n'est pas dans la cause .
Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'annulation des deux contrats .
B) Sur le grief relatif au manquement au devoir de conseil
Le CNC souligne que le crédit-bailleur doit s'informer sur la situation du crédit-preneur et le mettre en garde sous peine d'engager sa responsabilité pour soutien abusif crédit. Au cas présent, la société Locam aurait dû informer le CNC du fait que la souscription d'un nouveau contrat allait entraîner une surfacturation, sans reprise des anciennes facturations. L'article L650-1 du code de commerce n'est pas applicable dans les rapports entre un professionnel et un non-professionnel. Le président du CNC a signé en croyant légitimement obtenir la cessation des anciens prélèvements. L'inexécution, par la société Locam, de son obligation d'information et de conseil lui a causé un préjudice à hauteur des sommes payées.
La société Locam réplique qu'elle n'est pas le fournisseur du matériel. Il appartenait au CNC de vérifier l'adéquation du matériel avec ses besoins conformément à l'article 1 des conditions générales du contrat. La société Burotik R a récupéré et il n'y avait rien d'étonnant à ce que le CNC loue un nouveau photocopieur. La société Locam a rempli son devoir de conseil. En conséquence, l'appelant doit être débouté de sa demande.
Ceci étant exposé, les griefs du CNC concernant la reprise de son ancien matériel et l'inadaption du nouveau matériel concernent le fournisseur Burotik'R dont il a été ci dessus rappelé qu'il n'était pas dans la cause . De plus, ainsi que justement rappelé par les premiers juges , l'article 1 des conditions générales du contrat de location du 23 novembre 2015 stipule que ' le loueur mandate le locataire pour choisir le fournisseur, le type et la marque du bien répondant à sesbesoins.' .
Les griefs ainsi soulevés ont justement été écartés
C) Sur les autres demandes .
Le CNC soutient, au visa du nouvel article 1231-5 du code civil, que l'indemnité contractuelle prévue en cas de résiliation du contrat est manifestement excessive. La somme réclamée correspond à 14 fois le prix de la machine. Le bailleur n'a subi aucun préjudice d'autant que le CNC lui a invité à venir récupérer le matériel depuis 2008.
La société Locam réplique que le nouvel article 1231-5 du code civil n'est applicable, le contrat ayant été conclu en 2015. Le CNC avait pleinement connaissance des conséquences d'une résiliation anticipée telles qu'elles figurent à l'article 12 des conditions générales. L'indemnité prévue n'est pas manifestement excessive, de sorte que le CNC doit être débouté de sa demande.
Ceci étant exposé, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il condamné le CNC au paiement des sommes suivantes :
* mensualités échus impayées : 3 090,96 euros
* pénalités de 10%: 309,10 euros
* mensualités à échoir: 9 075 euros
* clause pénale : 1 euros
La clause pénale a été réduite en raison de son montant manifestement excessif. Le CNC est dés lors infondé à renouveler sa contestattion à ce titre .
Il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispostions .
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions;
CONDAMNE l'association Cercle National des Combattants à payer à la société par actions simplifiée Location Automobiles Matériels la somme complémentaire de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes;
CONDAMNE l'association Cercle National des Combattants aux dépens et accorde à maître Migaud, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
S.MOLLÉ E.LOOS