La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2022 | FRANCE | N°21/21374

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 juin 2022, 21/21374


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 23 JUIN 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21374 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZHJ



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Octobre 2021 -Président du TJ de [Localité 3] - RG n° 21/54982





APPELANTE



[Adresse 6], prise en la personne de ses représentants légaux domicilié

s en cette qualité audit siège



SARL Cabinet Stein La Copropriété

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISA...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 23 JUIN 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21374 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZHJ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Octobre 2021 -Président du TJ de [Localité 3] - RG n° 21/54982

APPELANTE

[Adresse 6], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SARL Cabinet Stein La Copropriété

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée par Me Catherine BEURTON, avocat au barreau de PARIS, toque : B1612

INTIMEES

Société SCI VOLTAIRE 220, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Sophie KOMBADJIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1564

S.A.R.L. SAVAGES TRAINING, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Guillaume VALAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J009

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mai 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, et Michèle CHOPIN, Conseillère chargée du rapport dont elle a donné lecture.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société civile immobilière Voltaire 220 est propriétaire de plusieurs lots en rez-de-chaussée (bâtiment E) d'un immeuble en copropriété sis [Adresse 6].

Ces locaux sont donnés à bail commercial à la société Savages Training qui y exploite une salle de sport.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] reproche à la société Savages Training d'avoir installé en toiture de ces locaux deux conduits de ventilation métalliques, sans autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, non conformes aux règles de l'art et débouchant en face de la fenêtre de la chambre de l'appartement appartenant aux consorts [T].

Par actes des 25 novembre et 8 décembre 2020, le syndicat des copropriétaires a fait assigner la société civile immobilière Voltaire 220 et la société Savages training devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir déposer ces deux conduits de ventilation, remettre en état la toiture et lui payer une provision pour trouble de jouissance.

Par ordonnance du 26 octobre 2021, le juge des référés a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes tendant à voir condamner la société civile immobilière Voltaire 220 et la société Savages Training à déposer les deux conduits de ventilation édifiés sur la toiture du local commercial du rez-de-chaussée et remettre en l'état la toiture, et sur la demande de provision pour trouble de jouissance ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires ;

- condamné les demandeurs au paiement des dépens.

Par déclaration du 6 décembre 2021, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 15 mars 2022, il demande à la cour, au visa des articles 960 et 961 du code de procédure civile, de l'article 809 du code de procédure civile et des articles 14, 15 et 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, de :

- déclarer irrecevables les conclusions de la société civile immobilière Voltaire 220, faute d'indication de son véritable siège social,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 26 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris et statuant à nouveau,

- dire et juger que l'implantation de deux conduits de ventilation sur la toiture de l'immeuble commercial en janvier 2019, sans autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 6], et à moins de 8 mètres d'une prise d'air neuf (fenêtre ou prise d'air mécanique), par la société Savages training, locataire de la société civile immobilière Voltaire 220, constitue un trouble manifestement illicite,

- débouter la société civile immobilière Voltaire 220 de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Savages Training de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum la société civile immobilière Voltaire 220 et la société Savages Training à déposer les deux conduits de ventilation illicites édifiés sans autorisation du syndicat des copropriétaires du [Adresse 6]) sur la toiture du local commercial du rez-de-chaussée (bâtiment E), et à reboucher la toiture percée pour ce faire, de façon à remettre la toiture en son état d'origine dans le respect des règles de l'art, et ce sous astreinte de 800 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la date de signification de l'arrêt à intervenir, l'astreinte courant jusqu'au constat de bonne fin des travaux de suppression des conduits illicites et de remise en état de la toiture selon les règles de l'art, par l'architecte du syndicat des copropriétaires, aux frais exclusifs et in solidum de la société civile immobilière Voltaire 220 et de la société Savages training ;

- condamner in solidum la société civile immobilière Voltaire 220 et la société Savages Training à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la société civile immobilière Voltaire 220 et la société Savages training aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] soutient que sa demande a été injustement écartée par le juge des référés parce qu'il avait refusé la mesure de médiation proposée avec insistance, alors que le trouble manifestement illicite qu'il subit est caractérisé par les éléments au dossier qui démontrent que l'assemblée générale du 3 novembre 2016 avait seulement autorisé la société Voltaire 220 à procéder à la réfection du toit, sans l'autoriser à poser des gaines d'extraction, lesquelles ont été posées sans autorisation préalable en 2019 et sont au surplus non conformes aux règles de l'art et génératrices d'un trouble de jouissance pour les consorts [T], copropriétaires dans l'immeuble, les conduits débouchant en face de la fenêtre de la chambre de leur appartement.

Il précise que selon le règlement de copropriété les couvertures des bâtiments sont des parties communes, que le bâtiment E est affecté de parties communes spéciales et de parties communes générales, qu'il prévoit que pour les dépenses d'entretien d'une partie à la charge de certains copropriétaires ou les dépenses de fonctionnement d'un élément d'équipement, seuls les copropriétaires intéressés prendront part au vote, que tout ce qui contribue à l'harmonie de l'ensemble ne pourra être modifié même s'il constitue une partie privée sans le consentement de l'assemblée générale, que dès lors que la pose et la dépose des conduits litigieux affectent la toiture, partie commune générale et ne constitue pas une dépense d'entretien sur laquelle seul le copropriétaire peut voter, la décision à leur sujet concerne à la fois des parties communes spéciales et des parties communes générales et appartient à l'ensemble des copropriétaires votant en assemblée générale.

Le syndicat des copropriétaires ajoute qu'une mise en demeure en date du 4 octobre 2019 puis l'assignation en référé ont dû être délivrées compte tenu du défaut de réaction des sociétés bailleresse et locataire ; qu'une assemblée générale s'est tenue le 4 mai 2021 à la demande de la société Savages Training qui a sommé le syndicat des copropriétaires et sa bailleresse d'entreprendre toute démarche utile au vote par les copropriétaires de travaux correspondant à une solution technique proposée, que lors de cette assemblée les copropriétaires ont conditionné l'autorisation des travaux sollicitée au retrait immédiat des deux conduits de ventilation litigieux et les quatre solutions techniques proposées par la SCI Voltaire 220 pour le compte de sa locataire ont été refusées compte tenu des réserves techniques émises par l'architecte de la copropriété présent lors de l'assemblée générale.

Le syndicat précise que la dépose des conduits n'empêcherait pas l'exploitation de la salle de sport de la société Savages training puisque celle-ci a fonctionné pendant près de trois ans sans les conduits de ventilation.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 29 janvier 2022, la société civile immobilière Voltaire 220 réitère sa proposition de médiation et demande à la cour de confirmer la décision rendue en toute ses dispositions et à titre subsidiaire, de condamner la société Savages training à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ; en toute hypothèse, de débouter le syndicat des copropriétaires et la société Savages training de toute demande formulée à son encontre et de condamner in solidum toute partie qui succombe à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société civile immobilière Voltaire 220 soutient qu'elle n'est pas à l'origine des travaux litigieux et qu'elle n'a pas donné son accord à sa locataire pour y procéder, qu'elle ne saurait être tenue à la dépose de l'installation qu'elle n'a pas personnellement effectuée alors en outre qu'elle est intervenue auprès de sa locataire pour y procéder et qu'elle a demandé au syndicat des copropriétaires la réunion d'une assemblée générale pour ratifier les travaux et se prononcer sur des solutions alternatives, qu'elle n'a ainsi commis aucune défaillance.

Elle ajoute qu'elle est propriétaire des lots 401, 402 et 403 constituant la totalité du bâtiment E et que l'installation litigieuse concerne la seule toiture du bâtiment E, partie commune spéciale, en sorte qu'elle seule aurait pu voter pour autoriser les travaux litigieux, le syndicat des copropriétaires étant ainsi mal fondé à se prévaloir d'un défaut d'autorisation.

Au soutien de son action en garantie contre sa locataire, elle fait valoir que cette dernière est seule fautive.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 12 avril 2022, la société Savages training demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

- rejeter toutes les demandes du syndicat des copropriétaires formulées au titre du trouble manifestement illicite ;

- subsidiairement, débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes de remise en état en raison de l'existence d'autres mesures possibles permettant de mettre un terme au litige et du caractère disproportionné d'une éventuelle condamnation à la remise en état pour la société Savages training, la privant ainsi de la possibilité d'exploiter le local conformément à l'objet du contrat de bail, une salle de sport,

A titre subsidiaire et en tout état de cause :

- condamner la société civile immobilière [Adresse 6] à garantir la société Savages training de toute condamnation et/ou astreinte prononcée à son encontre.

Elle soutient que :

- une médiation lui semble opportune,

- après la décision critiquée elle a saisi un bureau d'étude pour établir un état des lieux du système actuel de ventilation et réaliser un dossier d'exécution des travaux nécessaires, le syndicat des copropriétaires faisant toutefois obstruction à sa proposition de régularisation, la salle de sport qu'elle exploite étant manifestement mal perçue par la copropriété, des dégradations ayant été récemment commises ;

- les demandes du syndicat des copropriétaires sont irrecevables en ce qu'elles portent non sur des parties communes mais sur des parties communes spéciales dont la SCI Voltaire est l'unique propriétaire ;

- les conduits d'extraction d'air litigieux préexistaient à son entrée dans les lieux le 13 juillet 2016, l'action du syndicat des copropriétaires étant ainsi possiblement prescrite et se heurtant donc à une contestation sérieuse ;

- la remise en état telle que sollicitée par le syndicat des copropriétaires n'est pas la seule mesure possible et présenterait un effet disproportionné en ce qu'elle la priverait d'exploiter le local pendant une durée relativement longue, alors qu'il suffit pour mettre un terme au litige de permettre au preneur de réaliser les travaux de mise en conformité tels que soumis au vote de l'assemblée générale du 3 mai 2021 et que la situation de blocage actuelle n'est que le fruit de l'intransigeance des copropriétaires qui ont rejeté les quatre solutions techniques sans motif valable ;

- qu'elle ne saurait être tenue de garantir la société civile immobilière Voltaire 220, alors que dès septembre 2018 elle a avisé son bailleur, projet de travaux à l'appui, qu'elle envisageait d'installer des extracteurs d'air pour remédier au phénomène de condensation affectant sa salle de sport, que toutefois le bailleur n'a fait aucune diligence pour solliciter l'accord du syndicat des copropriétaires, qu'en outre il n'a été donné aucune suite à la solution technique qu'elle avait proposée avant même d'être mise en demeure par le syndicat des copropriétaires.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité des conclusions de la SCI Voltaire 220

Le syndicat des copropriétaires soulève l'irrecevabilité des conclusions de la SCI Voltaire 220 sur le fondement des articles 960 et 961 du code de procédure civile, exposant que ces conclusions ne mentionnent pas la véritable adresse de son siège social qui n'est pas le [Adresse 4] mais le [Adresse 2] ainsi qu'il a été déterminé par l'huissier justice qui n'est pas parvenu à signifier la déclaration d'appel et les conclusions d'appel au [Adresse 4], adresse pourtant déclarée par l'intimée.

La société [Adresse 5] n'a pas répondu à cette fin de non-recevoir.

Aux termes de l'article 960 du code de procédure civile (alinéa 2), l'acte de constitution d'avocat doit indiquer, si la partie est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

Selon l'article 961, les conclusions des parties ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article précédent n'ont pas été fournies. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats.

En l'espèce, il résulte de l'acte de signification de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelant que l'adresse du siège social de la société Voltaire 220 telle que déclarée par celle-ci dans tous les actes de procédure de première instance et d'appel ainsi que dans ses dernières conclusions, à savoir le [Adresse 4], n'est pas exacte puisque son siège social se situe en réalité au [Adresse 2] comme en attestent les diligences effectuées par l'huissier de justice.

Cette indication erronée sur les conclusions de l'intimée constitue une fin de non-recevoir en application des textes précités (qui n'est pas subordonnée à la démonstration d'un grief), et qui pouvait être régularisée jusqu'à l'ouverture des débats mais qui ne l'a pas été.

Il y a donc lieu de prononcer l'irrecevabilité des conclusions de la société Voltaire 220.

Sur la demande de médiation de la société Savages Training

Une mesure de médiation ne peut être ordonnée qu'avec l'accord des parties. Le syndicat des copropriétaires s'y opposant, il ne peut être fait droit à cette demande.

Sur le fond du référé

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Constitue un trouble manifestement illicite, pour un syndicat des copropriétaires, des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble réalisés par un copropriétaire ou son locataire sans autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires.

En l'espèce, il n'est pas discuté et résulte du procès-verbal de cette assemblée que si lors d'une assemblée générale des copropriétaires en date du 3 novembre 2016, la société Voltaire 220 a été autorisée à effectuer des travaux de réfection de la couverture de ses lots, ces travaux n'incluaient pas l'autorisation d'installer des extracteurs d'air sur la dite toiture.

Il n'est pas non plus contesté et résulte des photographies versées aux débats que se trouvent installés sur la toiture des lots de la société Voltaire 220, donnés à bail commercial à la société Savages training, deux conduits métalliques extracteurs d'air de la salle de sport exploitée par cette dernière dans les lieux loués, ces deux conduits se trouvant implantés en face d'une fenêtre de l'appartement de copropriétaires, les consorts [T].

Enfin, il n'est pas plus discuté que ces deux extracteurs ont été mis en place sans aucune autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, la société Savages training soutenant cependant que cette installation était déjà en place lorsqu'elle a pris les lieux à bail.

Cette affirmation apparaît toutefois mensongère puisqu'il résulte expressément d'un mail du gérant de la société Savages Training, en date du 15 février 2019, que les deux conduits litigieux ont été installés la première semaine de janvier 2019, et qu'il ressort tout aussi expressément du dossier de travaux établi par ladite société en vue de déplacer les deux conduits en cause que ceux-ci ont été installés en janvier 2019, étant rappelé que la société Savages training a signé son bail le 29 août 2016.

Aussi, il est incontestable que la société Savages training est bien l'auteur de l'installation litigieuse et que cette installation n'a donné lieu à aucune autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, alors qu'il incombait non seulement à la société Voltaire 220, en sa qualité de copropriétaire mais aussi à la société Savages training, en sa qualité de locataire également tenue au respect du règlement de copropriété, comme d'ailleurs son bail le rappelle expressément en son article 22, de solliciter et d'obtenir de l'assemblée générale des copropriétaires l'autorisation d'installer les conduits en toiture.

Il résulte en effet du règlement de copropriété que les couvertures des bâtiments sont des parties communes générales. L'installation litigieuse affectant cette partie commune de même que l'aspect extérieur de l'immeuble, elle aurait dû être autorisée par l'assemblée générale des copropriétaires en vertu de l'article 25 b) de la loi 65-557 du 10 juillet 1965.

C'est à tort que la société Savages training soutient que seule la société Voltaire 220 était habilitée à voter sur cette demande d'installation, alors qu'aux termes du règlement de copropriété ce sont les dépenses d'entretien et de fonctionnement d'un élément d'équipement qui sont soumis au vote des seuls propriétaires intéressés, et que l'installation en cause est soumise au vote de l'ensemble des copropriétaires dès lors qu'elle excède le simple entretien, affectant une partie commune générale ainsi que l'aspect extérieur de l'immeuble.

Le syndicat des copropriétaires est donc parfaitement recevable et fondé à voir cesser en référé le trouble manifestement illicite qu'il subit du fait de l'installation litigieuse non autorisée, ce trouble étant d'autant plus caractérisé que, d'une part, l'installation n'a pas été réalisée conformément aux règles de l'art selon les propres déclarations de l'entreprise de la société Savages training (l'entreprise Econovia), qui dans son devis du 13 janvier 2021 indique que "le rejet d'air doit normalement se trouver à plus de 8 mètres d'une prise d'air neuf (fenêtre ou prise d'air mécanique) ce qui n'est pas le cas actuellement", d'autre part, l'installation occasionne un trouble de jouissance au copropriétaire qui voit les conduits installés devant sa fenêtre.

Le trouble ne peut cesser que par la dépose de l'installation à bref délai, la circonstance que la société Savages training a constitué un dossier technique proposant des solutions alternatives qu'elle a soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires n'étant pas de nature à rendre disproportionnée la mesure d'enlèvement qui s'impose, alors que cette dépose ne constitue pas un obstacle à la poursuite de l'exploitation de la salle de sport de la société Savages training que celle-ci a exploitée sans les extracteurs jusqu'en janvier 2019, et qu'il lui revient de soumettre ses projets alternatifs à l'architecte de la copropriété en les adaptant aux préconisations de ce technicien à l'effet d'obtenir un vote favorable des copropriétaires, le refus qu'elle s'est vu opposer en 2021 résultant des réserves techniques que ledit architecte a émises lors de l'assemblée.

L'ordonnance sera par conséquent infirmée en toutes ses dispositions et les sociétés Voltaire 220 et Savages training condamnées in solidum à déposer les deux conduits illicites dans les conditions précisées au dispositif ci-après, et cela sous astreinte compte tenu de la résistance qu'elles ont opposée jusqu'alors.

Compte tenu de l'irrecevabilité des conclusions de la société Voltaire 220, il n'y a pas lieu de statuer sur l'action en garantie formée par celle-ci contre sa locataire.

La société Savages training n'est pas fondée à se voir garantie de la condamnation par son bailleur, alors qu'elle ne justifie pas avoir explicitement requis celui-ci aux fins d'être autorisée à effectuer l'installation litigieuse, le simple mail dont elle se prévaut en pièce 14, adressé en septembre 2018 au mandataire du bailleur, se limitant à faire état de son projet d'installation d'un système de ventilation complet afin d'assainir les locaux, sans plus de précision sur les travaux projetés et notamment leur emplacement ni demande expresse d'autorisation. Le fait d'avoir dès les premières demandes du syndic proposé une solution technique avant même d'avoir été mise en demeure n'est pas non plus de nature à l'exonérer de sa responsabilité, partagée avec le bailleur, d'avoir effectué son installation sans autorisation préalable de la copropriété.

La société Savages training sera donc déboutée de son action en garantie.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Parties perdantes, les sociétés Voltaire 220 et Savages training seront condamnées in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer au syndicat des copropriétaires, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 8.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les conclusions de la société Voltaire 220,

Dit n'y avoir lieu à médiation,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau :

Condamne in solidum la société Voltaire 220 et la société Savages training à déposer les deux conduits de ventilation installés en toiture du local commercial du rez-de-chaussée (bâtiment E) de l'immeuble sis [Adresse 6], et à remettre la toiture dans son état d'origine dans le respect des règles de l'art, cela dans le mois de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard courant jusqu'au constat de bonne fin des travaux de suppression et de remise en état par l'architecte de la copropriété (aux frais exclusifs des sociétés Voltaire 220 et Savages training), et courant en tout état de cause pendant une durée maximale de six mois,

Déboute la société Savages training de son action en garantie dirigée contre la société Voltaire 220,

Condamne in solidum la société Voltaire 220 et la société Savages training aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Condamne in solidum la société Voltaire 220 et la société Savages training à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] la somme de 8.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/21374
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.21374 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award