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23/06/2022 | FRANCE | N°21/20728

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 juin 2022, 21/20728


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 23 JUIN 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20728 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXP5



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Octobre 2021 -Président du TC de PARIS - RG n° 2021029738





APPELANTE



S.A.R.L. ZEINA ALLIANCES, prise en la personne de ses représentants lÃ

©gaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée par ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 23 JUIN 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20728 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXP5

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Octobre 2021 -Président du TC de PARIS - RG n° 2021029738

APPELANTE

S.A.R.L. ZEINA ALLIANCES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée par Me Hélène GILLIOT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1811

INTIMEE

S.A.S.U. CANAL + BRAND SOLUTIONS, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me Kathleen BANNET, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

S.E.L.A.R.L. FIDES, prise en la personne de Maître [I] [F], mandataire judiciaire ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.S. 6EME SENS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Défaillante, assignée en intervention forcée le 11.03.2022 à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mai 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport dont il a donné lecture, et Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 8 juin 2018, la société Zeina Alliances a mandaté la société 6ème Sens afin qu'elle effectue en son nom une campagne publicitaire, la société Canal + Brand Solutions intervenant en qualité de régie publicitaire.

Les spots publicitaires ont été diffusés entre le 27 juin et le 3 juillet 2018. Suite à cette diffusion, la société Canal + Brand Solutions a sollicité le règlement de ses prestations pour un montant total de 49.396,80 euros TTC, par envoi de deux factures à la société 6ème Sens, arrivant à échéance au 10 août 2018.

La société Zeina Alliances indique s'être acquitté du paiement de la somme de 61.055,00 euros TTC auprès de la société 6ème Sens en règlement des prestations effectuées par la société Canal+ par un virement effectué le 9 juillet 2018.

Toutefois, faute de paiement, la société Canal + Brand Solutions a relancé à plusieurs reprises les sociétés 6ème Sens et Zeina Alliances.

Par courrier officiel du 2 juin 2021, la société Zeina Alliances répondait à la société Canal + Brand Solutions en indiquant qu'elle avait déjà régle ces sommes auprès de la société 6ème Sens, et que par conséquent elle ne réglerait pas les montants réclamés.

La société 6ème Sens a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 19 novembre 2020.

Par acte du 24 juin 2021, la société Canal + Brand Solutions a fait assigner la société Zeina Alliances devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de :

- la recevoir et déclarer son action recevable ;

- condamner la société Zeina Alliances à payer à la société Canal + Brand Solutions la somme de 49.396,80 euros TTC au titre des factures impayées ;

- condamner la société Zeina Alliances à payer à la société Canal + Brand Solutions les frais de recouvrement de 40 euros par facture ainsi que les intérêts de retard échus à compter du 10 août 2018 à hauteur du taux d'intérêt appliqué parla Banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage ;

- condamner la société Zeina Alliances à payer à la société Canal + Brand Solutions la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Zeina Alliances aux entiers dépens de l'instance.

En réplique, la société Zeina Alliances a estimé qu'il n'y avait pas lieu à référé, subsidiairement qu'il y avait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge commissaire sur le relevé de forclusion, à titre reconventionnel que la société demanderesse devait être condamnée à lui verser la somme provisionnelle de 49.396,80 euros à titre de dommages et intérêts, outre 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 27 octobre 2021, le juge des référés a :

- condamné la société Zeina Alliances à régler à la société Canal + Brand Solutions la somme provisionnelle de 49.396,80 euros TTC, assortie des intérêts de retard au taux appliqué par la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points de pourcentage ;

- condamné la société Zeina Alliances à payer à la société Canal + Brand Solutions, par provision, la somme de 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

- débouté la société Zeina Alliances de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné la société Zeina Alliances à payer à la société Canal + Brand Solutions la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, débouté pour le surplus ;

- condamné en outre la société Zeina Alliances aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,94 euros TTC dont 6,78 euros de TVA.

Par déclaration du 26 novembre 2021, la société Zeina Alliances a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 9 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SARL Zeina Alliances demande à la cour, au visa des articles 123, 455, 458, 700, 799 et 803 du code de procédure civile, des articles 1104, 1147, 1217, 1231-1, 1343-5 du code civil, de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, de :

À titre principal,

- prononcer la nullité de l'ordonnance du tribunal de commerce de Paris du 27 octobre 2021 laquelle est nulle et de nul effet pour défaut de motivation ;

À titre subsidiaire,

- réformer l'ordonnance du tribunal de commerce de Paris du 27 octobre 2021 en ce qu'elle a :

condamné la société Zeina Alliances à payer à la société Canal + Brand Solutions la somme provisionnelle de 49.396,80 euros TTC, assortie des intérêts de retard au taux appliqué par la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points de pourcentage ;

condamné la Société Zeina Alliances à payer à la Société Canal + Brand Solutions, par provision, la somme de 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

débouté la Société Zeina Alliances de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

condamné la Société Zeina Alliances à payer à la Société Canal + Brand Solutions la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la Société Zeina Alliances aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,94 euros TTC dont 6,78euros de TVA ;

En tout état de cause statuant à nouveau,

À titre principal,

- dire n'y avoir lieu à référé ;

en conséquence,

- prononcer l'irrecevabilité de la société Canal + Brand Solutions en ses demandes, fins et conclusions et les rejeter ;

- débouter la société Canal + Brand Solutions de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

À titre subsidiaire,

- débouter la société Canal + Brand Solutions de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Si par extraordinaire, la cour de céans devant confirmer l'ordonnance du 27 octobre 2021 en ce qu'elle a condamné la société zeina alliances à payer la somme de 49.396,80 euros à la société canal + brand solutions,

À titre reconventionnel,

- condamner la société Canal + Brand Solutions à payer à la société Zeina Alliances, à titre de provision, la somme de 49.396,80 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

Si par extraordinaire, la cour de céans devait confirmer l'ordonnance du 27 octobre 2021 en ce qu'elle a condamné la société zeina alliances à payer la somme de 49.396,80 euros à la société canal + brand solutions et rejeter la demande formée par la société zeina alliances à titre reconventionnel,

- condamner la SELARL Fides, prise en la personne de Me [I] [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société 6ème Sens, à relever et garantir la société Zeina Alliances de toute condamnation ;

En conséquence, en cas de confirmation de l'ordonnance rendue le 27 octobre 2021,

- fixer la créance de la société Zeina Alliances au passif de la société 6ème Sens à la somme de 44.904,40 euros au titre de la facture n°PUG1800437 ;

- fixer la créance de la société Zeina Alliances au passif de la société 6ème Sens à la somme de 4.490,40 euros au titre de la facture n°HHM180223 ;

- fixer la créance de la société Zeina Alliances au passif de la société 6ème Sens à la somme de 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

- fixer la créance de la société Zeina Alliances au passif de la société 6ème Sens à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En toute hypothèse,

- condamner la société Canal + Brand Solutions à payer à la société Zeina Alliances la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Canal + Brand Solutions à payer à la société Zeina Alliances les entiers dépens.

La société Zeina Alliances soutient que :

- à titre principal, le jugement doit être annulé pour défaut de motivation, car il n'a pas répondu aux moyens développés par la société Zeina en première instance, en sus d'avoir fait droit à la demande de condamnation en paiement des factures sur des motifs contradictoires (en se fondant pour statuer sur des factures qui n'ont jamais été versées aux débats par la société Canal + Brand Solutions), et fait droit à la demande de condamnation sur des motifs manifestement inopérants, relevant d'un défaut de motivation ;

- à titre subsidiaire, l'ordonnance doit être réformée en ce qu'elle n'a pas examiné les contestations sérieuses soulevées par la société Zeina quant aux factures dont le paiement a été ordonné ; ainsi la société Canal + Brand Solutions ne dispose en réalité d'aucune action directe en paiement à son encontre car le paiement entre les mains de la société 6ème Sens est libératoire à son égard ; la société Canal + Brand Solutions a en outre violé les obligations de transparence et de loyauté que lui impose la loi "Sapin" à son égard ;

- à titre très subsidiaire, la réformation de l'ordonnance est justifiée en ce que d'une part la condamnation de Zeina Alliances au paiement de la somme de 49.396,80 euros est mal fondée car résultant d'une application erronée des textes applicables et d'autre part en ce qu'elle a condamné la société Zeina Alliances au versement de frais de recouvrement et intérêts légaux majorés alors même que celle-ci n'a pas reçu les factures au moment de leur établissement ; par ailleurs, l'ordonnance doit être réformée en ce qu'elle a condamné Zeina Alliances à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; enfin, l'ordonnance n'a pas examiné la demande formulée par la société Zeina Alliances de voir la société Canal + Brand solutions au versement de 49.396,80 euros à titre de dommages et intérêts, alors qu'elle lui a causé un dommage en ne lui envoyant pas les factures de ses prestations, et en se montrant déloyale à son égard ;

- enfin, à titre de réponse aux conclusions régularisées par la société Canal + Brand Solutions, la cour est bien saisie de la demande de nullité, la société Canal+ Brand Solutions faisant en outre une interprétation extensive de l'ordonnance, alors même que la société Zeina Alliances n'a jamais reçu les factures dont l'exécution lui est demandée.

Dans ses conclusions remises le 15 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Canal + Brand Solutions demande à la cour, au visa de l'article 873, al. 2 du code de procédure civile, des articles 455, 542, 908, 910-4 et 954 du code de procédure civile, des articles 20 et 21 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, de l'article 1154 du code civil, de :

- déclarer que la cour n'est saisie d'aucune prétention de la société Zeina Alliances portant sur la nullité de l'ordonnance rendue le 27 octobre 2021 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris ;

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 27 octobre 2021 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris ;

- débouter la société Zeina Alliances de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Zeina Alliances à payer à la société Canal + Brand Solutions la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Zeina Alliances aux entiers dépens de l'instance.

La société Canal + Brand Solutions soutient que :

- le paiement effectué par la société Zeina Alliances à la société 6ème Sens n'a pas d'effet libératoire à l'égard de la société Canal+ Brand Solutions, car la loi Sapin du 29 janvier 1993 impose la conclusion d'un contrat écrit de mandat entre l'annonceur et l'intermédiaire, en précisant que le vendeur communique directement sa facture à l'annonceur ;

- sur le grief de nullité de l'ordonnance de référé du 27 octobre, la prétention formulée par la société Zeina dans le dispositif de ses conclusions est irrecevable, car elle ne formulait pas véritablement de demande à ce sujet dans son "par ces motifs" dans ses premières écritures ; ainsi la demande, bien qu'ayant été reformulée par la suite dans ses écritures, ne pourra être examinée par la cour d'appel de Paris ;

- le juge des référés a parfaitement motivé son ordonnance, en retenant que la société Zeina Alliances devait être déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions ; en effet, l'obligation de motivation des décisions de justice ne s'entend pas comme une obligation de réponse détaillée à chaque argument ; en outre le juge des référés s'est légitimement fondé sur les documents produits pour faire droit à ses prétentions, il n'y a donc aucune contradiction à cet égard ; l'ordonnance est enfin parfaitement motivée, et n'encourt aucune nullité ;

- la demande formée par Zeina Alliances relative aux dommages et intérêts dus au titre de la mauvaise foi de Canal+ dans la transmission tardive de la situation d'impayés relève du fond du dossier, et échappe ainsi à la compétence du juge des référés ; toutefois elle précise sur ce point que Zeina Alliances a été mise en copie de la facture adressée le 29 novembre 2018 à la société 6ème Sens ; par ailleurs entre le paiement par Zeina à la société 6ème Sens des factures et la liquidation judiciaire de cette dernière il s'est écoulé un délai de deux ans et demi, au cours duquel la société Zeina Alliances a été relancée quatre fois par Canal + ;

- la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt de 2011 (Cass. Com. 4 oct. 2011, n°10-24.810) que l'absence de communication directe des factures à l'annonceur par le vendeur " n'a pas pour sanction la perte du droit à rémunération dont le vendeur est titulaire à l'encontre de l'annonceur" ;

- elle n'est pas débitrice d'un devoir d'information à l'égard de la société Zeina Alliances ; le fait que la société Zeina Alliances ne puisse plus solliciter de la société 6ème Sens le remboursement des sommes dues en raison de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ne saurait en aucun cas lui être imputable.

La SELARL Fides, prise en la personne de Me [I] [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société 6ème Sens, intervenante forcée selon assignation délivrée le 11 mars 2022 par l'appelante, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2022.

Postérieurement à cette date, le 26 avril 2022, la société Zeina Alliances a remis des conclusions récapitulatives n°2 contenant demande de révocation de clôture, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé.

SUR CE LA COUR

Sur la demande de révocation de la clôture et sur la recevabilité des écritures remises par l'appelante le 26 avril 2022

En application de l'article 803 du code de procédure civile applicable en cause d'appel, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Par ailleurs, il résulte de l'article 802 du même code qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

En l'espèce, l'ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2022.

La société appelante a pourtant remis au greffe des écritures postérieurement à cette date, le 26 avril 2022, faisant état de ce que la révocation de la clôture devrait être prononcée au motif que la société Canal + Brands Solutions a conclu et communiqué trois nouvelles pièces le 15 avril 2022, veille d'un week-end comprenant un jour férié.

Il sera toutefois observé que les trois nouvelles pièces communiquées par l'intimée le 15 avril 2022 sont, aux termes du bordereau :

- pièce n°14, une assignation en intervention forcée de la SELARL Fides en date du 11 mars 2022, pièce émanant de l'appelante elle-même ;

- pièce n°15, un courriel de Canal + à 6ème Sens et Zeina Alliances du 29 novembre 2018 de taille très limitée, comportant trois lignes et un tableau, déjà donc remis à l'appelante, et qui a pour unique objet une réponse à un message "Relance contentieux", étant observé qu'un courrier officiel du conseil de l'appelante du 2 juin 2021 mentionne déjà l'existence de ce courriel ;

- pièce n°16, un justificatif d'honoraires DDG Avocats, uniquement relatif aux frais de procédure.

En outre, les écritures de l'intimée du 15 avril 2022 comprennent des ajouts à la portée limitée, à savoir, outre quelques paragraphes dans la partie "faits et procédure", le rappel des sommes estimées dues et des compléments sur la jurisprudence applicable.

Le fond du litige, à savoir le caractère libératoire ou non des sommes versées à l'intermédiaire, est resté inchangé, l'intimée complétant ensuite sa réponse à la demande d'annulation de la décision du premier juge formée par l'appelante.

Il s'en déduit que l'intimée, en concluant le 15 avril 2022, soit cinq jours avant l'ordonnance de clôture, ce même avant un week-end prolongé, a mis en mesure l'appelante, si nécessaire, de répliquer, avant le 19 avril après-midi date de la clôture, alors que les moyens soulevés et que le fond du litige n'ont pas substantiellement évolué, les communications de pièces n'apportant aucun nouvel élément.

Dès lors, il n'existe pas de cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture, ce qui ne saurait ici résulter de la remise d'écritures et de trois pièces cinq jours avant la clôture.

En toute hypothèse, l'appelante ne sollicite pas le rejet des écritures et pièces de l'intimée, telles que remises le 15 avril 2022, avant la clôture.

Enfin, si l'article 799 du code de procédure civile prévoit que la date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries, cette règle n'est pas sanctionnée par la nullité et ne saurait justifier en elle-même la révocation de l'ordonnance de clôture.

Au demeurant, le délai fixé ici a été parfaitement raisonnable et le plus proche possible, puisque la clôture est intervenue le 19 avril 2022 et la date des plaidoiries fixée au 12 mai 2022.

Aussi, il sera dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 19 avril 2022, la cour devant dès lors écarter les écritures de l'appelante remises le 26 avril, soit postérieurement à la clôture.

Sur la demande de nullité de l'ordonnance

L'article 455 du code de procédure civile dispose que tout décision doit être motivée et l'article 458 du même code prévoit notamment que ce qui est prescrit par l'article 455 alinéa 1 doit être observé à peine de nullité.

En l'espèce, la SARL Zeina Alliances fait valoir à titre principal que la cour devrait prononcer la nullité de l'ordonnance dont appel, au motif d'un défaut de motivation.

Il sera d'abord observé que, contrairement à ce qu'indique Canal + Brand Solutions, la cour est bien saisie de cette demande formulée dès les premières écritures de l'appelante remises le 6 janvier 2022 en ces termes :

"dire et juger que l'ordonnance du tribunal de commerce de Paris du 27 octobre 2021 est nulle et de nul effet pour défaut de motivation".

La seule circonstance qu'ait été employée l'expression "dire et juger" ne permet pas pour autant de déduire que la prétention n'aurait pas été clairement formulée, étant observé que si l'emploi de cette expression peut procéder d'une maladresse de style, une juridiction, sauf exception, n'étant pas tenue de "constater" ou de "dire", il n'en demeure pas moins que le dispositif des premières écritures (modifié par la suite) ne souffrait ici d'aucune ambiguïté, la cour étant explicitement saisie d'une demande tendant à la nullité de l'ordonnance pour défaut de motivation.

Au surplus, il sera constaté que le premier juge a, en son dispositif, débouté la société Zeina Alliances de toutes ses demandes, fins et conclusions, rejetant ainsi toutes les demandes formées par celle-ci, en motivant la décision sur l'absence de toute contestation sérieuse, rappelant aussi spécifiquement la circonstance que 6ème Sens n'était pas dans la cause.

Le premier juge a ainsi estimé qu'il entrait bien dans ses pouvoirs de condamner provisionnellement l'appelante au règlement des sommes dues, faute du caractère libératoire du paiement à l'intermédiaire, ce en rejetant aussi implicitement la demande de sursis à statuer et la demande de condamnation formulée par Zeina Alliances.

En toute hypothèse, le défaut de réponse à une partie des moyens, notamment à propos de la possible condamnation provisionnelle de Canal + Brands Solutions, ne caractérise pas un défaut de motivation au sens de l'article 455 du code de procédure civile, ce d'autant qu'ici, sous couvert de demande de nullité, la société appelante critique en réalité la motivation retenue, notamment sur la question de fait de la transmission des factures par le vendeur à l'annonceur, sur la portée des dispositions de la loi du 20 janvier 1993 et sur l'interprétation de la jurisprudence applicable, soit une demande qui peut, éventuellement, justifier la réformation de la décision mais non sa nullité, la motivation du premier juge, réelle mais contestée, relevant désormais de l'appréciation de la cour en cause d'appel.

La demande de nullité sera rejetée.

Sur le fond du référé

L'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce statuant en référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En l'espèce, il sera relevé :

- que la société intimée produit deux factures du 1er juillet 2018 (pièces 4 et 5), au titre des prestations réalisées, pour un montant de 49.396,80 euros, ce à la suite de la campagne publicitaire réalisée au cours de l'été 2018, cette somme correspondant en outre à celle mentionnée dans le devis du 12 juin 2018 ;

- qu'en application de l'article 20 de la loi du 20 janvier 1993 régissant ce type de contrat, tout achat d'espace publicitaire, sur quelque support que ce soit, ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat ;

- que ce texte précise en outre que, même si les achats mentionnés ne sont pas payés directement par l'annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l'annonceur ;

- que l'article 21 précise que le mandataire ne peut ni recevoir d'autre paiement que celui qui lui est versé par son mandant pour la rémunération de l'exercice de son mandat ni aucune rémunération ou avantage quelconque de la part du vendeur ;

- que, contrairement à ce qu'indique la société appelante, et en application d'une jurisprudence constante, le paiement du prix de l'espace publicitaire par l'annonceur entre les mains de son mandataire n'est pas libératoire pour le mandant envers la régie publicitaire, le mandant demeurant responsable des actes de son mandataire vis-à-vis des tiers, notamment des éventuels impayés ;

- que, dès lors, le paiement effectué par Zeina Alliances auprès de 6ème Sens n'a pas pu être libératoire vis-à-vis de Canal + Brand Solutions ;

- qu'ainsi Zeina Alliances, en l'absence de versement de toute somme au vendeur, doit toujours à ce dernier la somme de 49.396,80 euros, ce avec l'évidence requise en référé ;

- que, dès le courriel du 29 novembre 2018, Canal + Brand Solutions faisait par ailleurs état des impayés de la société 6ème Sens s'agissant des factures, ce dont il résulte à la fois qu'à cette date, les factures du 1er juillet 2018, que la société appelante conteste avoir reçues, avaient été à l'évidence communiquées à l'annonceur et aussi que le vendeur a tenu informé l'annonceur de la défaillance de l'intermédiaire, de sorte que Canal + Brands Solutions conserve ainsi le droit d'agir directement contre l'annonceur ;

- que la supposée déloyauté de Canal + Brand Solutions, qui commanderait reconventionnellement de la condamner à verser à titre provisionnel la somme de 49.396,80 euros, n'est donc pas établie ;

- que c'est donc à juste titre que la société appelante a été condamnée à titre provisionnel à verser à la société Canal + Brand Solutions la somme de 49.396,80 euros avec les intérêts au taux légal tels que mentionnés, outre la somme de 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, ces sommes étant incontestablement dues au regard des obligations contractuelles respectives des parties ;

- que Zeina Alliances sollicite en outre la condamnation du liquidateur judiciaire de la société 6ème Sens à la garantir de toute condamnation, outre la fixation des créances au passif de la société ;

- qu'il sera d'abord observé que cette demande, relative en réalité à une créance de la société Zeina Alliances née antérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société 6ème Sens datant du 19 novembre 2020, puisque résultant du règlement direct effectué à l'intermédiaire, se heurte au principe d'interdiction des poursuites des actions tendant à voir condamner le débiteur au paiement d'une somme d'argent, pour les créances antérieures au jugement ;

- que le juge des référés, juge du provisoire, ne saurait non plus fixer des créances au passif de la société, une telle demande tendant à obtenir une décision définitive sur le montant et l'existence desdites créances, ce alors que l'instance en référé ne vise que l'obtention de condamnations provisionnelles.

Aussi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge, et de dire n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes.

La société appelante devra indemniser la société intimée pour ses frais non répétibles exposés à hauteur d'appel, et sera également condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ;

Déclare irrecevables les conclusions de la SARL Zeina Alliances remises le 26 avril 2022 ;

Rejette la demande de nullité de l'ordonnance formée par la SARL Zeina Alliances ;

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes des parties ;

Condamne la SARL Zeina Alliances à verser à la SASU Canal + Brand Solutions la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Zeina Alliances aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/20728
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.20728 ?
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