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23/06/2022 | FRANCE | N°21/20479

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 juin 2022, 21/20479


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 16 JUIN 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20479 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWZZ



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Octobre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/55782





APPELANTES



Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES



[Adresse 3]
>[Localité 7]



Société MMA IARD SA



[Adresse 3]

[Localité 7]



Représentées par Me Serge CONTI de la SELARL CONTI & SCEG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0253

Assistées par Me Emman...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 16 JUIN 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20479 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWZZ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Octobre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/55782

APPELANTES

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 3]

[Localité 7]

Société MMA IARD SA

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentées par Me Serge CONTI de la SELARL CONTI & SCEG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0253

Assistées par Me Emmanuelle DUBREY, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

M. [O] [S]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Laetitia WADIOU de la SELARL MODERE & ASSOCIES, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 41

Assisté par Me Alice GASNI, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DE PARIS

[Adresse 4]

[Localité 8]

Défaillante, signifiée le 3.12.2021 à personne morale

MUTUELLE VERTE

[Adresse 9]

[Localité 10]

Défaillante, signifiée le 3.12.2021 à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 23 janvier 2019, alors âgé de 23 ans, M. [S] circulait en cyclomoteur dans [Localité 8] lorsqu'il a été percuté par la voiture que conduisait Mme [E], assurée auprès de la compagnie MMA.

A la suite de cet accident, M. [S] a présenté une fracture ouverte de la jambe gauche traitée par ostéosynthèse, outre une plaie au genou gauche et des dermabrasions au pied gauche.

Par acte des 24 et 29 juin 2021, M. [S] a fait assigner la société MMA, la CPAM de [Localité 8] et la société Mutuelle verte devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :

- désigner un expert chargé d'évaluer les conséquences médico-légales de l'accident, d'autre part,

- condamner la société MMA au paiement d'une provision de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel, d'une provision ad litem de 2.000 euros et d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire du 11 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- reçu la société MMA IARD Assurances Mutuelles en son intervention volontaire ;

- ordonné une expertise médicale pour déterminer les causes et l'ampleur du préjudice subi par M. [S] suite à l'accident de la circulation dont il a été victime le 23 janvier 2019 ;

- désigné pour procéder à cette mesure d'instruction : M. [J] [F], docteur en médecine, chirurgien orthopédiste, expert près la cour d'appel de Paris, [Adresse 6], tél: [XXXXXXXX02] / [XXXXXXXX01], courriel : [Courriel 11] lequuel pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un technicien relevant d'une spécialité et de joindre au rapport l'avis ainsi recueilli, préalablement porté à la connaissance des parties pour leur permettre d'en discuter avant clôture des opérations d'expertise,

- la cour renvoyant à l'ordonnance rendue pour la mission,

- fixé à la somme de 1.200 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consigné par M. [S] à la régie d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Paris au plus tard le 31 janvier 2022 inclus, sauf prorogation expresse ;

- condamné la société MMA IARD Assurances Mutuelles à verser à M. [S] :

une provision de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive du préjudice corporel consécutif à l'accident dont il a été victime le 23 janvier 2019,

une provision pour frais de procédure dite ad litem de 2.000 euros,

la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MMA IARD Assurance Mutuelles aux entiers dépens ;

- déclaré la présente ordonnance commune à la CPAM de Paris et à la société La Mutuelle Verte ;

- rappelé que l'ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 24 novembre 2021, la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la société MMA Iard ont relevé appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 14 décembre 2021, la société MMA Aard Assurances Mutuelles et la société MMA IARD demandent à la cour, de :

- infirmer la décision rendue quant à la mission d'expertise confiée au Docteur [F], en ce que le juge a statué ultra petita, qu'il ne s'agit pas de la mission habituellement ordonnée par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris ni de la mission conseillée par le référentiel intercours, qu'elle comporte des éléments modifiant la définition de certains postes de préjudice établis dans la nomenclature [X] ou incluant une fragmentation de certains postes de préjudice non sollicités par la victime et n'ayant fait l'objet d'aucune publication dans des revues spécialisées médicales ou juridiques ni d'aucune discussion au cours de symposium médicaux ou juridiques,

Statuant à nouveau,

- donner au Docteur [F] une mission d'expertise conforme à la nomenclature [X], dans les termes suivants :

Contact avec la victime et les parties : Dans le respect des textes en vigueur, dans un délai minimum de 15 jours, informer par courrier la victime, de la date de l'examen médical auquel elle devra se présenter et convoquer les parties,

Dossier médical : Se faire communiquer par la victime ou son représentant légal tous documents médicaux relatifs à l'accident, en particulier le certificat médical initial, les comptes rendus d'hospitalisation, le dossier d'imagerie,

Situation personnelle et professionnelle : Prendre connaissance de l'identité de la victime ; fournir le maximum de renseignements sur son mode de vie, ses conditions d'activités professionnelles, son statut exact ; préciser, s'il s'agit d'un enfant, d'un étudiant ou d'un élève en formation professionnelle, son niveau scolaire, la nature de ses diplômes ou de sa formation ; s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, préciser son statut et/ou sa formation ;

Rappel des faits : A partir des déclarations de la victime (et de son entourage si nécessaire) et des documents médicaux fournis : Relater les circonstances de l'accident, décrire en détail les lésions initiales, les suites immédiates et leur évolution, décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsqu'elle a eu recours à une aide temporaire (matérielle ou humaine), imputable à l'accident à l'origine de l'expertise, en préciser la nature, la fréquence et la durée,

Soins avant consolidation correspondant aux dépens de santé actuelles (DSA) : Décrire tous les soins médicaux et paramédicaux mis en oeuvre jusqu'à la consolidation, en précisant leur imputabilité, leur nature, leur durée et en indiquant les dates exactes d'hospitalisation avec, pour chaque période, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés,

Lésions initiales et évolution : Dans le chapitre des commémoratifs et/ou celui des documents présentés, retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial, en préciser la date et l'origine et reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de leur évolution,

Examens complémentaires : Prendre connaissance des examens complémentaires produits et les interpréter,

Doléances : Recueillir et retranscrire dans leur entier les doléances exprimées par la victime (et par son entourage si nécessaire) en lui faisant préciser notamment les conditions, date d'apparition et importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle, ainsi que leurs conséquences sur sa vie quotidienne, familiale, sociale...

Antécédents en état antérieur : Dans le respect du code de déontologie médicale, interroger la victime sur ses antécédents médicaux, ne les rapporter et ne les discuter que s'ils constituent un état antérieur susceptible d'avoir une incidence sur les lésions, leur évolution et les séquelles présentées,

Examen clinique : Procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime. Retranscrire ces constatations dans le rapport,

Discussion : Analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité à l'accident des lésions initiales, de leur évolution et des séquelles en prenant en compte, notamment, les doléances de la victime et les données de l'examen clinique ; se prononcer sur le caractère direct et certain de cette imputabilité et indiquer l'incidence éventuelle d'un état antérieur,

Les gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire (DFT) : Que la victime exerce ou non une activité professionnelle : Prendre en considération toutes les gênes temporaires subies par la victime dans la réalisation de ses activités habituelles à la suite de l'accident , en préciser la nature et la durée (notamment hospitalisation, astreinte aux soins, difficultés dans la réalisation des tâches domestiques, privation temporaire des activités privées ou d'agrément auxquelles se livre habituellement ou spécifiquement la victime, retentissement sur la vie sexuelle), en discuter l'imputabilité à l'accident en fonction des lésions et de leur évolution et en préciser le caractère direct et certain, en évaluer le caractère total ou partiel en précisant la durée et la classe pour chaque période retenue,

Arrêt temporaire des activités professionnelles constitutif des pertes de gains professionnels actuels (PGPA) : En cas d'arrêt temporaire des activités professionnelles, en préciser la durée et les conditions de reprise. En discuter l'imputabilité à l'accident en fonction des lésions et de leurs évolutions rapportées à l'acitivité exercée,

Souffrances endurées : Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales liées à l'accident s'étendant de la date de celui-ci à la date de consolidation. Elles sont représentées par la douleur physique consécutive à la gravité des blessures, à leur évolution, à la nature, la durée et le nombre d'hospitalisation à l'intensité et au caractère astreignant des soins auxquels s'ajoutent les souffrances psychiques et morales représentées par les troubles et phénomènes émotionnels découlant de la situation engendrée par l'accident et que le médecin sait être habituellement liées à la nature des lésions et à leur évolution. Elles s'évaluent selon l'échelle habituelle de 7 degrés.

Dommage esthétique temporaire constitutif d'un préjudice esthétique temporaire (PET) : Dans certains cas, il peut exister un préjudice esthétique temporaire dissociable des souffrances endurées ou des gênes temporaires. Il correspond à l'altération de son apparence physique, certes temporaire mais aux conséquences personnelles très préjudiciables, liée à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers. Il convient alors d'en décrire la nature, la localisation, l'étendue et l'intensité et d'en déterminer la durée,

Consolidation : Fixer la date de consolidation, qui se définit comme le moment où les lésions se sont fixées et ont pris un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il devient possible d'apprécier l'existence éventuelle d'une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique.

Atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique (AIPP) constitutive du déficit fonctionnel permanent (DFP) : Décrire les séquelles imputables, fixer par référence à la dernière édition du Barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun, publié par le Concours médical, le taux éventuel résultant d'une ou plusieurs atteintes permanentes à l'intégrité physique et psychique (AIPP) persistant au moment de la consolidation, constitutif d'un déficit fonctionnel permanente (DFP). L'AIPP se définit comme la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant d'une atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable donc appréciable par un examen clinique approprié, complété par l'étude des examens complémentaires produits ; à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liés à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

Dommage esthétique constitutif du préjudice esthétique permanent (PEP) : Ce poste cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique de la victime notamment comme le fait de devoir se présenter avec une cicatrice permanente sur le visage. Ce préjudice a un caractère strictement personnel et il est en principe évalué par les experts selon une échelle de 1 à 7 (de très léger à très important). Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du dommage esthétique imputable à l'accident. L'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte physiologique déjà prise en compte au titre de l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique,

Répercussions des séquelles sur les activités professionnelles constitutives des pertes de gains professionnels futurs (PGPF), de l'incidence professionnelle (IP), d'un préjudice scolaire universitaire et de formation (PSUF) : En cas de répercussion dans l'exercice des activités professionnelles de la victime ou d'une modification de la formation prévue ou de son abandon (s'il s'agit d'un écolier, d'un étudiant ou d'un élève en cours de formation professionnelle), émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues. Se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif,

Répercussions des séquelles sur les activités d'agrément constitutives d'un préjudice d'agrément (PA) : En cas de répercussion dans l'exercice des activités spécifiques sportives ou de loisirs de la victime effectivement pratiquées antérieurement à l'accident, émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues. Se prononcer sur l'impossibilité de pratiquer l'activité, sur son caractère direct et certain et son aspect définitif,

Répercussions des séquelles sur les activités sexuelles constitutives d'un préjudice sexuel (PS) : En cas de répercussion dans la vie sexuelle de la victime, émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues. Se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif,

Soins médicaux après consolidation/frais futurs correspondant aux dépens de santé futures (DSF) : Se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, paramédicaux, d'appareillage ou de prothèse, nécessaires après consolidation pour éviter une aggravation de l'état séquellaire ; justifier l'imputabilité des soins à l'accident en cause en précisant s'il s'agit de frais occasionnels c'est-à-dire limités dans le temps ou de frais viagers, c'est-à-dire engagés la vie durant,

Conclusions : Conclure en rappelant la date de l'accident, la date et le lieu de l'examen, la date de consolidation et l'évaluation médico-légale retenue pour les points 12 à 19,

- confirmer l'ordonnance pour le surplus ;

- réserver les dépens.

La société MMA IARD assurances mutuelles et la société MMA IARD soutiennent en substance que :

- le juges des référés a statué ultra petita en ce qu'il a ordonné une mission spécifique qui n'est pas la mission classique habituelle ; notamment celle conseillée par le référentiel Intercours ;

- elle comporte des éléments modifiant la définition de certains postes de préjudice de la nomenclature [X] ;

- en outre, elle comporte une fragmentation de certains postes de préjudice, fragmentation qui n'a fait l'objet d'aucune publication dans des revues spécialisées médicales ou juridiques, ni d'aucune discussion au cours de sympsosium médicaux ou juridiques.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 10 janvier 2022, M. [S] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance de référé du 11 octobre 2021 ;

- débouter les sociétés MMA IARD et MMA IARD Mutuelle Assurances de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner les sociétés MMA IARD et MMA IARD Mutuelle Assurances à un montant de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [S] soutient en substance que :

- le juge détient un pouvoir souverain quant à la rédaction de la mission d'expertise ;

- les sociétés MMA IARD et MMA IARD Mutuelles Assurances ne démontrent pas dans la rédaction de la mission expertale dans l'ordonnance de référé du 11 octobre 2021 d'éléments susceptibles d'orienter l'expert vers une appréciation juridique ;

- les appelantes ne se fondent sur aucun texte à valeur normative obligeant le juge à modifier la rédaction de sa mission ;

- la nomenclature des préjudices proposée par le groupe de travail dirigé par [C] [X] et le référentiel intercours n'ont aucune valeur règlementaire.

La CPAM de Paris et la société Mutuelle Verte n'ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime c'est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

En l'espèce, les sociétés appelantes soutiennent en substance que la mission ordonnée par la décision attaquée ne correspond pas à la mission habituelle, la décision ordonnant une réécriture de la nomenclature dit "[X]".

Or, la cour rappelle à cet égard que le juge des référés est libre de choisir la mission donnée à l'expert et n'est pas tenu par les propositions des parties.

De même, la nomenclature dite "[X]" n'a pas de valeur normative et les juges ne sont donc pas tenus de s'y référer, pas plus qu'ils ne sont tenus d'utiliser les "trames" ou missions "types" qu'ils ont pu établir par le passé, s'agissant de simples outils d'aide à la décision et à la rédaction.

En outre, il résulte de l'article 246 du code de procédure civile que le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien, de sorte que le juge du fond éventuellement saisi ne sera pas lié par les conclusions de l'expert, quels que soient les termes de la mission.

Enfin, en application des articles 232 et 238 du même code, le technicien intervient pour éclairer le juge sur une question de fait qui requiert ses lumières et le technicien ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.

A la lumière de ces éléments, il appartient à la cour d'apprécier en droit et en fait l'opportunité et l'utilité des chefs de mission proposés, la cour rappelant que, nonobstant les propositions de mission formulées dans le dispositif des écritures des parties, elle demeure libre, en application de l'article 145 du code de procédure civile, de choisir les chefs de mission adaptés, étant au surplus observé que certaines propositions formulées au dispositif ne font l'objet d'aucun moyen dans la partie discussion, la cour n'étant tenue de n'examiner que les moyens invoqués dans la partie "discussion", ce en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur la consolidation

Il est critiqué la circonstance qu'il soit demandé à l'expert de préciser en l'absence de consolidation "les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision", ajout qui violerait les dispositions de l'article 238 dernier alinéa du code de procédure civile.

Cependant, l'objet de ce poste de mission ne concerne que l'allocation d'une éventuelle provision, la circonstance qu'une fourchette soit donnée par l'expert éventuellement remise en cause ensuite important peu, les parties étant à même par la suite de discuter de l'évaluation du dommage en ouverture de rapport.

Il n'est donc pas confié au technicien mission de se prononcer sur une appréciation d'ordre juridique, la mission devant dès lors être confirmée sur cette question.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Est critiquée la mission confiée à l'expert en ce qu'elle demande d'examiner, au titre du déficit fonctionnel temporaire, les périodes pendants lesquelles la victime a été dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles et, en cas d'incapacité partielle, de préciser le taux et la durée, de dire s'il a existé une atteinte temporaire aux activités d'agrément, de loisirs, aux activités sexuelles ou à toute autre activité spécifique personnelle (associative, politique, religieuse, conduite ou autres).

Est évoqué le risque d'un éclatement du déficit fonctionnel temporaire en plusieurs composantes, ce qui n'est pas prévu par la nomenclature [X], ainsi que le fait que la mission mettrait les médecins dans une position d'appréciation subjective et hors du champ de la médecine.

La mission arrêtée par le premier juge est cependant suffisamment claire et précise pour cantonner l'expertise aux chefs envisagés. Elle correspond en outre à une évaluation à caractère médical, in concreto, des besoins de la victime.

Elle ne peut non plus être considérée comme étant de nature à entraîner un risque d'éclatement du déficit fonctionnel temporaire, alors qu'en précisant les diverses composantes, la mission ne conduit pas à une indemnisation multiple de ce préjudice, étant observé que ces diverses composantes sont bien toutes explicitement rattachées au déficit fonctionnel temporaire.

Elle ne méconnaît ainsi pas le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime, de sorte que la mesure est légalement admissible, peu important l'application ou non de la nomenclature [X].

Il n'y a pas lieu à infirmation de ce chef.

Sur le déficit fonctionnel permanent

L'ordonnance prévoit sur ce point que l'expert devra :

"Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent ;

Dans l'affirmative, évaluer les trois composantes :

- l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles mentales ou psychiques en chiffrant son taux ;

- les douleurs subies après la consolidation en précisant leur fréquence et leur intensité en utilisant l'échelle d'intensité de 7 degrés ;

- l'atteinte à la qualité de vie de la victime en précisant son degré de gravité".

Les appelantes critiquent cette mission, soutenant que la décision entreprise viserait à créer trois nouveaux préjudices et donc le démultiplierait.

Seraient méconnus la juriprudence et le principe de réparation intégrale sans pertes ni profits.

Il est certes exact que le déficit fonctionnel permanent inclut la perte de qualité de vie ainsi que les souffrances endurées.

Cependant, en précisant les trois composantes du déficit fonctionnel permanent, la mission ne conduit pas à une double indemnisation de ce préjudice, soumis par la suite à la discussion contradictoire des parties.

Elle ne méconnaît donc pas le principe de réparation intégrale, se limitant à décomposer, sous un même chef de rubrique, ledit poste, la nomenclature "[X]" ne pouvant être opposée comme normative.

Il n'y a pas lieu à infirmation pour ce poste.

Sur le préjudice d'agrément

La mission demande notamment à l'expert "un avis du médecin sur la perte de chance de pouvoir pratiquer de nouvelles activités de sport ou de loisir".

Pour les appelantes, la perte de chance est une notion juridique et ce chef reviendrait à chercher l'indemnisation d'un risque incertain, ce qui est contraire au droit de la responsabilité.

S'il ne saurait être retenu une supposée contrariété à la nomenclature "[X]", un tel moyen étant inopérant en droit, la cour retiendra toutefois, comme le fait valoir à juste titre la compagnie d'assurance, que l'indemnisation ne saurait être évaluée pour un préjudice hypothétique, en l'absence d'une activité spécifique pratiquée antérieurement, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer la décision sur ce point dans les conditions indiquées ci-après.

Sur l'assistance par tierce personne avant et après consolidation

La mission est ainsi formulée dans l'ordonnance entreprise :

"Indiquer, le cas échéant, si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour accomplir les actes, notamment élaborés, de la vie quotidienne, pour sécuriser la victime et assurer sa dignité et sa citoyenneté ;

Dans l'affirmative, dire pour quels actes, et pendant quelle durée, l'aide d'une tierce personne a été ou est nécessaire ;

Evaluer le besoin d'assistance par une tierce personne, avant et après consolidation, en précisant en ce cas le nombre d'heures nécessaires, leur répartition sur 24 h et pour quels actes cette assistance est nécessaire".

Outre la non-conformité à la nomenclature "[X]", qui ne saurait être retenue comme un moyen d'infirmation du contenu de la mission, il est indiqué que la mission déconnecterait l'évaluation de la perte d'autonomie par rapport à l'environnement de la victime.

Cependant, il est demandé à l'expert d'examiner l'assistance d'un tiers étranger ou non à la famille, pour accomplir les actes de la vie quotidienne, et d'évaluer le besoin d'assistance par une tierce personne, avant ou après consolidation.

Ainsi, la mission confiée à l'expert, à l'évidence relative à la victime supposée des faits, tient compte de la situation d'espèce de la personne faisant l'objet de la mesure, ce sans déconnexion par rapport à son environnement, de sorte qu'il n'y a pas lieu à infirmation de ce chef.

Sur le préjudice d'établissement

La mission prévoit notamment de dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale, chef critiqué en appel en ce que cette demande échapperait à l'avis du médecin expert.

Il est indiqué en substance que l'indemnisation de ce chef pourrait se faire au visa des constats et conclusions du médecin relatives à l'importance des séquelles fonctionnelles de tout ordre, de sorte que ce chef de mission échapperait totalement à l'avis du technicien.

Cependant, force est d'abord de constater que l'examen des séquelles fonctionnelles n'invalide pas pour autant un examen, complémentaire, de la perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale.

Ce chef n'aboutit pas non plus à une délégation du pouvoir juridictionnel : la mission confiée à l'expert de donner un avis, par nature uniquement médical, sur une perte d'espoir ou de chance est une mesure légalement admissible et n'empêche pas la discussion juridique ultérieure, dans le cadre du débat contradictoire entre les parties, sur le fond de l'indemnisation.

Ainsi, il n'y a pas lieu à infirmation sur ce point.

Sur le poste incidence professionnelle

Les appelantes critiquent sur ce point qu'il soit confié à l'expert le soin d'apprécier notamment la "dévalorisation sur le marché du travail". Elles exposent qu'il s'agirait en réalité d'une appréciation juridique, d'ordre socio-économique, et non médicale.

Sur ce point, la mission confiée sera confirmée par la cour, étant observé qu'il ne peut être considéré qu'il s'agirait d'une appréciation relevant du pouvoir juridictionnel.

L'examen de la dévalorisation sur le marché du travail n'est en effet pas exclusif de toute lumière que pourrait apporter un technicien médical, l'appréciation de l'indemnisation du préjudice étant ensuite soumise à la discussion des parties, étant aussi observé qu'un avis médical peut être apporté sur la question de savoir si la situation est susceptible de générer des arrêts de travail réguliers et répétés.

Il n'y a donc pas lieu à infirmation sur ce point.

Ainsi, concernant le contenu de la mission, au regard de l'ensemble de ces éléments, et à l'exception du point "préjudice d'agrément ", il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise et de rejeter les demandes formées en cause d'appel, la mission du premier juge étant conforme aux dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, tant au regard du motif légitime allégué que du caractère légalement admissible des différents chefs de la mission.

L'ordonnance rendue sera également confirmée pour le surplus, qui n'est pas discuté.

Sur les autres demandes

Le sort des dépens et frais de première instance a été exactement réglé par le premier juge.

La cour n'a finalement infirmé la décision entreprise que très partiellement.

Ce qui est jugé en cause d'appel commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel et de condamner in solidum aux dépens d'appel les société MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, parties appelantes.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en son chef de dispositif relatif à la mission à la rubrique préjudice d'agrément ,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la mission de l'expert sera ainsi définie au point - Préjudice d'agrément, le reste de la mission étant sans changement :

"Décrire toute impossibilité ou gêne, fonctionnelle ou psychologique, dans l'exercice d'activités de sport ou de loisirs que la victime indique pratiquer ;

Donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette gêne, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation" ;

Rejette le surplus des demandes des parties ;

Condamne in solidum la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la société MMA IARD à payer à M. [S] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code d eprocédure civile en cause d'appel ;

Condamne in solidum la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la société MMA IARD aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/20479
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.20479 ?
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