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23/06/2022 | FRANCE | N°21/19742

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 juin 2022, 21/19742


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 23 JUIN 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19742 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVCL



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Août 2021 -Juge des contentieux de la protection de paris - RG n°11-21-1231





APPELANTE



Mme [H] [I] épouse [S]



[Adresse 3]


[Localité 4]



Représentée et assistée par Me Aude ABOUKHATER de l'AARPI HUG & ABOUKHATER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0031



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numér...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 23 JUIN 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19742 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVCL

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Août 2021 -Juge des contentieux de la protection de paris - RG n°11-21-1231

APPELANTE

Mme [H] [I] épouse [S]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Aude ABOUKHATER de l'AARPI HUG & ABOUKHATER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0031

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/044233 du 27/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

M. [T] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Philippe REZEAU de la SELARL QUANTUM IMMO, avocat au barreau de PARIS, toque : L158

Assisté par Me Louis DE MEAUX, avocat au barreau de PARIS

M. [E] [S]

Chez M. [W]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Défaillant, PV 659 en date du 02.12.2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mai 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport dont il a donné lecture, et Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RENDU PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 20 janvier 2009, M. [O] [U] a donné aux époux [S] un bail d'habitation portant sur un appartement sis [Adresse 3]. Le bail a été reconduit tacitement à compter du 20 janvier 2012.

Le 11 mai 2020, M. [U] leur a fait délivrer un congé pour reprise, au profit de M. [C] [P], son petit-fils, à effet du 19 janvier 2021.

Par acte du 27 avril 2021, M. [U] a fait assigner M. et Mme [S] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :

- dire valable le congé pour reprise délivré le 11 mai 2020, à effet du 19 janvier 2021 ;

- les dire occupants sans droit ni titre, depuis le 20 janvier 2021, des lieux situés : [Adresse 3], qui avaient été donnés à bail aux consorts [S], le 20 janvier 2009, prononcer leur expulsion et celle de tous occupants de leur chef ;

- les condamner solidairement à payer 25.557,64 euros de loyers, charges et indemnités d'occupation, avril 2021 inclus, une indemnité d'occupation mensuelle, égale au loyer majoré des charges, ainsi que 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [S], seule comparante à l'audience, a en substance fait valoir que le bail produit n'a jamais été signé par elle, contestant en outre les sommes réclamées et sollicitant subsidiairement des délais.

Par ordonnance réputée contradictoire du 13 août 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, a :

- déclaré valable le congé délivré le 11 mai 2020, à effet du 19 janvier 2021, par M. [U] aux époux [S] ;

- constaté que ce congé a mis fin à le 19 janvier 2021 au bail conclu le 20 janvier 2009 pour le logement situé au [Adresse 3] ;

- condamné solidairement M. et Mme [S] à payer à M. [U], à compter du 20 janvier 2021, une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré des charges et accessoires qui auraient été dus si le bail n'avait pas été résilié (indexation annuelle incluse) et ce, jusqu'au départ effectif des lieux de tout bien, de toute personne et jusqu'à la remise des clés ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de 16.898,46 euros ;

- condamné solidairement les consorts [S] à payer à M. [U] la provision de 8.659,18 euros sur les loyers, charges et indemnités d'occupation impayées, à la date du 23 avril 2021 (avril 2021 inclus) ;

- ordonné l'expulsion, au besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier, des époux [S], comme celle de tous occupants de leur chef, des lieux situés au [Adresse 3], deux mois après la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions de l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, sans astreinte ;

- dit que les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants du même code ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de Mme [S], en paiement de 10.000 euros en réparation du préjudice causé ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de délais de paiement, formée par Mme [S] ;

- condamné solidairement les époux [S] à payer 900 euros à M. [U] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement les époux [S] aux dépens.

Par déclaration du 12 novembre 2021, Mme [I] épouse [S] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises le 14 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [S] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 et notamment l'article 15, des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de :

- révoquer la clôture ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 13 août 2021 en ce qu'elle a :

déclaré valable le congé délivré le 11 mai 2020 à effet du 19 janvier 2021 ;

condamné solidairement Mme [S] et M. [S] à payer à M. [U] à compter du 20 janvier 2021 une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré des charges et accessoires qui auraient été dus si le bail n'avait pas été résilié (indexation incluse) et ce jusqu'au départ effectif des lieux ;

condamné solidairement Mme [S] et M. [S] à payer à M. [U] la provision de 8.659,18 euros sur les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés à la date du 23 avril 2021 ;

ordonné l'expulsion de Mme et M. [S] ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de 10.000 euros en réparation du préjudice causé ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de délais de paiement ;

condamné Mme et M. [S] au paiement de 900 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de validation du congé pour reprise ;

- ordonner la compensation entre la dette locative de Mme [S] et sa créance au titre du trop perçu ;

À titre subsidiaire,

- dire qu'il existe une contestation sérieuse quant à la validité du congé ;

- rejeter les demandes de M. [U] ;

- accorder à Mme [S] des délais de paiement pendant 36 mois ;

- fixer la provision à valoir sur l'indemnité d'occupation à la somme de 800 euros ;

- accorder à Mme [S] 36 mois pour quitter les lieux ;

En tout état de cause,

- dire que l'équité commande que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles et dépens.

Mme [S] soutient que :

- à titre liminaire, sur la révocation de la clôture, elle s'en remet à justice, en soulignant qu'elle souhaiterait conclure à nouveau si celle-ci devait être prononcée ;

- le juge des référés n'a pas le pouvoir de statuer en référé pour valider un congé, car, dès avant la loi ALUR, ce contrôle échappait déjà à l'évidence ;

- la validité du congé fait l'objet de contestations sérieuses en ce que Mme [S] conteste la signature apposée par elle sur le contrat de bail et conteste l'assertion selon laquelle elle aurait manqué de payer ses loyers ;

- ainsi, dès lors que le bail fait l'objet de contestations, l'échéance du congé, qui dépend de la date dudit bail, fait également l'objet d'une contestation sérieuse ; en outre il existe bien une contestation sérieuse quant à la validité du congé au regard de son bénéficiaire, M. [U] ne justifiant en aucun cas son lien de parenté avec M. [P], repreneur du bail ;

- la provision établie par le juge des référés pour un montant de 8.659,18 euros doit être infirmée en ce qu'elle a été calculée en se fondant sur un bail falsifié, le véritable montant du loyer étant de 800 euros, et non de 930 euros ; par ailleurs, la régularisation des charges dont se prévaut M. [U] n'a été régularisée qu'en 2020 auprès de Mme [S], ainsi elle ne lui est opposable qu'à compter de cette date ; ainsi la créance de M. [U] ne saurait être supérieure à 16.418,44 euros ;

- en cas de validation du congé, la provision à valoir sur l'indemnité d'occupation devrait être fixée à la somme de 800 euros, et Mme [S], souffrant d'importants problèmes de santé, devrait se voir accordée un délai pour quitter les lieux.

Dans ses dernières conclusions remises le 15 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [U] demande à la cour, au visa de l'article 834 du code de procédure civile, de :

- déclarer Mme [S] irrecevable et mal fondée en son appel ;

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance en toute ses dispositions ;

Y ajoutant,

- condamner Mme [S] au paiement d'une somme provisionnelle de 20.929,20 euros au titre des loyers, charges et indemnité d'occupation arrêtées au 8 mars 2022 ;

- condamner Mme [S] au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [S] aux entiers dépens comprenant notamment le timbre fiscal de 225 euros.

M. [U] soutient que :

- le juge des référés peut valider un congé dès lors que cette validation ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; or en l'espèce, s'agissant d'un congé pour reprise pour habiter, le contrôle du juge se limite à la réalité de la reprise ; toutefois même si la légitimité de cette reprise devait être examinée par le juge, il ne fait aucun doute que l'installation du petit-fils du propriétaire dans les lieux est un motif parfaitement légitime ;

- les contestations soulevées ne revêtent aucun caractère sérieux, car Mme [S] n'a jamais auparavant dénié son écriture, alors même que la signature figurant au bas du bail est manifestement la même que celle apposée sur les statuts de sa société Paris Building [S] ;

- M. [U] a produit le livret de famille de M. [P] dont il résulte que celui-ci est effectivement son petit-fils ;

- les contestations soulevées par Mme [S] relatives aux sommes mises à sa charge dans la décision de première instance sont dénuées de sérieux ;

- Mme [S] ne saurait se prévaloir de ses propres fautes pour obtenir un délai de paiement, étant observé qu'elle ne serait de toute manière pas en mesure de tenir les délais qui pourraient lui être octroyés.

M. [S] n'a pas constitué avocat.

SUR CE LA COUR

Sur la demande de révocation de la clôture et sur la recevabilité des écritures remises par l'appelante le 14 mars 2022

En application de l'article 803 du code de procédure civile applicable en cause d'appel, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Par ailleurs, il résulte de l'article 802 du même code qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

En l'espèce, l'ordonnance de clôture du 8 mars 2022 a été révoquée, le président de la chambre ayant par la suite à nouveau ordonné la clôture le 19 avril 2022.

Il s'en suit que la demande de révocation est devenue sans objet, les écritures des parties respectivement remises les 14 et 15 mars 2022 étant parfaitement recevables.

Sur le fond du référé

Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'alinéa 2 précise que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite ici visé s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble est ainsi de nature à constituer un trouble manifestement illicite, ou, à tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.

En l'espèce, il y a lieu de relever :

- que, par acte délivré le 11 mai 2020, le bailleur a fait délivrer un congé motivé sur une reprise au profit de son petit-fils, M. [C] [P], à effet du 19 janvier 2021 (pièce 4 intimé) ;

- que le juge des référés, juge du provisoire et de l'évidence, ne dispose pas du pouvoir de "valider" ou d' "annuler" un congé délivré par un bailleur, une telle décision, par son caractère définitif, relevant de l'appréciation des juges du fond ; que, si les dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, modifiées par la loi du 24 mars 2014, disposent désormais qu'en cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée, une telle prérogative relève nécessairement des juges saisis du fond du litige ;

- que, dès lors, la décision du premier juge, en ce qu'elle a "déclaré valable le congé", ne pourra qu'être infirmée, une telle mesure ne relevant pas des pouvoirs du juge des référés ;

- que, cependant, le juge des référés peut toujours, nonobstant les dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 précitées, examiner si, avec l'évidence requise en référé, un locataire est devenu occupant sans droit ni titre à la suite d'un congé du bailleur, à la condition que les contestations élevées sur le congé ne le conduisent pas à constater l'existence de contestations sérieuses ou d'un trouble qui ne serait pas "manifestement illicite" ;

- qu'il y a donc bien lieu de statuer sur l'occupation sans droit ni titre alléguée, en examinant la pertinence des contestations élevées ;

- qu'ici, l'appelante argue de ce que le bail mentionné dans le congé, à savoir un bail conclu le 20 janvier 2009 pour un loyer de 930 euros hors charges, ne correspondrait pas au bail qu'elle a signé, Mme [S] produisant à cet égard un autre bail, signé le 1er mai 2011, pour un loyer de 760 euros hors charges avec 40 euros de provision (sa pièce 1) ;

- qu'il sera rappelé que Mme [S] indique occuper le logement depuis 2004, en vertu d'un bail verbal ;

- que le bail produit par l'intimé (pièce 2), datant de 2009, porte la même signature que celle du bail produit par l'appelante, cette signature, précédée de la mention "lu et approuvé" apparaissant d'ailleurs tout aussi identique sur les actes relatifs à une SCI signés par l'appelante, comme le fait valoir à juste titre l'intimé (pièce 18) ;

- que, cependant, le bail de 2011, qui lui est postérieur et a pu donc modifier la situation juridique des parties, comporte lui aussi la même signature pour le locataire, la pièce produite par l'appelante comportant en outre bien la signature du bailleur ;

- qu'il sera observé que les circonstances que bailleur et locataire aient inversé la place de leurs signatures sur le bail du 1er mai 2011, que ce bail ne comporte pas toujours la même typographie ou encore qu'il manque des mentions sur l'indexation ne permettent pas, pour autant, de dénier toute portée à ce document, peu important aussi que ce bail ne comporte pas la mention "lu et approuvé" dont il n'apparaît pas qu'elle soit une condition de validité de cet acte ;

- que l'appelante observe tout aussi valablement que M. [U] a pu lui donner des quittances de loyer pour la somme de 800 euros, soit la somme due en application du bail du 1er mai 2011 (pièces 4 et 16), ses relevés de compte montrant qu'elle réglait la somme de 800 euros par mois (pièces 7 à 9, 17 et 24), M. [S] n'ayant commencé à réclamer un loyer de 950 euros que bien après, à compter de février 2018 (pièce 5) ;

- que de plus, si la somme versée de fait par la locataire pourrait ne correspondre qu'à un paiement partiel, il n'en demeure pas moins que l'appelante justifie avoir versé une somme correspondant parfaitement au bail du 1er mai 2011, sans réclamation sur ce point du bailleur pendant des années, ce qui est de nature à accréditer le fait que le bail de 2011 a pu constituer la loi des parties ;

- qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, subsiste un doute très sérieux sur le bail qu'il convient de prendre en compte, soit celui du 20 janvier 2009, soit celui du 1er mai 2011, de sorte que Mme [S] fait valablement état d'une contestation sérieuse quant au congé délivré, ou qu'à tout le moins son obligation de quitter les lieux est sérieusement contestable, étant rappelé que la date d'échéance diffère selon les deux baux et a donc un effet sur l'appréciation de la régularité du congé comme ayant été délivré à bonne date ou pas ;

- que ces questions relèvent, en tout cas, de l'appréciation des juges du fond, l'absence d'évidence quant au congé ne permettant pas au juge des référés de statuer ;

- qu'il sera donc, par infirmation de la décision, dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en expulsion avec toutes conséquences de droit ;

- que, s'agissant des sommes dues, il y a lieu de rappeler que le juge des référés ne peut condamner provisionnellement la locataire qu'à la hauteur des sommes incontestablement dues, ce en application des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile ;

- que M. [U] sollicite à hauteur d'appel la condamnation de Mme [S] à lui régler la somme provisionnelle de 20.929,20 euros, produisant à cet égard un décompte arrêté au 8 mars 2022 (pièce 20), indiquant qu'il ne réclame plus comme en première instance une somme de 16.287,63 euros litigieuse ;

- que, pour les motifs déjà évoqués ci-avant, il convient de retenir que le loyer contractuel doit être apprécié, en référé, à sa hauteur non contestée, soit ici 760 euros outre 40 euros de provision sur charges, somme qui correspond à la somme la plus faible portée sur les deux baux en cause faisant l'objet d'un litige entre les parties, peu important l'erreur matérielle ayant pu affecter les écritures de l'appelante mentionnant à tort 750 euros outre 50 euros de provision sur charges ;

- que, dès lors, Mme [S] sollicite à juste titre que la somme réclamée soit réduite de 130 euros X 24 mois, soit une diminution de 3.120 euros ;

- que l'appelante observe tout aussi valablement, eu égard aux relevés de charges 2018, 2019 et 2020 (pièces 21 à 23) que les provisions appelées ont porté sur un montant total de 6.245,37 euros, tandis que les charges locatives ont été effectivement d'un montant respectif de 1.503,01 euros (2018), 2.314,47 euros (2019) et 1.407,89 euros (2020), de sorte qu'il convient encore de déduire 1.020 euros ;

- que la locataire entend se prévaloir de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, aux termes duquel, lorsque la régularisation des charges n'a pas été effectuée avant le terme de l'année civile suivant l'année de leur exigibilité, le paiement par le locataire est effectué par douzième s'il en fait la demande, s'agissant du relevé de charges 2018 (pièce 21 correspondant à la période de juillet 2017 à juin 2018), relevant sans être contestée que la régularisation n'est intervenue qu'en juillet 2020 ;

- que la locataire peut ainsi solliciter que la régularisation de 1.263,01 euros du décompte à ce titre soit réglée par mensualités de 105,25 euros, ce qui aboutit à diminuer la somme réclamée de 1.263,01 euros en n'ajoutant en l'état qu'une mensualité de 105,25 euros ;

- que l'imputation de frais pour 97 euros ("fact joint silicon douche", "fact joint bi composant douche") et pour deux fois 8 euros (frais de chèque impayé) n'est pas justifiée, le décompte étant insuffisant à constituer une telle justification, le bailleur pouvant là encore se voir opposer une contestation sérieuse ;

- qu'il s'en déduit que la hauteur non contestable de l'obligation de paiement de Mme [S] s'établit à 20.929,20 - 3.120 - 1.020 - 1.263,01 + 105,25 - 97 - 16, soit 15.518,44 euros ;

- qu'en revanche, Mme [S] ne saurait au surplus alléguer de ce qu'elle pourrait à l'évidence récupérer la totalité d'un trop perçu à titre de provision sur charges depuis l'origine du bail jusqu'en juillet 2017, faute de toute régularisation avant juillet 2020, dès lors qu'elle ne justifie pas de l'intégralité des sommes versées à ce titre, la date d'origine du bail étant d'ailleurs particulièrement sujette à litige.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'infirmer la décision entreprise, sauf sur le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.

Statuant à nouveau, la cour condamnera Mme [S] à verser à titre provisionnel à M. [U] la somme de 15.518,44 euros au titre de l'arriéré incontestablement dû.

Sont sollicités en outre des délais de paiement pour le règlement de la dette.

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. De telles mesures suspendent les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier.

Selon l'article 24-V de la loi du 6 juillet 1989, le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation à l'article 1343-5 alinéa 1er du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Ici, Mme [S] perçoit l'allocation adulte handicapé à hauteur de 902,71 euros (pièce 12) et justifie subir un traitement chimiothérapique et radiothérapique.

Elle précise que sa soeur, au revenu de 1.200 euros par mois, est en mesure de participer aux charges supportées.

Sa situation justifie l'octroi de délais dans les conditions indiquées au dispositif, le droit du créancier commandant cependant une réduction à de plus justes proportions des délais qui seront limités à 24 mois, étant rappelé que l'absence de respect de l'échéancier rendra la somme exigible.

Ce qui est jugé en cause d'appel commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, chaque partie conservant la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Constate que la demande de révocation de l'ordonnance de clôture est devenue sans objet ;

Infirme l'ordonnance entreprise sauf sur le sort des dépens et frais de première instance ;

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [H] [I] épouse [S] à verser à titre provisionnel à M. [T] [U] la somme de 15.518,44 euros au titre de l'arriéré, somme arrêtée au 8 mars 2022 ;

Accorde à Mme [H] [I] épouse [S] un délai de 24 mois pour s'acquitter des sommes dues et dit qu'elle pourra ainsi s'acquitter des sommes en 24 mensualités, en réglant 23 mensualités de 645 euros et le solde à la 24ème mensualité, la première échéance intervenant le mois suivant la date de signification du présent arrêt, faute de quoi le tout deviendra exigible ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/19742
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.19742 ?
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