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23/06/2022 | FRANCE | N°21/169397

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 23 juin 2022, 21/169397


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16939 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEMLZ

Décision déférée à la cour :
jugement du 30 juillet 2021-juge de l'exécution de CRÉTEIL-RG no 21/04266

APPELANT

Monsieur [D] [K] [F]
[Adresse 1]
[Localité 9]

Représentés par Me Karine COHEN de l'AARPI ARKARA, avocat au barreau de PA

RIS, toque : P418 et Me Olivier GEDIN de l'AARPI ARKARA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0418

INTIMÉES

SARL ADREMIS CONSEIL
[Adresse 2...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16939 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEMLZ

Décision déférée à la cour :
jugement du 30 juillet 2021-juge de l'exécution de CRÉTEIL-RG no 21/04266

APPELANT

Monsieur [D] [K] [F]
[Adresse 1]
[Localité 9]

Représentés par Me Karine COHEN de l'AARPI ARKARA, avocat au barreau de PARIS, toque : P418 et Me Olivier GEDIN de l'AARPI ARKARA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0418

INTIMÉES

SARL ADREMIS CONSEIL
[Adresse 2]
[Localité 8]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Plaidant par Me Jordan ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS

SAS H INVESTISSEMENTS ET CONSEILS
[Adresse 3]
[Localité 7]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Plaidant par Me Jordan ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS

SAS PLÉIADE et CIE
[Adresse 4]
[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Plaidant par Me Jordan ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Monsieur Christophe BACONNIER, président de chambre
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****La SCCV Les terrasses d'Aulnay (ci-après dénommée "la SCCV LTA") est une société civile de construction-vente constituée en 2016 aux fins de réaliser la construction et de procéder à la vente d'un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 5].

Le terrain sur lequel les immeubles ont été érigés a été acquis par la société Novellus promotion, associée fondatrice et gérante de la SCCV LTA, gérée par M. [D] [K] [F].

Trois investisseurs sont intervenus dans le cadre de cette opération immobilière : les sociétés H investissements et conseils, Nobis (composée de 19 associés dont la société Pléiade et Compagnie, son associée-gérante) et Adremis conseil.

Le 25 mars 2016, un pacte d'associés entre la société Novellus promotion et les sociétés d'investissement a été conclu afin notamment d'attribuer aux investisseurs leur part du bénéfice net constaté à l'achèvement de l'opération immobilière.

Par exploit d'huissier du 19 février 2020, les sociétés Adremis conseil, H investissements et Pleiade et Compagnie (ci-après dénommées "les sociétés d'investissement") ont saisi le juge d'appui du Tribunal judiciaire de Bobigny afin qu'il procède à la désignation de l'arbitre unique et qu'il déclare la clause compromissoire opposable à M. [K] [F].

Par jugement en date du 10 décembre 2020, rectifié par un jugement du 28 janvier 2021, le juge d'appui a désigné M. [S] [U] comme arbitre unique (Sasu [S] [U] Médiation Arbitrage) et a déclaré que la clause compromissoire était opposable à la SCCV LTA et Novellus Promotion mais également à M. [K] [F].

La procédure d'arbitrage est actuellement pendante.

Par ordonnance sur requête en date du 3 mars 2021, le juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Créteil a autorisé les sociétés d'investissement à :
- pratiquer une saisie conservatoire sur le compte bancaire de M. [K] [F] ouvert dans les livres des établissements bancaires Crédit industriel et commercial (CIC), la Banque postale et Crédit lyonnais ;
- pratiquer une saisie conservatoire des parts sociales détenues par M. [K] [F] dans la société Sci Financière d'Issy ;
- inscrire une hypothèque judiciaire conservatoire sur la quote-part indivise de M. [K] [F] dans le bien immobilier détenu en indivision sis [Adresse 1] ;

et ce pour sûreté de la somme de 141 404,12 euros en principal (pour la société Pléiade et compagnie agissant en qualité d'associée et de gérant de la société Nobis), de 64 455,70 euros (pour la société H Investissements et conseils) et de 20 859,32 euros (pour la société Adremis conseil).

Il a été procédé à la saisie conservatoire des comptes bancaires de M. [K] [F] comme suit :
- le 10 mars 2021 à la requête de la société Pléiade et compagnie, pour sûreté de la somme de 141 404,12 euros, entre les mains de la société CIC ;
- le 9 mars 2021 à la requête de la société Pléiade et compagnie, pour sûreté de la somme de 141 404,12 euros, entre les mains de la société LCL ;
- le 9 mars 2021 à la requête de la société Pléiade et compagnie, pour sûreté de la somme de 141 404,12 euros, entre les mains de la Banque postale ;
- le 10 mars 2021 à la requête de la société H Investissements et conseils, pour sûreté de la somme de 64 455,70 euros, entre les mains de la société CIC ;
- le 9 mars 2021 à la requête de la société H Investissements et conseils, pour sûreté de la somme de 64 455,70 euros, entre les mains de la société LCL ;
- le 9 mars 2021 à la requête de la société H Investissements et conseils, pour sûreté de la somme de 64 455,70 euros, entre les mains de la Banque postale ;
- le 10 mars 2021 à la requête de la société Adremis conseil, pour sûreté de la somme de 20 859,32 euros, entre les mains de la société CIC ;
- le 9 mars 2021 à la requête de la société Adremis conseil, pour sûreté de la somme de 20 859,32 euros, entre les mains de la société LCL ;
- le 9 mars 2021 à la requête de la société Adremis conseil, pour sûreté de la somme de 20 859,32 euros, entre les mains de la Banque postale ;
et trois procès-verbaux de saisie de droits d'associés ont été régularisés le 12 mars 2021 entre les mains de la SCI financière d'Issy :
- à la requête de la société Pléiade et compagnie, pour sûreté de la somme de 141 404,12 euros ;
- à la requête de la société H Investissements et conseils, pour sûreté de la somme de 64 455,70 euros ;
- à la requête de la société Adremis conseil, pour sûreté de la somme de 20 859,32 euros.

Ces mesures seront dénoncées au débiteur les 12 et 16 mars 2021.

Le 7 mai 2021, les sociétés d'investissement ont inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur la quote-part indivise de M. [K] [F] dans le bien immobilier sis [Adresse 1] (94), qui lui sera dénoncée le 11 mai 2021.

M. [K] [F] a assigné les sociétés d'investissement devant le juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Créteil aux fins d'obtenir la caducité de ces mesures à titre principal, et leur mainlevée à titre subsidiaire.

Par jugement du 30 juillet 2021, le juge de l'exécution a :
- constaté la mainlevée amiable des saisies conservatoires pratiquées entre les mains de la Banque postale et de la société LCL,
- dit n'y avoir plus lieu à statuer sur la demande de caducité et mainlevée de ces mesures,
- prononcé la caducité de la saisie conservatoire des droits d'associé diligentée le 12 mars 2021 entre les mains de la SCI Financière d'Issy et ordonné sa mainlevée,
- dit que les frais de cette saisie conservatoire et de sa mainlevée seront conservés par les sociétés défenderesses, sans qu'il y ait lieu à astreinte,

- rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance autorisant les mesures conservatoires rendues le 3 mars 2021,
- débouté M. [K] [F] de ses demandes de mainlevée des saisies conservatoires diligentées par les sociétés Adremis conseil, H investissements et conseils et Pléiade et Compagnie pour la société Nobis, le 10 mars 2021 entre les mains de la société Crédit industriel et commercial et des inscriptions d'hypothèques provisoires en date du 7 mai 2021,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [K] [F] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 27 septembre 2021, M. [K] [F] a relevé appel de ce jugement.

Par ses conclusions du 1er avril 2022, il fait valoir que la communication du procès-verbal d'arbitrage du 16 juillet 2021, qui a valeur d'acte de mission, est le seul moyen pour la Cour d'être pleinement éclairée quant à la date effective de la constitution d'un Tribunal arbitral.

Il soutient que les saisies conservatoires sont caduques, aucune saisine d'un Tribunal arbitral n'étant intervenue dans le délai légal, puisque la saisine du juge d'appui ne répond pas à la définition de l'introduction d'une procédure aux fins d'obtention d'un titre exécutoire, et elle ne peut qu'aboutir à la désignation d'un arbitre, ce qui n'est pas une condamnation exécutable.

Il fait valoir que :
- la lettre du 7 avril 2021 n'a aucunement entrainé la saisine d'un Tribunal arbitral, cette saisie ne pouvant être considérée comme valable que lorsque le juge aura accepté sa désignation, et l'arbitre n'est réputé avoir accepté sa mission que lorsque celle-ci a été complètement et définitivement définie par les parties, et cette acceptation est survenue au-delà du délai légal d'un mois ;
- c'est à tort que le juge a considéré qu'il n'était pas justifié du refus de sa mission par l'arbitre désigné par le juge d'appui, puisqu'il n'y a pas lieu de prouver le refus de sa mission par l'arbitre, mais de démontrer l'acceptation de sa mission par l'arbitre, qui ne peut être qu'expresse ;
- l'arbitre a lui-même considéré n'avoir accepté sa mission que postérieurement à la date du 21 avril 2021.

Sur le fond, M. [K] [F] prétend que la créance n'est pas fondée en son principe car :
- le pacte d'associés est caduc depuis le 11 avril 2020, son article 10 prévoyant une durée maximum de 4 ans à compter de son entrée en vigueur, et à cette date le Tribunal arbitral n'était pas saisi ; le pacte d'associés ne peut donc servir de fondement juridique ni à une saisie conservatoire ni à la saisine d'un Tribunal arbitral ;
- la clause compromissoire du pacte d'associés sur laquelle se sont fondées les intimées pour engager la procédure arbitrale n'avait d'existence et d'opposabilité que pendant la durée du pacte d'associés, or la saisine de la juridiction n'est intervenue que le 7 avril 2021 ;
- la créance de la société Adremis conseil est contestable, celle-ci étant aujourd'hui débitrice de la SCCV LTA, et elle ne peut réclamer le paiement d'une facture d'honoraires de conseil à 6 684 euros HT et le versement de dividendes prioritaires à hauteur de 6 749 euros, l'article 6.2 du pacte d'associés le lui interdisant.

Il affirme qu'il ne peut lui être reproché aucune faute de gestion, et que les créanciers saisissants ne disposent d'aucun élément de preuve, se bornant à formuler des accusations soit sous la forme d'hypothèses, soit au conditionnel ; la seule évocation par les intimées d'une insuffisance d'actif ne suffit pas à démontrer l'existence de fautes de gestion.

Enfin M. [K] [F] soutient qu'il n'existe aucune menace de recouvrement sur la créance ; le fait qu'il soit le dirigeant d'une entreprise en redressement judiciaire ne démontre pas l'existence de difficultés financières personnelles, et les motifs invoqués par les intimées pour mettre en exergue le risque d'organisation de son insolvabilité ne sont étayés par aucun document et ne concernent pas son patrimoine personnel.

Par conséquent, il demande à la Cour de :
- le recevoir en son appel et ses demandes,
- l'y déclarer bien fondé,
y faisant droit,
avant dire droit,
- ordonner la communication par la partie la plus diligente du procès-verbal d'arbitrage du 16 juillet 2021 ou de l'intégralité de son article M2 dont il est extrait,
sur le fond,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- constaté la mainlevée amiable des saisies conservatoires pratiquées entre les mains de la banque postale et de la société LCL Crédit lyonnais,
- dit n'y avoir plus lieu à statuer sur la demande de caducité et mainlevée de ces mesures,
- prononcé la caducité de la saisie conservatoire des droits d'associé diligentée le 12 mars 2021 entre les mains de la SCI Financière d'Issy et ordonné sa mainlevée,
- dit que les frais de cette saisie conservatoire et de sa mainlevée seront conservés par les sociétés intimées, sans qu'il y ait lieu à astreinte,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 3 mars 2021 autorisant les mesures conservatoires,
- débouté M. [K] [F] de ses demandes de mainlevée des saisies conservatoires diligentées par les sociétés Adremis conseil, H investissements et conseils et Pléiade et Compagnie pour la société Nobis, le 10 mars 2021 entre les mains de la société Crédit industriel et commercial et des inscriptions d'hypothèque provisoire en date du 7 mai 2021,
statuant à nouveau,
- prononcer la caducité des saisies conservatoires du 10 mars 2021 pratiquées entre les mains du CIC et des inscriptions d'hypothèque provisoire du 7 mai 2021,
- rétracter l'ordonnance du juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Créteil du 3 mars 2021,
en conséquence,
- ordonner la mainlevée des saisies conservatoires de créances du 10 mars 221 et des inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire du 7 mai 2021,
en tout état de cause,
- ordonner que la justification des mainlevées devra intervenir au plus tard dans les huit jours ouvrables de la signification de l'arrêt à intervenir,
- ordonner que cette justification lui soit notifiée dans un délai de dix jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner in solidum les sociétés Adremis conseil, H investissements et conseils et Pleiade à supporter l'intégralité des frais engagés pour procéder aux saisies conservatoires et inscriptions d'hypothèque provisoire, à leur dénonciation et mainlevée,
- condamner in solidum les sociétés Adremis conseil, H investissements et conseils et Pléiade à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les sociétés Adremis conseil, H investissements et conseils et Pléiade aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par l'Aarpi Arkara avocats associés, représentée par Maître Olivier Gedin, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Par conclusions du 7 avril 2022, les intimées soutiennent que :
sur la régularité des mesures conservatoires :
- c'est à tort que le juge a considéré que les saisies conservatoires n'ont pas été dénoncées au tiers saisi concerné, M. [K] [F] n'ayant jamais sollicité la caducité de la saisie conservatoire de ses droits d'associé, les intimées n'avaient donc pas estimé nécessaire de justifier des dénonciations d'acte effectuées auprès de la SCI Financière d'Issy, qui ont été faites par procès-verbaux du 8 avril 2021, soit dans le délai légal de huit jours, et le 9 avril 2021 concernant la saisie conservatoire de compte bancaire pratiquée auprès du CIC ;
- elles justifient des diligences requises par l'article R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, ce texte n'exigeant que l'introduction d'une procédure et non une quelconque saisine de la juridiction, qu'elle soit judiciaire ou arbitrale ;
- la saisine et la constitution du Tribunal arbitral ne peuvent conditionner la validité des mesures conservatoires car il s'agirait pour le débiteur de disposer d'une faculté purement potestative de provoquer la caducité des mesures conservatoires prises sur ses propres biens et actifs ;
- les décisions de justice mentionnées par M. [K] sont inapplicables au cas d'espèce ;
- en toute hypothèse, elles justifient de l'introduction d'une procédure préalable à l'exécution des mesures conservatoires, de sorte que les diligences requises par l'article R 511-7 ne sont pas nécessaires ;
- la sentence arbitrale qui sera rendue constituera un titre exécutoire après exequatur, de sorte que la procédure qu'elles ont introduite par lettre du 7 avril 2021 vise bien à l'obtention d'un tel titre exécutoire ;

sur le bien fondé des mesures conservatoires :
- le juge de l'exécution est incompétent pour statuer sur une prétendue caducité du pacte d'associés, qui au demeurant n'entraînerait pas la caducité des obligations qu'il contient ;
- leurs créances sont nées dans leur principe au cours de la durée du pacte d'associés, a minima lors de l'assemblée générale du 12 juillet 2019 ;
- la créance d'honoraires de conseil d'Adremis conseil est fondée en son principe au titre des honoraires de conseil ;
- leurs créances au titre du dividende prioritaire sont a minima fondées dans leur principe au titre de leur part du dividende prioritaire ;
- les créances de dommages-intérêts sont fondées en leur principe, étant basées sur les potentielles fautes de gestion de M. [K] [F], notamment eu égard au détournement de la somme de 638 915 euros de la trésorerie de la SCCV LTA par lui ; cette créance répare un préjudice personnel et distinct de celui de la SCCV ; à cette créance s'ajoutent également les frais d'arbitrage ;
- elles justifient de faits et de circonstances menaçant le recouvrement de leurs créances respectives, notamment du fait que les saisies conservatoires ont révélé que deux des comptes bancaires de l'appelant ont un solde quasi nul et le troisième un solde dérisoire, et que M. [K] [F] s'est rendu coupable de transferts illicites de trésorerie ce qui fait craindre qu'il organise son insolvabilité ;
- la situation financière et patrimoniale de M. [K] [F] ne peut pas être décorrélée de celle de la SCCV LTA et de la société Novellus Promotion, puisque par jugement du 10 décembre 2020, le juge d'appui a estimé que le montage juridique des sociétés façon "poupées russes" ne peut valablement faire écran à l'implication au pacte de M. [K] [F].

Par conséquent, elles demandent à la Cour de :
- débouter M. [K] [F] de sa demande aux fins d'être autorisé à communiquer aux débats le procès-verbal d'arbitrage du 16 juillet 2021,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a : prononcé la caducité de la saisie conservatoire des droits d'associé diligentée le 12 mars 2021 entre les mains de la Sci Financière d'Issy et ordonné sa mainlevée et en ce qu'il a dit que les frais de cette saisie conservatoire et de sa mainlevée seront conservés par elles, sans qu'il y ait lieu à astreinte ; et en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700.
- les déclarer recevables en leur appel incident,
Statuant à nouveau,
- débouter M. [K] [F] de ses demandes de mainlevée des mesures conservatoires autorisées par l'ordonnance du 3 mars 2021,
à titre subsidiaire,
- débouter M. [K] [F] de ses demandes de mainlevée des mesures conservatoires,
- débouter M. [K] [F] de ses demandes plus amples,
- ordonner le maintien des mesures conservatoires autorisées par l'ordonnance du 3 mars 2021 et exécutées le 10 mars 2021,
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leurs prétentions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [K] [F], avec exécution provisoire, à payer à chacune des intimée la somme de 6 000 euros sur le fondement de ce texte ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS

M. [K] [F] demande à la Cour, avant dire droit, d'ordonner la production par la partie la plus diligente du procès-verbal d'arbitrage du 16 juillet 2021 ou de son article M2, faisant valoir que ledit procès-verbal comporte une clause de confidentialité selon laquelle il ne peut pas être divulgué sauf si une autorité judiciaire ou administrative le requiert. Il fonde cette demande sur la nécessité qu'il y aurait pour la Cour à être pleinement éclairée quant à la date de constitution du Tribunal arbitral. Il résulte de ce qui va suivre que s'agissant de la vérification de la régularité de la procédure de saisie conservatoire, il importe peu que ledit Tribunal arbitral ait été réellement constitué ou non dans les délais. La demande de production de pièce formée par M. [K] [F] sera donc rejetée.

Conformément à l'article R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.

L'article R 511-8 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d'un tiers, le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant des diligences requises par l'article R. 511-7, dans un délai de huit jours à compter de leur date. A défaut, la mesure conservatoire est caduque.

En l'espèce, il s'avère que le procès-verbal de saisie conservatoire dressé entre les mains de la société CIC a été régularisé le 10 mars 2021 ; la société Adremis conseil, la société H Investissements et conseils et la société Pléiade et compagnie devaient donc introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire au plus tard le 10 avril 2021.

Par courrier en date du 7 avril 2021, le conseil des intimées, Maître [M], a écrit à M. [U], arbitre désigné par jugement en date du 28 janvier 2021, pour manifester l'intention de ses clientes d'initier la procédure d'arbitrage afin de faire valoir leurs prétentions à l'encontre de M. [K] [F], les sommes de 20 859,32 euros, 64 455,70 euros et 141 404,12 euros étant respectivement réclamées par la société Adremis conseil, la société H Investissements et conseils et la société Nobis (dont la société Pléiade et compagnie est la gérante).

S'il est exact que conformément à l'article 1456 alinéa 1er du code de procédure civile le Tribunal arbitral n'est constitué que lorsque le ou les arbitres ont accepté leur mission, et que l'instance arbitrale n'est considérée comme étant en cours que lorsque le Tribunal est effectivement constitué, il n'en demeure pas moins que les intimées ont, par la lettre susvisée, accompli des formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, les intéressées n'étant nullement responsable du laps de temps que l'expert a mis pour leur répondre et leur indiquer qu'il acceptait sa mission, ou pour constituer le Tribunal arbitral. Nonobstant l'absence de saisine certaine de ce dernier, les intimées ont donc satisfait aux exigences procédurales posées par l'article R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, et ce, dans les délais impartis.

En outre, il est justifié de la dénonciation des actes de poursuites (copie de la lettre adressée par Maître [M], conseil de la requérante, à l'arbitre désigné par jugement du 10 décembre 2020) par trois actes du 9 avril 2021 délivrés à la société CIC par la société Pléiade et compagnie, la société H Investissements et conseils et la société Adremis conseil. Le 8 avril 2021, il a été fait de même vis à vis de la SCI financière d'Issy. Ces actes ont été délivrés moins de huit jours après le 7 avril 2021. Les différentes mesures conservatoires ne sont donc pas caduques. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la caducité de la saisie conservatoire régularisée le 12 mars 2021 entre les mains de la SCI financière d'Issy et a ordonné sa mainlevée. M. [K] [F] doit être débouté de ses demandes à fin de prononcé de caducité des autres mesures d'exécution.

L'article R 512-1 du Code des procédures civiles d'exécution énonce que si les conditions prévues pour pratiquer une saisie conservatoire, à savoir l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe et des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure conservatoire peut être ordonnée à tout moment. Il appartient au créancier de prouver que ces conditions sont remplies.

S'agissant du principe de créance, il résulte des pièces produites que :
- la SSCV, dédiée à la réalisation d'un programme immobilier, actuellement en liquidation judiciaire et dont M. [K] [F] était le gérant, a fait appel à des investisseurs, son capital étant désormais réparti entre quatre associés, la société Novellus promotion (997 parts), la société Nobis (une part), la société H Investissements et conseils (une part) et la société Adremis conseil (une part) ;
- un pacte d'associés a été conclu le 25 mars 2016, en vertu duquel la société Novellus promotion, et donc son gérant M. [K] [F], devaient communiquer divers documents et informations et attribuer aux investisseurs leur part de bénéfice à l'achèvement de l'opération ;
- la SSCV ayant encaissé le prix de vente de 17 logements (pour 3 898 000 euros), son assemblée générale du 12 juillet 2019 a voté la distribution du résultat (243 119 euros).

Un litige est survenu entre M. [K] [F] et les investisseurs, au sujet du paiement des honoraires du conseil de la société Adremis conseil et de la distribution des dividendes prioritaires ; de plus il est reproché à l'appelant d'avoir entretenu une certaine opacité sur la gestion de la SCCV LTA et même d'avoir organisé son insolvabilité. Le 8 janvier 2019, la société Pléiade et compagnie, la société H Investissements et conseils et la société Adremis conseil ont assigné la société Novellus promotion et la SCCV LTA (toutes deux ayant M. [K] [F] pour gérant) devant le président du Tribunal de grande instance de Bobigny en vue d'obtenir notamment leur condamnation à produire divers documents comptables et sociaux. En outre, les intimées suspectant M. [K] [F] d'avoir commis diverses fautes de gestion, elles n'ont pas pu s'entendre avec lui quant à la désignation d'un arbitre, malgré la proposition de noms faite par Maître [M] le 21 octobre 2019, si bien qu'elles ont saisi le juge d'appui qui a désigné M. [U], comme indiqué supra.

Si M. [K] [F] prétend que le pacte d'associé est caduc depuis le 11 avril 2020, il sera observé que les créances invoquées par les intimées sont nées antérieurement à cette date.

S'agissant des honoraires de conseil dus à la société Adremis conseil, la somme de 7 500 euros HT a été réglée par la SCCV LTA mais la société Adremis conseil fait valoir que ce versement n'a pas éteint la totalité de la dette, puisque cette créance était calculée en fonction de l'encours annuel moyen du compte courant Nobis. La somme restant à payer a été évaluée à 7 317,60 euros, et a fait l'objet d'une mise en demeure le 16 octobre 2018.

S'agissant des dividendes, il n'est pas contesté ni contestable que l'opération immobilière s'est achevée par la vente de l'ensemble des lots, si bien que les bénéfices doivent être distribués, et l'appelant ne peut l'ignorer, car l'assemblée générale de la SSCV, sous sa présidence, avait voté la distribution des dividendes prioritaires. L'article 6 du pacte d'associés, intitulé "sortie des investisseurs", indiquait que les comptes courants seraient remboursés au plus tard le 25 mars 2018 et que le résultat distribuable serait réparti entre les intéressés, en premier lieu et prioritairement à concurrence de 25 % par an, et en second lieu à la société Novellus promotion. Le dividende prioritaire était au minimum égal à 66 250 euros. En outre c'est à juste titre que les intimées font valoir que conformément à l'article 1844-1 du code civil, qui est seul applicable s'agissant d'une société civile, la part de chaque associé dans les bénéfices est fonction de sa part dans le capital social de la SCCV LTA. Les intimées justifient donc que leurs créances sont nées de plein droit à compter de la détermination du résultat distribuable, et sont égales à celui-ci, déduction faite des honoraires de conseil mis à la charge de la SCCV LTA. Ces dividendes se répartissent dans les conditions prévues à l'article 6 6.2 a du pacte d'associés comme indiqué supra. Nonobstant les contestations de M. [K] [F] figurant dans sa lettre datée du 2 août 2019, il y a bien une créance apparemment fondée en son principe de ce chef. L'appelant peut d'autant moins le contester que dans un message électronique daté du 5 décembre 2017, il avait indiqué "pour les dividendes en 2018 c'est OK".

Est alléguée également une créance indemnitaire à l'encontre de M. [K] [F], motif pris de ce qu'il aurait commis des fautes de gestion en ce que des potentiels détournements de fonds auraient été commis. Conformément à l'article 1850 du code civil, M. [K] [F] est responsable tant envers la société qu'il dirige qu'envers les tiers de ses fautes. Le jugement du 10 décembre 2020 ayant procédé à la désignation de l'arbitre avait relevé que M. [K] [F] était gérant de la société Novellus elle même gérante de la SCCV LTA, que l'intéressé ne pouvait ignorer la teneur du pacte d'associés notamment en ce qu'il prévoyait la possibilité d'un examen des comptes pour connaître le montant des dividendes prioritaires et, en filigrane, la gestion de l'entreprise, et qu'en réalité, il ne pouvait être considéré comme un tiers audit pacte d'associés. La comptabilité de la SSCV laisse apparaître, au titre des actifs, une somme qui serait due par M. [K] [F] au titre d'un compte courant (116 993 euros) alors que l'intéressé n'ayant plus la qualité d'associé dans ladite SCCV depuis le 25 mars 2016, date à laquelle il a cédé l'unique part sociale qu'il détenait, ce compte courant n'a pas lieu d'être. Le premier juge a pu relever en outre qu'en l'état des pièces contractuelles produites, M. [K] [F] ne fournissait pas d'explications sur l'absence de toute trésorerie de la SCCV LTA au 10 avril 2019.

Enfin M. [K] [F] sera redevable des frais d'arbitrage.

Dans le cadre de la présente instance il n'y a pas lieu de chiffrer la créance, ni de trancher les contestations relatives au montant exact de la dette. Au vu des éléments qui précèdent, la créance alléguée est apparemment fondée en son principe.

S'agissant du péril sur le recouvrement de la créance, il convient de déterminer si les craintes que les intimées entretiennent à ce sujet sont légitimes, sans qu'il soit besoin de démontrer que M. [K] [F] se trouve nécessairement en cessation des paiements ou dans une situation financière irrémédiablement compromise.

Lors de la mise en place des diverses mesures conservatoires entre les mains d'organismes bancaires, ont pu être appréhendées les sommes de 111,07 euros et 117,98 euros ; ces sommes sont dérisoires et c'est ce qui a amené les créancières à donner mainlevée des saisies le 17 juin 2021. Le compte ouvert en les livres de la Caisse d'épargne et de prévoyance accusait un solde débiteur. La seule saisie réellement fructueuse est celle régularisée entre les mains de la société CIC mais ne l'a été qu'à concurrence de 14 174,88 euros, cette somme étant très nettement inférieure au montant des créances.

Dans le patrimoine de M. [K] [F] figurent 40 % des parts de la SCCV LTA mais celle-ci étant actuellement en liquidation judiciaire, la valeur de ces parts est totalement incertaine.

Le 25 mars 2016, M. [K] [F] s'est porté caution solidaire des engagements de la SCCV LTA envers la société Nobis, la société H Investissements et conseils et la société Adremis conseil dans la limite de 450 000 euros, et la défaillance du débiteur principal rend plus que probable la mise en jeu de la garantie personnelle ainsi souscrite.

En outre, s'agissant de l'immeuble sur lequel une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire a été prise, elle ne porte que sur ses parts et portions, et la seule existence de ce bien, dont la valeur est d'ailleurs importante (environ 910 000 euros environ) est insuffisante à rassurer les créancières quant aux conditions dans lesquelles elle pourront recouvrer leur dû, et la prise d'une inscription constitue, concrètement, le seul moyen pour elles d'être assurées d'être payées sur le prix de vente desdits immeubles, sans être primées par des créanciers postérieurs.

Dans ces conditions, la société Adremis conseil, la société H Investissements et conseils et la société Pléiade et compagnie invoquent à juste titre des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'un principe de créance apparemment fondé.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les contestations de M. [K] [F] au titre des mesures conservatoires autres que celle régularisée le 12 mars 2021 entre les mains de la SCI financière d'Issy.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande des intimées en application de l'article 700 du code de procédure civile, et M. [K] [F] sera condamné à régler à chacune d'elles la somme de 3 000 euros de ce chef. Il sera également condamné aux dépens d'appel.

Le présent arrêt n'étant susceptible d'aucune voie de recours à effet suspensif, la demande d'exécution provisoire est sans objet.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- REJETTE la demande de M. [K] [F] à fin de voir ordonner la production par la partie la plus diligente du procès-verbal d'arbitrage du 16 juillet 2021 ou de son article M2 ;

- INFIRME le jugement en date du 30 juillet 2021 en ce qu'il a prononcé la caducité de la saisie conservatoire de droits d'associé régularisée le 12 mars 2021 entre les mains de la SCI financière d'Issy et a ordonné sa mainlevée, et en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Adremis conseil, la société H Investissements et conseils et la société Pléiade et compagnie en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

et statuant à nouveau :

- REJETTE les demandes de M. [K] [F] au titre de la saisie de droits d'associés conservatoire régularisée le 12 mars 2021 entre les mains de la SCI financière d'Issy ;

- CONDAMNE M. [K] [F] à payer à la société Adremis conseil, la société H Investissements et conseils et la société Pléiade et compagnie la somme de 3 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE M. [K] [F] aux dépens d'appel ;

- DIT que la demande d'exécution provisoire est sans objet.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/169397
Date de la décision : 23/06/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-06-23;21.169397 ?
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