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23/06/2022 | FRANCE | N°21/02957

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 juin 2022, 21/02957


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 23 JUIN 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02957 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDDXO



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Janvier 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MEAUX - RG n° 20/00910





APPELANTE



S.A.S. RESTAURANT DELICE, prise en la personne de ses

représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Sophie PETROUSSENKO de la SELEURL CABINET PETROUSSENKO, avo...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 23 JUIN 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02957 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDDXO

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Janvier 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MEAUX - RG n° 20/00910

APPELANTE

S.A.S. RESTAURANT DELICE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie PETROUSSENKO de la SELEURL CABINET PETROUSSENKO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0049

INTIMEE

S.C.I. JALIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Sarah TAIEB, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 mai 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 4 janvier 2019, la société Jalis a loué à Mme [R] des locaux situés dans le centre commercial Gallieni, situé [Adresse 1], moyennant un loyer annuel de 15.600 euros, hors charges et hors taxes, payable mensuellement d'avance le 1er de chaque mois avec une tolérance jusqu'au 5 du même mois.

Par avenant du 24 mai 2019, la société Restaurant Délice s'est substituée à Mme [R] en qualité de preneur du bail.

Des loyers étant demeurés impayés, le bailleur a fait délivrer à la locataire un commandement de payer, visant la clause résolutoire insérée au bail, par acte d'huissier de justice du 10 février 2020, ce, pour une somme de 2.700 euros correspondant aux loyers des mois de janvier et février 2020.

Exposant que les causes du commandement sont demeurées impayées, le bailleur a, par exploit du 25 novembre 2020, fait assigner le locataire devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux aux fins de voir :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail à compter du 10 mars 2020 ;

- ordonner l'expulsion de la société Restaurant Délice et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin est, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

- condamner la société Restaurant Délice à lui payer, à titre provisionnel :

' la somme de 13.659,48 euros au titre de l'arriéré locatif du mois de janvier au mois de novembre 2020, majoré des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2020, date du commandement de payer,

' la somme de 100 euros par jour de retard à titre principal et à titre subsidiaire la somme de 1.350 euros par mois au titre de l'indemnité d'occupation du 10 mars 2020 et ce jusqu'à la libération effective des lieux et remise des clés,

- dire que, conformément aux clauses contractuelles, le dépôt de garantie, soit la somme de 2.600 euros, demeurera acquis au bailleur à titre d'indemnité ;

- condamner la société Restaurant Délice au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement.

Par ordonnance réputée contradictoire du 13 janvier 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 11 mars 2020 ;

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Restaurant Délice et de tout occupant de son chef des lieux situés centre commercial Gallieni, au [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Restaurant Délice, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

- condamné par provision la société Restaurant Délice à payer à la société Jalis la somme de 13.500 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés au mois de novembre 2020 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2020 sur 2.700 euros et à compter de l'assignation sur le surplus, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre du dépôt de garantie ;

- condamné la société Restaurant Délice aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement du 10 février 2020 (159,48 euros) ;

- condamné la société Restaurant Délice à payer à la société Jalis la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes les autres demandes des parties ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 12 février 2021, la société Restaurant délice a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 juin 2021, la société Restaurant Délice demande à la cour, de :

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à prononcer l'acquisition de la clause résolutoire ;

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Meaux du 13 janvier 2021 ;

- lui accorder des délais de paiement concernant ses dettes d'arriéré locatif à l'égard de la société Jalis selon un échelonnement sur deux ans de l'arriéré locatif dû, en sus du paiement du loyer en cours.

La société Restaurant Délice soutient en substance que :

- l'article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 a récemment introduit de nouvelles dispositions favorables aux locataires affectés par une mesure de police administrative, notamment, en ce qu'ils ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée ;

- le restaurant a été fermé jusqu'en mai 2021, de sorte que la bailleresse ne pouvait l'assigner par exploit du 25 novembre 2020,

- en vertu de l'article 1343-5 du code civil, il lui sera accordé des délais de paiement.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 29 novembre 2021, la société Jalis demande à la cour de :

- recevoir celle-ci en ses demandes, fins et prétentions et la déclarer bien fondée ;

A titre principal,

- confirmer purement et simplement l'ordonnance rendue en référé le 13 janvier 2021 en ce qu'elle a :

' constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 11 mars 2020,

' ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Restaurant délice et de tout occupant de son chef des lieux situés centre commercial Gallieni, au [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

' dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

' fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Restaurant délice, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires,

' condamné par provision la société Restaurant délice à lui payer la somme de 13.500 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés au mois de novembre 2020 inclus actualisé à la somme de 28.200 euros au mois de novembre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2020 sur 2.700 euros et à compter de l'assignation sur le surplus, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures,

' condamné la société Restaurant délice aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement du 10 février 2020 (159,48 euros),

' condamné la société Restaurant à lui payer la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' débouté la société Restaurant délice de sa demande de délais de paiement,

' débouté la société Restaurant délice de sa demande au titre des contestations sérieuses qui résulteraient de la force majeure, du cas fortuit ou de l'imprévision,

A titre subsidiaire,

- confirmer purement et simplement l'ordonnance rendue en référé le 13 janvier 2021 en ce qu'elle a :

' constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 11 mars 2020,

' ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Restaurant délice et de tout occupant de son chef des lieux situés centre commercial Gallieni, au [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

' dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

' fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Restaurant délice, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires,

' condamné par provision la société Restaurant délice à lui payer la somme de 13.500 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés au mois de novembre 2020 inclus actualisé à la somme de 28.200 euros au mois de novembre 2021 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2020 sur 2.700 euros et à compter de l'assignation sur le surplus, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures,

' condamné la société Restaurant délice aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement du 10 février 2020 (159,48 euros),

' condamné la société Restaurant délice à lui payer la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- suspendre les effets de la clause résolutoire en accordant des délais de paiement à la société Restaurant délice dans un maximum de 24 mois, précision faite qu'à défaut de règlement du loyer courant et de l'arriéré au plus tard le 5 du mois :

' la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible,

' la clause résolutoire reprendra son plein effet et le contrat de bail liant les parties sera de plein droit résilié, sans autre formalité préalable,

' faute pour le Restaurant délice de quitter les lieux volontairement, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique si nécessaire,

En tout état de cause,

- condamner la société Restaurant délice à lui payer la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner la société Restaurant délice aux entiers dépens à recouvrer par Me Boccon Gibob dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Jalis soutient en substance que :

- en vertu de l'article IX du contrat de bail, celui-ci se trouve résilié de plein droit un mois après le commandement de payer demeuré infructueux, soit en l'espèce le 10 mars 2020 ;

- les dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2020 puis la loi du 14 novembre 2020 sont applicables à la société Restaurant Délice, mais toutefois, le restaurant n'a pas fermé de mars 2020 à avril 2021 ;

- si les mesures d'exécution contre les locataires commerciaux sont suspendues en raison de la crise sanitaire, les loyers restent dus sur cette période ;

- si certaines décisions ont pu reconnaître le caractère notamment de la force majeure, celle-ci ne pouvait s'appliquer qu'aux seuls loyers impayés à compter du 11 mars 2020 mais les causes du commandement visant la clause résolutoire antérieurement acquise n'ayant pas été réglées dans les délais, l'expulsion et l'indemnité d'occupation pouvaient être prononcée.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Il apparaît en l'espèce que :

- le bail commercial contient une clause résolutoire en vertu de laquelle un commandement de payer a été délivré à la société Restaurant Delice le 10 février 2020 pour un arriéré locatif de 2.700 euros en principal.

Toutefois l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, invoquée par la société Restaurant Delice, n'a pas suspendu le paiement des sommes dues au titre des loyers pendant la période juridiquement protégée, du 12 mars au 23 juin 2020. L'article 4 de cette ordonnance a en revanche paralysé le jeu des clauses contractuelles instituant une sanction du débiteur défaillant, telles que les clauses résolutoires dont le délai expirait pendant la période protégée.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les causes du commandement de payer n'ont pas été réglées dans le mois de sa délivrance, qu'en conséquence la clause résolutoire est acquise à compter du 11 mars 2020, soit avant l'entrée en application de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 et le début de la période juridiquement protégée.

Le commandement a donc produit ses effets, peu important que l'assignation en acquisition de la clause résolutoire ait été délivré le 25 novembre 2020, soit dans la période juridiquement protégée par l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 qui n'a pas d'incidence sur la validité du commandement puisque ce texte est entré en vigueur le 17 octobre 2020.

Il est également relevé qu'aucune mauvaise foi de la bailleresse n'est alléguée.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 11 mars 2020, avec toutes conséquences de droit.

- par ailleurs, l'assignation délivrée le 25 novembre 2020 vise des sommes correspondant pour partie à une période de fermeture administrative du restaurant et notamment les loyers de janvier à novembre 2020.

Il résulte de ces dispositions que, pour être éligible aux mesures prévues par l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020, le preneur à bail commercial doit faire l'objet d'une mesure de fermeture du commerce exploité dans les lieux loués ou de réglementation de l'accès du public.

En l'espèce, la société Jalis ne conteste pas que la société Restaurant Delice, qui exerce une activité de restauration, ait fait l'objet d'une mesure de réglementation de l'accès du public, mais elle conteste son éligibilité au regard des conditions posées par le décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020 relatif aux bénéficiaires des dispositions de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020.

Force est de constater qu'aucun élément n'est produit sur les conditions prévues aux 1° et 2° de ce texte, l'effectif de la société étant inconnu, de même que son chiffre d'affaires de sorte que l'éligibilité de la société Restaurant Délice à ces dispositions ne peut être vérifiée.

Il est par ailleurs indiqué par la société restaurant Délice que le restaurant aurait fermé de mars 2020 à juin 2020, sans qu'il ne soit produit aucun justificatif sur ce point, étant en outre relevé que la société Jalis verse aux débats une photographie du restaurant ouvert faite le 9 avril 2021 et montant un client qui vient récupérer une commande, des extraits d'avis clients datés de juin 2020, octobre 2020 et janvier 2021, de sorte que la fermeture intégrale du restaurant sur la période alléguée de mars 2020 à 2020 n'est pas démontrée.

De la sorte, l'existence d'une contestation sérieuse tirée de l'application des dispositions susvisées n'est pas établie.

- les moyens tirés de la force majeure, de l'imprévision et du "cas fortuit" s'analysent en contestations sérieuses susceptibles d'être opposées à la demande provisionnelle de paiement des sommes réclamées.

La cour doit donc examiner si, à cet égard, la société appelante peut faire état de ce qu'elle soulèverait une contestation sérieuse sur les sommes réclamées.

Sur la force majeure, selon l'article 1218 du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ; que, si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ; que, si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. La société Restaurant Délice soutient que la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 remplit les conditions pour être qualifiée d'événement de force majeure, les trois conditions d'extériorité, d'irrésistibilité et d'imprévisibilité étant réunies mais toutefois, le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure alors qu'en effet, la force majeure se caractérise par la survenance d'un événement extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible, de sorte qu'il rende impossible l'exécution de l'obligation mais que l'obligation de paiement d'une somme d'argent est toujours susceptible d'exécution, le cas échéant forcée, sur le patrimoine du débiteur ; qu'elle n'est, par nature, pas impossible : elle est seulement plus difficile ou plus onéreuse.

L'appelante ne démontre pas ici des difficultés de trésorerie telles qu'elles rendaient impossible tout règlement, de sorte que faute de justifier d'une impossibilité d'exécuter son obligation de règlement, elle ne démontre pas le caractère irrésistible de l'événement lié à l'épidémie de Covid-19.

Sur l'imprévision, aux termes de l'article 1195 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe.

Si ces dispositions permettent à une partie de demander une renégociation du contrat à son cocontractant, elles ne la dispensent pas de l'exécution de ses obligations durant la renégociation. En cas d'échec de celle-ci, seul le juge du fond peut adapter le contrat, le réviser ou y mettre un terme. Il en résulte que la demande excède les pouvoirs du juge des référés et que, dans l'attente d'une éventuelle saisine du juge du fond, l'appelante ne peut se dispenser du paiement des loyers contractuellement dus sur le fondement de ces dispositions.

S'agissant du "cas fortuit", l'appelante excipe en réalité, sous ce titre, des dispositions de l'article 1722 du code civil applicable aux baux commerciaux qui prévoit que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; que, si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. La société Restaurant Delice soutient qu'en raison des mesures sanitaires prises par les pouvoirs publics, l'activité prévue au bail n'a pu être exercée et la jouissance des locaux donnés à bail ou en sous-location était impossible. La destruction de la chose louée peut s'entendre d'une perte matérielle de la chose louée mais également d'une perte juridique, notamment en raison d'une décision administrative, la perte peut être totale ou partielle, la perte partielle pouvant s'entendre de toute circonstance diminuant sensiblement l'usage de la chose, la perte partielle de la chose louée n'est pas nécessairement définitive et peut être temporaire.

Il est constant que la destruction de la chose louée peut s'entendre d'une perte matérielle de la chose louée mais également d'une perte juridique, notamment en raison d'une décision administrative et que la perte peut être totale ou partielle, la perte partielle pouvant s'entendre de toute circonstance diminuant sensiblement l'usage de la chose.

La perte partielle de la chose louée n'est pas nécessairement définitive et peut être temporaire.

En l'espèce, la société Restaurant Delice a subi une perte partielle de la chose louée puisqu'elle n'a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative, l'absence de toute faute du bailleur étant indifférente.

Il existe en conséquence une contestation sérieuse sur son obligation au paiement de l'intégralité des loyers pendant les périodes de fermeture administrative.

Cependant, il a été vu précédemment que ces périodes de fermeture complète n'ont pas excédé deux mois et que, hors fermeture, aucun texte, qu'il soit issu du droit commun des obligations ou des dispositions dérogatoires de la période de crise sanitaire, n'autorisait la société Restaurant Delice à suspendre le paiement des loyers, étant rappelé que les aides de l'Etat aux entreprises perçues par la société Restaurant Delice ont eu pour objet de les soutenir dans le respect de leurs engagements, notamment à l'égard de leurs bailleurs.

L'obligation de règlement des loyers pesant sur la société Restaurant Delice n'est donc pas sérieusement contestable, et elle doit être dès lors condamnée au paiement de provisions au titre des loyers dus et impayés, sous déduction de deux mois de loyers correspondant aux périodes de fermeture, pour lesquels la contestation est sérieuse.

- La société Jalis sollicite la confirmation de l'ordonnance sur le montant provisionnel accordé, soit 13.500 euros, qu'elle actualise à la somme de 28.200 euros.

Ce quantum n'est pas réellement discuté par la société Restaurant Delice et est justifié par le décompte produit par la société Jalis.

La société Jalis sollicite l'infirmation de l'ordonnance rendue en ce qu'elle a rejeté sa demande tendant à voir assortir l'indemnité d'occupation d'une somme supplémentaire de 100 euros par jour en application des stipulations du bail.

Si le juge des référés ne peut modérer cette clause pénale, ce qu'au demeurant l'appelante ne sollicite pas, ce juge peut accorder une provision à valoir sur le montant non contestable de cette clause, qui n'a d'autre limite que le montant prévu au contrat, sauf à rappeler que le juge des référés peut dire n'y avoir lieu à référé sur une clause pénale si elle apparaît représenter un avantage manifestement excessif pour le créancier eu égard au pouvoir modérateur du juge du fond.

En l'espèce, il apparaît que le montant en cause, qui est susceptible de courir depuis mars 2020, confère un avantage très excessif au créancier, étant observé que la somme est très élevée par rapport au loyer. L'ordonnance sera confirmée sur ce point.L'ordonnance rendue sera confirmée en ce qu'elle a condamné par provision la société Restaurant Delice à payer à la société Jalis une somme au titre des loyers, charges et accessoires, et indemnités d'occupation, qu'il convient d'actualiser à la somme de 28.200 euros, arrêtée au mois de novembre 2021, dont il doit être déduit deux mois pour lesquels il est retenu une contestation sérieuse soit 25.500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2020 sur la somme de 2.700 euros et à compter de cet arrêt pour le surplus.

- L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Or, il convient de relever qu'au soutien de sa demande, la société Restaurant Delice se contente d'indiquer quesans toutefois produire aucune pièce comptable ou financière.

Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter la demande de la société Restaurant Delice tendant à se voir accorder des délais de paiement de 24 mois et tendant à voir suspendre les effets de la clause résolutoire.

Sur les autres demandes

Le sort des dépens, en ce compris le coût du commandement à hateur de 159, 48 euros, et des frais irrépétibles en première instance a été exactement tranché par le premier juge.

Ce qui est jugé en cause d'appel commande de condamner l'appelante aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Jalis une somme au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf à actualiser le montant de la provision allouée,

Y ajoutant,

Condamne la société Restaurant Delice à payer à la société Jalis la somme provisionnelle de 25.500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2020 sur la somme de 2.700 euros et à compter de cet arrêt pour le surplus,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société Restaurant Delice aux dépens d'appel,

Condamne la société Restaurant Delice à payer à la société Jalis la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/02957
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.02957 ?
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