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23/06/2022 | FRANCE | N°21/00802

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 23 juin 2022, 21/00802


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 23 JUIN 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00802

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5IH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2020 -TJ de Créteil - RG n° 19/00568



APPELANTE



CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLES AGRICOLES PARIS VAL DE LOIRE (Groupama)r>
[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : J076

asssité de Me Emeric DESNOIX, avocat au barreau de ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 23 JUIN 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00802

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5IH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2020 -TJ de Créteil - RG n° 19/00568

APPELANTE

CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLES AGRICOLES PARIS VAL DE LOIRE (Groupama)

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : J076

asssité de Me Emeric DESNOIX, avocat au barreau de TOURS

INTIMES

Monsieur [H] [S]

[Adresse 6]

[Localité 12]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 13] (France)

représenté par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

assisté de Me Elise PIN, avocat au barreau de PARIS

Société mutuelle d'assurance ASSURANCE MUTUELLE DES MOTARDS

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

assisté de Me Elise PIN, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [V] [J]

[Adresse 3]

[Localité 9]

N'a pas constitué avocat

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

[Adresse 7]

[Localité 10]

représenté par Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1217

assisté de Me Van VU NGOC, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 11]

N'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistras ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, Présidente de chambre assesseur

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 15 avril 2017, alors qu'il circulait à motocyclette, M. [H] [S], assuré auprès de la société Assurances mutuelle des motards (la Mutuelle des motards) a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par M. [V] [J], qui a exposé lors de la procédure pénale être assuré auprès de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire (la société Groupama).

Par ordonnance du 11 octobre 2018, le juge des référés a prescrit une expertise médicale de M. [S], désigné le Docteur [T] en qualité d'expert et condamné M. [J] à payer à M. [S] une provision de 3 000 euros.

Le Docteur [T] a établi son rapport le 1er mars 2019.

Par actes d'huissiers de justice en date des 11, 16 et 18 janvier 2019, M. [S] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Créteil, la société Groupama, la CPAM et M. [J], afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par actes d'huissier en date des 14 mars 2019 et 24 janvier 2020, la société Groupama a fait assigner en intervention forcée le FGAO et la Mutuelle des motards ; par ordonnances du 27 juin 2019 et du 6 mars 2020, le juge de la mise en état a joint les procédures.

Par jugement du 26 novembre 2020, la tribunal judiciaire de Créteil, a :

- déclaré la société Groupama tenue de réparer l'entier préjudice de M. [S],

- débouté la société Groupama de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Groupama à payer à M. [S] les sommes suivantes :

- tierce personne temporaire : 144 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 576,25 euros

- souffrances endurées : 3 500 euros

- préjudice esthétique temporaire : 500 euros

- déficit fonctionnel permanent : 2 350 euros,

- déclaré le jugement commun à la CPAM et opposable au FGAO,

- condamné M. [J] et la société Groupama aux dépens avec possibilité de recouvrement en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné la société Groupama à payer à M. [S] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Groupama à payer à la Mutuelle des motards une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provision de la décision,

- rejeté toutes autres prétentions des parties.

Par déclaration du 8 janvier 2021, la société Groupama a interjeté appel de cette décision en critiquant expressément toutes ses dispositions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de la société Groupama, notifiées le 17 mars 2022, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

Vu les articles L. 211-20, L. 421-1 et R. 421-5 du code des assurances,

Vu l'article 1302-2 du code civil,

Vu l'article 367 du code de procédure civile,

- déclarer la société Groupama recevable et bien fondée en son appel dirigé à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil en date du 26 novembre 2020 (RG n°19/00568) et y faire droit,

- débouter M. [S] et la Mutuelle des motards de leur appel incident,

- infirmer la décision entreprise,

statuant a nouveau

- mettre hors de cause la société Groupama en ce qu'elle n'est pas tenue d'intervenir 'pour le compte de qui il appartiendra',

en conséquence,

- débouter les parties de toutes demandes, et, en particulier, celles qui seraient dirigées contre la société Groupama,

à titre principal

- condamner la Mutuelle des motards à réparer l'entier préjudice de M. [S],

en conséquence

- condamner la Mutuelle des motards à restituer à la société Groupama l'intégralité de ce qu'elle a versé à M. [S], soit la somme de 10 070,25 euros,

à titre subsidiaire

- condamner le FGAO à réparer l'entier préjudice de M. [S],

en conséquence

- condamner le FGAO à restituer à la société Groupama l'intégralité des sommes versées à M. [S], soit la somme de 10 070,25 euros,

à titre plus subsidiaire

- condamner M. [J] à réparer, seul, l'entier préjudice M. [S],

en conséquence

- condamner M. [J] à restituer à la société Groupama l'intégralité des sommes versées à M. [S], soit la somme de 10 070,25 euros,

en tout état de cause

- débouter les parties de toutes demandes, et, en particulier, celles qui seraient dirigées contre la société Groupama,

- condamner tout succombant à verser à la société Groupama une indemnité de procédure de 5 000 euros sur le fondement des dispositions issues de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Vu les conclusions de M. [S] et de la Mutuelle des motards, notifiées le 1er juillet 2021, aux termes desquelles, ils demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la société Groupama à indemniser M. [S] de l'intégralité de ses préjudices en suite de l'accident du 15 avril 2017

- alloué la somme de 576,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- alloué la somme de 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- reformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- alloué à M. [S] la somme de 144 euros au titre de la tierce personne temporaire

- alloué à M. [S] la somme de 3 500 euros au titre des souffrances endurées

- alloué la somme de 2 350 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

- rejeté la demande au titre du préjudice d'agrément,

et statuant à nouveau

- condamner in solidum la société Groupama et M. [J] à payer à M. [S] en indemnisation de ses préjudices les sommes suivantes :

- tierce personne temporaire : 162 euros

- souffrances endurées : 6 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 2 540 euros

- préjudice d'agrément : 3 000 euros,

- condamner in solidum la société Groupama et M. [J] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de M. [S],

- condamner in solidum la société Groupama et M. [J] au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de la Mutuelle des motards,

- dire que l'arrêt à intervenir sera déclaré opposable au FGAO.

Vu les conclusions du FGAO notifiées le 7 avril 2022, aux termes desquelles, il demande à la cour de :

Vu les articles L 421-1 et R 421-5 du code des assurances,

- juger la société Groupama mal fondée en son appel et la débouter de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- condamner la société Groupama à payer au FGAO la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Groupama en tous les dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rappeler en tout état de cause que le FGAO ne peut être condamné à quelque titre que ce soit, conformément aux dispositions de l'article R.421-15 du code des assurances, la décision ne pouvant que lui être déclarée opposable.

La CPAM et M. [J], auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée par actes d'huissier de justice en date du 9 mars 2021 et du 12 mars 2021, délivré pour la CPAM à personne habilitée et transformé en procès verbal de rercherches infructueuses en application de l'article 659 du code de procédure civile pour M. [J], n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes dirigées contre la société Groupama

Le tribunal a relevé que la société Groupama avait contesté être l'assureur du véhicule conduit par M. [J], par lettre recommandée avec avis de réception du 5 mars 2018 alors qu'elle avait été informée de ce que sa garantie était mobilisée par sa mise en cause dans l'instance pénale engagée contre celui-ci, par lettre recommandée du 21 août 2017 de M. [S] partie civile, et a considéré qu'elle n'avait pas respecté les dispositions de l'article R. 421-5 du code des assurances imposant une notification 'sans délai' au FGAO et à la victime de la contestation relative à l'existence du contrat d'assurance, de sorte que l'exception de non garantie leur était inopposable et que la société Groupama devait réparer l'entier préjudice corporel de M. [S].

La société Groupama répond que le non respect de l'obligation d'avertir le FGAO 'sans délai' de l'exception de non garantie, prévue par l'article R. 421-5 du code des assurances, ne lui est pas opposable dès lors qu'il n'a pas été porté atteinte aux intérêts du FGAO qui a été informé dès le 5 mars 2018 de cette exception de non garantie et n'a pas émis de contestation dans le délai de trois mois qui lui était imparti pour le faire, conformément à l'article R. 421-6 du code des assurances.

Elle poursuit en indiquant que si le courrier de non assurance a été notifié par son avocat et non par elle-même, cet avocat avait un mandat ad litem dans le cadre de l'instance pénale qui était en cours, et disposait du pouvoir d'accomplir en son nom les actes de la procédure.

Elle soutient que les dispositions de l'article L. 211-20 du code des assurances ne sont pas applicables dans la mesure où ce texte suppose qu'une garantie d'assurance soit effective ce qui n'était pas le cas en l'espèce, puisqu'aucun contrat d'assurances n'a jamais été conclu entre elle-même et M. [J] qui a été reconnu coupable de faux et d'usage de faux pour avoir falsifié l'attestation d'assurance automobile.

Elle précise enfin que le principe de subsidiarité de l'intervention du FGAO implique que la Mutuelle des motards, seul assureur de l'un des véhicules impliqués, doive réparer l'entier préjudice subi par M. [S], que si la garantie de cet assureur n'était pas mobilisable, le FGAO devrait indemniser M. [S] et qu'à défaut, seul M. [J] serait tenu à réparation.

M. [S] et la Mutuelle des motards, d'une part et le FGAO, d'autre part, ce dernier concluant à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, font valoir que les dispositions de l'article R. 421-5 du code des assurances doivent être respectées même lorsque le contrat d'assurance est argué de faux, que la lettre du 5 mars 2018 par laquelle la société Groupama a informé M. [S] de sa position de non assurance était tardive au regard de l'obligation d'informer 'sans délai' la victime et le FGAO, et que cette obligation pesait sur la société Groupama elle-même qui avait conservé sa capacité d'agir et non sur son avocat, même disposant d'un mandat ad litem.

Ils ajoutent que l'irrecevabilité encourue n'est pas subordonnée à la justification d'un grief.

Ils précisent enfin que la Mutuelle des motards qui ne peut être tenue d'indemniser son propre assuré doit être condamnée à réparer le préjudice de M. [S] pour le compte de qui il appartiendra, en application de l'article L. 211-20 du code des assurances.

Le FGAO fait valoir en outre que si en vertu de l'article R. 421-6 du code des assurances il doit dénoncer dans le délai de trois mois à l'assureur, qu'il entend contester le bien-fondé de l'une des exceptions mentionnées à l'article R. 421-5 du code des assurances, c'est à la condition que les formalités prévues par ce dernier article aient été respectées, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, de sorte que les dispositions de l'article R. 421-6 du code des assurances ne lui sont pas opposables ; il précise qu'au surplus il a fait connaître sa position à la société Groupama par le biais de ses conclusions devant le juge des référés du 13 septembre 2018.

Il avance enfin qu'en présence d'un auteur connu il ne peut être condamné à quelque titre que ce soit.

***

Sur ce, selon l'article R. 421-5 alinéa 2 du code des assurances 'Si l'assureur entend contester l'existence du contrat d'assurance, nonobstant la présentation par le responsable de l'accident du document justificatif mentionné à l'article R. 211-15, il doit, d'une part, le déclarer sans délai au fonds de garantie par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique avec demande d'avis de réception et, d'autre part, en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droit'.

Ces dispositions s'appliquent même lorsque l'attestation afférente au véhicule impliqué est arguée de faux ou que sa régularité est contestée et cette application n'est pas subordonnée à la démonstration d'un grief.

En l'espèce, il ressort de l'enquête de police et du jugement rendu le 30 juin 2021 par le tribunal correctionnel de Bobigny que M. [J] à la suite de l'accident de la circulation du 15 avril 2017 a présenté une attestation d'assurance et un certificat d'assurances mentionnant faussement que le véhicule qu'il conduisait était assuré par la société Groupama.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 août 2017, parvenue le 23 août 2017, le conseil de M. [S] a appelé la société Groupama à l'instance pénale engagée contre M. [J] ; celle-ci a eu connaissance à cette date, du numéro du contrat d'assurance et du nom de l'assuré, de sorte qu'elle était en mesure de vérifier l'existence d'un contrat d'assurance la liant à M. [J].

Par lettre en date du 5 mars 2018, le conseil de la société Groupama a informé le FGAO, M. [S] et la Mutuelle des motards, de ce que la société Groupama entendait soulever sur le fondement de l'article R. 421-5 alinéa 2 du code des assurances la non assurance, la carte verte étant un faux.

Il ressort de ces éléments que la société Groupama, informée dès le 21 août 2017 de ce que M. [S] entendait se prévaloir de la garantie mentionnée sur l'attestation d'assurance présentée par M. [J], n'a pas notifié à M. [S] et au FGAO 'sans délai' qu'elle entendait contester l'existence du contrat d'assurance.

La société Groupama qui n'a pas respecté les dispositions de l'article R. 421-5 alinéa 2 précitées du code des assurances, n'est donc pas fondée à opposer que le FGAO n'aurait pas respecté celles de l'article R. 421-6 du code des assurances lui imposant d'informer dans le délai de trois mois l'assureur et la victime de ce qu'il entendait contester l'une des exceptions mentionnées à l'article R. 421-5 du code des assurances ou qu'il n'était pas en mesure de prendre une décision définitive à ce sujet.

L'exception tirée de l'inexistence du contrat d'assurance est ainsi inopposable à la victime et au FGAO.

En application de l'article L. 421-1 du code des assurances dont il résulte que le FGAO n'est tenu d'indemniser la victime d'un accident de la circulation que dans la mesure où cette indemnisation n'incombe à aucune autre personne ou à aucun autre organisme, le FGAO n'est donc pas tenu d'indemniser M. [S] de son préjudice corporel.

Par ailleurs la Mutuelle des motards, assureur du véhicule que conduisait M.[S] dans le cadre d'une assurance de responsabilité à l'égard des dommages subis par les tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, ne peut être tenue d'indemniser son propre assuré des conséquences dommageables de l'accident survenu le 15 avril 2017 dans lequel était impliqué le véhicule terrestre à moteur conduit par M. [J].

Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que la société Groupama doit être condamnée, in solidum avec M. [J], à réparer l'entier préjudice subi par M. [S] à la suite de l'accident survenu le 15 avril 2017 et que le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur le préjudice corporel de M. [S]

La société Groupama n'a pas formulé d'observations sur le préjudice corporel de M. [S].

M. [S] et la Mutuelle des motards demandent à la cour d'infirmer le jugement sur l'assistance par tierce personne, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent et le préjudice d'agrément.

Sur ce, l'expert, le Docteur [T] a indiqué dans son rapport en date du 1er mars 2019 que M. [S] a présenté à la suite de l'accident du 15 avril 2017 une tendinite cervicale et une tendinite dorsale et qu'il conserve comme séquelles une aggravation douloureuse du rachis cervical sur un état antérieur de cervicarthrose évoluée en C5/C6.

Il a conclu ainsi qu'il suit :

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 15 avril 2017 au 15 mai 2017, et de 10 % du 16 mai 2017 jusqu'à la consolidation

- assistance temporaire par tierce personne de 3 heures par semaine du 15 avril 2017 au 15 mai 2017

- consolidation au 15 octobre 2017

- souffrances endurées de 2,5/7

- préjudice esthétique temporaire de 1,5/7 du 15 avril 2017 au 15 mai 2017 en rapport avec le port du collier cervical et les hématomes de la cuisse droite

- déficit fonctionnel permanent de 2 %

- assistance permanente par tierce personne : aucune

- soins futurs : séances de kinésithérapie du rachis cervical jusqu'à fin mars 2018

- incidence professionnelle : aucune

- préjudice esthétique permanent : aucun

- préjudice d'agrément : aucun

- préjudice sexuel : aucun.

Ce rapport d'expertise constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par M. [S] à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 1] 1958, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

- Sur l'assistance temporaire de tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

La nécessité de la présence auprès de M. [S] d'une tierce personne résulte des lésions consécutives à l'accident l'empêchant, ainsi que relevé par l'expert, de porter les charges lourdes et de faire le ménage.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise, non médicalisée et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 18 euros, ainsi que demandé par M. [S].

L'indemnité de tierce personne s'établit à 231,66 euros (3 heures x 4,29 semaines x 18 euros) ramenés à 162 euros pour rester dans les limites de la demande.

Le jugement est infirmé.

- Sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation. Cette incapacité fonctionnelle totale ou partielle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il a été justement réparé sur la base de 25 euros par jour pour un déficit total, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle, soit :

- 193,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % de 31 jours

- 382,50 au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % de 153 jours

- total : 576,25 euros.

Le jugement est confirmé.

- Sur les souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation

En l'espèce, il convient de prendre en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des examens et soins, notamment de rééducation ; évalué à 2,5/7 par l'expert, ce chef de préjudice justifie l'octroi d'une indemnité de 5 000 euros.

Le jugement est infirmé.

- Sur le préjudice esthétique temporaire

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Qualifié de 1,5/7 durant un mois au titre du port du collier cervical et des hématomes sur la cuisse droite, il doit être indemnisé à hauteur de 1 500 euros.

Le jugement est infirmé.

- Sur le déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par une aggravation douloureuse du rachis cervical sur un état antérieur de cervicarthrose évoluée en C5/C6, conduisant à un taux de 2 % et justifiant compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence l'indemnité de 2 350 euros allouée par le premier juge pour un homme âgé de 59 ans à la consolidation.

Le jugement est confirmé.

- Préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

L'expert n'a pas retenu de préjudice d'agrément en lien avec l'accident du 15 avril 2017 ; néanmoins, celui-ci a entraîné une aggravation douloureuse du rachis cervical et M. [S] justifie non seulement de la pratique antérieure régulière de la moto avant l'accident mais également de la limitation de celle-ci après les faits, par l'attestation de son épouse qui présente toute garantie de crédibilité ; il convient d'allouer à M. [S] à ce titre une indemnité de 2 000 euros.

Le jugement est infirmé.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt opposable au FGAO qui est en la cause et qui n'est pas tenu de réparer le préjudice de M. [S].

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

M. [J] et la société Groupama qui succombent supporteront la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [S] et la Mutuelle des motards une indemnité globale de 3 000 euros et au FGAO une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter la demande de la société Groupama formulée au même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt, rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement,

hormis sur l'indemnisation des postes du préjudice corporel de M. [H] [S] correspondant à l'assistance temporaire par tierce personne, aux souffrances endurées, au préjudice esthétique temporaire et au préjudice d'agrément,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne in solidum M. [V] [J] et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire à payer à M. [H] [S] les indemnités suivantes, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, au titre des postes ci-après de son préjudice corporel:

- 162 euros au titre de l'assistance temporaire par tierce personne

- 5 000 euros au titre des souffrances endurées

- 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

- 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- Condamne in solidum M. [V] [J] et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire à verser à M. [H] [S] et la société Assurances mutuelle des motards la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum M. [V] [J] et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire à verser au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés,

- Condamne in solidum M. [V] [J] et la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val-de-Loire aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/00802
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.00802 ?
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