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23/06/2022 | FRANCE | N°20/16443

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 23 juin 2022, 20/16443


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 23 JUIN 2022



(n° /2022 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16443

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUXZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2020 - TJ de BOBIGNY - RG n°17/01771



APPELANTES



S.C. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 3]

[Localité 8]

re

présentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant Me Hélène BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque A420


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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 23 JUIN 2022

(n° /2022 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16443

N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUXZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2020 - TJ de BOBIGNY - RG n°17/01771

APPELANTES

S.C. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant Me Hélène BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque A420

S.A. MMA IARD

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant Me Hélène BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque A420

INTIMEES

Madame [M] [W] épouse [C]

[Adresse 5]

[Localité 10]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 15] (France)

représentée par Me Yves HUDINA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1601

EPIC SNCF MOBILITES

[Adresse 12]

[Localité 13]

N'a pas constitué

S.A. SNCF GARES & CONNEXIONS

[Adresse 4]

[Localité 9]/FRANCE

représentée par Me François-Régis CALANDREAU de la SCP CALANDREAU, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 91

S.A.S. COPAS SYSTEMES

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240

ayant pour avocat plaidant Me Catherine GALVEZ, avocat au barreau de VERSAILLES

Organisme MFP SERVICES

[Adresse 6]

[Localité 11]

N'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été signé par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Exposant avoir été victime le 10 mars 2016 d'un accident survenu à l'entrée de la gare de [Localité 16]-[Localité 17] (83), la porte automatique permettant d'accéder à cette gare s'étant, selon elle, refermée sur son passage, Mme [M] [W] épouse [C] a, par actes d'huissiers de justice du 1er et 2 février 2017, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bobigny, la Société nationale des chemins de fer français (la SNCF), la société Copas systèmes (la société Copas) chargée de la maintenance de la porte litigieuse, l'assureur de cette dernière, la société MMA assurances mutuelles (la société MMA) et la mutuelle MFP services, tiers payeur, afin d'obtenir la mise en oeuvre d'une expertise médicale et l'allocation d'une provision.

Par acte d'huissier du 18 avril 2018, l'EPIC SNCF Mobilités, venant aux droits de la SNCF, a fait assigner en garantie la société Copas.

La société SNCF gares et connexions est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 22 septembre 2020, la tribunal judiciaire de Bobigny a :

- retenu la responsabilité de la société SNCF gares et connexions dans le dommage «survenu à» Mme [C] en gare de [Localité 16]-[Localité 17] le 10 mars 2016,

- retenu la responsabilité de la société Copas, assurée par la société MMA, qui devra garantir la société SNCF gares et connexions,

- alloué à Mme [C] une provision de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation future de son préjudice à la charge de «la SNCF Mobilités», garantie par la société Copas, assurée par la société MMA,

- ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [P] [F], avec mission d'usage,

- réservé les demandes, y compris celles en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclarations du 13 novembre 2020 et du 27 novembre 2020, la société MMA IARD assurances mutuelles et la société MMA IARD SA, d'une part, et la société Copas, d'autre part, ont relevé appel de cette décision en critiquant chacune de ses dispositions.

Les procédures ont été jointes.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de «la compagnie mutuelle du Mans assurances», notifiées le 25 juin 2021, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

Vu les articles 1382 (1240 nouveau) et 1147 du code civil,

- prononcer la nullité de l'appel de Mme [C] comme non motivé, cette dernière ne prenant même pas la peine d'indiquer à la cour les points sur lesquels il lui est demandé d'infirmer le jugement de première instance,

- faire droit à l'appel présenté par la société Copas visant à voir infirmer la décision critiquée ainsi qu'à la demande de la société SNCF gares et connexions de voir réformer le jugement critiqué,

sur l'appel de la concluante,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 22 septembre 2020 en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Copas comme élément causal dans la chute dont a été victime Mme [C] et l'a condamnée à garantir la société SNCF gares et connexions des conséquences de sa chute,

- juger qu'il n'a pas été prouvé que Mme [C] ait été heurtée par la porte coulissante ni que ce heurt ait été à l'origine de sa chute,

- juger qu'il n'a pas été apporté la preuve d'une faute d'entretien curatif ou préventif de la porte coulissante de la part de la société Copas,

- juger que n'est pas apportée la preuve d'un lien de cause à effet entre un éventuel dysfonctionnement de la porte et la chute qu'elle a faite,

- juger qu'il n'est pas apporté la preuve d'un dysfonctionnement de la porte imputable à la société Copas en relation de causalité directe avec la chute faite par la victime,

- infirmer en conséquence le jugement et mettre la société Copas hors de cause,

- par voie de conséquence mettre son assureur hors de cause,

- ordonner la restitution des 5 000 euros versés à titre de provision,

en tout état de cause,

- refuser que cette provision soit fixée à 8 000 euros,

- débouter Mme [C] de sa demande sur ce point,

pour ce qui est de l'expertise,

- juger que Mme [C] ne peut former cette demande devant la cour dans la mesure où le docteur [F] a été désigné en première instance et que cette désignation n'a pas fait l'objet d'un appel,

- juger qu'elle ne peut que demander la confirmation du jugement,

en tout état de cause,

- donner acte à la concluante de ses protestations et réserves d'usage sur cette demande,

- condamner toutes parties succombant au versement de la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner toutes parties succombant aux entiers dépens, sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de Mme [C], notifiées le 2 août 2021, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

Vu l'article 1242 alinéa 1 du code civil,

- recevoir Mme [C] en ses conclusions et son appel incident et l'y déclarer bien fondée,

- dire la société SNCF gare et connexions responsable de l'accident dont a été victime Mme [C] le 10 mars 2016 et dire qu'elle doit en réparer les conséquences dommageables,

- déclarer mal fondées en leur appel la société MMA, la société Copas et les débouter de leurs demandes,

en conséquence,

avant-dire droit sur la réparation des préjudices,

- désigner tel expert médical qu'il plaira à la cour avec la mission habituelle pour procéder à l'examen médico-légal de Mme [C] et déterminer l'ensemble des séquelles résultant de l'accident dont elle a été victime le 10 mars 2016,

- condamner la société SNCF gare et connexions à verser à Mme [C] une somme de 8 000 euros à valoir à titre de provision sur la réparation de l'ensemble de ses préjudices,

- dire l'arrêt à intervenir opposable à la «société MFP»,

- condamner toute partie succombant à verser à Mme [C] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner toute partie succombant aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Yves Hudina, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société SNCF gares et connexions, notifiées le 30 avril 2021, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

Vu l'article 1242 du code civil,

Vu l'article 1103 du code civil,

Vu l'article 334 du code de procédure civile,

Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement rendu le 22 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a :

- retenu la responsabilité de la société SNCF gares et connexions dans le dommage survenu à Mme [C] en gare de [Localité 16]-[Localité 17] le 10 mars 2016,

- alloué à Mme [C] une provision de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation future de son préjudice à la charge de «la SNCF Mobilités», garantie par la société Copas, assurée par la société MMA,

- ordonné une expertise médicale confiée au docteur [P] [F]

- réservé les demandes y compris celles en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire,

en conséquence, et statuant à nouveau, sur la responsabilité de la société SNCF gare et connexions,

à titre principal,

- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- exonérer partiellement la société SNCF gare et connexions de sa responsabilité à hauteur de 95 %,

- juger que la société Copas et son assureur la société MMA garantiront in solidum la société SNCF gare et connexions de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

en tout état de cause,

- prendre acte des protestations et réserves formulées par la société SNCF gare et connexions à l'égard de la demande d'expertise,

- juger qu'en cas d'expertise, celle-ci sera effectuée aux frais avancés de Mme [C],

- condamner Mme [C] en tous les dépens de la présente instance, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner Mme [C] à payer à la société SNCF gare et connexions une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société Copas, notifiées le 10 juin 2021, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

Vu l'article 1242, aliéna 1er, du code civil,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 22 septembre 2020 du tribunal judiciaire de Bobigny,

statuant à nouveau,

- rejeter la demande de Mme [C],

- rejeter l'appel en garantie de l'EPIC SNCF Mobilités aux droits duquel vient la société SNCF gares et connexions,

- mettre hors de cause la société Copas,

- condamner solidairement toutes les parties succombant à verser à la société Copas une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction au titre de l'article 699 du code de procédure civile.

La mutuelle MFP services, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier de justice en date du 9 février 2021 à personne habilitée n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler à titre liminaire que la loi n°2018-515 pour un nouveau pacte ferroviaire du 27 juin 2018 et l'ordonnance n°2019-552 du 3 juin 2019, ont entraîné à compter du 1er janvier 2020, la transformation des trois anciens établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), SNCF, SNCF Mobilités et SNCF Réseau en cinq sociétés anonymes, à savoir la société SNCF, la société SNCF réseau, la société SNCF gares et connexions, la société Fret SNCF et la société SNCF voyageurs.

En application de l'article 18. I. 2° a) de l'ordonnance du 3 juin 2019 et de l'article 3 de l'annexe du décret n° 2019-1588 du 31 décembre 2019, la société SNCF gares et connexions se voit désormais confier la mission 'd'assurer la gestion unifiée des gares de voyageurs'.

Et l'arrêté du 17 décembre 2019 a approuvé le périmètre des biens, droits et obligations transférés en application de l'article 18. I. 2° a) de l'EPIC SNCF Mobilités à la société SNCF gares et connexions.

Il en résulte que la société SNCF gares et connexions vient aux droits de l'ancien EPIC SNCF Mobilités pour la gestion des gares ainsi que l'ont justement rappelé les premiers juges.

Sur la recevabilité de l'appel incident de Mme [C]

La société MMA soutient qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, il appartient à l'appelant principal comme à l'appelant incident d'expliquer à la cour sur quel point il demande l'infirmation ou la réformation du jugement critiqué.

Relevant que Mme [C] n'a pas satisfait à cette exigence dans ses conclusions d'appel incident par lesquelles elle se borne à reprendre les prétentions formulées en première instances, elle en déduit que son appel est «nul et irrecevable».

Sur ce, aux termes de l'article 914 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable au litige « Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions spécialement adressées à ce magistrat, tendant à (...) - déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel (...) Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ».

Il en résulte que faute d'avoir été soumise par des conclusions spécialement dédiées au conseiller de la mise en état qui avait seul compétence pour en connaître, l'exception tirée de l'irrecevabilité de l'appel incident de Mme [C] soulevée par la société MMA devant la cour n'est pas recevable.

Sur la responsabilité de la société SNCF gares et connexions

A l'appui de ses prétentions fondées sur les dispositions de l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil, Mme [C] fait valoir que lorsque la chose en mouvement entre en contact avec le siège du dommage, elle est présumée en être la cause génératrice.

Elle estime qu'il résulte du rapport d'intervention des sapeurs pompiers, de ses propres déclarations, de l'attestation établie par son époux décrivant les circonstances de l'accident, de celle de M. [O], responsable de secteur, de la demande d'intervention d'un technicien et de la nature des lésions constatées, que les portes automatiques de la gare se sont refermées sur son passage et l'ont heurtée au niveau de la hanche, provoquant sa chute.

Elle en déduit que ces portes automatiques en mouvement ont été l'instrument de son dommage et que la société SNCF gares et connexions, gardienne de ces portes, ne peut s'exonérer de la responsabilité qu'elle encourt qu'en rapportant la preuve d'une faute de la victime ou du fait d'un tiers revêtant les caractères de la force majeure, ce dont elle ne justifie pas en l'espèce.

La société SNCF gares et connexions soutient que la matérialité des faits invoqués par Mme [C] n'est pas établie, que M. [O] n'a pas été témoin de l'accident, que l'attestation établie par l'époux de la victime n'est corroborée par aucun autre élément de preuve, le rapport d'intervention des sapeurs pompiers et le rapport du centre hospitalier ne faisant que reprendre les déclarations de la victime.

Elle ajoute que ces portes automatiques ont fait l'objet d'une vérification par un agent SNCF le jour des faits et le lendemain par un représentant de la société Copas et qu'aucun dysfonctionnement n'a été constaté.

Elle soutient par ailleurs que les portes automatiques de la gare doivent être considérées comme des choses inertes, de sorte qu'il incombe à Mme [C] de prouver qu'elles présentaient une anormalité dans leur structure, leur fonctionnement, leur position ou leur état.

Elle fait valoir à titre subsidiaire que la faute d'inattention de Mme [C] justifie son exonération à hauteur de 95 %.

La société Copas et la société MMA soutiennent de la même manière qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir la cause réelle de la chute de Mme [C], d'autant qu'est rapportée la preuve du fonctionnement normal de la porte litigieuse.

Sur ce, il résulte des dispositions de l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil, que dès lors qu'une chose en mouvement est entrée en contact avec le siège du dommage, elle est présumée en être la cause génératrice, le gardien ne pouvant s'exonérer totalement de la responsabilité de plein droit qu'il encourt qu'en justifiant d'une cause étrangère, du fait d'un tiers ou d'une faute de la victime revêtant les caractères de la force majeure et partiellement en démontrant l'existence d'une faute de la victime, même simple, ayant concouru à la réalisation du dommage.

Par ailleurs, la preuve de l'intervention matérielle d' une chose en mouvement peut être rapportée par tous moyens, y compris par présomptions, s'agissant d'un fait juridique.

Dans le cas de l'espèce, il résulte de l'attestation d'intervention des sapeurs pompiers du Var établie le 22 juillet 2016 que le personnel du centre d'incendie et de secours est intervenu le 10 mars 2016 à 14 h 19 pour une personne blessée à la gare de [Localité 17] et qu'il a pris en charge Mme [C] qui présentait un trauma à la cuisse et a été évacuée vers le centre hospitalier [14].

M. [T] [C] a établi le 7 juin 2016 une attestation dans laquelle il décrit précisément les circonstances de l'accident dont a été victime son épouse le 10 mars 2016.

Il indique ainsi dans cette attestation conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et qui présente des garanties suffisantes de crédibilité : «Je suivais mon épouse sur le trottoir (trottoir de gauche lorsque l'on fait face à l'entrée de la gare) lorsqu'elle est entrée par la porte principale de la gare de [Localité 17]. Les deux battants étaient immobiles et la porte ouverte lorsqu'elle est entrée. Cette porte s'est refermée sur elle avec une violence inouïe la projetant violemment sur le trottoir. Le chef de gare SNCF en entendant des cris s'est précipité, a constaté et nous a dit qu'il allait appeler les pompiers. Il a également fait venir un agent SNCF ainsi qu'un technicien pour faire examiner cette porte en verre automatique à deux battants (et peut-être la régler). Mon épouse était alors étendue devant l'entrée. Il a fait chercher un fauteuil roulant et lui-même ou son agent (là je ne me souviens pas bien) m'a aidé à la porter dans ce fauteuil. Les pompiers appelés ont transporté sur une civière mon épouse, que l'on pouvait à peine bouger à cause de la douleur, aux urgences de l'hôpital de [Localité 16]».

Cette attestation claire, précise et circonstanciée vient corroborer les déclarations de Mme [C] qui a, dans les suites immédiates de l'accident, indiqué à un agent SNCF avoir été heurtée par les portes automatiques à l'entrée de la gare, ainsi qu'il résulte de l'attestation de M. [O], responsable de secteur de l'agence nationale des accidents de personnes, et donné les mêmes explications lors de son arrivée aux urgences ainsi qu'il ressort du «résumé de passage» rédigé par le Docteur [J], médecin du centre hospitalier intercommunal de [Localité 16]-[Localité 17] qui mentionne que Mme [C] s'est présentée aux urgences le 10 mars 2016 à 15h18 avec les sapeurs pompiers pour «trauma de la hanche et de la cuisse droite après avoir eu un choc avec des portes automatiques».

Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats qu'un agent SNCF a dans les suites de l'accident sollicité le 10 mars 2016 à 14h25 l'intervention d'un technicien de la société Copas, chargée de la maintenance des portes automatiques, le motif de la demande mentionné dans le carnet de suivi étant : «Accident de personne».

Il résulte de ces éléments des indices graves, précis et concordants permettant d'établir que les portes automatiques de la gare de [Localité 16]-[Localité 17], alors en mouvement, se sont refermées de manière intempestive sur Mme [C] en la projetant au sol, et ont ainsi été l'instrument de son dommage, nonobstant le fait que le technicien de la société Copas, intervenu le 11 mars 2016 n'a pas identifié de problème de fonctionnement de l'appareil lors du contrôle qu'il a opéré.

La société SNCF gares et connexions, venant aux droits de l'ancien EPIC SNCF Mobilités ne contestant pas sa qualité de gardien des portes automatiques litigieuses, il convient de retenir que sa responsabilité est engagée en application de l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil.

La société SNCF gares et connexions, sur laquelle repose la charge de la preuve, n'établit aucune faute imputable à Mme [C] susceptible de l'exonérer partiellement de la responsabilité qu'elle encourt, une telle faute ne ressortant ni de l'attestation de M. [O] qui n'évoque aucune négligence ou inattention de la victime ni de la circonstance que le technicien de la société Copas intervenu le lendemain de l'accident n'a pas identifié de dysfonctionnement de la porte litigieuse.

Il convient, dans ces conditions, de confirmer le jugement qui a retenu la responsabilité de la société SNCF gares et connexions.

Sur la garantie de la société Copas et de son assureur la société MMA

La société SNCF gares et connexions sollicite, à titre subsidiaire, la condamnation de la société Copas, chargée de la maintenance des portes automatiques et de son assureur, la société MMA, à la garantie de toute condamnation prononcée à son encontre.

La société Copas et la société MMA objectent qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de la première dans l'exécution de ses obligations contractuelles relatives à la maintenance préventive et curative des portes automatiques, alors que la société Copas s'est déplacée le 11 mars 2016 et qu'aucun dysfonctionnement structurel n'a été constaté.

Sur ce, il résulte des pièces versées aux débats que suivant contrat en date du 1er janvier 2013, renouvelé par avenant du 7 mars 2016, la SNCF, aux droits de laquelle se trouve la société SNCF gares et connexions a confié à la société Copas la maintenance préventive et curative des portes automatiques et fermetures diverses sur le périmètre du «lot 2 Côte d'Azur», dont il n'est pas contesté qu'il inclut la gare de [Localité 16]-[Localité 17].

Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 dont les dispositions ne sont entrées en vigueur que le 1er octobre 2016, que l'entreprise chargée de la maintenance d'une porte automatique d'accès à une gare est tenue d'une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de l'appareil.

La cour ayant retenu par les motifs qui précèdent que les portes automatiques de la gare de [Localité 16]-[Localité 17] s'étaient refermées de manière intempestive au passage de Mme [C] en la projetant au sol, il en résulte que la société Copas qui ne justifie pas que ce mauvais fonctionnement est dû à une cause étrangère à l'appareil, a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société SNCF gares et connexions.

La société SNCF gares et connexions est ainsi fondée à être garantie intégralement par la société Copas et son assureur de responsabilité, la société MMA, des condamnations prononcées à son encontre au titre de la réparation des conséquences dommageables de l'accident subi par Mme [C] le 10 mars 2016.

Le jugement sera confirmé.

Sur les demandes d'expertise et de provision

Mme [C] demande à la cour dans le dispositif de ses conclusions de procéder à la désignation d'un expert médical avec mission habituelle et de condamner la société SNCF gare et connexions à lui verser une somme provisionnelle de 8 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices.

Il résulte des pièces médicales versées aux débats, notamment du certificat de constatation de blessures en date du 10 mars 2016, du «résumé de passage» établi le même jour, décrivant le parcours de soins de Mme [C] dans le service des urgences du centre hospitalier intercommunal de [Localité 16]-[Localité 17] que Mme [C] a présenté un trauma de la hanche et de la cuisse droite et qu'une fracture du col fémoral droit a été diagnostiquée.

Ces éléments justifient la mesure d'expertise médicale ordonnée par les premiers juges sans qu'il y ait lieu de procéder à la désignation d'un autre expert ni de modifier la mission assignée au docteur [F], commis par le tribunal.

Par ailleurs, compte tenu de la nature des blessures constatées, il convient de confirmer la décision des premiers juges qui ont alloué à Mme [C] une provision d'un montant de 5 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices.

Le jugement sera confirmé.

Sur les demandes annexes

Il n'y pas lieu de déclarer le présent arrêt commun à la mutuelle MFP services qui est en la cause.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société SNCF gares et connexions, la société Copas et la société MMA qui succombent partiellement dans leurs prétentions supporteront la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à Mme [C], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter les demandes des sociétés SNCF gares et connexions, Copas et MMA formulées au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Déboute Mme [M] [W] épouse [C] de ses demandes de désignation d'un nouvel expert médical et de provision complémentaire,

- Condamne la société SNCF gares et connexions, sous la garantie de la société Copas systèmes et de la société MMA assurances mutuelles, à payer à Mme [M] [W] épouse [C], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

- Rejette les demandes des sociétés SNCF gares et connexions, Copas systèmes et MMA assurances mutuelles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum la société SNCF gares et connexions, la société Copas systèmes et la société MMA assurances mutuelles aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/16443
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;20.16443 ?
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