République française
Au nom du Peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - B
ARRET DU 23 Juin 2022
(n° 116 , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/00361 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBC46
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Août 2019 par le tribunal judiciaire de Paris RG n° 11-18-214988
APPELANTE
EPIC [Localité 11] HABITAT - OPH
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMEES
Madame [I] [H] (débitrice)
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 6]
comparante en personne, assistée de Me Nathalie ALLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0271
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro du 23/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
CAF DE [Localité 11] (7781008 INN; 778 1008 D15)
[Adresse 1]
[Localité 7]
non comparante
DIRECT ENERGIE (0103626828)
POLE SOLIDARITE
[Adresse 12]
[Localité 8]
non comparante
ENGIE CHEZ INTRUM JUSTITIA (8079014170)
POLE SURENDETTEMENT
[Adresse 10]
[Localité 4]
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence ARBELLOT conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Christophe BACONNIER, président
Mme Laurence ARBELLOT, conseillère
Mme Fabienne TROUILLER, conseillère
Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats
ARRET :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, président et par Mme Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [I] [H] a saisi la commission de surendettement des particuliers de [Localité 11] qui a, le 14 juin 2018, déclaré sa demande recevable.
Le 20 août 2018, la commission a préconisé une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au bénéfice de Mme [H].
Cette recommandation a été notifiée le 23 août 2018 à la société [Localité 11] Habitat OPH, qui l'a contestée le 7 septembre 2018 en invoquant la mauvaise foi de la débitrice qui n'aurait effectué aucun versement au titre de loyer depuis le mois de novembre 2017 et qui hébergerait sa fille rémunérée à hauteur de 1 500 euros par mois.
Par jugement réputé contradictoire du 26 août 2019, le tribunal d'instance de Paris a :
- déclaré recevable le recours de la société [Localité 11] Habitat OPH,
- constaté que les conditions de recevabilité de la demande étaient réunies au regard de la bonne foi ainsi que de l'impossibilité à faire face à l'ensemble de ses dettes exigibles ou à échoir,
- constaté le caractère irrémédiablement compromis de la situation de Mme [H], ainsi que l'absence d'actif,
- prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au bénéfice de l'intéressé,
- rejeté en conséquence le recours formé par la société [Localité 11] Habitat OPH.
La juridiction a estimé que les ressources de Mme [H] s'élevaient à la somme de 1 170 euros par mois, ses charges à la somme de 1 321 euros et qu'elle ne disposait d'aucune une capacité de remboursement, ni d'aucun patrimoine permettant de désintéresser les créanciers. Le tribunal a considéré que sa bonne foi n'était pas remise en cause.
Le jugement a été notifié à la société [Localité 11] Habitat OPH le 28 août 2019.
Par déclaration adressée le 9 septembre 2019 au greffe de la cour d'appel Paris, la société [Localité 11] Habitat OPH a interjeté appel du jugement.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 17 mai 2022.
Le conseil de [Localité 11] Habitat OPH aux termes d'écritures visées par le greffier et soutenues oralement sollicite d'être déclaré recevable et bien fondé en ses demandes, de voir infirmer le jugement et statuant à nouveau, de dire et juger que Mme [H] doit être déchue du bénéfice de la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire en raison de l'absence de bonne foi.
A titre subsidiaire, il sollicite de voir réexaminer la situation de l'intéressée et d'ordonner le renvoi vers une procédure ordinaire.
Il sollicite une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre la prise en charge des dépens par l'intimée.
[Localité 11] Habitat OPH fait remarquer que l'endettement n'a fait que s'aggraver, que Mme [H] n'a pris aucune mesure permettant de limiter cette aggravation puisqu'elle n'a plus réglé les loyers dus à son bailleur depuis le mois de novembre 2017 et que la dette locative relative à son ancien logement a augmenté pour atteindre 14 943,71 euros au mois d'octobre 2020. Il ajoute qu'une nouvelle dette locative est apparue au titre du nouveau logement occupé au [Adresse 9] à hauteur de 2 279,04 euros au 14 décembre 2021. Il indique que Mme [H] est en situation d'impayés de manière récurrente depuis de nombreuses années et en dépit des mécanismes mis en 'uvre pour l'aider (FSL notamment) et qu'il s'agit du quatrième dossier de surendettement depuis 2012.
Il doute de sa bonne foi faisant observer qu'elle a été relogée dans un T3 au loyer de 382 euros en ne précisant pas si elle vivait avec sa fille alors qu'elle devrait s'orienter vers un logement de type T1 ou T2 mieux adapté à sa situation. Il estime que c'est de manière infondée que le tribunal a jugé qu'elle ne disposait pas de capacité de remboursement.
Le conseil de Mme [H] aux termes d'écritures visées par le greffier et développées à l'audience sollicite de la cour de s'assurer de la recevabilité de l'appel de [Localité 11] Habitat, de débouter l'appelante de ses demandes et de confirmer le jugement querellé. Il sollicite que soit constaté la bonne foi de Mme [H], de voir déclaré sa demande de surendettement recevable et de dire et juger sa situation irrémédiablement compromise avec le prononcé d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Il fait valoir que la dette vis à vis d'EDF est en voie de règlement. Il précise que Mme [H] est âgée de 51 ans, sans activité depuis 2016 sauf un emploi précaire en 2020 et qu'elle ne dispose d'aucune perspective de reclassement. Il ajoute qu'elle a été relogée dans 41 mètres carrés et qu'elle n'héberge pas sa fille de sorte qu'il ne faut pas prendre en compte la somme de 400 euros versée par sa fille comme l'a fait le premier juge. Il ajoute que les ressources de l'intéressée ont diminué, qu'il y a une différence de loyer de 100 euros et que les factures d'énergie sont élevées car le logement est mal isolé.
Les autres créanciers n'ont pas comparu.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes.
Sur la recevabilité de l'appel
En application des articles R.713-7 du code de la consommation et 932 du code de procédure civile, l'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire adresse par pli recommandé au greffe de la cour dans les quinze jours de la notification du jugement. La date de notification est celle de la signature de l'avis de réception. La notification mentionne les voies et délais de recours.
En l'espèce, il résulte du dossier que le courrier de notification du jugement a été réceptionné par [Localité 11] Habitat OPH le 28 août 2019 et que ce dernier a formé appel par déclaration adressée à la cour d'appel de Paris par pli recommandé du 9 septembre 2019.
Il en résulte que l'appel a bien été formé en les formes requises et dans le délai de quinze jours fixé par les textes susvisés de sorte qu'il doit être déclaré recevable.
Sur la recevabilité du recours
En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours.
Sur le moyen tiré de la mauvaise foi
Il résulte de l'article L.711-1 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement est subordonnée à la bonne foi du débiteur, conçue comme une absence de mauvaise foi. Il convient de rappeler que la bonne foi est présumée et qu'il appartient au créancier d'apporter la preuve de la mauvaise foi du débiteur. La simple imprudence ou imprévoyance n'est pas constitutive de mauvaise foi. De même, la négligence du débiteur ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi en l'absence de conscience de créer ou d'aggraver l'endettement en fraude des droits des créanciers. Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent de surcroît être en rapport direct avec la situation de surendettement.
Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d'endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, et tout au long du déroulement de la procédure.
En application de l'article L.761-1 du code de la consommation, la mauvaise foi procédurale est également sanctionnée en ce qu'est déchue du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement toute personne :
1° ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts,
2° ayant détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens,
3° ayant, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou ayant procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel, ou pendant l'exécution du plan ou des mesures de traitement.
En l'espèce, le premier juge a constaté que l'endettement de Mme [H] était constitué d'une dette locative fixée à hauteur de 3 296,18 euros au moment de la recevabilité du dossier puis à 8 766,08 euros, d'une créance auprès de Direct Energie à hauteur de 1 788,18 euros, d'une créance auprès d'Engie à hauteur de 5 euros, et d'une créance auprès de la Caisse d'allocations familiales pour 575,36 euros soit une somme totale de 11 134,62 euros.
Il a également constaté que Mme [H] reconnaissait ne plus avoir honoré ses loyers depuis le mois de novembre 2017 ayant formé à l'époque une demande de relogement pour un appartement plus petit n'ayant pas encore abouti.
[Localité 11] Habitat OPH justifie que la dette locative pour le logement du [Adresse 3] s'élève à la somme de 14 943,71 euros au selon relevé au 14 décembre 2021 incluant le loyer du mois d'octobre 2020 date de sortie du logement. Ce relevé atteste que la locataire a effectué des versements très sporadiques, aggravant sa dette locative depuis le moment du dépôt de son dossier de surendettement le 7 mai 2018.
[Localité 11] Habitat OPH justifie également que Mme [H] qui a été relogée au [Adresse 9] dans un appartement plus petit, n'honore que très irrégulièrement son loyer fixé à 364,63 euros sous déduction de l'aide au logement soit un reliquat mensuel à payer de 126,99 euros comprenant les charges, de sorte que la dette locative s'élève à la somme de 2 279,04 euros loyer de novembre 2021 inclus. Le fait que Mme [H] fasse état d'une mauvaise isolation du logement occupé et justifie avoir formé une nouvelle demande de relogement est inopérant alors que [Localité 11] Habitat OPH démontre avoir fait constater la conformité du logement aux normes au regard du détalonnage des portes et de la propreté des bouches de ventilation.
Mme [H] justifie percevoir une somme mensuelle comprise entre 473 et 524 euros au titre de l'ASS et 260,32 euros d'aide au logement versée directement au bailleur (attestation pôle emploi du 15 mars 2022 et du 6 avril 2022, avis d'impôt sur le revenu 2021, attestation de paiement CAF du 6 avril 2022) soit une somme ne dépassant pas 784 euros par mois. Il n'est pas démontré qu'elle vive avec sa fille ni que cette dernière lui verse une quelconque contribution aux charges de sorte qu'il n'y a pas lieu à retenir la somme de 400 euros mensuelle comme l'a fait le premier juge.
Le montant des charges fixé à 1 321 euros par mois par le premier juge n'est pas contesté au vu des pièces justificatives communiquées par Mme [H].
Au vu de ces éléments, Mme [H] ne dispose donc d'aucune capacité de remboursement ni d'aucun patrimoine susceptible de désintéresser ses créanciers et démontre faire face à de réelles difficultés financières depuis 2016, date de son licenciement, l'empêchant d'honorer sa dette locative sans que sa bonne foi ne soit remise en cause par les éléments produits aux débats.
L'ensemble de ces éléments ne permet pas dire que le comportement de Mme [H] serait à l'origine de l'aggravation de son endettement et de caractériser sa mauvaise foi de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré l'intéressée recevable au bénéfice de la procédure de surendettement.
Sur le bien-fondé de la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire
En vertu des dispositions de l'article L.724-1 du code de la consommation, le débiteur qui se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en 'uvre les mesures de traitement prévues par les articles L.732-1, L.733-1, L.733-7 et L.733-8 du même code, est éligible à la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire s'il est constaté qu'il ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle ou que l'actif est constitué de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.
Mme [H] ne communique aux débats aucun élément actualisé sur sa situation au regard de l'emploi et au regard de son état de santé alors qu'elle soutient être dans l'impossibilité de travailler. Elle ne démontre pas non plus effectuer des démarches en vue de retrouver un emploi ou de suivre une formation alors qu'elle est âgée de 56 ans.
Il s'en suit qu'il n'est pas démontré en quoi la situation de Mme [H] serait irrémédiablement compromise.
Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et de renvoyer le dossier à la commission de surendettement des particuliers de [Localité 11] afin de prendre en compte la situation de Mme [H].
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Déclare l'appel recevable,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours de [Localité 11] Habitat OPH et déclaré Mme [I] [H] recevable au bénéfice de la procédure de surendettement,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire e
Renvoie le dossier à la commission de surendettement des particuliers de [Localité 11],
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie supportera les éventuels dépens d'appel qu'elle a exposés,
Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT